Théorème de prolongement de Tietze

Théorème de prolongement de Tietze
Le mathématicien Pavel Urysohn généralise le résultat de Heinrich Tietze aux espace normaux.

En mathématiques, le théorème de prolongement de Tietze encore appelé de Tietze-Urysohn est un résultat de topologie. Ce théorème indique qu'une fonction continue définie sur un fermé d'un espace topologique normal se prolonge continument sur tout l'espace. Le théorème s'applique donc en particulier aux espaces métriques ou compacts. Ce résultat généralise le lemme d'Urysohn.

Ce théorème possède de multiples usages en topologie algébrique. Il permet, par exemple de démontrer le théorème de Jordan, indiquant qu'un lacet simple divise l'espace en deux composantes connexes[1].

Une première version du théorème est l'œuvre du mathématicien Heinrich Tietze (1880 - 1964) pour les espaces métriques[2], et a été généralisée par Pavel Urysohn (1898 - 1924) aux espaces normaux[3].

Sommaire

Énoncés

L'énoncé le plus classique est le suivant :

Théorème de prolongement de Tietze — Soit X un espace topologique séparé, les deux propositions suivantes sont équivalentes :

(i) X est un espace normal ;
(ii) pour tout fermé A de X et toute application continue f de A dans l'ensemble R des nombres réels, il existe une application continue g de X dans R qui prolonge f, c'est-à-dire dont la restriction à A est égale à f[4].

On montrera au cours de la preuve que si | f | ≤ M (resp. | f | < M) sur A, on peut même choisir g telle que | g | ≤ M (resp. | g | < M) sur X.

On verra aussi que l'hypothèse que X est séparé est irrelevante. Un espace est dit normal s'il est à la fois T4 et séparé, or tout espace T4 (séparé ou pas) vérifie le lemme d'Urysohn, et on va en déduire l'équivalence : X vérifie T4 si et seulement s'il vérifie (ii).

Démonstrations

La démonstration s'appuie essentiellement sur le lemme d'Urysohn. Un sens est relativement simple :

  • (ii) entraîne T4 :
On suppose (ii). Soient A et B deux fermés de X disjoints et f l'application définie sur l'union de A et de B égale à 1 sur A et à 0 sur B. Cette application f est continue. L'hypothèse (ii) montre l'existence d'une fonction continue g prolongeant f sur X. Les images réciproques de ]-∞, 1/2[ et de ]1/2, ∞[ par g sont deux ouverts disjoints contenant A et B. L'existence de tels ouverts montre que X vérifie T4.

La réciproque s'appuie sur le lemme suivant, vérifié si X est un espace T4 :

  • On suppose que f est à valeurs dans un segment [-M,M]. Il existe une fonction continue g1 de X dans [-M/3,M/3] telle que
\forall x\in A\quad|f(x) - g_1(x)|\le\frac{2M}3 :
En effet soient A- et A+ les images réciproques par f de [-M,-M/3] et [M/3,M] : d'après le lemme d'Urysohn, il existe une application continue g1 de X dans [-M/3,M/3] qui vaut -M/3 sur A- et M/3 sur A+, donc qui vérifie les conditions requises.

Ce lemme permet d'établir successivement deux réciproques dans le cas où f est une fonction bornée :

  • Si X est un espace T4 alors pour toute application continue f d'un fermé A de X dans un segment [-M,M], il existe une application continue g de X dans [-M,M] qui prolonge f :
En effet, on déduit du lemme l'existence d'une suite d'applications gk continues sur X telles que :
(1)\quad\forall x\in A\quad\left|f(x)-\sum_{k=1}^ng_k(x)\right|\le\left(\frac 23\right)^nM~,
(2)\quad\forall x\in X\quad\left|g_k(x)\right|\le\left(\frac 23\right)^kM/2~.
D'après la majoration (2), la série des gk est normalement convergente donc uniformément convergente. Sa somme g est donc une application continue sur X car son terme général l'est. De plus, | g | ≤ M. D'après la majoration (1), la restriction de g à A coïncide avec f.
  • Si X est un espace T4 alors pour toute application continue f d'un fermé A de X dans un intervalle ouvert non vide ]-M,M[, il existe une application continue g de X dans cet intervalle qui prolonge f :
Il suffit (en invoquant le lemme d'Urysohn) de multiplier la fonction g de la proposition précédente par une fonction continue de X dans [0,1] qui vaut 1 sur A et qui s'annule aux points où g vaut M ou -M.

On termine la preuve de la réciproque en s'affranchissant de l'hypothèse que f est bornée :

  • T4 entraîne (ii) :
Soient f une fonction vérifiant les hypothèses de la proposition (ii) et θ un homéomorphisme de R dans ]-1, 1[. D'après la proposition précédente, il existe une application continue gint de X dans ]-1, 1[ qui prolonge θof. Il suffit de considérer l'application g = θ-1ogint pour conclure.

Annexes

Bibliographie

  • Jean Dieudonné, Eléments d'analyse, t. I : Fondements de l'analyse moderne [détail des éditions]
  • Claude Tisseron, Notions de topologie, Hermann (1996) (ISBN 2705660194)

Références

  1. Une preuve utilisant ce résultat est proposée à : H. Lerebours Pigeonnière le théorème de Jordan, topologiquement Département mathématiques d'Orsay
  2. (de) B. v. Querenburg, Mengentheoretische Topologie, vol. 3, Springer, 2001 (ISBN 3540677909) 
  3. (en) M. Mandelkern, « A short proof of the Tietze-Urysohn extension theorem », dans Archiv der Mathematik, vol. 60, no 4, 1993, p. 364-366 [texte intégral]  mentionne cette filiation, mais donne une preuve directe du théorème de prolongement de Tietze.
  4. (en) M. Barile, « Tietze's Extension Theorem », MathWorld



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Théorème de prolongement de Tietze de Wikipédia en français (auteurs)

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