Stabilité des réseaux électriques

Stabilité des réseaux électriques

La régulation des réseaux électriques est l’ensemble des moyens mis en œuvre (processus d’asservissement agissant sur un système dynamique) afin de maintenir proches de leurs valeurs de consigne les grandeurs de fréquence et de tension sur l'ensemble du réseau.

La stabilité des réseaux électriques est une qualité de cette régulation par laquelle les situations modérément perturbées reviennent progressivement à un état d’équilibre (stabilité au sens de stabilité asymptotique).

Une instabilité généralisée du réseau peut conduire à des dégâts matériels (côté production, transport, distribution et clients) et/ou à la mise hors tension d'une partie ou de l'ensemble du réseau (blackout).

Considérées comme des fonctions du temps :

  • la fréquence est une grandeur scalaire et son réglage est assuré en agissant sur des puissances actives à l’échelle globale,
  • la tension est une grandeur vectorielle (une valeur en chaque point de connexion des lignes) et son réglage est assuré en agissant sur des puissances réactives à l’échelle locale.


Sommaire

Stabilité en fréquence (puissances actives)

La fréquence d’un réseau interconnecté de transport est essentiellement la même en tout point du réseau ; elle est mesurée et contrôlée en temps réel avec précision (cf liens externes pour visualiser un graphe des dernières mesures sur le réseau européen) afin de la maintenir dans une zone acceptable (± 0,5 Hz autour de 50 Hz ou 60 Hz selon le pays). Pour des petits réseaux électriques, il n’est pas possible d’assurer une telle précision.

La raison première du contrôle de la fréquence est de permettre la circulation à travers le réseau d’un courant électrique alternatif fourni par plusieurs générateurs.

Lorsqu’un utilisateur enclenche un appareil, la puissance consommée supplémentaire est prélevée sur l’énergie cinétique de rotation des rotors des générateurs. En l’absence de mesures correctrices, il s’ensuit un ralentissement de toutes les machines synchrones, soit une baisse de la fréquence. Il en va de même lorsqu’une usine de production tombe subitement en panne. Toute variation de fréquence reflète ainsi un déséquilibre entre production et consommation.

Afin de corriger rapidement tout écart de fréquence dans les grands réseaux électriques, chaque gestionnaire de réseau de transport met à disposition dans sa zone une réserve de puissance active (réserve tournante) qui est rapidement mobilisée en fonction des besoins nécessaires à l’équilibre.

En Europe, des règles précises ont été élaborées au sein de l’Union pour la coordination du transport de l'électricité (UCTE). Elles ont été établies afin d’être en mesure de faire face à une situation critique majeure définie par la perte instantanée de 3 000 MW (deux centrales nucléaires). Ces règles concernent à la fois les réserves de puissance mobilisable et les mécanismes de son activation (fonctions d’asservissement et leurs paramètres).

Le réglage de la fréquence est réalisé à l’aide de 3 groupes d’actions distinctes[1] qui se différencient par leurs temps de réponse respectifs.

Réglage primaire

Le réglage primaire permet de revenir à un équilibre production-consommation. C’est la composante du réglage dont le temps de réponse est le plus court : la moitié de la réserve primaire doit pouvoir être mobilisée en moins de 15 s et la totalité en moins de 30 s.

Chaque groupe de production participant au réglage de fréquence dispose d’une marge propre de puissance disponible qui s’appelle la réserve primaire. Par l’interconnexion des réseaux électriques, la réserve primaire totale correspond ainsi à la somme des réserves primaires de tous les groupes participant au réglage primaire de la fréquence.

Grâce à son régulateur de vitesse, un groupe de production adapte sa puissance en fonction de sa propre vitesse de rotation (et donc de la fréquence du réseau) : la part mobilisée de la réserve primaire est proportionnelle à l’écart entre la vitesse instantanée réelle (mesure) et la vitesse nominale (correspondant à la fréquence de consigne). Il s’agit donc d’un réglage PID faisant appel uniquement à la composante proportionnelle (P) :

ΔP = − λ(ff0)

Après stabilisation, la fréquence obtenue s’écarte de sa valeur de consigne (cet écart est appelé dérive ou statisme) : en effet, pour satisfaire l’occurrence d’une demande supplémentaire et stabiliser la fréquence, il faut activer la réserve primaire d’autant, ce que les régulateurs sauront faire uniquement lorsqu’un écart de fréquence subsiste.

En influençant la production, le réglage primaire modifie également les transits sur les lignes d’interconnexion et affecte par conséquent les bilans respectifs des zones de réglage (réseaux nationaux).

Réglage secondaire

Le but du réglage secondaire est double : résorber l’écart résiduel de fréquence induite par le réglage primaire et corriger les écarts de bilan des zones de réglage. Pour cette raison, ce réglage est mis en œuvre au niveau global de chaque zone en faisant appel à une puissance réglante secondaire mise à disposition par les groupes de production participant au réglage.

À intervalles réguliers (quelques secondes), le dispatching de zone calcule l’erreur de contrôle de zone (area control error (ACE)) définie par \displaystyle G = \Delta P_{exp} + K (f - f_0) \displaystyle \Delta P_{exp} est l’écart de bilan (export mesuré - solde export des programmes) et \displaystyle K est une constante en MW/Hz (choisie légèrement supérieure au rapport \displaystyle \Delta P / \Delta f du statisme).

Le régulateur de la puissance secondaire d’un groupe de production est un réglage PID visant à annuler \displaystyle G en faisant appel aux composantes proportionnelle (P) et intégrale (I) :

\Delta P = - \beta G - ( \int_{t \in [0, T]}g(t)\, \mathrm dt ) / T.

Cette dernière composante (valeur moyenne de \displaystyle G calculée sur une période T comprise entre 1 et 3 minutes) apporte une stabilisation naturelle par un ralentissement de la réponse et par son accentuation lors d’une rémanence d’un écart de fréquence. Concernant le terme proportionnel, \displaystyle \beta reste limité (valeur comprise entre 0 et 50%) afin d’éviter d’introduire des instabilités.

Après stabilisation, la fréquence retrouve sa valeur nominale et les échanges entre réseaux interconnectés sont rétablis à leurs valeurs contractuelles respectives.

Réglage tertiaire

Le réglage tertiaire intervient lorsque l’énergie réglante secondaire disponible est insuffisante. Contrairement aux réglages primaire et secondaire qui sont des automatismes, l’action du tertiaire est mise en œuvre manuellement. Elle se fonde sur un ensemble de contrats avec les producteurs plus ou moins contraignants en temps de réponse et en puissance requise. Le réglage tertiaire fait appel au mécanisme d’ajustement. Cette réserve supplémentaire d’énergie est dite rapide si elle peut être mobilisée en moins de 15 minutes ou complémentaire si elle est mobilisable en moins de 30 minutes.

Stabilité en tension (puissances réactives)

Les raisons d’assurer une stabilité en tension sont assez similaires à celles de la stabilité en fréquence. Une tension trop haute provoque la destruction du matériel. A puissance égale, une tension trop basse induit un courant plus élevé, donc des pertes par effet Joule plus importantes auxquelles s’ajoutent des risques de surintensité et de destruction du matériel. Sur- et sous-tension peuvent aussi provoquer des problèmes de fonctionnement de l’équipement raccordé au réseau.

A l’une de ses extrémités, la tension d’une ligne d’un réseau s’écarte de sa valeur nominale suivant les facteurs de puissance aux points de couplage. La différence de tension entre les extrémités est fonction de la puissance apparente transportée par la ligne.

En agissant sur le courant d’excitation d’un alternateur, ce dernier produit ou consomme de la puissance réactive, ce qui modifie la tension au point d’injection. De proche en proche, cet effet se répercute sur l’ensemble des tensions des points voisins.

Un relais de réglage automatique de transformateurs.

D’autres moyens permettent également d’agir sur la tension :

  • Certains transformateurs offrent la possibilité de modifier le nombre de spires en activité, c'est-à-dire le rapport des tensions qui peut ainsi varier par paliers. Ils sont souvent utilisés au niveau de la distribution. Bien qu’une régulation automatique maintienne une tension conforme pour les usagers, elle peut être la source d’instabilités.
  • Les FACTS qui, par leur diversité, présentent de nombreuses possibilités d’agir sur le facteur de puissance, sur la charge des lignes et sur la stabilité en général.

Lorsqu’un problème de tension survient, 3 réglages successifs interviennent :

Réglage primaire

Le régulateur primaire de tension d’un alternateur fixe automatiquement la puissance réactive fournie en fonction de la tension. Il agit d’une régulation locale.

Réglage secondaire

Le réglage secondaire de tension est un réglage national. Divers points pilotes sont retenus et chacun constitue une référence pour la tension dans une sous-région. Ces tensions sont mesurées en continu et transmises par le dispatching national. Tant qu’elles s’écartent modérément des valeurs de consigne, la situation globale est jugée normale.

Réglage tertiaire

Ce réglage s’effectue manuellement et les opérations sont ordonnées par le dispatching : elles permettent d’assurer le maintien et/ou le rétablissement du plan de tension. Une bonne connaissance du réseau, de son état de charge, et des effets attendus par les interventions possibles est nécessaire afin prendre des décisions pertinentes. L’expérience des dispatchers de réseau est ici prépondérante.

Notes et références

  1. (en) A Survey of Frequency and Voltage Control Ancillary Services—Part I: Technical Features, Rebours, Y. G. Kirschen, D. S. Trotignon, M. Rossignol, S., Feb. 2007, IEEE Transactions on Power Systems, Vol 22 # 1, pp 350 - 357, ISSN: 0885-8950

Références

RTE, Mémento de la sûreté du système électrique, ISBN - n° 2-912440-13-0, 2004

Liens externes


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