Thomas Norton (alchimiste)

Thomas Norton (alchimiste)
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Maître alchimiste préparant les ingrédients pour le grand œuvre - Verso du folio 20 du manuscrit MS Ferguson 191 de The Ordinall of Alchemy (XVIe siècle).

Thomas Norton (vers 1433 - vers 1513) est un alchimiste et poète anglais de la fin du Moyen Âge. Il est l'auteur d'un célèbre poème alchimique en moyen anglais intitulé The Ordinall of Alchemy (L'Ordinaire d'Alchimie), daté de 1477.

Sommaire

Biographie

On sait très peu de choses de sa biographie. Thomas Norton[1] est originaire de Bristol (son père semble en avoir été le shérif en 1401, maire en 1413, et un membre du parlement local)[2]. Il fut lui-même contrôleur des douanes à Bristol[3]. Il fut peut-être disciple de l'autre important alchimiste anglais de l'époque, George Ripley[2], même s'il n'en existe aucune preuve[3]. Il fut en tout cas comme lui courtisan du roi Édouard IV d'Angleterre qui s'intéressait à l'alchimie[4], et qu'il accompagna en Bourgogne durant son exil temporaire en 1470. En 1478, il accusa le maire de Bristol de haute trahison, et le provoqua en duel dans la salle du conseil[5].

Œuvres

Ses travaux alchimiques sont exposés dans trois ouvrages : le De transmutatione metallorum et le De lapide philosophica, en latin, et le poème en moyen anglais The Ordinall of Alchemy, qui est le seul à avoir été largement diffusé et imprimé.

Norton est peut-être l'auteur d'autres poèmes alchimiques[2] notamment de l'allégorie sur l'élixir commençant par « Take Earth of Earth, Earthes brother » (« Prends la Terre de la Terre, Frère de la Terre »), également inclus dans le Theatrum chemicum Britannicum d'Elias Ashmole, qui l'attribue à un certain « Pierce, the Black Monk » (Pierce le moine noir)[6].

The Ordinall of Alchemy

Les manucrits, les éditions et les illustrations

Thomas Norton dans un laboratoire alchimique, à droite de Basile Valentin et de l'abbé Cremer - gravure du Tripus Aureus (1618) (le Trépied d'or) de Michael Maier.

Il existe plusieurs manuscrits du XVe de l'Ordinall of Alchemy, notamment à la British Library. Ils sont illustrés de miniatures. L'une représente quatre personnages travaillant au grand œuvre, en suivant les instructions que quatre maîtres anciens de l'alchimie, au-dessus d'eux, donnent des instructions dans des phylactères en latin :

  • Geber : « Tere tere tere iterum tere ne tedeat » (« Broie, broie, broie et broie toujours sans te lasser »)
  • Arnaud de Villeneuve: « Bibat Quantum potest usque duoderis » (« Qu'il s'imbibe autant qu'il peut jusqu'à douze fois »)
  • Razi : « Quoquetiescumque inhibitur totiens dessicatur » (« Autant de fois le corps est imbibé, autant de fois il doit être desséché »)
  • Hermès Trismégiste : « Hoc album et coquite donec faciat seipsum germinare » (« Brûle et cuis ce laiton blanc jusqu'à ce qu'il se fasse germer lui-même »)

The Ordinall of Alchemy fut rendu célèbre par une traduction latine du médecin et alchimiste allemand Michael Maier dans son Tripus Aureus (1618) (Le Trépied d'or qui contient aussi Les douze clefs de Basile Valentin et le Testament d'un anglais d'un certain abbé Cremer)[7].

L'original anglais est le premier texte de l'anthologie de poèmes alchimiques anglais, le Theatrum chemicum Britannicum (1652) d'Elias Ashmole, avec des planches du graveur Robert Vaughan (c.1600 - c.1660), reproduisant les miniatures originales. Dans ses notes, Ashmole dit de lui, d'après des auteurs anciens : « alchimiste le plus compétent de son époque, et bien plus curieux de l'étude de la Philosophie que les autres, et pourtant ils le censurèrent de façon indécente et abusive pour ce qu'ils appelaient sa "vaine et frivole Science"[8]. »



Il est aussi inclus dans le grand recueil alchimique du médecin suisse de Jean-Jacques Manget, la Bibliotheca Chemica Curiosa (1702). Le Tripus Aureus de Maier est repris dans l'anthologie Musaeum Hermeticum reformatum et amplificatum (Musée hermétique, réformé et amplifié) (1678), qui est traduite en anglais par Arthur Edward Waite (The Hermetic Museum 1893), ce qui donne version anglaise en prose du poème de Norton, sous le titre The Chemical Treatise of Thomas Norton, the Englishman, called Believe-Me, or The Ordinal of Alchemy (Le Traité Chimique de Thomas Norton, l'Anglais, appelé Crois-moi, ou l'Ordinaire d'Alchimie.

Le texte

Les premières syllabes des chapitres permettent de découvrir le nom de l'auteur (acrostiche).

Ce poème est composé de 3 100 vers très irréguliers, en moyen anglais, avec une préface (en partie en latin), un « proême » (prologue) et sept chapitres. L'ouvrage est anonyme, car l'auteur déclare ne pas désirer la gloire, mais seulement les prières de ses lecteurs : « For that I desire not wordly fame, But you good prayers unknowne shall be my name. » Mais l'identité de l'auteur est révélée par les premières syllabes du proème et des six premiers chapitres[2] : « Tomais Norton of Briseto » (Thomas Norton de Bristol). Dans le premier vers du septième chapitre, l'auteur conclut qu'on peut le qualifier de parfait maître de l'art alchimique : « A perfect Master ye maie him call trowe ». Il s'agit d'une défense de l'alchimie, considérée comme une science occulte et sacrée. Le titre du poème indique la volonté didactique de présenter la séquence correcte des opérations alchimiques, comme un ordinaire le fait pour l'année liturgique[10]

Dans le proème, Norton explique le but de son poème en plaignant la folie et la présomption de ceux qui ont essayé de comprendre les énigmes obscures de ses prédécesseurs alchimistes. Il donne ensuite quelques données biographiques. Il se serait mis très jeune à l'alchimie, chevauchant cent milles pour apprendre pendant quarante jours tous les secrets de l'alchimie de son maître. De retour chez lui, il met en œuvre ses connaissances pour fabriquer, à l'âge de 28 ans, l'« élixir d'or », qui lui est volé par son valet. Découragé de l'alchimie, il se lance alors dans la fabrication d'un « élixir de vie », qui lui est à nouveau volé par la femme d'un marchand. Norton se console de ces déceptions en racontant les mésaventures d'un autre adepte, Thomas Daulton, qui possédait le secret de l'élixir d'or. Trahi, il est amené devant le roi Édouard IV et affirme avoir jeté tout l'élixir dans un lac boueux. Il est malgré tout enfermé plusieurs années sans révéler son secret[11].

Thomas Norton est réputé être l'inventeur du four à registre, permettant de réguler la température. Dans The Ordinall of Alchemy, il affirme avoir fabriqué un four permettant d'atteindre soixante températures différentes[12].

Norton met ensuite en garde les aspirants alchimistes contre les livres de recettes et les charlatans. Il recommande aux vrais « philosophes » la patience et l'expérience. Le reste du poème donne des indications sur divers aspects pratiques et sur les conditions, notamment astrologiques, des différentes étapes du Grand Œuvre.

Le poète Chaucer (c.1343 – 1400), auteur d'une satire de l'alchimie The Canon's Yeoman's Tale (Le conte du valet du chanoine)[13] dans Les Contes de Cantorbéry, est mentionné à la fin du chapitre III à propos d'une pierre mystérieuse la magnetia, indispensable aux opérations alchimiques, et que Chaucer baptise Titanos, nommant une chose inconnue, par un nom plus inconnu encore (Norton utilise la devise latine « ignotum per ignotius ») :

« Her name is Magnetia, few people her knowe
She is fownde in high places as well as in lowe ;
Plato knew her property and called her by her name,
And Chaucer reherset how Titanos is the fame,
In the Chanons Yeomans Taile, saying what is thus,
But quid ignotum per magis ignotius :
That is to say, what may this be,
But unknowne by more unknowne named is she »

C'est avec ce texte qu'apparaît la légende, tenace de la Renaissance jusque vers 1650, que Chaucer aurait en fait été un maître dans cette discipline, et un auteur de traités alchimiques[14].

Samuel Norton, un descendant alchimiste

Son arrière-petit-fils, Samuel Norton (1548–1621)[15], fut également l'auteur de plusieurs traités alchimiques (parfois sous le pseudonyme de Samuel Rinvill) dont The Key of Alchemy[16] et le Mercurius redivivus (1630). Holmyard les juge de moindre intérêt, parmi tant d'autres traités alchimiques de la Renaissance, que The Ordinall of Alchemy qui, pour lui, est un texte caractéristique de l'alchimie du XVe siècle[2].

Notes et références

  1. L'identité de l'auteur de l’Ordinall of Alchemy et du Thomas Norton, courtisan de Édouard IV d'Angleterre, a été mise en question (M. Nierenstein & P F Chapman, Enquiry into the authorship of The Ordinall of Alchemy, Isis, 18 (1932), pp. 290-321), mais réaffirmée « de façon convaincante » par John Reidy (Thomas Norton and the Ordinall of Alchimy’', Ambix, 6 (1957), pp. 59-85).
  2. a, b, c, d et e Eric John Holmyard) introduction à Thomas Norton - Ordinall of Alchemy (1929) Baltimore - The Williams and Wilkins Company (fac-similé de l'édition du Theatrum chemicum britannicum d'Elias Ashmole.
  3. a et b Thomas Norton's Ordinal of Alchemy, édité par John Reidy - (1975) Oxford University Press.
  4. Jonathan Hughes, Arthurian Myths and Alchemy - The Kingship of Edward IV Stroud: Sutton, 2002 revue par Lesley A. Coote, University of Hull
  5. E.J. Holmyard Alchemy p.190
  6. Pearce the Black Monke on the Elixir
  7. Titre complet en latin : Tripus aureus, Hoc est, tres tractatus chymici selectissimi, Nempe I. Basilii Valentini... Practica una cum 12. clavibus & appendice, ex Germanico ; II. Thom Nortoni ... Crede mihi seu ordinale ante annos 140. ab authore scriptum, nunc ex Anglicano manuscripto in Latinum translatum, phrasi cujusque authoris ut & sententia retenta ; nunc ex Anglicano manuscripto in Latinum translatum ... III. Cremeri ... Testamentum, hactenus nondum publicatum, nunc in diversarum nationum gratiam editi, & figuris cupro assabre incisis ornati opera & studio Michaelis Maieri.
  8. « Alchymista suo tempore peritissimus and much more curious in the study of Philosophy than others, yet they pass some undecent and abusive censures upon him, with reference to his vaine and frivolous Science, as they please to tearme it. »
  9. Journal of Medieval and Early Modern Studies, 2000, 30(3), pages 575-599
  10. Lucia Boldrini Translating the Middle Ages : Modernism and the Ideal of the Common Language. [lire en ligne]
  11. Voir aussi Murder, Alchemmy, and the wars of the roses par Peter Fleming, Regional Historian, n° 12, automne 2004.
  12. Eric John Holmyard, Alchemy, p. 46.
  13. Le texte du Conte du valet du chanoine est disponible sur wikisource.
  14. R. M. Schuler, « The Renaissance Chaucer as Alchemist Viator », Medieval and Renaissance Studies, 1984, vol. 15, pp. 305-333. [lire en ligne]
  15. (en) Oxford Dictionary of National Biography
  16. (en) The Key of Alchemy, texte en ligne.

Bibliographie

Textes de Thomas Norton

Textes de Samuel Norton

  • Mercurius redivivus (1630). Gravures 1630 [1]

Études

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