Søren Kierkegaard

Søren Kierkegaard
Søren Kierkegaard
Philosophe danois
XIXe siècle
Kierkegaard.jpg

Naissance 5 mai 1813 (Copenhague, Danemark)
Décès 11 novembre 1855 (Copenhague, Danemark)
École/tradition Romantisme, luthéranisme, précurseur de l'existentialisme
Principaux intérêts Théologie, éthique, esthétique, langage, métaphysique, littérature
Idées remarquables philosophie existentielle, angoisse (angst), reprise/répétition (gjentagelsen), instant (ojeblikket), théorie des trois stades
Œuvres principales Ou bien... ou bien, Crainte et tremblement, Post-scriptum aux Miettes philosophiques
Influencé par Socrate, Platon, Aristophane, Aristote, Sceptiques, Shakespeare, Descartes, Leibniz, Kant, Lessing, Goethe, Mozart, Fichte, Hegel, Schelling, Møller, Martensen
A influencé Chestov, Buber, Jaspers, Kafka, Barth, Tillich, Wittgenstein, Heidegger, Marcel, Lacan, Sartre, Levinas, Auden, Gadenne, Ricœur, Camus, Boutang, Feyerabend, Deleuze, Derrida

Søren Aabye Kierkegaard[1] (ˈzøːr ̩n ˈkɪʁgəgɔːʔd) (5 mai 1813 - 11 novembre 1855) est un écrivain, théologien protestant et philosophe danois.

Sommaire

Biographie

Søren Aabye Kierkegaard naît le 5 mai 1813 à Copenhague, au Danemark, dans une famille de sept enfants, d’un père ayant fait fortune dans le commerce de bonnetier et appartenant à une communauté piétiste très fervente qui lui vaut, selon ses propres dires, « une éducation chrétienne stricte et austère qui fut, à vues humaines, une folie »[2].

En 1821, il entre à la Borgerdydsskole (en danois, « l’école de la vertu civique »), une école privée très élitiste où il se fait remarquer par son intelligence hors du commun et, en 1831, l’année de la mort de Hegel, il commence ses études de théologie à l’université de Copenhague.

De 1819 à 1834, la tragédie du destin fait que sa mère, puis ses trois sœurs aînées et deux de ses frères meurent tour à tour, soit de maladie soit accidentellement, sans jamais dépasser l’âge de 33 ans, ce qui l’amène à croire qu’il ne dépassera pas lui non plus l’âge du Christ. Plongé dans la mélancolie, qui est accentuée par la mort de son père en 1838, il est à 25 ans, avec son frère Peter, le seul survivant d’un foyer familial de neuf personnes.

Lors d’un dîner chez des amis communs, un soir du mois de mai 1837, il rencontre la jeune Regine Olsen, dont il s’éprend. En 1840, il la demande même en mariage, ce qu’elle accepte, mais il rompt brutalement avec elle un an plus tard, après lui avoir renvoyé son anneau de fiançailles.

La même année, il soutient sa thèse de doctorat sur Le Concept d’ironie constamment rapporté à Socrate et, le cœur brisé, s’exile à Berlin où, de novembre 1841 à février 1842, il suit les cours de Schelling, dont il revient déçu.

Vivant de la fortune de son père et affirmant n’avoir « pas le temps de [se] marier »[3], il publie en 1843 son premier grand livre, Ou bien... Ou bien..., sous le pseudonyme de Victor Eremita[4] et, renonçant à être pasteur, s’engage dans une intense production philosophique, dont les titres les plus remarquables, tous signés d’un pseudonyme différent, sont Le concept d’angoisse (1844), Stades sur le chemin de la vie (1845) ou Post-scriptum définitif et non-scientifique aux Miettes philosophiques (1846).

Après avoir atteint l’âge inattendu de 34 ans, il donne à son œuvre d’écrivain un tour nettement plus religieux, soucieux de défendre le christianisme véritable contre l’Église officielle, avec des ouvrages comme la longue série des Discours édifiants, La maladie à la mort, parfois traduit sous le titre Traité du désespoir, (1849) et L’École du christianisme (1850).

La guerre contre l'Église

En 1855, il lance une campagne dans laquelle il s’engage dans de violentes polémiques contre l’Église et ses « 1000 pasteurs salariés » de l'État. Cet événement est connu comme la « guerre contre l'Église » (Kirkestormen). Kierkegaard veut, pour la première fois, agir dans l'actualité (« l'instant ») contre des personnes nommées. La campagne commence par une série d'articles dans un quotidien, puis, cinq mois après, par une dizaine de pamphlets qu'il nomme L'Instant (Øjeblikket). Dans le premier article datant de décembre 1854, Kierkegaard explique qu'il a été, sa vie durant, empêché de parler franchement de son hostilité à l'Église par respect pour son père et pour l'ami de celui-ci, l'évêque de Copenhague Mynster. C'est la mort de Mynster qui permettra et qui provoquera le Kirkestorm et Kierkegaard dit[5] que tous ses écrits antérieurs sont à considérer comme des manœuvres préparatoires, les ruses d'un agent de police pour voir plus profondément. La campagne se caractérise par une constante focalisation sur l'immoralité inhérente d'un christianisme d'État, et par une escalade vertigineuse d'invectives et d'insultes. Au début, Kierkegaard refuse simplement aux pasteurs, et notamment à Mynster, d'être des « témoins de vérité », puis « ils se moquent de Dieu », deviennent « parjures », négateurs et destructeurs du christianisme pour finir comme « anthropophages ». Tous ces anathèmes sont lancés avec une agressivité constante, mais en respectant les codes de la pédagogie et de la stylistique. La campagne eut une répercussion énorme au Danemark et dans les autres pays scandinaves. Mais des théologiens (Lindhardt[6]) la jugent « pathologique », tout en reconnaissant son importance, et des historiens danois (Danstrup & Koch[7]) la trouvent « maladive ». En pleine campagne, alors qu'un numéro de Øjeblikket est sous préparation, Kierkegaard meurt à l’âge de 42 ans, à l’hôpital, après s’être effondré dans la rue au cours d’une promenade.

NOTA - Le nom de famille des « Kierkegaard » désigne la ferme (« gaard ») de l’église (« kirke ») de Sædding dans laquelle Michael Pedersen, le cinquième garçon d’une famille de neuf enfants, avait vu le jour en 1756 et dont son propre père, Peder Christensen, le grand-père de Søren, avait pris le nom quand il fut chargé du métayage, sans aucun rapport avec le substantif homonymique kirkegård qui signifie en danois « cimetière ».

Présentation générale de sa pensée

Le philosophe

Kierkegaard débute en philosophie par une thèse sur la pratique de l'ironie socratique[8], dissociant Socrate de Platon à la suite de Hegel[9] et précédant en cela Nietzsche[10], et analysant aussi l'ironie théorisée par les romantiques allemands. Contrairement à certains préjugés, Kierkegaard connaissait bien l'histoire de la philosophie, que ce soit la philosophie ancienne (ses références à Platon, Aristote et aux Sceptiques sont fréquentes) ou la philosophie moderne (de Descartes jusqu'à Hegel et ses zélateurs). En revanche, il partage très largement le mépris ou l'indifférence pour la philosophie médiévale qui régna avec Érasme[11] et Luther[12] ; il faudra attendre le néo-thomisme de la fin du XIXe siècle, dans le sillage duquel Heidegger écrivit sa thèse sur Duns Scot, pour que les grands penseurs se penchent à nouveau sur cette période de l'histoire de la philosophie.

Kierkegaard est généralement reconnu comme le précurseur de l'existentialisme depuis Jean Wahl, étiquette néanmoins de plus en plus contestée, par exemple par Hélène Politis (voir bibliographie). Il s'est opposé à la philosophie hégélienne, parce que selon lui les philosophies systématiques sont des « palais vides »[13] que leurs auteurs n'habitent pas, c'est-à-dire des édifices abstraits qui sont coupés de la réalité de l'existence concrète et humaine. Il retient néanmoins du hégélianisme la notion de « dialectique »[14], pour l'appliquer non plus à une « Logique »[15] systématique mais à la réalité de l'existence concrète, avec ses imprévus, ses doutes, ses tourments et ses « tonalités-affectives ». La dialectique ou reprise se comprendra désormais en termes de « saut » qualitatif dans l'existence, par nature absurde, qui inspirera les notions existentialistes de choix, de responsabilité et d'engagement, où la justification n'est qu'un leurre[16].

Son œuvre a une charpente conceptuelle forte, sans toutefois être un système, qui n'a rien à envier aux plus grands. Kierkegaard conceptualise et met en relation les tonalités-affectives[17] (« angoisse », « désespoir »), livrant ainsi une psychologie philosophique ; il expose une théorie du temps[18] (de l'« instant » et de la « répétition ») et des « stades » de l'existence[19] (esthétique : rapport de l'homme à la sensibilité ; éthique : rapport de l'homme au devoir ; religieux : rapport de l'homme à Dieu) qu'il ne faut pas comprendre de manière chronologique ni de manière logique mais plutôt de manière « existentielle » ; en outre il s'interroge sur les problèmes du langage, notamment la communication, le silence et la subjectivité de celui qui parle[20].

Le théologien

Fervent chrétien et brillant théologien, il s'opposera à l'Église danoise de l'époque, église luthérienne d'État, au nom d'une foi individuelle et concrète. En effet, la religion, l'institution ecclésiastique, la communauté des croyants, le canon, forment ce que Kierkegaard appelle la chrétienté, et représentent l'hypocrisie (aller au sermon pour bien se faire voir de la société) et la répression de l'individualité, laquelle s'épanouit au contraire dans le christianisme comme foi vécue, pleine de doutes et d'apprentissages intérieurs, le « devenir-chrétien ». Il écrit ainsi des Discours édifiants (1843-1847), rédigés dans un style personnel s'adressant à la singularité de l'auditeur, qu'il publie à côté de ses œuvres philosophiques et littéraires. Kierkegaard souhaite ainsi restaurer un luthéranisme pur et originel, où la foi prime les œuvres et les justifications ; il théorise par ailleurs longuement la notion de « scandale », d'inspiration biblique[21], qu'il couple avec la notion philosophique de paradoxe[22].

L'écrivain

Le travail de Kierkegaard est parfois difficile à interpréter, car il a écrit la majorité de ses premières œuvres sous divers pseudonymes, qui sont autant de personnages inventés, et souvent ces pseudo-auteurs commentent les travaux des pseudo-auteurs précédents (par exemple Johannes Climacus et Anti-Climax). Deleuze s'en souviendra lorsqu'il théorisera les personnages conceptuels[23]. Kierkegaard révèle ainsi une profonde créativité littéraire et poétique, qui transpire à travers toutes ses œuvres. Il peut donc être considéré comme un écrivain et un théoricien de la littérature, s'intéressant aux auteurs tant anciens (Aristophane, Platon) que modernes (Shakespeare, Goethe, et son contemporain Andersen), écrivant lui-même, y compris des pièces de théâtre ; s'intéressant au mythe tragique[24], à la comédie (farce, vaudeville) et commentant longuement Lessing[25].

Philosophie

L'ironie et le doute

Dans sa thèse de doctorat, Le Concept d'ironie constamment rapporté à Socrate (1841), Kierkegaard oppose l'ironie socratique à l'ironie moderne des romantiques. A la suite de Hegel, il conçoit l'ironie socratique comme la faculté de négation universelle et illimitée. En effet, Socrate amenait son interlocuteur à nier sa propre position au cours d'un dialogue de type dialectique, c'est-à-dire consistant en questions et réponses argumentées. Socrate feignait de ne rien savoir, et critiquait tous ceux qui prétendaient détenir un savoir, notamment les Sophistes. Kierkegaard se pose en continuateur de l'ironie socratique, et défend l'idée d'une négation absolue face au système hégélien qui prétendait résorber la négation dans le troisième moment, spéculatif et positif. Kierkegaard nie ainsi que les systèmes de l'idéalisme allemand aient dépassé l'ironie socratique, ainsi que la skepsis des Sceptiques et le doute hyperbolique de Descartes, qui sont tous trois, selon Kierkegaard, des attitudes existentielles plus que des doctrines.

Kierkegaard met ainsi en parallèle la foi et le doute, qui sont deux attitudes qui se répondent et qui engagent profondément l'homme dans l'existence, bien plus que ne le ferait une doctrine faite de raisons arbitraires et de justifications inutiles. Ces dernières arrivent après la décision existentielle, mais ne peuvent en aucun cas la fonder, et restent superficielles. C'est pour cela que Kierkegaard déclare que « l'instant de la décision est une folie »[26] : on ne peut jamais prévoir les ultimes conséquences de notre saut dans l'existence. De même, Kierkegaard affirme que « plaider discrédite toujours » (Kierkegaard prend ici l'exemple de l'amoureux : demander à quelqu'un pourquoi il aime telle personne, c'est absurde, et même offensant : donner des justifications, c'est montrer que cet amour ne tient pas ; il en est de même de la foi religieuse : il n'y a qu'une différence de degré entre aimer et croire[27]). Le rôle de l'ironie sera donc d'éliminer ces raisons et ces justifications qui font de l'homme un hypocrite, pour le mettre face à son existence et à ses choix. Plus profondément, l'exercice de l'ironie a pour but de défaire les systèmes métaphysiques et scientifiques qui prétendent absorber la contingence de la vie particulière de l'individu. L'ironie est une négativité pure à laquelle rien ne résiste, face à laquelle tout est contingent, même les doctrines prétendument closes et immuables. Quelqu'un qui décide de douter, peut le faire indéfiniment, quoi qu'on lui oppose (bien que cela se rapproche du fanatisme). On pourrait objecter que le doute, à force de s'exercer sur tout, s'emporte lui-même : le doute détruit le doute et fonde la certitude. Mais ce serait à nouveau faire du doute une doctrine (par exemple dialectique, à l'instar de Hegel) et non une attitude singulière.

Kierkegaard préfigure l'interprétation de Descartes que donnera Ferdinand Alquié (le doute comme attitude existentielle), contre Martial Guéroult qui fera de Descartes un penseur systématique livrant une métaphysique ordonnée (ce qui se passe quand on lit le doute cartésien comme s'auto-annulant et fondant la certitude de la pensée ordonnée).

Subjectivité et foi

Deux des idées populaires de Kierkegaard sont la « subjectivité » et la « foi ». Le saut de la foi est sa conception de la manière dont un individu peut croire en Dieu, ou comment une personne peut agir par amour. Il ne s'agit pas d'une décision rationnelle, car elle transcende la rationalité en faveur de quelque chose de surnaturel : la foi, en tant qu'absolu, paradoxe au-delà de la raison. Il pense ainsi que la foi s'accompagne en même temps et paradoxalement du doute. Ce doute met en branle le repos que pourrait procurer la Foi. De fait, l'angoisse s'empare du chrétien, le tiraille et le met face à Dieu. « Le doute introduit, c'est comme le choléra, on ne le chasse plus. Toute défense scientifique ne fait donc que le nourrir, tout essai d'amélioration sociale nourrit le doute. Seuls Dieu et l'éternité ont assez de force pour maîtriser le doute (qui est précisement la force rebelle de l'homme contre Dieu) »[28]. Le doute est un élément essentiel de la foi, un fondement. Exprimé plus simplement, croire en Dieu ou avoir foi en son existence, sans jamais avoir douté de son existence ou de sa qualité de Dieu, ne serait pas une foi valable ou méritante. Par exemple, aucune foi n'est exigée pour croire en l'existence d'un crayon ou d'une table, quand on les regarde et les touche. Au contraire, croire ou avoir foi en Dieu consiste à savoir qu'il n'existe aucune perception ou autre accès à Dieu, et pourtant garder sa foi. La foi se caractérise ainsi par le risque, le danger, ce n'est pas une position confortable et sécuritaire. On retrouve ici l'idée du pari pascalien, dirigé contre le Dieu rationnel des philosophes. Croire, c'est prendre le risque que Dieu n'existe pas, car Dieu est indémontrable. La foi est essentiellement dialectique, elle naît de l'échec de la pensée rationnelle poussée à son paroxysme.

Kierkegaard souligne également l'importance de la conscience, et la relation de la conscience au monde comme étant fondés sur la conscience de soi et l'introspection. Il soutient dans Post-scriptum définitif et non scientifique aux miettes philosophiques que « la subjectivité est vérité » et que « la vérité est subjectivité ». Cette idée paradoxale ressort d'une distinction entre ce qui est objectivement vrai et la relation subjective qu'entretient un individu avec cette vérité (indifférence ou engagement). Pour Kierkegaard, des gens qui « dans un certain sens » croient aux mêmes choses, peuvent se référer à cette croyance de manière différente. Deux personnes pourraient croire toutes deux que beaucoup de gens autour d'eux sont pauvres et méritent de l'aide, mais cette connaissance peut mener seulement l'une des deux à décider d'aider réellement les pauvres.

Cependant, Kierkegaard discute de la subjectivité au travers principalement des questions religieuses, espace pour lui de toutes les questions et réponses. Encore une fois, il soutient que le doute est un élément de foi, et qu'il est impossible d'obtenir une certitude objective à propos d'une doctrine religieuse telle que l'existence de Dieu ou la vie du Christ. Le mieux qu'un individu puisse espérer serait d'arriver à la conclusion qu'il est probable que les doctrines chrétiennes soient véridiques, mais si une personne devait croire de telles doctrines seulement parce qu'elles semblent probablement vraies, il est certain que cette personne ne serait pas véritablement religieuse. La foi serait donc constituée par une relation subjective avec l'engagement absolu pour ces doctrines[29].

Les affects

S. Kierkegaard prend toujours les affects tels que scrupule, crainte, désespoir, angoisse, etc., non comme de simples catégories (cf. Kant) psychologiques, mais comme des modalités dévoilant des possibilités à chaque fois spécifiques de l'existence. C'est en suivant le fil de ces différents « affects » que vont pouvoir seulement s'ouvrir ces possibilités.

L'angoisse

Kierkegaard prend « l'angoisse » comme fil conducteur, dans le Concept de l'angoisse, pour explorer de quelle manière la liberté s'atteste elle-même à l'existence singulière, de façon paradoxale, seul un être libre pouvant faire l'expérience de l'angoisse - expérience de la liberté comme fardeau et obstacle. L'angoisse est le « vertige du possible », on la ressent lorsque l'on est confronté à une infinité de possibilités et qu'il faut faire un choix. L'angoisse, contrairement à la peur, n'a donc pas d'objet déterminé. On a peur « de quelque chose », mais on n'angoisse pas « de quelque chose ». L'angoisse est indéterminée, elle met en branle l'ensemble de l'existence. Heidegger dira que l'angoisse met en branle l'ensemble de l'être, et nous fait apercevoir le néant[30].

Nous portons la lourde responsabilité de ce choix, et de plus nous ne pouvons pas prévoir si ce choix sera bon ou pas. L'existence se caractérise par son aspect foncièrement contingent et imprévisible, l'homme doit donc se risquer à choisir et à agir sans pouvoir maîtriser totalement son avenir. C'est le sens du « saut » dans l'absurde. Aucune doctrine, aucun système philosophique ou scientifique, aucune dogmatique religieuse ne peuvent rassurer l'homme quant à ses choix, il doit les faire en âme et conscience en dernière instance.

La maladie à la mort

Emphatiquement dans La Maladie à la mort (autre traduction du Traité du désespoir, plus correcte selon Hélène Politis) mais également dans Crainte et tremblement, Kierkegaard expose que les hommes sont composés de trois parties : le fini, l'infini, et la relation entre les deux qui crée une synthèse. Les finis (les sens, le corps, la connaissance) et les infinis (le paradoxe et la capacité à croire) existent toujours dans un état de tension. Cette tension, consciente de son existence, est l'individu. Lorsque l'individu est perdu, insensible ou exubérant, la personne est alors dans un état de désespoir. Notamment, le désespoir n'est pas l'agonie et ne se résume pas à un simple sentiment ; c'est, au lieu de cela, la perte de l'individu, la négation du « moi » par un désordre dans la synthèse.

Les formes de désespoir

A l'intérieur du concept de désespoir, Kierkegaard distingue plusieurs étapes ou degrés qui mènent l'homme non religieux ou « homme naturel » à la Foi. Dans la destinée de cet individu, trois étapes fondamentales le conduisent à la contemplation divine : le stade esthétique, éthique puis religieux. L'individu a-religieux ou non-religieux se trouve dans le désespoir-faiblesse dans un premier temps ; en ce sens où il n'a pas conscience de son désespoir, vivant dans l'Instant, la luxure. L'individu esthète ne pourra finalement, pour feindre de ne pas tomber dans le désespoir, que se répéter ou plutôt que se ressouvenir[31] des plaisirs instantanés passés, à la manière des Philistins dans le Nouveau Testament. Par la suite, l'individu peut être enclin à se délivrer de ce désespoir-faiblesse par une lutte pour retrouver son Moi et par là sa liberté. Ce combat est suivi du désespoir-défi ou l'on veut être soi-même, c'est-à-dire dans une recherche de la Vérité, de l'éternité et d'autre part dans une prise de conscience de sa finitude. Le désespoir-faiblesse apparait lorsque le désespéré ne veut point être lui-même. Mais rien qu'à un degré dialectique de plus, si ce désespéré sait enfin pourquoi il ne veut point l'être, alors tout se renverse, et nous avons le défi, justement parce que, désespéré, il veut être lui-même[32]. Ainsi, le rapport à son Moi est infini, reflet de l'éternité. Cependant, cet infini n'est pas rapporté à Dieu mais lié au temporel. Ce n'est qu'un sérieux frauduleux : comme le feu volé par Prométhée aux dieux ici on vole à Dieu la pensée qu'il nous regarde, et c'est là le sérieux ; mais le désespéré ne fait que se regarder, en prétendant ainsi conférer à ses entreprises un intérêt et un sens infinis, alors qu'il n'est qu'un faiseur d'expériences[33]. En somme, le Moi ne peut se retrouver dans l'infini sans Dieu ; car le Moi ne peut se démultiplier pour devenir plus qu'il n'est. Cette recherche du moi présente ses limites puisque son action reste hypothétique et tourne finalement à vide si ce Moi reste actif. Si ce Moi désespéré est passif, niant « les donnés concrètes », alors il reste aliéné intérieurement. Ce désespéré se perd dans des tourments concrets (montrer sa domination infinie sur le reste des hommes et se justifier a travers autrui). Il a formé d'abord une abstraction infinie de son moi, mais le voila à la fin devenu si concret qu'il lui serait impossible d'être éternel dans ce sens abstrait, alors que son désespoir s'obstine à être lui-même[34]. Le prix de cette recherche du Moi est finalement ce défi devant Dieu, en ne se remettant qu'au temporel, le sujet refuse le secours divin en se rendant prisonnier de son Moi fini. Au lieu de s'en reporter à l'éternité, il fait sien tout ce que son Moi ne peut atteindre (l'épine dans la chair). Ainsi, le désespoir-défi apparaît.

Communication indirecte et pseudonymes d'auteur

La moitié des travaux de Kierkegaard a été écrite sous le masque de divers personnages-pseudonymes qu'il créa pour représenter ses différentes manières de penser. C'est là une partie de la communication indirecte de Kierkegaard. D'après plusieurs passages de son travail et de ses journaux, tel Point de vue explicatif de mon œuvre d'écrivain, Kierkegaard rédigea de cette façon afin d'empêcher ses travaux d'être traités comme un système philosophique avec une structure systématique. Dans cet ouvrage posthume, il écrit : « Dans les travaux pseudonymes, il n'y a pas un mot simple qui est le mien. Je n'ai aucune opinion au sujet de ces travaux sinon en tant que tierce personne, aucune connaissance de leur signification, excepté comme un lecteur, pas la moindre relation privée ou distanciée avec eux. »

Kierkegaard a employé la communication indirecte pour empêcher ou gêner ceux qui chercheraient à s'assurer que l'auteur soutient réellement les idées présentées dans ses œuvres. Il a espéré que les lecteurs liraient simplement son travail pour sa valeur informelle, c'est-à-dire sans chercher à l'attribuer et l'interpréter selon certains aspects de sa vie. Kierkegaard cherchait également à éviter que le lecteur considère son travail comme un système faisant autorité. Il voulait plutôt que le lecteur trouve par lui-même des manières de l'interpréter.

Postérité

Première réception

Les premiers commentateurs, tel Theodor W. Adorno, ont négligé les intentions de Kierkegaard et soutiennent que l'intégralité de la production écrite de Kierkegaard doit être analysée comme les propres idées personnelles et religieuses de l'auteur[35]. Mais cette vision pourrait mener à certaines confusions et contradictions, qui rendraient Kierkegaard incohérent[36]. Ainsi, des commentateurs ultérieurs de Kierkegaard ont cherché à respecter les intentions de Kierkegaard et ont interprété son travail en attribuant ses textes pseudonymes à leurs auteurs respectifs. Il s'agit de comprendre le travail philosophique de Kierkegaard en sa spécificité, non à partir de sa seule biographie ou de son prétendu profil psychologique.

Théologie et existentialisme

Le théologien jésuite Henri de Lubac évoque Kierkegaard dans Le Drame de l'humanisme athée (1942), avec Dostoïevski, comme un penseur chrétien contre la barbarie moderne, à côté de l'impasse de l'humanisme athée (lequel mène au nihilisme et est impuissant à combattre les horreurs à venir au XXe siècle, selon l'auteur) représenté par le quadrivium Feuerbach, Marx, Comte et Nietzsche. Kierkegaard fut de manière plus générale très influent dans les milieux théologiques (notamment pour sa conception de Dieu comme événement transcendant et inaccessible, en réaction au rationalisme hégélien) protestants (Barth, Tillich) et catholiques, à l'instar de Pascal, à qui on le compare parfois.

Le philosophe royaliste et catholique Pierre Boutang, dans l'Apocalypse du désir (1979, rééd. 2009), joint Kierkegaard aux Pères de l'Église dans ses influences pour repenser le désir dans l'optique d'une métaphysique chrétienne.

Kierkegaard eut également une grande influence sur la philosophie existentialiste lors de la première moitié du XXe siècle, mais il semble que celle-ci ait fait de nombreux contresens sur la pensée du Danois, en plus de nier sa qualité de philosophe en tant que tel (voir par exemple les écrits de Jaspers[37], Sartre[38], Marcel[39] ou encore Camus[40]). De même, Kierkegaard a influencé le philosophe Heidegger, qui lui a repris des concepts phares comme l'angoisse ou la répétition. Heidegger dira d'ailleurs : « Mon compagnon de route dans la recherche fut le jeune Luther et mon modèle Aristote, que le premier détestait. Kierkegaard me donnait des impulsions, et les yeux, c'est Husserl qui me les a implantés »[41]. Mais il semble que Heidegger fut injuste à l'égard de son prédécesseur, affirmant bien plus tard que « Kierkegaard n'est pas un penseur, mais un auteur religieux »[42], et ne le citant que rarement lorsqu'il réinterprète les concepts qu'il lui emprunte (exception faite de notes dans Être et Temps).

En résumé, la théologie chrétienne récupère Kierkegaard en tant que théologien ennemi du rationalisme (notamment athée) essentiellement, et la philosophie existentialiste « laïcise » la pensée de Kierkegaard tout en le réduisant à un auteur religieux et autobiographique.

Philosophie postmoderne

La deuxième moitié du XXe siècle semble manifester la réhabilitation de Kierkegaard parmi les représentants majeurs de la philosophie en tant que telle (et non seulement de la théologie ou de l'autobiographie). Gilles Deleuze présente Kierkegaard comme un philosophe de la différence et de la répétition, avec Nietzsche et Charles Péguy, dans Différence et répétition (1968), et comme un brillant inventeur de personnages conceptuels dans Qu'est-ce que la philosophie ? (1991), avec ses pseudonymes, ses analyses de Don Juan, Faust, Ahasvérus et le Séducteur, n'ayant rien à envier à Nietzsche et son Zarathoustra. Kierkegaard est ainsi souvent rapproché de Nietzsche (par Jacques Colette par exemple, cf. la bibliographie), parce qu'il combat l'hyperrationalisme, réhabilite la notion de « devenir », revalorise l'individualité contre la masse, critique l'hypocrisie morale et l'idôlatrie religieuse, et s'intéresse à l'art et à la littérature comme à des phénomènes essentiels.

Dans le même ordre d'idées, une autre valorisation improbable de Kierkegaard est née : la réinterprétation de sa conception de la subjectivité par le philosophe des sciences Paul Feyerabend. Ainsi, ce dernier écrit[43] : « N'est-il pas possible que la science telle que nous la connaissons aujourd'hui, ou la « recherche de la vérité » dans le style philosophique traditionnel, engendre un monstre à l'avenir ? N'est-il pas possible que l'approche objective qui rejette les relations personnelles entre les entités examinées soit dommageable pour les gens, les rende malheureux, hostiles, comme des machines autosatisfaites sans charme ni humour ? « N'est-il pas possible, demande Kierkegaard, que mon activité d'observateur objectif [ou critico-rationnel] de la nature affaiblisse ma qualité d'être humain ? » Je soupçonne que la réponse à quelques unes de ces questions soit affirmative, et je crois qu'une réforme des sciences qui les rende plus anarchistes et plus subjectives (au sens de Kierkegaard) est urgente et nécessaire. »

Jacques Derrida, quant à lui, convoque Kierkegaard pour une méditation profonde sur la mort et le cas d'Abraham[44].

Kierkegaard est alors vu comme un véritable philosophe, non comme un simple auteur autobiographique ou dévot. On le considère comme le représentant d'un certain pluralisme philosophique, d'un refus de l'objectivité froide qui nie la dignité humaine (Paul Feyerabend) ou d'une métaphysique nouvelle qui ne réduit pas la différence à l'identique (Gilles Deleuze).

Programme scolaire

Kierkegaard est également au programme scolaire de terminale en France, ce qui signifie qu'il peut être étudié pour l'oral du baccalauréat et pour la préparation de l'agrégation.

Informations éditoriales

Liste des pseudonymes

Les pseudonymes les plus importants de Kierkegaard, dans l'ordre chronologique :

  • Victor Eremita, rédacteur de Ou bien... ou bien
  • A, auteur de nombreux articles dans Ou bien ... ou bien
  • Juge William, auteur des réfutations à A dans Ou bien ... ou bien
  • Johannes de Silentio, auteur de Crainte et tremblement
  • Constantin Constantius, auteur de la première moitié de La répétition
  • Jeune Homme, auteur de la deuxième moitié de La répétition
  • Vigilius Haufniensis, auteur de Le concept d'angoisse
  • Nicolaus Notabene, auteur des Préfaces
  • Hilarius le Relieur, rédacteur des Étapes sur le chemin de la vie
  • Johannes Climacus, auteur des Miettes philosophiques... et de Post-scriptum...
  • Inter et inter, auteur de La crise et une crise dans la vie d'une actrice
  • H.H., auteur de Deux essais éthico-religieux
  • Anti-Climacus, auteur de La maladie à la mort et de Pratique dans la chrétienté.

Principales œuvres

Voir la catégorie : Œuvre de Søren Kierkegaard.
Statue à Copenhague

(par ordre chronologique)

  • Les papiers d'un homme encore en vie. Essai sur un roman de Hans Christian Andersen (Af en endnu Levendes Papirer) (1838)
  • Thèse : Du concept d’ironie constamment rapporté à Socrate (1841)
  • Ou bien... ou bien ou L'alternative, (Enten - Eller) (1843)
  • Johannes Climacus, ou, Il faut douter de tout (1843, posthume)
  • Discours édifiants (1843-1847)
  • Crainte et tremblement, lyrisme dialectique, (Frygt og Bæven) (1843)
  • Le Journal du séducteur, (Forförerens Dagbog) (1843)
  • La répétition, un essai de psychologie expérimentale ou La reprise, (Gjentagelsen) (1843)
  • Miettes philosophiques, (Philosophiske Smuler) (1844)
  • Préfaces, lectures amusantes pour certaines classes sociales suivant les temps et les circonstances, par Nikolaus Notabene (1844)
  • Du concept d’angoisse, (Begrebet Angest) (1844)
  • Etapes sur le chemin de la vie, (Stadier paa Livets Vei) (1845)
  • Coupable ? Non coupable ? (1845)
  • L’histoire d’une passion (1845)
  • Expérience psychologique, par Frater Taciturnus (1845)
  • Post-scriptum définitif et non scientifique aux miettes philosophiques par Johannes Climacus, publié par Sören Kierkegaard (1846)
  • Un compte rendu littéraire (1846)
  • Discours édifiant à plusieurs points de vue (1847)
  • Les actes de l’amour. Quelques méditations chrétiennes sous forme de discours (1847)
  • Discours chrétiens (1848)
  • Traité du désespoir ou La Maladie mortelle, exposé de psychologie chrétienne pour l’édification et le réveil, par Anticlimacus (Sygdommen til Døden) (1849)
  • Le lis des champs et l’oiseau du ciel. Trois discours pieux (1849)
  • Deux petits traités éthico-religieux (1849)
  • Sermons sur la communion du vendredi (1849-1851)
  • L’école du christianisme, par Anticlimacus (1850)
  • Pour un examen de conscience, recommandé aux contemporains (1851)
  • Juge-toi toi-même (1851)
  • Sur mon œuvre d'écrivain (1851)
  • L’instant (1855)
  • Hvad Christus dømmer om officiel Christendom. 1855. (Ce que le Christ juge du christianisme d'état.)
  • Point de vue explicatif de mon œuvre d'écrivain (posthume)
  • Journal (posthume)

Éditions en français

(par ordre chronologique)

Bibliographie critique

(par ordre alphabétique)

  • KIERKEGAARD Den første Kærlighed og andre tekster om drama, ved Jens Staubrand [Kierkegaard The first Love, and other texts on drama – the book is in Danish], Copenhagen 2010, ISBN 978-87-92510-00-6
  • Jens Staubrand, Søren Kierkegaard: International Bibliography Music works & Plays, New edition, 2008. ISBN 978 87 92510 05 1
  • Jens Staubrand, Søren Kierkegaard's Illness and Death, Copenhagen, 2009. ISBN 978 87 92510 04 4
  • Theodor W. Adorno, Kierkegaard. Construction de l'esthétique (1933), Payot, 1995
  • Chantal Anne, L'amour dans la pensée de Soren Kierkegaard: Pseudonymie et polyonymie, Ed. L'Harmattan, 1991
  • Philippe Chevallier, Être soi. Actualité de Søren Kierkegaard, Paris, François Bourin, coll. « Actualité de la philosophie », 2011
  • David Brezis, Kierkegaard et l'équivoque de l'idéalité, Article dans : « Philosophie », 1991 (8), n°29, p.27-52
  • Léon Chestov, Kierkegaard et la philosophie existentielle. Vox clamantis in deserto, 1936, Ed. Vrin, « Bibliothèque des textes philosophiques », 1998, 384p.
  • Jacques Colette, Kierkegaard et la non-philosophie, Ed. Gallimard, « Tél », 1994
  • Vincent Delecroix, Post-scriptum aux Miettes philosophiques, Kierkegaard, Ed. Ellipses, « Philo-textes », 2005, ISBN 2-7298-1892-8
  • Vincent Delecroix, Singulière philosophie : Essai sur Kierkegaard, Ed. du Félin, 2006, ISBN 2-86645-627-0
  • Jacques Derrida, Donner la mort, Ed. Galilée, 1999
  • Dominic Desroches, Est-il possible de dire l'éthique de la proximité ? Contribution au dossier Kierkegaard-Levinas, Article dans : « PhaenEX - Journal of existential and phenomenological theory and culture » [1], 2009 (4), n°1, 112-145
  • Dominic Desroches, Expressions éthiques de l'intériorité : Éthique et distance dans la pensée de Kierkegaard, Préface d'André Clair, Québec, Inter-Sophia, PUL, 2008, ISBN 978-2-7637-8625-4.
  • Georges Gusdorf, "Kierkegaard", CNRS Eds, 2011
  • Charles Le Blanc, Kierkegaard, Les Belles Lettres, 1998.
  • Hélène Politis, Kierkegaard, Ed. Ellipses, « Philo-philosophes », 2002
  • Hélène Politis, Le vocabulaire de Kierkegaard, Ed. Ellipses, « Vocabulaire de... », 2002
  • Hélène Politis, Kierkegaard en France au XXe siècle : Archéologie d'une réception, Ed. Kimé, 2005
  • Hélène Politis, Le concept de philosophie constamment rapporté à Kierkegaard, Ed. Kimé, 21 janvier 2009
  • Charles-Eric de Saint Germain, L'Avènement de la Vérité. Hegel, Kierkegaard, Heidegger, Ed. L'Harmattan, 2003.
  • Pierre-André Stucki, Le Christianisme et l'Histoire d'après Kiekegaard , Verlag für Recht und Gesellschaft AG, Basel 1963
  • Henri-Bernard Vergote, Sens et Répétition : Essais sur l'ironie kierkegaardienne, Ed. Le Cerf, 1982
  • Henri-Bernard Vergote, Lectures philosophiques de Soren Kierkegaard, Ed. PUF, 1993
  • Henri-Bernard Vergote (dir.), Kierkegaard, revue Kairos (Faculté de Philosophie de l'Université Toulouse-Le Mirail), n°10, 1997
  • Stéphane Vial, Kierkegaard, écrire ou mourir, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Perspectives critiques », 2007, ISBN 2-13-056370-8 (chronique de ce livre sur France Culture le 20 mars 2008)
  • Jean Wahl, Etudes kierkegaardiennes, Bibliothèque d'histoire de la philosophie, Paris, Librairie philosophique, 1949, 647p.
  • « Soren Kierkegaard et la critique du religieux », revue Nordiques, numéro 10, Printemps-Eté 2006.
  • Jean Malaquais Sören Kierkegaard : foi et paradoxe, 10/18, édité par Christian Bourgeois et Dominique de Roux. Union générale d'éditions, 1971.
  • Importante bibliographie en français de la Bibliothèque Sainte-Geneviève (2005)

Citations

  • « Pour un homme cultivé, voir une farce c'est comme jouer à la loterie, sans le désagrément de gagner de l'argent. » La reprise, 1843.
  • « Il ne faut pas dire du mal du paradoxe, passion de la pensée : le penseur sans paradoxe est comme l'amant sans passion, une belle médiocrité. » Miettes philosophiques, 1844.
  • « Croire, c'est, étant soi-même et voulant l'être, plonger en Dieu à travers sa propre transparence. » Traité du désespoir, 1849.
  • « La raison d'être de la chrétienté [Église établie, institutionnelle telle que « l'Église danoise » par exemple] est de rendre si possible le christianisme impossible. » L'instant, mai 1855.

Notes et références

  1. Son père était issu d'une petite ferme (Gaard) près d'une église (Kierke), d'où le nom de Kierkegaard
  2. S. Kierkegaard, Point de vue explicatif de mon œuvre d’écrivain, in Œuvres Complètes, éd. de l’Orante, vol. 16, p. 54.
  3. Lettre à Emil Boesen du 14 décembre 1841, in S. Kierkegaard, Correspondance, Paris, éd. des Syrtes, p. 143.
  4. Victor l’Ermite, ou L’Ermite victorieux, comme l’on voudra...
  5. Par exemple en: Hvad Christus dømmer om officiel Christendom. 1855.
  6. Vækkelser og kirkelige retninger i Danmark. Copenhague 1951. Det Danske Forlag
  7. Danmarks Historie. Vol 11. Politikens Forlag 1964
  8. Cf. Du concept d'ironie constamment rapporté à Socrate (1841).
  9. Cf. Hegel, Leçons sur l'histoire de la philosophie.
  10. Cf. Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, « Le problème de Socrate », 1888, et La Naissance de la tragédie, §13 à 15, 1872.
  11. Voir la fin de L'Éloge de la Folie sur les écoles scolastiques.
  12. Avec quelques exceptions notables comme Leibniz.
  13. Traité du désespoir, 1849, éd. Gallimard, « Tél », 1990, p.391.
  14. Notion qu'il redéfinira notamment dans La Reprise, 1843, (également connue sous le titre La répétition, un essai de psychologie expérimentale) et dans le Johannes Climacus ou Il faut douter de tout, 1843.
  15. Cf. Hegel, Science de la logique, 1830.
  16. Cf. par exemple la pensée de Sartre, dans L'Être et le Néant (1943) et L'existentialisme est un humanisme (1946). Sartre reprend par ailleurs à Kierkegaard et Heidegger la notion d'angoisse.
  17. Cf. La reprise (1843), Le concept de l'angoisse (1844), et Traité du désespoir (1849).
  18. Cf. La reprise (1843), Miettes philosophiques (1844) et son Post-scriptum (1846).
  19. Cf. Stades sur le chemin de la vie (1845).
  20. Cf. Crainte et tremblement (1843) et Johannes Climacus ou Il faut douter de tout (1843).
  21. Cf. Isaïe, 8, 14 / Romains, 9, 33 / 1 Pierre, 2, 7-8 / Luc, 2, 34.
  22. Cf. Miettes philosophiques (1843) et Traité du désespoir (1849). La notion de scandale avait été théorisée par l'un des deux principaux réformateurs, Jean Calvin, notamment dans le Traité des scandales (1550).
  23. Cf. Deleuze et Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ?, I, 3 : « Les personnages conceptuels », éd. Minuit, 1991.
  24. Cf. L'alternative (Ou bien... ou bien... suivant la traduction), 1843, plus particulièrement « Le reflet du tragique ancien sur le tragique moderne ».
  25. Notamment dans le Post-scriptum aux Miettes philosophiques (1846). Cf. aussi l'éloge de Crainte et tremblement (1843) : « Lessing n'était pas seulement l'une des plus remarquables intelligences qu'ait eues l'Allemagne, il ne possédait pas seulement une rare sûreté d'érudition [...], mais il obtint aussi le don d'une extrême rareté de savoir expliquer ce qu'il avait compris. » (p.157 de l'édition Rivages, 2000).
  26. Cité par Jacques Derrida, in L'écriture et la différence, éd. Seuil, « Points-Essais », 1967, p.51 (exergue de l'article Cogito et histoire de la folie).
  27. Traité du désespoir, 1849, éd. Gallimard, « Tél », 1990, p.440.
  28. Journal (extraits) 1846-1849 Gallimard p 120 VIII A 125
  29. Søren Kierkegaard, Post-scriptum définitif et non scientifique aux Miettes philosophiques.
  30. Cf. Heidegger, Questions I et II, « Qu'est-ce que la métaphysique ? », 1929, éd. Gallimard, « Tél », 1990.
  31. La Répétition
  32. Traité du désespoir, Folio Essais, p. 146
  33. Ibid, p. 149
  34. Ibid., p. 154
  35. Cf. Adorno, Kierkegaard. Construction de l'esthétique (1933).
  36. Cf. Marcia Morgan, Adorno's Reception of Kierkegaard: 1929-1933, Université de Potsdam.
  37. Cf. Jaspers, Psychologie des conceptions du monde, 1919.
  38. Cf. Sartre, Conférence « Kierkegaard vivant », 1964, reprise dans Situations philosophiques, IX, « L'universel singulier », Gallimard, « Tél », 1990.
  39. « Et ce n'est pas à mes yeux un mince mérite que celui d'un Karl Jaspers, reconnaissant après Kierkegaard et aussi sans doute Heidegger, que l'existence (et a fortiori la transcendance) ne se laisse reconnaître ou évoquer que par-delà le domaine d'une pensée en général procédant par repères sur les communaux du monde objectif. » in Marcel, Essai de philosophie concrète, Introduction, éd. Gallimard, « Folio Essais », 1940, p.13.
  40. « Kierkegaard, pour une partie au moins de son existence, fait mieux que de découvrir l'absurde, il le vit. » in Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1942. Là encore, Kierkegaard n'est pas considéré comme un penseur à part entière, mais comme une âme de martyr qui vit et exprime la souffrance, l'absurde et l'ineffable.
  41. Cf. le Cours de Heidegger sur l'Ontologie, Herméneutique de la facticité (1923).
  42. Cf. Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, « Le mot de Nietzsche : "Dieu est mort" », 1949, Gallimard, « Tél », 1962 (traduction française), p.301.
  43. Cf. Paul Feyerabend, Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance (1975). On retrouve la même citation, abrégée, dans Adieu la raison (1987).
  44. Cf. Jacques Derrida, Donner la mort, éd. Galilée, 1999.

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