Taoisme

Taoisme

Taoïsme

dào « la Voie », calligraphie 草書 cǎoshū « herbes folles », un style très libre influencé par le taoïsme.

Le taoïsme (chinois: 道教, pinyin: dàojiào, « enseignement de la voie ») est à la fois une philosophie et une religion chinoise. Plongeant ses racines dans la culture ancienne, ce courant se fonde sur des textes, dont le Tao Tö King de Lao Tseu, et s’exprime par des pratiques, qui influencèrent tout l’Extrême-Orient. Il apporte entre autres :

Ces influences, et d’autres, encouragent à comprendre ce qu’a pu être cet enseignement dans ses époques les plus florissantes.

Sommaire

Définition

Le terme « taoïsme » recouvre des textes, des auteurs, des croyances et pratiques, et même des phénomènes historiques qui ont pu se réclamer les uns des autres, répartis sur 2 500 ans d’histoire ; il est difficile d’en offrir un portrait unifié de l’extérieur.

La catégorie « Taoïsme » est née sous la dynastie Han (-200~200), bien après la rédaction des premiers textes, du besoin de classer les fonds des bibliothèques princières et impériales. Dào jiā 道家 ou dào jiào 道教, « école taoïste », distingue à l’époque une des écoles philosophiques de la période des Royaumes combattants (-500~-220). École est ici à entendre dans son sens grec, voire pythagoricien, d’une communauté de pensée s’adonnant aussi à une vie philosophique ; n’y voir qu’un courant intellectuel est un anachronisme moderne. Mais cette école ne fut sans doute que virtuelle, car ses auteurs, dans la mesure où ils ont vraiment existé, ne se connaissaient pas forcément, et certains textes sont attribués à différentes écoles selon les catalogues. De plus, les auteurs réunis a posteriori sous la même rubrique "Taoïsme" peuvent avoir sur leurs orientations fondamentales des vues tout à fait opposées : le Laozi contient les principes d'une recherche de l'immortalité alors que le Zhuangzi la critique comme une vanité; le Laozi est en partie fait de conseils à l'usage du Prince alors que le Zhuangzi est très critique à l'égard de l'action politique, etc. Le Taoïsme est donc essentiellement pluriel.

Durant la période des Trois Royaumes (220~265), les termes dào jiā 道家 et dào jiào 道教 divergent, le premier désignant la philosophie et le second la religion. Car la catégorie a vite englobé des croyances et pratiques religieuses d’origine diverse, comme l’évoque Isabelle Robinet dans Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle : « ...le taoïsme n’a jamais été une religion unifiée et a constamment été une combinaison d’enseignements fondés sur des révélations originelles diverses [...] il ne peut être saisi que dans ses manifestations concrètes »[1],[2].

Le taoïsme est-il une philosophie ou une religion ? Les deux, peut-on dire. Il a en tous cas toujours eu des expressions intellectuelles tout autant que culturelles, mais en diverses proportions selon les époques, et surtout, les classes sociales. Le parti de cet article est d’abord de fournir quelques repères historiques sur le temps long. Sont évoquées les conceptions antiques du Zhuangzi (Tchouang Tseu) et du Dao De Jing (Tao Te King), car ces textes continuent d’inspirer la pensée chinoise, ainsi que l’occident, avec des thèmes comme le Dao, la critique de la pensée dualiste, de la technique, de la morale ; dans un éloge de la nature et de la spontanéité. On trouvera aussi un exposé sur les pratiques taoïstes, concentré sur le moyen âge chinois (les six dynasties, 200~400). La période permet de révéler des techniques mystiques, des idées médicales, une alchimie, des rites collectifs. Leur élaboration a commencé bien avant et s’est poursuivie ensuite, mais ce moment permet d’en offrir un tableau plus riche, et plus attesté. Il en résulte un panorama large, fondé sur des textes et des commentaires récents, afin que chacun puisse se faire son idée du taoïsme comme cela se fit par le passé, mais en privilégiant les sources les plus significatives, les plus évocatrices. Si le Taoïsme est une philosophie, ce n'est évidemment pas dans le sens où Socrate et les philosophes grecs peuvent l'entendre, car le mot même de philosophie, zhe xue, n'apparaît dans la langue chinoise qu'au détour des influences japonaises, au début du XX° siècle. Si la philosophie est une recherche de la vérité au moyen du verbe, du Logos, alors le Taoïsme n'est pas une philosophie car la vérité n'est pas son point de mire et le langage est loin d'être son instrument privilégié. Par contre, si le terme philosophie désigne un type de discours enveloppant une vision du monde (sens large), alors, bien sûr, le Taoïsme peut être considéré comme une philosophie. Dans de nombreuses polémiques actuelles qui agitent le monde sinologique, le terme de "philosophie" est utilisé comme faire-valoir ou comme repoussoir. Ainsi le philosophe Feng You Lan s'était vu reprocher de vouloir faire à tout prix de la pensée chinoise une philosophie, et plus récemment François Jullien s'est vu reproché de vouloir absolument séparer l'horizon chinois de celui de la philosophie. L'éclairage de la question dépend de la définition du terme philosophie à laquelle on s'adosse (sens étroit ou sens large). Il en va de même pour le terme religion qui est loin d'être univoque. Mais si l'on s'entend pour dire que le Taoïsme propose des exercices et un style de vie qui permettent de relier ou d'harmoniser le yin et le yang, la terre et le ciel, c'est-à-dire le visible et l'invisible, alors en ce sens, il peut être considéré comme une religion. Mais c'est évidemment là une réponse rapide qui fait abstraction des aspects complexes du terme religion qui enveloppe un réseau complexe de questions : problème de la transcendance, d'un rapport à un Dieu ou à des Dieux, problème de la révélation ou d'un accès à une vérité révélée, problème de sa dogmatique, problème de son organisation ou de sa structure hiérarchique, etc.

Histoire

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Histoire de la Chine
Les Trois Augustes et les Cinq Empereurs
-2205 Dynastie Xia
-1570 Dynastie Shang
 -1046 Dynastie Zhou
 -722 Printemps et Automnes
 -453 Royaumes combattants
 -221 Dynastie Qin
 -206 Dynastie Han occidentaux
9 Dynastie Xin
  25 Dynastie Han orientaux
 220 Trois Royaumes
 265 Dynastie Jin et
 304 Seize Royaumes
 420 Dynasties du Nord
et du Sud
 581 Dynastie Sui
 618 Dynastie Tang
 690 Dynastie Zhou
 907 Les Cinq Dynasties et les Dix Royaumes
 960 Dynastie Song
 907 Dynastie Liao
1032 Dynastie Xixia
1115 2e dynastie Jin
1234 Dynastie Yuan
1368 Dynastie Ming
1644 Dynastie Qing
1912 République de Chine
1949 République populaire
  République de Chine (Taïwan)
« Ayant aimé la retraite et l’obscurité par-dessus tout, ils effacèrent délibérément la trace de leur vie »

— Sima Qian

Sima Qian (-145~-86) est le père de l’histoire chinoise, il chercha à renseigner la biographie de tous les personnages mythiques ou réels des époques précédentes, et parmi des vies d’empereurs, ce commentaire en exergue est à propos des saints de l'école de la Voie (Zhuangzi, Laozi). Il résume la difficulté d’établir une chronologie de cet enseignement, car ceux qui le suivirent s’ingénièrent aussi bien à se cacher, qu’à brouiller les dates et les noms. L’établissement d’une histoire du taoïsme satisfaisant la critique occidentale est une élaboration récente.

En 1934, Marcel Granet écrivait « pour découvrir [...] la pensée chinoise, on dispose de renseignements assez bons, mais ils ne pourraient guère autoriser à composer une Histoire de la Philosophie comparable à celle qu’il été possible d’écrire pour d’autres pays que la Chine. »[3]. À la même époque, Henri Maspero commence à classer et analyser l’immense corpus taoïste postérieur à l’antiquité, donnant lieu à une édition posthume en 1950. En 1963, Max Kaltenmark peut écrire Lao Tseu et le taoïsme, et pose en 1972 les jalons de la philosophie chinoise dans les 128 pages d’un Que sais-je ? (réédité en 1994). En 1997, Anne Cheng porte enfin à la connaissance du public non spécialiste une Histoire de la pensée chinoise de 600 pages, qui va jusqu’en en 1919, et répondant aux exigences posées en 1934. Parallèlement, en 1991, Isabelle Robinet publie une Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle, très citée à l’étranger. Ces deux dernières références ont été privilégiées pour renseigner cette section.

(-1500~-500) Temps mythiques

La chronologie traditionnelle chinoise de Sima Qian en dynasties est évidemment peu fiable quant aux faits sur les périodes anciennes. Toutefois, elle fournit un état des représentations de son époque, ainsi que des penseurs qui l'ont précédée. Confucius croyait aux empereurs Yao et Shun, le Dao De Jing les évoque, plus vaguement. Cette ligne temporelle permet d'introduire quelques idées de mythologie chinoise qui auront leur importance dans la suite du taoïsme.

Nostalgique des origines, le taoïsme situe généralement l'âge d’or avant l’histoire et les empereurs, supposant une douce communauté paysanne sans ordre politique. Dao De Jing : « Du roi, le peuple de l’antiquité savait seulement qu’il existait » 17, maintenant, « Le peuple a faim parce que le prince dévore l’impôt. » 75. L'archéologie constate que la vallée du fleuve jaune est cultivée. On peut supposer des traces de chamanisme (période Yangshao), ces thèmes se retrouveront beaucoup plus tard (voir l’alchimiste Ge Hong, 283~343).

Le premier empereur mythique de la dynastie Xia, Huángdì (-2697~-2598), n’est pas vérifiable. Par contre, les mythes lui attribuent une invention dont on a trace après cette époque, la métallurgie. S’il on en croit le mode de transmission des croyances et pratiques alchimiques[4], on peut supposer que les premiers mystères initiatiques sur la fusion des métaux commencèrent ici (mais les échos écrits commencent avec le huanglao).

La dynastie Shang (-1751~-1111) laisse des traces plus certaines d’une unité de culture, sinon politique. Les écritures retrouvées permettent de reconstituer une société clanique, avec une famille royale occupant le sommet de la hiérarchie, et des chefs de lignée qui perpétuent le culte familial. Ils entretiennent des devins interprétant les craquelures de carapaces de tortue jetés au feu (scapulomancie), de cette pratique se dégagent les sinogrammes, et donc, l’écriture.

Les Shang sont renversés par les Zhou (-1000). Cette ethnie installe une organisation de type féodale, même si le terme n’est parfois pas accordé à la Chine. On trouve en tous cas un mouvement de dissolution de la fidélité à la royauté centrale, dont la nostalgie est conservée. La restauration d’un empire idéal est un thème central des écoles postérieures, mais aussi du projet de civilisation, jusqu’au premier empereur Qin Shi Huang.

Vient ensuite la période des Printemps et des Automnes (-722~-481), du nom de la chronique du royaume de Lu qui couvre ces dates. De nombreux seigneurs avec une langue et une culture commune assistent à une progression démographique, économique et culturelle ; mais sans l’unité politique. Ils se fient de moins en moins à la noblesse héréditaire, ouvrant leurs cours à des intellectuels itinérants, dont résultent les sources compilées dans les cinq classiques. L’un d’eux, le Yì Jīng, a une grande influence sur le taoïsme de notre ère. On suppose qu’à cette époque s’élaborent aussi les spéculations du Yin-Yang et des cinq éléments, ainsi que les premières pratiques d’immortalité.

De ces temps de créations anonymes et de datation incertaine on peut donc retenir : chamanisme, Huángdì, sinogrammes, immortels, Yin-Yang, cinq éléments ; thèmes qui persistent et se combinent tout au long du taoïsme.

(-500~-220) Royaumes combattants, bourgeonnement intellectuel et mystiques taoïstes

La séparation entre cette période et la précédente est tout à fait artificielle, elle en conserve les mêmes caractères sociaux, avec cependant une progression pragmatique dans la concentration politique (sept royaumes) qui entraîne une crise du modèle culturel traditionnel (Confucius). Il s’y développe une classe intellectuelle mercenaire pouvant vivre en dehors des cours seigneuriales, en formant les jeunes nobles pour les emplois publics. C’est le temps des cent écoles. Même si le nombre est trop symbolique pour être exact, la période témoigne d’une vivacité intellectuelle où se forgèrent des concepts pour de nombreux siècles ensuite.

Même si les personnes physiques de Laozi et Zhuangzi sont incertaines, de même que la généalogie de leurs influences et de leur descendance, la possibilité historique de leur œuvre à cette époque est vérifiée par l’état de la langue et de la culture. La section conceptions de cet article se concentre sur ces œuvres. Sociologiquement, ils prouvent une société assez riche pour avoir des sages cachés, des lettrés instruits sans pour autant briguer une place et vivant au cœur du peuple. Les thèmes politiques des autres écoles sont présents, mais on ne lit pas les mêmes intentions de flatter un prince, ou de promettre la recette décisive. La politique semble être une conséquence d’une vérité mystique et cosmologique. Autrement dit, le contexte historique aide à comprendre les mots utilisés, mais ne suffit pas à expliquer les phrases composées, qui elles, sont proprement taoïstes.

C’est également à cette période que se développe dans les cours royales et princières la Voie des magiciens et des immortels née dans les pays de Qi et de Yan. En s’entourant de spécialistes (fangshi) de rituels, magie et alchimie, les souverains espèrent s’assurer le succès et échapper à la mort. La mer Jaune baignant les rivages de ces deux États du Shandong et du Hebei n'abrite-t-elle pas trois îles où poussent des herbes prolongeant la vie ? Le premier empereur Qin et plus tard Wudi des Han y enverront des expéditions infructueuses, mais la mythologie des immortels et les savoir-faire des magiciens garderont leur prestige et seront intégrés dans le taoïsme.


(-221~200) Empire, compilations, taoïsme ésotérique

-221, Qin Shi Huang unifie l’Empire. Il institue la bibliothèque impériale, afin de conserver l’édition officielle des classiques chinois, pour les retirer aux écoles et aux anciens royaumes. La sélection s’est accompagnée de persécutions sur les intellectuels, des livres ont été brûlés, surtout confucéens. Durant la dynastie Han, un travail bibliographique de quatre siècles établira les textes qui nous sont parvenus, en ajoutant parfois beaucoup aux originaux, comme cette citation tirée du Zhuang Zi, certainement postérieure.

Lorsque le monde sombra dans le désordre, saints et sages se cachèrent et le Dao fut divisé, chacun sous le Ciel en prit une parcelle pour se faire valoir. Il en est comme de l’ouïe, de la vue et de l’odorat, qui ont chacun leur usage mais ne communiquent pas : les cent écoles, dans le foisonnement de leurs techniques, en comptent toutes d’excellentes, utiles à tel ou tel moment, mais aucune n’embrasse la globalité.[5]

La période est tentée par un éclectisme qui concilierait toutes les sagesses héritées des Royaumes combattants. Yang Xiong (-53~18), l’ermite de la cour, illustre le génie de cette époque, par ses imitations originales des classiques. Son Fayan « paroles pour guider » le rattacherait au confucianisme puisqu’il reprend la forme du Lúnyǔ « les entretiens de Confucius » ; mais il s’inspire aussi du Yì Jīng pour le Taixuanjing « Livre du Mystère suprême » développant une combinatoire ternaire (Terre, Ciel, Homme) qui a eu peu de postérité.

Le courant Huanglao est aussi très caractéristique. En partie philosophie politique de parenté légiste, en partie religion divinisant le mythique Empereur Jaune Huang di et le sage Lao Zi, les empereurs des Han occidentaux Wendi et Jingdi y cherchèrent une philosophie totale, à la fois cosmique et politique, justifiant l'existence de l'empire et réglant leur action[6]. Cette construction confuse, concurrencée dès Wudi par le confucianisme, contribua à la constitution du terreau taoïste.

(200~400) Taocratie des Maîtres célestes

Moine taoïste

En 184, les frères Zhang mènent la révolte des Turbans Jaunes au nom de la « Voie de la Grande paix » (Taiping dao 太平道). La dynastie Han (184) a vacillé, annonçant une période de troubles, contemporaine des grandes migrations barbares. Dans une autre partie de la Chine, l’établissement parallèle d’une église des cinq boisseaux manifeste de même une expression collective et organisée du taoïsme. Les généalogies et les influences sont complexes et disputées, ces traditions se poursuivent encore aujourd’hui. On osera cependant désigner ces phénomènes religieux populaires sous un même terme : les Maîtres célestes[7].

La mobilisation des foules s’effectue autour d'un millénarisme annonçant le retour prochain d’un âge d'or de morale et de religion. L’empire s’effritant, le mythe actif d’un royaume à venir, nourri par les diverses traditions locales (huanglao, fangxian, religions non Han etc..) et bientôt le bouddhisme, stimule de nouveau la réflexion des élites.

Les IIIe et IVe siècles permirent un renouveau intellectuel[8] dans les classes aristocratiques, par la pratique de la « causerie pure » qingtan [9] sur le Xuanxue « étude du mystère » (autrement appelé néo-taoïsme). Il s’en dégage plus d’auteurs originaux que sous l’Empire : Wang Bi (226~249), Guo Xiang (252?~312), Xi Kang (223~263).

Poursuivant des pratiques de la cour Han, l'alchimie est développée par les recherches individuelles d’un Ge Xuan (164?~244?) ou d'un Ge Hong (280~340), et la naissance avec Ge Chaofu (fin du IVe siècle) d’une « école du joyau magique » Lingbao pai. Ce courant absorbe des influences maîtres célestes et prend de l’importance en devenant ritualiste.

Depuis les Trois Royaumes, le pays est divisé, notamment entre le Nord et le Sud. Dans le Nord, Kou Qianzhi (365-448) tente de structurer les maîtres célestes - devenus une nébuleuse de groupes indépendants aux activités parfois suspectes - en un mouvement cohérent et hiérarchisé intégrant la morale confucéenne et le monachisme bouddhiste. Au début du IVe siècle, les invasions déplacent la cour des Jin et une partie des maîtres célestes vers la vallée du Yangzi JiangLu Xiujing (406~477) sera leur réformateur. Ce déplacement du centre culturel a un effet durable dont témoigne le développement du Shangqing.

Cette période est un âge de grande fécondité pour le taoïsme[10] durant laquellle on peut observer ses expressions dans toute leur variété ; dans cet article, elle sert de repère pour la description des pratiques.

(400~1800) Les trois enseignements

L’assimilation du bouddhisme est un phénomène majeur dans l’histoire des idées chinoises. Sa présence commence au Ier siècle mais les idées indiennes sont faussement assimilées à une forme de taoïsme jusqu’au Ve siècle. Bodhidharma, le fondateur symbolique du bouddhisme Chan est un repère acceptable de la transition, mais son génie oral supposé laisse moins de traces dans les textes que par exemple Kumârajîva (344~413?), un missionnaire koutchéen ayant su traduire le message original sanskrit en chinois, ou bien Xuanzang (602 - 664), un chinois qui fit le chemin inverse en rapportant d’Inde les sûtra d’une religion déclinante dans sa terre d’origine. L'ère des trois enseignements (sanjiao 三教)[11] confucianisme, bouddhisme et taoïsme débute ; ils s'influencent mutuellement et il devient encore plus difficile de dégager une innovation qui serait spécifiquement taoïste.

Le syncrétisme permet aux trois enseignements de cohabiter, d’échanger, et aussi d’éviter la plupart du temps les guerres de religion, transformées en luttes d’influence auprès de l’empereur. Le pouvoir attend soutien des trois et officialise à tour de rôle l’un ou l'autre en tentant de le façonner selon ses besoins, provoquant une alliance objective des deux autres. Ainsi l’empereur Wu des Liang du Sud (502-549) prend pour modèle le grand souverain bouddhiste Ashoka (-273~-232). Après la réunification, un patriarche taoïste du Shangqing « Pureté suprême », assure à Gaozu (566~635) qu’il a reçu le mandat céleste en tant que descendant le Laozi car ils ont le même nom de famille, Li (李). Gaozu fonde la dynastie Tang (618), ajoute le Dao De Jing au programme des examens, fait compiler un canon taoïste officiel et ouvre des écoles dans tout l’empire pour l’enseigner. En 845, selon une inspiration confucéenne, l’empereur Tang Wuzong s’illustre par une persécution contre toutes les religions contemplatives et prônant le célibat, menaces pour l'économie, qui vise le taoïsme et le bouddhisme - et affecte même une présence marginale du christianisme nestorien et du manichéisme.

Par la suite, les courants se regroupent et deux Écoles dominent le paysage à partir des dynasties Jin et Yuan (XIIe et XIIIe siècles) : la Puissante alliance de l’Unité orthodoxe, Zhengyi Mengwei , et l’École de la Complétude de l’Authentique, Quanzhen. La première est une fédération d’écoles centrées sur les rituels et talismans présidée par les Maîtres Célestes, la seconde résulte de la fusion de deux courants alchimiques - ou ascétiques, car l'alchimie « interne » est en passe de remplacer l'alchimie « externe ». Nés à la fin des Song, il s'agit de l’école du Nord fondée dans le Shaanxi par l’excentrique Wang Chongyang sur les bases de la tradition alchimique interne dite « Zhonglü » (du nom des deux patriarches immortels Zhongli Quan et Lü Dongbin), du bouddhisme chan et de la bienveillance confucéenne, et de l’école du Sud de Zhang Boduan fondée dans le Sichuan et très active au sud du Yangzi Jiang. Il existe donc aujourd’hui deux courants, Zhengyi plutôt ritualiste et séculier, Quanzhen plutôt ascétique, centré autour de communautés de type bouddhique.

(1800~1949) Chine moderne

Les ennuis du taoïsme avec les autorités commencèrent bien avant l’avènement de la République populaire de Chine. À partir de la seconde moitié des Ming, son image s’est graduellement dégradée auprès des intellectuels et hauts fonctionnaires du fait de son lien avec la religion populaire. Que les écoles taoïstes aient été de tout temps des structures idéales pour le développement des mouvements d’opposition ne joua pas non plus en sa faveur. Liang Qichao (1873-1929), avocat du renouveau social de la Chine, écrivit même qu’il était « humiliant » d’avoir à inclure le taoïsme dans l’histoire religieuse chinoise, « car le pays n’en a jamais tiré aucun avantage ».

Le Mouvement du 4 mai (1919) déclencha une accentuation de la répression. En 1920 une loi, peu appliquée il est vrai, interdit les temples dédiés aux divinités des éléments et des phénomènes naturels, ainsi que l’usage des talismans et autres protections magiques. Seuls les temples consacrés à des personnages illustres et exemplaires furent autorisés.

(1949~1976) Révolution et persécutions

Les moines du mont Wudang recueillirent la troisième armée rouge et beaucoup de taoïstes firent preuve de patriotisme pendant l’invasion japonaise, mais ils ne furent pas épargnés par les communistes pour autant. Le monastère principal de l’école Zhengyi sur le mont Longhu au Jiangxi fut incendié en 1948, et son patriarche se réfugia à Taïwan en 1950. La politique générale vis à vis des religions s’appliqua à partir de 1949 au taoïsme et à la religion populaire : pas de suppression totale, mais interdiction des nouvelles ordinations, répression de toutes les activités qualifiées de superstitieuses (talismans, divinations..) et anti-marxistes (écoles hiérarchisées, temples et fêtes de clan…) et confiscation de locaux. Certaines sectes furent déclarées illégales et passèrent dans la clandestinité. Parfois obligées de recourir à des voies illégales pour recueillir des fonds, certains de leurs membres se virent associés à des scandales, ce qui n’arrangea rien. En 1956, de précieuses statues de bronze du mont Wudang furent fondues.

Dans le cadre du Mouvement pour les trois autonomies destiné à mettre fin à la dépendance financière, idéologique et administrative des religions de Chine vis à vis d’institutions étrangères, fut fondée en 1957 l’Association taoïste chinoise. Le gouvernement espérait aussi à travers elle mieux contrôler l’ensemble très divisé des écoles. Il s’engagea en contrepartie à restaurer et entretenir les temples les plus célèbres. En 1961, les recherches, les publications et la formation de personnel reprirent sous l’impulsion du président, Chen Yingning, mais la Révolution culturelle interrompit vite toute activité pour le taoïsme comme pour les autres religions. En 1966 l’association fut dissoute, les temples fermés ou réquisitionnés, les moines et nonnes renvoyés. On déplora de nombreuses destructions, dont 10 000 rouleaux de textes sacrés au monastère Louguantai [12] au Shaanxi, près de la passe par laquelle Lao Zi partit, dit la légende, vers l’Ouest.


(1976~...) Après Mao

C’est en 1979 sous Deng Xiaoping que reprit une certaine activité. L’Association taoïste, reconstituée en mai 1980, tint sa troisième séance au Baiyun Guan [13] ou Monastère des nuages blancs de Pékin, temple principal de l’école Quanzhen Dao, qui rouvrit en 1984 autant comme lieu touristique que religieux. Les associations locales furent reconstituées à partir de quelques anciens maîtres et de jeunes recrues complètement inexpérimentées.

Le premier centre de formation théologique ouvrit en 1984 au Baiyun Guan de Pékin, et les ordinations Quanzhen reprirent en 1989. En plus mauvais termes avec le gouvernement communiste, Zhengyi dut attendre 1992 pour voir les siennes reconnues et son monastère principal (Longhu) s’ouvrir, tout d’abord aux Chinois d’outre-mer des régions comme Taïwan où cette école est bien implantée. En 1994, on comptait environ 450 grands temples et monastères rouverts et restaurés, en partie avec des fonds donnés par les taoïstes d’outre-mer. Les moins grands fonctionnent il est vrai souvent plus comme des lieux touristiques où moines et nonnes accueillent les visiteurs que comme des centres d’étude et de pratique religieuse. Les pratiquants les plus déterminés se font ermites.

Les temples, moines ou maîtres taoïstes doivent obtenir une autorisation formelle d’exercice, nécessaire également pour les cérémonies publiques. Néanmoins, dans les régions rurales, de nombreux maîtres mariés et vivant au sein de la société, souvent dans la mouvance Zhengyi, plus difficiles à contrôler que les moines, exerceraient de façon “sauvage".

La première rencontre entre les clergés taïwanais et continental - première rencontre entre les sectes Quanzhen et Zhengyi de l’histoire du taoïsme - se déroula en septembre 1992 au temple de Louguantai. En novembre eut lieu la première visite officielle en Chine d’une délégation de l’Association générale des taoïstes de Taiwan.

Des recherches sur le taoïsme ont lieu dans les départements d’étude des religions de l’Académie des sciences sociales, en particulier à Pékin, Shanghai, au Sichuan et au Jiangsu. Des instituts de recherche sur la culture taoïste ont été fondés à Pékin (1989), Shanghai (1988) et Xi’an (1992). Le Taoïsme chinois [14], organe de l’Association, publie des études. De 1986 à 1993 on a réimprimé L’Essentiel des écritures taoïstes [15], extrait de treize mille textes gravés sur bois de la dynastie Qing.

Conceptions : Principaux traits

Avant le bouddhisme, et surtout à partir des Han, le taoïsme s’est défini par rapport à son rival, le confucianisme. Cependant, ces deux courants de pensée partagent l’héritage du fond culturel chinois, qui est beaucoup plus important que ce qui les sépare, et sont ainsi plus complémentaires qu’antagonistes. Les lettrés chinois les ont le plus souvent perçus comme deux moyens différents d’arriver au même but : la sagesse pour soi et la société. Chacun est efficace dans son domaine, et on peut très bien, comme le dit l’adage, être « confucianiste le jour et taoïste la nuit ».

Deux textes essentiels

Les références les plus sûres sont constituées par le « Canon taoïste », traditionnellement trois livres écrits vers le IVe siècle av. J.-C. et compilés sous les Han : le Dao De Jing, le Zhuangzi et le Lie Zi. Avec la critique moderne on écartera ce dernier, ou Vrai Classique du vide parfait, car cette compilation plus tardive apporte peu aux deux autres.

  • Le Dao De Jing (ou Tao Te Ching, Livre de la Voie et de sa Vertu) est un court recueil d’aphorismes obscurs et poétiques attribué au père fondateur et même divinisé du taoïsme : Laozi (Lao-tseu). Les taoïstes n’ont pas cessé de le lire, en l’interprétant très diversement selon les siècles. Pour plusieurs courants, il fut au centre de cérémonies, pas exactement comme livre sacré, mais plutôt comme texte de prière. D’autres cultures le découvrent, sa traduction est une gageure dans toutes les langues, y chercher un sens inspire beaucoup d’auteurs. La divergence des interprétations illustre la richesse fluide et féconde du tao ; un texte majeur de l’humanité.
  • Le Zhuangzi (Tchouang-tseu), du nom de son auteur, est un recueil de fables dialoguées, vivantes et d’enseignement profond. La forme en apparence plus directe, plaisante et pleine d’humour, traite au fond de thèmes philosophiques rigoureusement sentis. Des générations de mandarins y ont trouvé une consolation des soucis de leur charge dans la figure d’un saint sans ambition, dégagé des contraintes sociales. Des modernes y cherchent au cœur du caractère ou dans le rythme d’une histoire, une sagesse chinoise toujours actuelle.

Ces textes permettent de dégager quelques thèmes taoïstes, mais on préviendra que pour l’histoire des idées chinoises, ce sont des lieux aussi communs que raison ou culture pour la philosophie occidentale. Les contemporains de Laozi et Zhuangzi les employaient aussi, quoique interprétés différemment et sans la même importance. La compréhension que nous en avons désormais, dépend largement des siècles d’interprétation qui suivirent, notamment dans le néo-confucianisme de la dynastie Song (Xe et XIe siècle). Autrement dit, il faut commencer par là, mais éviter d’en déduire des catégories trop strictes entre ce qui serait taoïste, et ce qui ne le serait pas.

Suivre la Voie

道 Dao/Tao, la voie

La recherche de la sagesse en Chine se fonde principalement sur l’harmonie. L’harmonie, pour les taoïstes, se trouve en plaçant son cœur et son esprit (le caractère chinois du cœur désigne les deux entités) dans la Voie (le Tao), c’est-à-dire dans la même voie que la nature. En retournant à l’authenticité primordiale et naturelle, en imitant la passivité féconde de la nature qui produit spontanément les « dix mille êtres », l’homme peut se libérer des contraintes et son esprit peut « chevaucher les nuages ». Prônant une sorte de quiétisme naturaliste (Granet), le taoïsme est un idéal d’insouciance, de spontanéité, de liberté individuelle, de refus des rigueurs de la vie sociale et de communion extatique avec les forces cosmiques. Ce taoïsme des grandes chevauchées mystiques a servi de refuge aux lettrés marginaux, ou marginalisés par un bannissement aux marches de l’Empire, aux poètes oubliés, aux peintres reclus... et fascine aujourd’hui bien des Occidentaux.

Pour se libérer des contraintes sociales, le taoïste peut fuir la ville et se retirer dans les montagnes, ou vivre en paysan. Dans les Entretiens de Confucius, on trouve déjà cette opposition entre d’une part ceux qui assument la vie en société et cherchent à l’améliorer (les confucianistes) et, d’autre part, ceux qui considèrent qu’il est impossible et dangereux d’améliorer la société, qui n’est qu’un cadre artificiel empêchant le naturel de s’exprimer (les taoïstes), une dialectique peut-être analogue à la question de l'engagement de l’intellectuel. Zhuangzi a des images frappantes : un arbre tordu, dont le menuisier ne peut faire de planches, vivra de sa belle vie au bord du chemin, tandis qu’un arbre bien droit sera coupé en planches puis vendu par le bûcheron. L’inutilité est garante de sérénité, de longue vie. De même l’occupant d’une barque se fera insulter copieusement s’il vient gêner un gros bateau, mais, si la barque est vide, le gros bateau s’arrangera simplement pour l’éviter. Il convient donc d’être inutile, vide, sans qualités, transparent, de « vomir son intelligence », de n’avoir pas d’idées préconçues et le moins d’opinions possible. Ayant fait le vide en soi, le sage est entièrement disponible et se laisse emporter comme une feuille morte dans le courant de la vie, c’est-à-dire : librement « s’ébattre dans la Voie ».

Plénitude du vide et autres paradoxes

Taijitu montrant les relations entre le Yin et le Yang

La plénitude du vide pourrait passer pour un paradoxe purement formel, un pur jeu de mots. Le chapitre 11 du Dao De Jing fournit des analogies plus éclairantes : la roue tourne par le vide du moyeu, la jarre contient d’autant plus qu’elle est creuse, sans les trous des portes et fenêtres, à quoi sert une maison ? La page se conclut par une formule que l’on peut traduire : « du plein, le moyen ; du vide, l’effet ». Cette interprétation volontairement abstraite trouve une application universelle, par exemple, la stratégie militaire. L’Art de la guerre de Sunzi a un chapitre « du plein et du vide » où il explique très concrètement comment un général doit disposer du lieu de bataille (le plein) comme un potentiel (les moyens), de passes ou d’entrées (des vides) où il attire l’adversaire de son plein gré pour le battre avec le moindre effort (l’effet). La fable du coq de combat de Zhuangzi (19) qui vaincra sans combat est une autre illustration de la vertu supposée du vide intérieur[16].

L’inutilité sociale, l’absence de qualités effectives qui est présence en puissance de toutes les qualités possibles, la vacuité d’un cœur libéré de tout souci mondain, sont les aspirations les plus courantes de la voie taoïste. On peut se retirer du monde pour s’en approcher, mais ce n’est ni nécessaire ni suffisant. Pour réaliser cette libération, pour « trouver la Voie », un des moyens possible est l’utilisation des paradoxes. Il y en a beaucoup dans le Dao De Jing : c’est sans sortir de chez soi qu’on connaît le monde, c’est en ne sachant pas qu’on sait, c’est quand on agit le moins que son action est la plus efficace, la faiblesse est plus forte que la force, la stupidité marque l’intelligence suprême, ou la civilisation est une décadence. Le but de ces paradoxes semble d'abord de briser la pensée conventionnelle, de rompre les chaînes logiques et casser le sens des mots, comme le cultivera plus tard le bouddhisme Chan. C’est aussi une arme polémique contre les doctrines qui s’instituent, par exemple le confucianisme. Mais il y a certainement aussi, comme pour le paradoxe du vide, une manière de pratiquer ces paradoxes qui apporte une efficacité, justifiant l'intérêt encore porté à ce texte. Son secret semble un mystère vivant, pas une mécanique vide.

Non-agir

Stèle funéraire dans un temple taoïste de Canton

Le Dao De Jing est aussi un manuel de politique magico-mystique. Si on « non-agit » la nature et ses dix mille êtres, ils croissent et se multiplient. Si on ne cherche pas à gouverner les hommes, ils s’auto-organisent spontanément de la meilleure façon possible. Cette idée qui peut sembler libertaire doit être remise en contexte. D’un côté, elle se fonde sur l’antique croyance chamanique d’une action efficace du Prince par le jeu des correspondances entre les microcosmes et le macrocosme. Ainsi le simple fait pour celui qui dispose du Mandat du Ciel de décrire dans sa maison la suite des saisons en déménageant régulièrement d’une salle à l’autre, assure que la pluie viendra à son heure féconder les champs, que l’hiver durera le temps voulu, etc. L’inaction apparente n’empêche pas l’action effective. Si la circulation saisonnière dans sa maison assure la bonne marche de l’empire, c’est parce qu’il y a « résonance » et effet d’entraînement — ou d’engrenage — entre la maison du Prince et son empire. C’est-à-dire que la maison du Prince est conçue comme une représentation homothétique du monde. D’ailleurs, les éclipses, famines ou inondations sont interprétées aussitôt comme un dérèglement des mœurs dans la maison du Prince. D’autre part, cette idée d’une inaction efficace a pu être prônée par des penseurs plus rationnels, quand ils souhaitaient contenir les caprices des princes et limiter leurs dégâts sur le peuple.

Le « non-agir » ou wu-wei, au sein de l’individu, a une grande portée et le taoïsme s’attache à cultiver l’efficacité particulière qui découle de l’absence d’intentions. L’activité de certains artisans est minutieusement décrite par Zhuang Zi. Il montre un boucher ou un charron qui ont acquis la plus grande maîtrise de leur art après des années d’apprentissage, mais surtout, ils peuvent oublier les règles et la matière qu’ils travaillent, conduits par le Tao. Ils laissent les gestes et leur corps opérer seul, sans intention consciente de la volonté. L’art le plus humble permet à tous d’atteindre un absolu. Le confucianisme préférait restaurer les hiérarchies : « Même subalternes, tous les arts et les places sont respectables. Mais à trop vouloir y chercher, on s’y enferme. L’honnête homme n’aura pas de métier. » Entretiens de Confucius 19:4 [17] On rencontre tous les jours des situations qui montrent que le vouloir peut interférer avec l’action du corps et produire des œuvres ratées. Une part d’« inconscience » est souvent nécessaire pour peindre, écrire, sculpter, chanter. Qui veut bien faire n’arrive au mieux qu’au médiocre. Pour un créateur, aspirer au Beau ne conduit souvent qu’à des œuvres qui sentent la sueur et la colle. Voilà un des paradoxes humains des plus fertiles décelés par le taoïsme, et tout l’art chinois, ainsi que sa critique, s’en ressentent.

La civilisation comme maladie

Alors que la plupart des personnages de la mythologie chinoise sont des héros civilisateurs, qui ont donné aux hommes les inventions (agriculture, irrigation, médecine ou l’écriture), le taoïsme s’affirme contre la technique. Pour l’illustrer, une parabole de Zhuang Zi met en scène un paysan taoïste qui, bien que connaissant l’usage du chadouf (qui lui économiserait beaucoup de temps et d’énergie pour arroser ses champs), aurait « honte de s’en servir » parce que cette technique artificielle va à l’encontre de la nature. Allant dans le même sens, le paragraphe 80 du Dao De Jing propose un « retour aux cordes nouées » (ancêtres des systèmes d’écriture). Ce même texte va plus loin : des villageois ne rencontrent pas de toute leur vie les villageois du hameau qui est à portée de vue. Si l’on suit cet enseignement, la société proposée par Lao Zi comme idéal de simplicité est une constellation de villages autonomes sans liens entre eux et des humains sans curiosité ni pour les outils permettant de leur faciliter la vie, ni même pour le monde extérieur. On ne sait pas ce qui dans l’intention tient du paradoxe à la provocation calculée, d’un choix individuel, ou réellement d’un projet politique.

Ainsi le paragraphe 3 dans les traductions européennes invite à lire « Vider les têtes, remplir les ventres » comme un conseil au prince selon l’idéologie réactionnaire la plus pure, puisque le retour au passé invoqué est celui d’un mythe. L’ignorance du peuple assurerait un pouvoir invisible et actif sans rien faire. Mais traduire du chinois poétique aussi ancien tient souvent de l’interprétation, influencée par l’héritage d’une tradition, ici, confucéenne. La phrase complète a aussi été lue dans les milieux taoïstes comme une technique mystique : « le saint agit en vidant son cœur, nourrissant le nombril ; il abandonne le vouloir, pour affermir ses os ». Cœur et tête sont un même caractère, la respiration abdominale est censée nourrir le nombril, pratique clairement admise ensuite comme contribuant à la longévité : la persistance des os. Ce petit exemple indique les limites d’une interprétation close des textes taoïstes, et qu’il faut en accepter la polysémie, d’abord dans les langues européennes, mais aussi pour le chinois.

Interprétations

L’attitude la plus prudente à l’égard de Zhuangzi et surtout du Laozi est de les lire comme des énigmes. Le sens n’a pas été épuisé en de nombreux siècles de tradition chinoise, l’occident vient avec ses clés, qui ouvrent de nouvelles portes sur ses propres paysages, mais elles ne permettent pas plus de les comprendre définitivement, ce qui est le propre des textes vivants.

La lecture du Dao De Jing a été continue, avec une longue histoire de commentaires, mais aussi de pratiques différentes du texte. Comme les classiques confucéens, il a été parfois au programme des concours mandarinaux, donc chargé d’un commentaire scolastique reflétant les préoccupations politiques d’une époque. Il s’y ajoute le destin des œuvres reconnues mais à la marge, d’être servies par des génies individuels, un peu comme le Yi Jing. Enfin, il y a un usage très singulier pour l’histoire des religions de livres, le texte est sacré, mais pas d’auteur divin. Certains lui accordent les pouvoirs d’une magie, sans pour autant le cacher dans un ésotérisme puisqu’il est aussi lu publiquement. Ce prestige a en tous cas inspiré tout le taoïsme postérieur.

Pratiques : la quête d’immortalité


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Bön • Bouddhisme • Confucianisme • Dongba
Religion traditionnelle chinoise • Shintoïsme • Taoïsme 


La quête d’immortalité est un principe organisateur des multiples pratiques du taoïsme. Plusieurs millénaires, un continent, des clergés diversement organisés et parfois en conflit ; même appuyée sur des spécialistes (Maspero[18], Robinet[19]), cette simplification demande justification.

L’archéologie et les textes confirment les dépenses ruineuses du deuil, le culte des ancêtres, et la croyance aux esprits. Le panthéon des chinois a beaucoup varié, mais presque tous crurent que les morts continuaient une existence, que les vivants leur devaient des offrandes, pour espérer une vie meilleure. Confucius enseigna la sagesse de ne pas craindre les fantômes, de respecter les rites dans l’intention, sans pour autant y sacrifier sa fortune. « Le deuil doit porter jusqu’à l'affliction mais pas plus » [20], « Le Maître ne parlait jamais de l’étrange, ni des esprits » [21]. Le bouddhisme apporta la Saṃsāra (le cycle des renaissances) dont le nirvāna libère. Les premières traductions des textes bouddhistes sont justement révélatrices, car faute d’un vocabulaire adapté, elles empruntent des termes taoïstes[22]. La réincarnation est ignorée, mais le message du Bouddha est retenu, car il sauve de toute mort, donc d’abord de la première. Le nirvana est interprété comme l’immortalité, le bouddhisme est assimilé à un ensemble de recettes taoïstes : prescriptions alimentaires et morales, concentration et méditation. La force du clergé bouddhiste, l’unité de son message, l’afflux continu de missionnaires indiens aux sources de la doctrine a inversé le rapport d’assimilation ; le syncrétisme chinois a fini par fondre ce qu’il y aurait de spécifique au taoïsme. Afin cependant d’illustrer des pratiques religieuses spécifiquement taoïstes, on s’accordera avec les spécialistes [23] à se concentrer sur la période des six dynasties (200-400) entre les Han et les Tang, très prolifique en techniques de longévité.

Bien antérieur (IVe siècle av. J.-C.), le Dao De Jing et le Zhuang Zi partagent aussi cette quête, mais en lui donnant un cadre métaphysique[24]. Ces textes résultent d’une démarche expérimentale, non pas mesurable, ou observable, mais bien d’une expérience totale de l’individu : la mystique. À la manière des yoga sutra mais avec d’autres conclusions, ces maîtres ont confronté leurs sens à leur langue, découvrant sans influence des universaux spirituels, et la particularité des intuitions de leur culture. Ainsi les spéculations sur le Qi supposent techniquement un monisme vitaliste ou naturaliste qui ne distingue pas l’esprit de la matière. En conséquence l’individu n’est pas connu comme un dualisme d’une seule âme et d’un seul corps, mais de nombreux principes uniquement maintenus ensemble par la vie, que la mort sépare. Dès lors l’immortalité personnelle ne se fera pas sans le corps, qui en retient l’expérience et la mémoire, il entre dans la grande préoccupation taoïste : nourrir le principe vital.

L’objectif est clarifié, mais on est ensuite frappé par l’immense variété des prescriptions. Le confucianisme rappelait à l’esprit des anciens et se contenait au classique des rites. L’organisation des pratiques bouddhistes résista tant bien que mal à l’inventivité chinoise. Le taoïsme manifeste un génie religieux pléthorique si bien que la première tâche de l’adepte est de voyager à travers la Chine, pour trouver le maître qui convient à sa voie et à son avancement, en se gardant des imposteurs ou de pratiques trop dangereuses pour son grade. La critique moderne permet tout de même de classer des spécificités.

  • Nourrir le corps : diététique, alchimie, respiration, gymnastiques, sexualité, médecine
  • Nourrir l’esprit : morale, panthéon, exorcisme, divination, cérémonies

Nourrir le corps : la transmutation

L’embryon immortel - méditation taoïste

« et les vivants ne mourront pas, les jours où vous mangiez ce qui est mort vous en faisiez du vivant » Évangile de Thomas 11.

Cette citation d’un évangile apocryphe[25] aurait pu convenir mot à mot à un taoïste, mais dans une interprétation toute différente du christianisme. Une religion doit faire qu’on ne meure pas, en expliquant comment.

La vie se nourrit avec du mort, l’adepte le constate aussi, et se demande surtout : comment devenir immortel en mangeant des choses qui vont mourir ? Des pratiques corporelles parfois nuisibles à la santé se déduisent de cette logique, transformer la chair en vie imputrescible. Par l’ascèse, l’adepte cherche à réveiller l’embryon qui résiderait dans son nombril. À cette force de croissance et de génération, il prête la vertu du serpent, de pouvoir muer. La dépouille actuelle est transitoire, une autre plus durable peut lui succéder, du moins si l’on se nourrit suffisamment bien  : le principe vital.

Diététique

  1. nourriture grossière
  2. nourriture maigre
  3. nourriture sobre
  4. absorption de l’Essence
  5. absorption de l’ivoire (?)
  6. absorption de la Lumière
  7. absorption du souffle
  8. absorption du Souffle Originel
  9. Nourriture Embryonnaire
Maspero, op. cit., note 260, citation originale du Xuanmen dalun. Cette énumération résume les étapes de progression dans le régime taoïste idéal, jusqu’à la lumière, l’air, et l’auto-suffisance.

Le régime alimentaire prescrit pour devenir bon taoïste est très sévère, il résulte d’un raisonnement. Pour devenir immortel, il faut se nourrir d’immortel. Outre des jeûnes rituels, les taoïstes voudraient se passer de tout aliment mortel, « Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle » [26], sans pour autant se satisfaire d’une métaphore comme les nourritures spirituelles [27]. Les taoïstes espèrent spiritualiser la nourriture elle-même.

Ils commencent par écarter les mets fermentés, comme le fromage, qui rappelle trop la pourriture, puis la viande. L’adepte passe ensuite l’épreuve de se passer des céréales (la base alimentaire humaine) censées nourrir les trois vers, des démons qui mangent le corps au dedans et le font vieillir. Les textes ne cachent pas la difficulté et les maux passagers que l’on traverse.

Un tel régime aurait dû décimer les adeptes, où trouvaient-ils alors leurs calories ? On rapporte de nombreuses décoctions et drogues devant pallier les carences les plus évidentes, et il y avait l’alcool. Le vin et l’ivresse est un thème classique de la poésie taoïste (Li Bai, 701~762), on peut par exemple supposer qu’il était la base alimentaire de Xi Kang (223~262)[28] vers la fin de sa vie. Cela rejoint cette figure populaire de l’immortel joyeux et ivre, à perpétuité. Toutefois, le vin était cher, c’est un idéal inaccessible à la majorité. De plus, il est combattu par le Bouddhisme, ce qui a influencé les pratiques taoïstes ultérieures.

Alchimie

Cette introduction par l’alimentation donne un contexte à des anecdotes d’alchimistes empoisonnant des empereurs avec leurs recettes. Pour devenir immortel, il faut non seulement se garder du mort, mais aussi se transformer de l’intérieur pour devenir imputrescible. Des adeptes tentèrent d’ingérer du plomb ou de l’or liquide pour s’accorder à une représentation symbolique du corps en correspondance avec les métaux. Le cinabre eut encore plus de faveur. Ce minerai de mercure passe par plusieurs couleurs à la fusion, illustrant la transmutation. Il a été l’objet d’une quête ruineuse, qui explique que l’alchimie externe a ensuite servi d’analogie à une forme réfléchie, l’alchimie interne, pratiquée dans la respiration.

Respiration

Le taoïsme a raffiné les techniques respiratoires à un degré que l’on ne rencontre que dans le yoga. L’historien occidental peut y chercher des influences, les textes yogis sont antérieurs. Mais les comparaisons ne suffisent pas à prouver une transmission, il est juste possible d’invoquer un fond commun de chamanisme eurasien.

Les taoïstes ont d’ailleurs découvert l’originalité de leurs techniques en les comparant à celles importées par les bouddhistes. Les indiens préconisent une respiration profonde et continue, afin de détacher l’esprit d’un corps illusoire, pour que l’atmân rejoigne le brahman. Les Chinois ont une métaphysique et une technique différente. Ils cherchent à retenir le souffle le plus longtemps possible. Cette apnée a des effets psychotropes différents, accompagnés de représentations. L’air, le Qi, est considéré comme la substance de tous les corps. L’adepte, en respirant, régénère sa matière, avec un accompagnement mental de la sensation d’air dans une anatomie sentie, la circulation du souffle. Un occidental peut se faire une idée de ces exercices avec la sophrologie, expérimenter l’effet à long terme demande un engagement plus important.

Qu’est-ce l’adepte espérait de cette pratique continue ? « Confucius disait : Autrefois je passais les jours sans manger et des nuits sans dormir, me consacrant à la méditation. J’aurais plus appris en étudiant. » Entretiens 15:30. Le taoïste n’y cherche pas une connaissance mais la transmutation de son corps par l’air, que le Qi alimente l’embryon. Cet embryon, appelé "embryon de l'immortalité", naît à la fusion des souffles. Ces derniers sont définis dans un texte ancien datant de l'époque Han, le Huangting Jing : "Laozi, au repos, fit ces vers de sept pieds afin d'expliquer le corps humain et toutes ses divinités : en haut, c'est la Cour jaune (la rate) ; en bas, la Passe de l'origine (l'extrémité de la colonne vertébrale ?) ; derrière, on trouve le Portique obscur (les reins) ; devant, la Porte du destin (le nombril ?). Respirez à travers la Hutte (le thorax) jusqu'au Champ de cinabre ; que l'eau claire du Lac de jade (la bouche) vienne irriguer la racine merveilleuse." Le but est de réaliser la respiration de l'embryon afin que celui-ci, après une longue gestation, puisse grandir jusqu'au moment où il pourra se dissocier du corps mortel et rejoindre ainsi les régions paradisaques. C'est donc de cette manière que le taoïste effectuera sa transmutation.

Gymnastiques

Sous le nom Daoyin, Maspero[29] tire des textes des exercices de gymnastique très précis. Ces mouvements s’accompagnent toujours d’instructions sur la respiration. Ils visent à assouplir le corps pour aider la pensée à faire circuler les énergies, qu’elles soient alimentaires, respiratoires, ou sexuelles. Ces pratiques se distinguent définitivement du yoga, car ce ne sont pas des postures, mais bien des mouvements. Le taoïsme apporte le mouvement à l’ascèse, et l’ascèse au mouvement. Cette inspiration se poursuit dans le Qi gong « travail du souffle », ou les arts martiaux chinois - wushu, en particulier le Taiji Quan.

Sexualité

« L’Empereur jaune coucha avec 1200 femmes en une nuit, et il devint immortel ; les gens du commun ont une seule femme et se détruisent la vie. » Ylang Zhiyaon, trad. Maspero.

A l'opposé des pratiques religieuses monacales, un taoïste peut être marié, la piété filiale et le culte chinois de la descendance est respecté. La sexualité n’est pas réprimée, mais sacralisée, notamment par les complémentarités yin-yang nourrissant symboliquement le principe vital. Rappelons la particularité de la technique respiratoire chinoise : l’apnée, la rétention. Ce mode est appliqué à l’acte, les traités s’étendent sur des recettes pour conserver l'essence tout en la stimulant (coitus interruptus, masturbation). Là aussi, l’Inde est différente, le tantrisme idéalise plutôt l’orgasme comme une voie du nirvana.

Ces enseignements s'appliquent aux hommes et aux femmes sans discrimination d'âge. Peu connue par les gens du commun, même en Chine, la sexualité taoïste s'intéresse à la transformation du corps physique, la régénérescence, par des pratiques considérées comme une branche à part du Taoïsme. "Cueillir des pâquerettes en dehors du Tao", sous entendu pratiquer la sexualité Taoïste, participe à l'idéal d'immortalité mais peut aussi être une façon d'améliorer la vie quotidienne pour prolonger le passage dans le monde vivant.

Mis à part les pratiques les plus répandues, il existe aussi la voie de la Tigresse Blanche, différente de ce que Mantak Chia propose dans ses livres et qui s'adresse aux femmes. Elle peut être considérée comme immorale, dans une certaine mesure, dans le sens où la femme, la "tigresse blanche", pousse l'homme à l'éjaculation afin de pouvoir prendre son énergie sexuelle (bien qu'apparement, l'homme pourrait bénéficier de certains aspects). La femme pratique avec plusieurs "dragons verts" - c'est le nom donné à son compagnon momentané, elle en a plusieurs, chacun pendant une période définie ou un certain nombre de rapports - tout en veillant à se référer à certains critères, c'est-à-dire que la personne soit en bonne santé, ait une énergie saine, ne boive pas,... À noter qu'il y a aussi des pratiques pour le "dragon de jade", c'est-à-dire l'équivalent masculin de la tigresse blanche. Hsi Lai a écrit un livre concernant la tigresse blanche, un autre concernant le dragon de jade et un autre (celui-ci en anglais) qui traîte apparemment des deux mais d'une manière succincte (voir à la fin de la page pour les références).

Médecine

« La médecine chinoise a toujours été sous l’influence du Taoïsme, et les premiers médecins qui n’étaient pas de simples sorciers ont pu être taoïstes » Henri Maspero, Taoïsme, note 140.

L’attitude scientifique à l’égard de la médecine est révélatrice d’une rupture avec le taoïsme antique, de l’influence de l’idéal confucéen à partir des Han, et du rendez-vous manqué avec une méthode plus expérimentale. Zhuang Zi (3) raconte la fable diversement interprétée d’un boucher trouvant le Dao du monde en découpant des carcasses. il n’y a pas encore d’intention scientifique, mais au moins, l’obstacle épistémologique du mépris pour les métiers du sang est levé. Seulement par la suite, à « la différence des Grecs et des Hindous, les Chinois n’ont jamais pratiqué la dissection comme procédé courant d’étude. On cite deux séries de dissections, à mille ans de distance, l’une dans les premières années du Ier siècle de notre ère, l’autre au milieu du XIIe siècle. »[30]. Les premières observations ont aidé à construire une image du corps servant de support à une anatomie symbolique, à l’aide de correspondances entre les organes et les éléments. Les observations suivantes ont été réfutées lorsqu’elles ne confirmaient pas les théories, en arguant que le corps d’un condamné à mort n’était pas de même nature que celui d’un sage taoïste ayant médité toute sa vie.

D’après les chroniques, la vie d’un bon taoïste dure au moins 90 ans (nombre symbolique), âge auquel l’embryon doit se réveiller pour survivre à l’enterrement. Dans sa tombe, il ne laissera que sa ceinture et son bonnet, ou un bâton, poursuivant son immortalité heureuse dans un coin de pays où il n’effraiera pas la société. Un aspirant le cherchera pour lui demander son secret ; ainsi se perpétue la croyance. Il est difficile d’en mesurer l’adhésion, elle inspire encore des fictions[31].

Nourrir l’esprit

Morale

Du taoïsme, on connaît d’abord l’individualisme libertaire de Zhuangzi, on lit plus rarement un pragmatisme dans la mystique du Dao De Jing, enfin le plus souvent, la morale développée dans les courants collectifs est ignorée. C’est cet aspect qui est développé ici, car il s’exprime à la même époque que les idéaux de longévité, même s’il contredit en partie le taoïsme antique.

« Ceux qui n’accomplissent pas d’actes de vertu et se contentent de pratiquer les procédés magiques n’obtiendront jamais la Vie Éternelle » Ge Hong, Baopuzi, j. 3, 8 b.

« Le premier du mois, le matin, il allait se promener au marché, le long des rues, sur les places ; et quand il voyait des pauvres ou des affamés, il enlevait ses habits et les leur donnait... Une année qu’il y eut grande sécheresse et famine, et que le boisseau de riz atteignit le prix de mille pièces de monnaie, en sorte que les routes étaient couvertes d’affamés, il épuisa sa fortune et ruina sa famille pour venir en aide à leur détresse ; et il le fit en cachette, de sorte que les gens ne savaient pas que c’était de lui que venaient ces dons généreux. » Daozang, « le canon taoïste », fasc. 152.

La source du dernier extrait est une biographie canonique d’un saint taoïste, censé avoir vécu une vie idéale. Avant de découvrir la voie, l’adepte pratique une charité assez familière au christianisme. Elle prescrit des commandements de bon sens comme « tu ne tueras pas, tu ne voleras point ». La réflexion éthique distingue la charité discrète de la démonstration de vertu, elle n’explore pas en profondeur les mobiles de l’intention. La faute ne se transmet pas de pères en fils, ou par les renaissances ; le pardon et le rachat sont possibles. L’évaluation très précise des fautes et des bonnes actions répond au code des délits et des peines, révélateur des représentations et de l’ordre social. On peut se racheter en réparant cent pas de route, ou en fournissant le riz et la viande utiles à des auberges publiques gratuites[32].

Cette échelle précise des valeurs permet une comptabilité précise. Il n’y a pas l’équivalent d’une l’Extrême-onction qui remet les péchés du mourant pour qu’il accède à la vie éternelle. Pour un taoïste, une mauvaise action, ce sont des jours de vie en moins, et quand la mort vient, il est trop tard. Les textes ajoutent une progression logarithmique. Lorsqu’à un seuil de sa vie morale l’adepte doit 30 bonnes actions pour monter en grade, un seul échec demande à tout recommencer. « Il faut, dit un alchimiste du IVe siècle, avoir accompli 1 200 bonnes actions pour pouvoir devenir immortel ; et toute mauvaise action interrompt la série et oblige à recom­mencer du début, fût‑on arrivé à 1 199 »[33].

Panthéon

Article détaillé : Dieu taoïste.

Le taoïsme est une quête individuelle de la Panacée, la recette qui rendra immortel. La séparation entre les vivants et les dieux n’est pas ferme, le panthéon est en croissance continue. Il y eut des intentions d’organiser ces légions en hiérarchies, qui empruntent les divisions administratives des fonctionnaires impériaux[34]. Le taoïsme n’a pas exactement développé une mythologie, dans le sens d’une généalogie de personnes divines dont s’extraient des vertus (Hésiode ou l’ennéade égyptienne). L’abstraction ayant déjà été opérée dans la théorie des cinq éléments (Chine), le problème théologique est plutôt de ramener la variété des figures à ces principes.

L’adepte a aussi un temple tout personnel, son corps, dont les organes correspondent avec les éléments (et les immortels qui en dépendent). Selon son degré, la méditation communique avec des petits fonctionnaires digestifs, pour obtenir un ingrédient d’une recette, mais par l’abstraction, s’élève au Dao qui seul conduit le monde et mène le corps à l’éternité.

Exorcisme

Dans la société populaire, le saint taoïste a le rôle du sorcier, spécialiste de l’irrationnel, et connaisseur des démons. C’est donc naturellement qu’il joue le rôle d’exorciste des maladies individuelles, et parfois collectives, par sa connaissance de rites et de magies.

Divination

Article détaillé : Yi Jing.

Le Yi Jing (classique des mutations) n’est pas spécifique aux taoïstes, mais il a traversé les six dynasties (IIIe~IVe s.) grâce à eux. Ils poursuivirent les spéculations ésotériques des Han, en ajoutant leurs commentaires (Wang Bi, 226~249), que le néo-confucianisme reprit. Les trigrammes sont un support de méditation, servant aussi à la composition de talismans et aux rituels.

Cérémonies

Sociologiquement, le taoïsme a d’abord concerné les élites, voire l’empereur. Les pratiques individuelles se sont ritualisées en cérémonies collectives après la dynastie Han, avec l’apparition des mouvements populaires de type maîtres célestes. Interpréter des textes provenant souvent de condamnations extérieures, comme des bouddhistes, est un exercice incertain. On distinguera cependant les rites d’investiture qui officialisent la conversion et la progression de l’adepte dans la Voie, se référant aux coutumes féodales de la dynastie Zhou. On trouve aussi des lectures collectives du Dao De Jing, des confessions et des repentances publiques. Le calendrier est rythmé par des fêtes solaires, notamment les équinoxes, précédés de jeûnes, aboutissant à des paroxysmes. Il y a beaucoup de littérature sur ces festins orgiaques, cherchant à rendre symbolique des échanges ritualisés entre partenaires sexuels. Dans certaines régions, les églises taoïstes tenaient l’état-civil, et célébraient les naissances, les mariages et les décès. Contrairement aux religions universelles de salut, les rituels taoïstes ne sont pas fixés en une recette stricte et exportable.

Des pratiques, des taoïsmes

La quête d’immortalité se montre un principe acceptable pour présenter la variété des pratiques taoïstes, mais, il ne faut surtout pas qu’il donne l’impression qu’il n’y a qu’une religion taoïste, même pour la période circonscrite dans cette section. La respiration et les régimes par exemple, sont décelables dans plusieurs couches sociales, mais avec un sens différent.

L’« étude du mystère » xuanxue (250~350) engage des aristocrates sans espoir de carrière dans la « causerie pure », où ils renouvellent la spéculation théorique et le commentaire (Zhuangzi et Laozi). Ils mènent une vie épicurienne entre amis (les sept sages du bosquet de bambous), cultivant aussi bien les souffles que le vin. À cette époque, le taoïsme a définitivement influencé la calligraphie, la peinture et la musique que nous reconnaissons désormais comme chinoises.

Les expressions de masses de type maîtres célestes les utilisent comme voies initiatique de progression vers les grades d’une Église organisée, avec rituels et panthéon.

L’alchimie, qui fut importante à la cour des Han, se perpétue du fait de sa nature ésotérique à travers de nombreux petits groupes ou alchimistes indépendants sans constituer de grand courant. L'un des plus célèbres alchimistes de la dynastie Jin est l'aristocrate Ge Hong (283~343). Certains écrits de la famille Ge (Ge Hong, Ge Xuan, Ge Chaofu) se retrouvent dans le Lingbao pai, un mouvement organisé, qui se fondra ensuite dans les maîtres célestes Zhang. Lu Xiujing, réformateur des maîtres célestes du Sud, compile le premier « canon taoïste » Daozang, qui comprend beaucoup de textes alchimiques utilisés par Lingbao. L'alchimie, sous sa forme interne, continuera d' être pratiquée dans les monastères taoïstes postérieurs.

Taoïsme et Occident

Comme pour d’autres traditions spirituelles, des conceptions rattachables au taoïsme ont pénétré la culture occidentale, en suivant le chemin de l’histoire européenne. Ces moments définissent des attitudes qui n’ont pas forcément disparu. Dans le monde francophone actuel, le taoïsme reste encore majoritairement affaire de spécialistes et de curieux.

Antiquité et Moyen Âge : les marchands

Carte du monde selon la Geographia de Ptolémée (vers 150). La Chine est sur le bord droit, à l’est du Gange, Sinae.

On trouve des traces archéologiques de contacts commerciaux entre la Chine et l’empire romain. La route de la soie amena des chrétiens nestoriens jusqu’à Xi'an sous la dynastie Tang (635). Ils disparurent dans une réaction confucianiste dirigée contre les religions contemplatives (845). Ils ne laissèrent pas de traces dans les textes, alors que déjà Plutarque mentionne des gymnosophistes, ces sages de l’Inde qui vivaient nus (les yogis) ; Plotin prétendait avoir reçu leur enseignement. L’Indus a arrêté Alexandre le Grand, dessinant l’espace mental européen pour plusieurs siècles.

La Relation de la Chine et de l’Inde consigne vers 851 le témoignage de plusieurs voyageurs arabes qui visitèrent la Chine. Les mentions sur la religion sont tellement brèves que l’on peut les rapporter toutes. §23 « Leur religion ressemble à celle des mages » . Dans une traduction de 1948 Jean Sauvaget propose deux hypothèses : les chinois sont étranges comme des zoroastriens, ou bien, le Yin-Yang ressemble au dualisme mazdéen ; sans qu’aucun autre indice puisse assurer qu’il s’agisse du taoïsme. On lit aussi §72 « Les Chinois prétendent que ce sont les Hindous qui leur ont apporté leurs Bouddhas », §64 « ils ont des livres sacrés », peut-être les classiques confucéens. Le lecteur moderne peut reconnaître les trois enseignements ; ces marchands s’expliquent plus sur les lois, l’administration ou la beauté des corps. On notera l’étonnement de ces arabes devant les coutumes funéraires ruineuses §35, et ceci qui résume la perspective, §63 « Ni les Hindous ni les Chinois ne pratiquent la circoncision ». Ces opinions ont été reprises et compilées à de nombreuses reprises dans la littérature musulmane, mais en y ajoutant très peu d’autres informations de première main, d’où la valeur de ce témoignage. Il n’a pas fait carrière dans la scolastique médiévale européenne.

C’est pourquoi le livre des merveilles de Marco Polo (1298) parut aussi neuf, avec plus de fantastique que la Relation, mais avec aussi peu sur les croyances et conceptions. L’ignorance de la langue et les nécessités du commerce n’ont pas permis d’en apprendre plus.

Grandes découvertes : les missionnaires

Il faut attendre l’élan missionnaire et le jésuite Matteo Ricci pour que l’Occident reçoive ses premiers rudiments de sinologie. L’approche était consciemment biaisée, elle ne visait pas à la science mais à la conversion. Cependant, la méthode jésuite consistait à ne pas évangéliser par la force, mais à insinuer la foi par persuasion, en empruntant les coutumes et la langue chinoise. Ricci a établi un dictionnaire et traduit les classiques, mais il n’a pas identifié le taoïsme. En effet, il commença par se faire passer pour un bonze bouddhiste mais constata qu’il aurait plus d’effet en prenant le costume du lettré confucéen, afin de convertir la société par le haut. La position sociale des taoïstes à cette époque ne pouvait pas servir ses projets, l’Europe ignora cette inspiration encore longtemps.

Léon Wieger (1856-1933) est un autre missionnaire jésuite, bien postérieur, qui mérite aussi d’être signalé. L’agnostique Marcel Granet cite ses traductions de Lao Zi, Zhuang Zi et Lie Zi [1] mais formule des réserves sur les interprétations. Son Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine depuis l’origine jusqu’à nos jours (1922) [2], est à lire avec précaution : « le Taoïsme me paraît être, dans ses grandes lignes, une adaptation chinoise de la doctrine indienne contemporaine des Upanishad », « les idées de ces hommes, les seuls penseurs que la Chine ait produits, sont à étudier avec soin », « leur système est un panthéisme réaliste, pas idéaliste », « il ne faut pas chercher une révélation de la Trinité, dans la formule de Lao-tseu (Lao Zi), un fit deux, deux fit trois, trois fit tout ». Ses perspectives sont parfois éclairantes, mais généralement caduques.

Le Grand Ricci (2002), le plus important dictionnaire chinois vers une langue européenne, concrétise cinquante ans de labeur accompli par des jésuites et des chercheurs associés. C’est une œuvre énorme, outil incontournable d’approfondissement du taoïsme dans le caractère. « Le souhait de ceux qui auront passé plusieurs années de leur vie à élever ce monument, c’est que beaucoup y trouvent les clés qui leur serviront à ouvrir les portes [...] par lesquelles on accède à l’âme même d’un peuple et non celles qui s’ouvrent à quelque visiteur d’occasion. Il faut, pour comprendre la Chine, savoir communier en patience à l’âme secrète de ceux qui l’habitent. ». Cette citation en clôture de la préface exprime l’esprit actuel d’une approche de la langue et la culture chinoise.

Les Lumières : Exotisme

Les penseurs européens des lumières utilisèrent les documents jésuites pour leurs combats, comme le Confucius de Voltaire, mais aucun ne se distingua par son érudition ou une traduction originale. Leibniz a peut-être le premier été touché par des inspirations d’un genre taoïste lorsqu’il imagina que les idéogrammes notent réellement les idées et que le Yì Jīng puisse fonder l’algèbre d’une langue parfaite. Les spéculations dans l’esprit de Jung (1875-1961) relèvent encore de cette attitude. Sur l’exotisme encore, le taoïsme reste utilisé pour justifier nouvelles médecines ou méditations. Ce n’est pas contradictoire avec l’histoire de cet enseignement, mais pas toujours éclairé aux meilleurs textes.

XXe siècle : Sinologie

« le terrain que les sinologues laissent vacant, ce sont les gourous qui l’envahissent : ce que le savoir délaisse, l’imagination s’en empare [...] servant des clés à tous les mystères, se prêtant au gentil délire de l’exotisme » [35]

La lente approche positive du taoïsme par l’Occident peut être illustrée par la difficulté de traduire le Dao De Jing. En 1934, Marcel Granet disait encore « Il faut avouer que ce livre, traduit et retraduit, est proprement intraduisible » et dans la note 1023 il ajoute « Une de ces traductions, celle de Stanislas Julien, (1842) mérite d’être signalée ; parfaitement consciencieuse, elle ne trahit pas le texte, mais elle ne permet pas de le comprendre » [3].

À la même époque, Henri Maspero apporte une analyse de première main des textes. L’école française reste féconde et citée à l’étranger. Max Kaltenmark, ou Isabelle Robinet sont des références (Taoism: Growth of a Religion, Stanford University Press, 1997, (ISBN 0804728399)) ; (Geschichte des Taoismus, Diederichs, 1995, (ISBN 342401298X)).

L’audience de ces spécialistes s’élargit, plusieurs auteurs ouvrent maintenant le taoïsme dans une réflexion croisée avec la philosophie grecque (Marcel Conche, François Jullien).

XXIe siècle : Immigration

À l’exception de l’Amérique du Nord, l’immigration chinoise dans le monde francophone est en cours, mais n’a pas encore l’effet d’une présence culturelle telle qu’elle se rencontre aux États-Unis. Il faut en attendre une influence du taoïsme qui ne sera plus seulement livresque, mais s’exprimant par une communauté vivante, avec la richesse de sa langue et ses pratiques.

Influences

Outre son influence majeure sur l’art de l’Extrême-Orient, le taoïsme a profondément influencé des domaines aussi variés que la médecine, la politique, la religion populaire, le bouddhisme chinois, l’art des jardins, la cuisine et la vie sexuelle (considérées souvent comme parties de la médecine), les arts martiaux, la philosophie, la littérature, etc. Aujourd’hui, après un demi-siècle de répression en Chine populaire parce que ses manifestations étaient considérées comme des superstitions féodales par les communistes, le taoïsme est à nouveau considéré comme un élément fondamental de la culture dans son pays d’origine. Par ailleurs, son influence s’étend jusqu’en Occident et nourrit les discussions sur l’esthétique, l’écologie et devient même un ferment pour de nombreuses nouvelles formes de spiritualité.

Part constitutive avec son pendant confucianiste de la culture de la civilisation vivante la plus âgée, ayant contribué à façonner un peuple qui représente aujourd’hui un bon quart de l’humanité, mais ayant aussi été réprimé par les courants de pensée qui lui disputaient l’oreille du peuple ou des princes, le taoïsme suit ses propres préceptes : fluide comme l’eau, vieux comme la mer, difficile à fixer dans des mots, impossible à enfermer dans une catégorie, particulièrement rétif à la systématisation, il imprègne et fertilise tout ce qu’il touche et réapparaît où on ne l’attendait pas.

Le taoïsme s’est enrichi en imprégnant les pensées et religions qu’il a traversées au cours des siècles, recevant et donnant beaucoup. Le bouddhisme a été transformé par le tao chinois, le Zen japonais lui en est reconnaissant. Les moines indiens ont apporté une organisation religieuse, modérant les extrémités individualistes de l’éthique antique. L’échange avec l’Occident a commencé. La Chine réinterprète son patrimoine culturel en empruntant aux méthodes de la critique, la pensée occidentale y trouve un voisin qui ne lui doit rien, pour mieux se comprendre. L’étude et la pratique du taoïsme est toujours fertile.

Liens et bibliographie

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Une bibliographie francophone sur le taoïsme demande quelques précautions, afin de ne pas confondre sources, études et commentaires. Le thème du tao nourrit par exemple des spéculations ésotéristes qui peuvent égarer le lecteur qui n’aurait pas pris connaissance des textes. Les liens externes seront classés dans cette section selon les mêmes catégories, d’autant plus qu’il s’agit souvent de versions en ligne de documents imprimés. Les renvois à d’autres articles privilégient les sujets généraux de même ampleur, on trouve de très nombreux liens plus précis dans le corps du texte.

Notes

  1. Isabelle Robinet Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle
  2. Pour l’Encyclopédie philosophique de Stanford Encyclopédie philosophique de Stanford-Taoïsme : « Le taoïsme est un terme-parapluie qui recouvre un ensemble de doctrines [philosophiques] qui ont en commun une orientation similaire. Le terme taoïsme est également associé à différents courants religieux naturalistes ou mystiques.....Le résultat est que [c’]est un concept essentiellement malléable. La fameuse question de Creel : « Qu’est-ce que le taoïsme? » reste toujours aussi difficile. ».
  3. Marcel Granet, Pensée chinoise, « Introduction », 1934.
  4. Mircea Eliade, Forgerons et alchimistes, Flammarion (coll. « Homo Sapiens »), Paris, 1956, 209 p.
  5. Zhuang Zi 33, cité par Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, « Chapitre 12, La vision holiste des Han ». Remarquons que cette histoire traite quatre siècle de dynastie Han en 30 pages contre 150 pour les Royaumes combattants
  6. Le stoïcisme impérial a un moment rempli ce besoin pour Rome.
  7. Isabelle Robinet, op. cit., « III. Les maîtres célestes »
  8. Anne Cheng, op. cit., « Le renouveau intellectuel des IIIe et IVe siècle »
  9. 清談
  10. voir Maspero
  11. Ce terme est aussi connu comme trois religions, mais cela suggère une opposition à la philosophie, problème de la modernité occidentale peu éclairant du contexte religieux en Chine. Nous choisissons la traduction d’Isabelle Robinet des trois enseignements, le Ricci conseille les trois doctrines.
  12. 樓觀台
  13. 白雲觀
  14. Zhongguo Daojiao 中國道教
  15. DaozangJiyao 道藏輯要
  16. François Jullien développe beaucoup plus longuement ce rapprochement entre le Dao De Jing et Sunzi dans le Traité de l’efficacité, Grasset, 1996.
  17. Le confucianisme a pu interpréter ce passage contre Zhuang Zi, mais Confucius devait avoir en tête le chemin de carrière de l’ambitieux qu’une tâche subalterne peut arrêter.
  18. Henri Maspero, Le Taoïsme et les Religions chinoises.
  19. isabelle Robinet, Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle.
  20. Entretiens 19:14
  21. Ibid, 7:20
  22. Voir Maspero, op. cit., « Le Taoïsme et les débuts du Bouddhisme en Chine »
  23. Maspero, op. cit. « Le Taoïsme dans les croyances religieuses des Chinois à l’époque des six dynasties »
  24. Maspero, op. cit., pp450-462 « Les techniques d’immortalité et la vie mystique dans l’école taoïste de Zhuangzi » découvre les pratiques de longévité dans une analyse confondante des textes.
  25. Cette parole rapportée du Christ (logia) est aussi retrouvée dans Matthieu (24, 34-36), Marc (13, 30-32) ou Luc (21,32-33)
  26. Évangile selon Jean 6:27
  27. « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu » Évangile selon Matthieu 4:4
  28. Maspero, op. cit., « Le poète Xi Kang et le club des sept sages de la forêt de bambous »
  29. Maspero, op. cit., « Les procédés pour nourrir le principe vital dans la religion taoïste ancienne », 3e partie « La gymnastique Daoyin »
  30. Maspero, op. cit., « Les procédés de nourrir le principe vital dans la religion taoïste ancienne, Introduction, Anatomie et physiologie chinoises, 1. Les médecins. »
  31. Woody Allen, Alice (film, 1990).
  32. Maspero, op. cit., « Essai sur le Taoïsme aux premiers siècles de l’ère chrétienne. I. La vie religieuse individuelle et la recherche de l’immortalité. 1. Vie religieuse extérieure : pratiques et exercices. a. Les premiers pas dans la Voie de l’Immortalité : la vie morale et les « actes de vertu » »
  33. Maspero, op. cit.
  34. Maspero, op. cit., « Les dieux taoïstes. Comment on communique avec eux. »
  35. François Jullien, préface à la traduction du Yi king par Paul-Louis-Félix Philastre

Voir aussi

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Voir « taoïsme » sur le Wiktionnaire.

  • Histoire de la Chine, afin de ne pas se perdre entre les dynasties et les périodes.
  • Religions en Chine, pour entendre le mot religion dans un sens chinois.
  • Religion traditionnelle chinoise, un état actuel du syncrétisme chinois (« les trois enseignements », sanjiào, 三教).
  • Philosophie chinoise, une vision de la pensée chinoise selon les méthodes de la philosophie occidentale.
  • Confucianisme, la doctrine officielle de l’empire contre laquelle le taoïsme s’est souvent défini.
  • Confucianisme et taoïsme, Max Weber, 1916, le sociologue classique lit les deux enseignements de l’antiquité chinoise avec la méthode mise au point pour l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905).
  • Bouddhisme en Chine, permet de suivre l’histoire depuis les premières traductions, l’épanouissement, et la fonte dans le syncrétisme chinois.
  • Dao De Jing, une description documentée de l’histoire du texte, et de ses commentaires dans les siècles postérieurs.
  • Daozang, Canon taoïste
  • Les livres de Mantak Chia sur le qigong, la sexualité taoïste (pour les hommes et aussi pour les femmes) ainsi que d'autres exercices du tao.
  • Les deux livres de Hsi Lai en français : "Les enseignements sexuels de la Tigresse Blanche : Les secrets des femmes initiées taoïstes" et "Les enseignements sexuels du Dragon de Jade : Méthodes taoïstes pour la revitalisation sexuelle masculine". Il y a aussi le livre "White Tigress Jade Dragon" (du même auteur) qui, apparemment, n'a pas été traduit en français.

Traductions

Sinologie

  • Marcel Granet
    • Trois études sociologiques sur la Chine, « Remarques sur le Taoïsme ancien », 1925 [lire en ligne],
    • La Pensée chinoise, 1934 (rééd. Albin Michel, coll. « L’Évolution de l’humanité », 1999) 1925 [lire en ligne],
  • Henri Maspero, Le Taoïsme et les Religions chinoises, 1950, NRF (Gallimard), coll. « Bibliothèque des Histoires » (rééd. Gallimard, 1990) [lire en ligne].
  • H.-G. Creel, La Pensée chinoise de Confucius à Mao Tseu-tong, Payot, coll. « Bibliothèque scientifique Payot », 1955.
  • Isabelle Robinet :
    • Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle, 1991, éditions du Cerf (ISBN 220404251X) [lire en ligne],
    • Méditation taoïste, Albin Michel, 1995 (ISBN 2226079718),
    • Comprendre le Tao, Albin Michel, coll. « Spiritualités Vivantes », 2002 (ISBN 2226133690).
  • Romain Graziani
    • Fictions philosophiques du Tchouand-tseu, 2006, éd. Gallimard.

Réflexions

Ésotérisme

  • Matgioi, La Voie métaphysique et La Voie rationnelle, éditions traditionnelles.
  • René Guénon, Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoïsme, Gallimard.
  • Erik Sablé, Sagesse Libertaire Taoïste, Dervy, coll. « chemins de sagesse ».
  • Frédérick Tristan, Houng, les Sociétés secrétes chinoises, Fayard, 2003.

Taoïsme vivant

Divers


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