Taslima Nasreen

Taslima Nasreen
Taslima Nasreen en mars 2010 lors de la Global Atheist Convention, à Melbourne en Australie.

Taslima Nasreen, ou Taslima Nasrin (née le 25 août[1] 1962 à Mymensingh) est une femme de lettres féministe d'origine bangladaise.

Menacée de mort à plusieurs reprises par des groupes islamistes, Taslima Nasreen a acquis dans les médias occidentaux l'image d'une combattante pour l'émancipation des femmes et la lutte contre l'obscurantisme religieux au Bangladesh, son pays d'origine[2].

Sommaire

Biographie

Issue d'une famille paysanne, Taslima Nasreen suit les traces de son père médecin et fait des études de médecine spécialisée en gynécologie[3]. Après l'obtention de ses diplômes, en 1984[4], elle exerce pendant plusieurs années, tout d'abord dans une clinique de planning familial à Mymensingh, puis à Dhaka à partir de 1990[3],[5].

Le 27 septembre 1993, une fatwa est prononcée contre elle par des fondamentalistes islamiques. Sa tête est mise à prix pour avoir critiqué l'islam au Bangladesh[réf. souhaitée].

En 1994, elle s'enfuit du Bangladesh à la suite de parution de son livre Lajja, où elle décrit l'oppression musulmane sur une famille hindoue[6]. Elle passe les dix années suivantes dans diverses villes d'Europe.

En juin 1995, elle choisit d'habiter à Berlin, puis elle habite à Stockholm, New York (où sa sœur réside) et surtout Kolkata, la capitale de l'État indien du Bengale-Occidental, où elle tente d'obtenir la nationalité indienne, qui lui est refusée.

En mars 2007, la tête de Nasreen est mise à prix par un groupe islamiste indien[7]. Une prime de 500 000 roupies est offerte pour sa décapitation.

Fin novembre 2007, elle fuit Kolkata à la suite de violentes manifestations contre sa présence. Dans les jours suivants, elle est exfiltrée de ville en ville suite à des propos jugés blasphématoires contre l'islam. Par la suite, les autorités indiennes se montreront de plus en plus circonspectes pour la délivrance de ses visas, toujours temporaires[8]. Elle modifie sa biographie Dwikhandito, interdite en Inde sous sa forme originale, pour rendre les autorités indiennes plus compréhensives relativement à ses demandes de séjour dans ce pays[9].

À la mi-février 2008, elle obtient la prolongation de son visa indien pour six mois, jurant que l'Inde était devenue sa seconde patrie et refusant de venir à Paris pour recevoir le prix Simone-de-Beauvoir qui venait de lui être décerné.

Le 19 mars 2008, elle se réfugie définitivement en Europe après avoir été accusée de blasphème par des musulmans radicaux en Inde. Elle accuse le gouvernement indien d'avoir tenté de la faire tuer par empoisonnement en lui fournissant des médicaments qui ne lui convenaient pas pour son hypertension après l'avoir fait retirer de l'hôpital où elle était soignée.

Le 21 mai 2008, elle reçoit le Prix Simone-de-Beauvoir des mains de Rama Yade, Secrétaire d'État aux Droits de l'Homme, après avoir rencontré la présidente du mouvement Ni putes ni soumises, Sihem Habchi. Elle est faite citoyenne d'honneur de Paris le 7 juillet 2008.

En février 2009, alors qu'elle doit faire face à des difficultés financières, la ville de Paris met à sa disposition un logement dans une résidence d'artistes de la capitale.

En février 2010, on lui attribue la publication d'un article dans le Kannada Daily qui provoque des émeutes et entraîne la mort de deux hommes à Karnataka, en Inde[10]. Nasreen nie être l'auteure de la publication.

Philosophie

L'expérience de violences sexuelles lors de son adolescence et son travail comme gynécologue développent chez Taslima Nasreen une vision critique du traitement de la femme dans les pays musulmans. Ses écrits sont caractérisés par deux éléments : son combat contre l'islam et sa philosophie féministe[N 1],[11],[N 2],[12].

Elle est influencée par Virginia Woolf, Simone de Beauvoir et Begum Rokeya, qui vécut du temps du Bangladesh unifié. Elle est également influencée par le poète Humayun Azad. Ses derniers écrits témoignent de sa proximité avec le Bangladesh et l'Inde.

Le 30 avril 2010, dans un entretien publié par Le Figaro Madame, elle expose trois de ses idées maitresses[13] :

  • Elle reproche aux fondamentalistes leur misogynie et leur haine de la liberté d'expression. L'intégrisme est aussi une réaction aux avancées des droits des femmes dans de nombreux pays.
  • Elle estime que les écrits religieux sont oppressifs envers les femmes car les droits des femmes, au même titre que ceux des hommes sont universels, c'est une question d'humanisme. Les personnes peuvent évoluer, pas les dogmes religieux, car ils s'appuient sur des textes sacrés censés porter la parole de Dieu.
  • Le conflit idéologique n'est pas entre le christianisme et l'islam, mais entre le fondamentalisme et la laïcité, entre les croyances irrationnelles, aveugles, obscurantistes, et la raison, entre le passé et le futur.

Œuvres

Nasreen commence à écrire de la poésie vers l'âge de 13-14 ans[2]. Quand elle est encore au lycée à Mymensingh, elle publie et édite un magazine littéraire, SeNjuti (Lumière dans les ténèbres), de 1978 à 1983. Elle publie son premier recueil de poèmes en 1986. Son second recueil, Nirbashito Bahire Ontore (Banni à l'intérieur et extérieur) fut un grand succès. Elle réussit à attirer un plus large public quand elle commença à écrire des éditoriaux vers la fin des années 1980, puis des romans, pour lesquelles elle fut reconnue. C'est au début des années 1990 qu'elle commença à écrire des romans, elle écrivit en tout plus de trente livres de poésie, essais, romans, nouvelles et mémoires, et ses œuvres furent traduites dans plus de 20 différentes langues.

  • Libres de le dire avec Caroline Fourest chez Flammarion
  • Lajjā : La Honte (selon les éditions), roman. Paris : Stock, coll. « Nouveau cabinet cosmopolite », 1994. 286 p. Traduit du bengali par C. B. Sultan, d'après Lajjā.
  • Lieux et non-lieux de l'imaginaire, choix de poèmes. Co-édition, Arles : Actes Sud, coll. « Babel » 119 ; Paris : Maison des cultures du monde, coll. « Internationale de l'imaginaire. Nouvelle série », n° 2, 1994. 131 p.
  • Femmes, manifestez-vous !. Paris : Des femmes, 1994. 105 p. Traduit du bengali par Shishir Bhattacharja et Thérèse Réveillé, d'après Nirbachito column.
  • Une autre vie : poèmes. Paris : Stock, coll. « Nouveau cabinet cosmopolite », 1995. 143 p. Traduits du bengali et adaptés par France Bhattacharya et André Velter.
  • Un retour ; suivi de Scènes de mariage, récits. Paris : le Grand livre du mois, 1995. 341 p. Traduits du bengali par Pralay Dutta Gupta et Paul Ray, d'après Fera.
  • l'Alternative ; suivi de Un destin de femme : récits. Paris : Stock, coll. « Nouveau cabinet cosmopolite », 1997. 263 p. Traduit du bengali par Philippe Benoît, d'après Aparpaksha et Bhramar kaiyo giya
  • Enfance, au féminin. Paris : Stock, coll. « Nouveau cabinet cosmopolite », 1998. 457 p. Traduit du bengali par Philippe Benoît, d'après Amar meebela.
  • Femmes : poèmes d'amour et de combat. Paris : Librio, n° 514, 2002. 94 p. Traduits de l'anglais par Pascale Haas, d'après All about women ; avec une préface de Danielle Charest.
  • Vent en rafales, récit. Paris : P. Rey, 2003. 379 p. trad. du bengali par Philippe Daron, d'après Utal hawa.

Œuvres écrites en anglais ou traduites en anglais (à reclasser)

  • Meyebela (My Bengali Girlhood - A Memoir of Growing Up Female in a Muslim World)
  • The Game in Reverse (Poèmes)

Phénomène Nasreen

Selon une étude de Sabine Schiffer, le « phénomène Nasreen » en Occident résulte surtout d'un processus de construction d'une image médiatique qui consiste en une sélection partisane des informations et d'un montage délibéré[14]. « Pour présenter Taslima Nasreen comme victime, [un journaliste] ne néglige pas seulement les lignes de séparation entre action légitime de l'État (par exemple contre le blasphème, fait délictueux également dans certains pays européens) et action illégitime d'une populace excitée par quelques prêcheurs démagogiques, [il] passe sous silence le fait que certaines organisations progressistes au Bangladesh ont aussi refusé et réfuté les propos de Taslima Nasreen. »[15].

Prix et distinctions

Notes et références

Notes

  1. « Je suis victime d’un État dont le Premier ministre est une femme. Et parce je suis allée un cran trop loin dans la dénonciation de la religion et de l’oppression des femmes, j’ai dû quitter mon pays. Des femmes se sont opposées à moi quand j’ai parlé des droits humains. Selon elles, Dieu ne reconnaît pas tant de droits à la femme. Mais j’ai rencontré dans mon pays des hommes qui réfutent ce que disent les textes religieux et qui croient à l’égalité. Cela ne dépend pas du sexe, mais de la conscience de chacun. Bien évidemment, on ne pourra pas compter sur les musulmanes qui sont contentes de porter le voile et de glorifier leur soumission pour améliorer le sort des opprimées. Tant qu’une société sera basée sur la religion, tant que la loi ne reconnaîtra pas l’égalité des sexes, la politique ne pourra pas faire avancer la cause des femmes. »
  2. « S’il y avait égalité des hommes et des femmes devant la loi, on pourrait punir les intégristes lorsqu’ils commettent des crimes contre les femmes. Mais aujourd’hui les choses sont compliquées car le droit de la famille est fondé sur la religion, et comme la religion officielle est l’Islam, les intégristes prônent l’application de ce qui est écrit dans le Coran. Le gouvernement ne prend aucune mesure contre eux car cela reviendrait à s’attaquer à l’Islam. Si au lieu d’un droit islamique, on avait un droit séculier avec séparation entre Etat et religion, il serait plus facile de mettre ces criminels en prison et d’établir en pratique l’égalité entre hommes et femmes. »

Références

  1. Vent en rafales, p. 432
  2. a et b Lisa-Marie Gervais, « L'entrevue - Taslima Nasreen refuse toujours de se taire », Le Devoir, 2 mai 2011
  3. a et b (en)Nasrin Sahak, Taslima: Bangladeshi author, Encyclopedia Britannica, 2011
  4. (en)Taslima Nasrin sur English.emory.edu, 2011
  5. Tirthankar Chanda, « Taslima Nasreen reçoit le prix Simone de Beauvoir », rfi, 21 mai 2008. Consulté le 20 juin 2010
  6. (en)Khaleej times, Taslima Nasreen Gets ‘Last’ Indian Visa, article.
  7. (en)« Indian Muslim group calls for beheading of writer », Khaleej Times online / AFP, 17 mars 2007.
  8. (en)Khaleej Times, Taslima Nasreen Gets ‘Last’ Indian Visa, article.
  9. (en)Khaleej Times, Freedom comes with responsibility, article.
  10. Khaleej Times, Taslima Denies Writing Any Article for Kannada Daily, article.
  11. Taslima Nasreen, La laïcité, loi suprême
  12. Taslima Nasreen, Taslima Nasreen ou la force de la plume
  13. « Dialogue contre l'intégrisme », entretien publié dans Le Figaro Madame du 30 avril 2010.
  14. (de)Sabine Schiffer, Die Darstellung des Islams in der Presse. Sprache, Bilder, Suggestionen. Eine Auswahl von Techniken und Beispielen, Würzburg, Egon Verlag, coll. « Bibliotheca Academica, Reihe Orientalistik » (10), 2005.
  15. (de)Hartmut Fähndrich, « Sabine Schiffer, Die Darstellung des Islams in der Presse. Sprache, Bilder, Suggestionen. Eine Auswahl von Techniken und Beispielen », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 134 | 2006, document 134-74, mis en ligne le 11 septembre 2006, consulté le 19 octobre 2010. URL : [1].
  16. communiqué de l'ambassade de France à New Delhi 7 décembre 2007, consulté le 17 février 2008

Annexes

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Articles connexes

Liens externes


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