Auberge de Peyrebeille

Auberge de Peyrebeille
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L'auberge de Peyrebeille

L'Auberge de Peyrebeille est située sur la commune de Lanarce en Ardèche sur un plateau balayé par la burle. Elle est plus connue sous le nom de L'Auberge rouge. Au cours du XIXe siècle, elle fut le lieu d'une retentissante affaire criminelle, dite « l'affaire de l'Auberge rouge ». Cette affaire a pris, en raison du contexte politique de l'époque, des proportions incroyables. Ainsi, on est arrivé à prétendre qu'elle avait été le théâtre d'une cinquantaine de meurtres, de nombreux vols et de perversions en tout genre. Au final, les tenanciers de l'établissement, les époux Martin et leur valet Jean Rochette ont été condamnés à mort et guillotinés. Mais en vérité, seule la mort d'un client, Jean-Antoine Enjolras, est clairement établie alors que son cadavre a été retrouvé dans la nature et que rien ne prouve qu'il ait été assassiné à l'auberge.

Sommaire

Histoire

L´Auberge de Peyrebeille à Lanarce (direction Aubenas)
Grosse pierre qui indique le lieu de l'exécution des époux Martin

Cette affaire raconte d'effroyables histoires de voyageurs perdus et jamais retrouvés. Pendant près de vingt-trois ans, aux alentours des années 1805-1830, les époux Pierre et Marie Martin (née Breysse), d'anciens fermiers pauvres devenus propriétaires et tenanciers de l'établissement, auraient détroussé plus de cinquante voyageurs avant de les assassiner. À leur mort. leur fortune fut évaluée à 30 000 francs-or (ce qui correspond à environ 600 000 euros d'aujourd'hui). Les assassinats eurent lieu avec la complicité de leur domestique nommé Jean Rochette, surnommé « Fétiche », ainsi que de leur neveu André Martin. Le teint hâlé de Jean Rochette le fera décrire à tort dans la littérature romanesque comme un mulâtre originaire d'Amérique du sud. En fait, il était bien d'origine Ardéchoise. Leur cupidité et le fort caractère de Pierre Martin qui le fait craindre dans le voisinage, feront attirer sur eux l'attention des gens du lieu et les conduira à leur perte : ils furent arrêtés. La presse donne alors différents sobriquets à l’« auberge de Pierre Martin », tels que « l’auberge rouge », « l’auberge sanglante », « l’ossuaire » ou le « coupe-gorge ».

L'affaire débuta le 26 octobre 1831 avec la découverte d'un cadavre sur les bords de l’Allier, le crâne fracassé, le genou broyé, à quelques kilomètres de l'auberge. Il s'agit du maquignon Antoine (ou Jean-Antoine) Enjolras (ou Anjolras) qui, ayant perdu en chemin sa génisse, aurait cessé les recherches de sa bête, fait halte à l'auberge le 12 octobre 1831 et dont le cadavre, selon le témoin Claude Pagès, aurait été transporté sur une charrette par Pierre Martin, Fétiche et un inconnu depuis l'auberge jusqu'à la rivière[1]. Le 25 octobre, le juge de paix Étienne Filiat-Duclaux se rendit chez les Martin pour enquêter sur la disparition de l'« homme à la génisse ». Pierre Martin, et son neveu furent arrêtés le 1er novembre 1831. Jean Rochette ne fut arrêté que le lendemain. Marie Martin ne fut arrêtée que plus tard car les autorités n'imaginaient pas au départ qu'une femme pût être un assassin.

Le 18 juin 1833, le procès des « quatre monstres » s'ouvrit aux assises de l'Ardèche à Privas. Cent-neuf témoins furent appelés à la barre (témoins indirects, relayant essentiellement les rumeurs de l'époque : la femme aubergiste ferait manger aux clients pâtés et ragoûts accommodés avec les meilleurs morceaux prélevés sur les cadavres, certains paysans auraient vu des mains humaines mijoter dans la marmite de la cuisine, d'autres rapportèrent avoir vu les draps du lit ou les murs tachés de sang, d'autres racontèrent que des fumées nauséabondes s'échappaient fréquemment des cheminées, les aubergistes auraient brûlé le corps de leurs victimes, dont des enfants, dans le four à pain de la cuisine ou en faisant croire qu'ils étaient morts de froid dans la neige sur le plateau) mais le procès s'enlisa et on pensa même à prononcer l'acquittement des accusés.

Puis, coup de théâtre : un mendiant de la région (Laurent Chaze) qui aurait tout vu et entendu raconta les faits. Il fut chassé de l'auberge à défaut de pouvoir payer son lit, il se serait alors caché dans une remise, d’où il n'aurait, en réalité, assisté qu'à l'assassinat d'un seul voyageur (Enjolras). Il semblerait que Chaze eût assisté à quelque chose d'anormal mais aussi que son témoignage eût été « arrangé ». En effet, la langue utilisée dans la région était l'occitan, mais que les audiences de Cour d'Assises se déroulaient en français. La communication n'était alors pas très facile.

L'avocat de Jean Rochette a, au cours de sa plaidoirie, implicitement accepté le fait que son client était un assassin en plaidant l'irresponsabilité de ce dernier car il ne pouvait pas échapper à l'influence de ses maîtres. Cette plaidoirie a sans doute contribué à sceller le sort des accusés.

Finalement jugés coupables d'un seul assassinat (celui d'Enjolras), et acquittés pour tout le reste le 28 juin après 7 jours d'audience, les époux Martin et leur valet Rochette furent tous les trois condamnés à mort. Après le rejet de leur pourvoi en cassation puis de la requête en grâce auprès du roi Louis-Philippe, ils furent ramenés de Privas sur les lieux de leurs méfaits afin d'être guillotinés dans la cour même de leur auberge, par le bourreau Pierre Roch et son neveu Nicolas. Le voyage dura un jour et demi. L'ambiance le long du trajet était tellement malsaine que les ecclésiastiques accompagnant les condamnés demandèrent à être remplacés. L'exécution eut lieu le 2 octobre 1833 à midi lorsque l'angélus de Lavillatte sonna. Une foule très importante assista à cette exécution (on parle de 30 000 personnes[2]). Lorsque Rochette fut sur le point d'être exécuté, il cria : « Maudits maîtres, que ne m'avez-vous pas fait faire ! ». Les dernières paroles du supplicié suscitent le doute quant à la vraie nature des aubergistes. Toutefois, beaucoup d'historiens pensent que la culpabilité des Martin dans l'« assassinat » d'Enjolras est loin d´être démontrée. Il semblerait qu'Enjolras soit simplement mort d'une crise cardiaque après avoir trop bu. Ceci expliquerait pourquoi l'épouse Martin essaya de lui faire boire une tisane.

La cour a longuement évoqué des faits prescrits car trop anciens. Des témoignages manifestement irrecevables ont été entendus. Ceux-ci ont influencé négativement le jury. En outre le président de la cour d'assises Fornier de Claussonne a effectué un « résumé » des débats après les plaidoiries de la défense qui s'apparentait à un second réquisitoire. Il a sciemment ignoré les arguments apportés par la défense qui a insisté sur le fait que le témoin principal était un clochard ivrogne et que son récit fut par moments invraisemblable.

Par contre, le neveu des Martin, André, est acquitté et remis en liberté bien qu'il ait peut-être participé à au moins un assassinat.

L'abbé Félix Viallet et Charles Almeras ont écrit l'histoire de l'auberge de Peyrebeille en concluant à la culpabilité des époux Martin. Paul d'Albigny rapporte dans son livre sur l'auberge rouge que le jour de l'exécution, un bal fut organisé devant l'auberge.

De nombreuses pièces du dossier ont disparu des archives judiciaires. Les pages des livres d'état civil faisant état des étapes de la vie des époux Martin ont été arrachées. Le mystère de la culpabilité ou de l'innocence des époux Martin ne sera jamais éclairci, sauf à retrouver un jour les pièces du dossier qui dorment peut-être dans un grenier si elles n'ont pas été détruites.

Place dans l'imaginaire

L’hôtel-restaurant modernisé aujourd'hui.

L'expression « auberge rouge » est devenue un nom commun pour désigner tout établissement où les clients sont assassinés.

L'histoire macabre de l'auberge de Peyrebeille a été illustrée dans le film de Claude Autant-Lara, l'Auberge Rouge avec Fernandel : même si certaines scènes enneigées du film font penser qu'elles ont été tournées sur place, le film est entièrement tourné en studio[3]. Il s'agit d'une farce tournée en noir et blanc qui raconte avec humour les méfaits des époux Martin et de leur valet. En effet, Madame Martin (Françoise Rosay) dans le film confie au prêtre (Fernandel) que des voyageurs sont détroussés et tués dans son auberge. Ce dernier tente alors de sauver tous les voyageurs qui passent dans l'auberge. C'est une fable comique très éloignée des faits réels.

L'actuel bâtiment a été modifié depuis 1831 : il est un haut-lieu touristique de l’Ardèche et revendique le titre « d’authentique auberge de Peyrebeille ». Une terrasse a été bâtie au bout du corps de ferme : elle abrite aujourd'hui un musée que l'on peut visiter. Ce musée a conservé le mobilier de l'époque mais le décor a subi quelques aménagements. À l'est de l'auberge historique, un hôtel-restaurant et une station d'essence ont été implantés.

Notes et références

  1. Le témoin Claude Pagès décéda d'une fièvre le 20 novembre 1831 mais son témoignage fut utilisé lors du procès.
  2. Brève sur l’exécution des trois condamnés, Gazette des tribunaux, 9 octobre 1833
  3. DVD L'auberge rouge, Claude Autant-Lara, Prod. StudioCanal, 20 septembre 2004

Voir aussi

Films

L'affaire de l'auberge rouge inspira de nombreux réalisateurs :

A noter que L'Auberge rouge, film français de Jean Epstein (1923) d'après l'œuvre d'Honoré de Balzac, se situe au bord du Rhin et qu'elle n'a aucun rapport avec l'auberge de Peyrebeille. La confusion est sans cesse entretenue par le cinéma. A priori, le film de 1910 n'a aucun rapport non plus avec l'auberge de Peyrebeille, mais est inspiré du roman de Balzac!

Livres

Parmi les ouvrages les plus sérieux qui ont retracé les crimes perpétrés sur le plateau de Peyrebeille dans les années 1830 citons le livre de Félix Viallet et Charles Almeras : « Peyrebeille », éd. de la Tribune. L'abbé Félix Viallet qui fut député-maire de Langogne en 1956 est un agrégé de Lettres connu pour ses recherches historiques effectuées sur la région de Langogne, limitrophe du plateau de Peyrebeille.

On peut mentionner L'Auberge sanglante de Peirebeilhe, roman de Jules Beaujoint inspiré du fait divers.

L'ouvrage de l'historien Thierry Boudignon « L'Auberge rouge », Éditions du CNRS, remet en cause la thèse officielle, et permet de penser que l'affaire de l'Auberge Rouge serait une terrible erreur judiciaire, basée sur des rumeurs, des témoignages douteux et la nécessité de « faire un exemple ».

L'Auberge rouge, un roman de Honoré de Balzac, publié en 1831, n'a aucun rapport avec le fait divers de Peyrebeille.

Annexes

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Auberge de Peyrebeille de Wikipédia en français (auteurs)

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