Tristan Corbiere

Tristan Corbiere

Tristan Corbière

Tristan Corbière

Édouard-Joachim Corbière, dit Tristan Corbière, né le 18 juillet 1845 au manoir de Coat-Congar à Morlaix (Finistère) et mort le 1er mars 1875 à Morlaix, est un poète français.

Sommaire

Biographie

Il est né de l'union d'Édouard Corbière et d'Angélique Aspasie Puyo que 33 ans séparent : à sa naissance, son père est âgé de 52 ans, et sa mère de 19.

T. Corbière

Après une enfance passée sans histoire dans le manoir du Launay, Tristan est envoyé à l'âge de 14 ans en pension au lycée impérial de Saint-Brieuc. C'est à cette époque qu'il commence à souffrir du rhumatisme articulaire qui lui gâchera l'existence et qui aura raison de lui. Son état de santé s'aggravant, il doit quitter Saint-Brieuc l'année suivante pour rejoindre son oncle médecin établi à Nantes. Il entre au lycée de Nantes en qualité d'externe. Deux ans plus tard, son état de santé l'oblige à cesser ses études. Commence alors une vie de marginal ; il voyage dans le sud de la France, où il lit les œuvres de Hugo, de Baudelaire, de Musset.

Il s'installe ensuite à Roscoff, en Bretagne, dans une maison que possèdent ses parents. Les habitants du village le surnomment l'« Ankou », c'est-à-dire le spectre de la mort, en raison de sa maigreur et de son allure disloquée. Il aime prendre la mer sur son bateau, Le Négrier (titre du plus célèbre roman de son père) et se livre à quelques excentricités. Il s'amuse un jour à se déguiser en forçat, en femme ou en mendiant, l'autre à se raser les sourcils ou bien encore, alors qu'il est en visite à Rome, à traîner un porc en laisse déguisé en évêque lors du carnaval auquel assiste le pape. C'est ainsi que s'écoulent ses jours, jusqu'à sa rencontre avec une petite actrice parisienne que Corbière se plaît à appeler Marcelle, de son vrai nom Armida Josefina Cuchiani ; elle devient sa muse.

Délaissant son prénom d'état-civil, Édouard-Joachim, pour prendre celui, plus évocateur, de Tristan (pour TRISTE EN CORPS BIÈRE), il fait paraître à compte d'auteur en 1873 son unique recueil de poèmes, Les Amours jaunes, qui passe inaperçu. Corbière, qui ne connut aucun succès de son vivant, sera révélé de manière posthume par Verlaine, qui lui consacre un chapitre de son essai Les Poètes maudits (1883). Le recueil se trouve également en bonne place dans la bibliothèque élitiste de Des Esseintes, le héros d'À Rebours : cette présence dans l'œuvre de Huysmans contribuera à faire connaître le poète au public.

Le poète qui rêvait d'être marin ne put satisfaire son désir de courir les mers, mais il aima la mer comme un fou.

Corbière meurt à Morlaix le 1er mars 1875. Il n'a pas trente ans et n'a connu qu'une vie de solitude, brève et misérable, constamment atteint dans sa chair par la maladie, malheureux en amour, englué dans une passion unique et sordide ; sans doute, au figuré, la mer fut-elle sa véritable épouse. Le temps a rendu le poète à la lumière, et reconnu, bien tard, son talent.

Le nom des Amours jaunes, son unique recueil, a été donné à la bibliothèque publique ancienne de Morlaix.

Sa poésie

La poésie de Tristan Corbière est d'une grande originalité par sa forme et ses thèmes. Tout en caricaturant le mythe du poète maudit, Corbière s'inspire aussi bien de la grande ville moderne que de la campagne bretonne, de la fébrilité amoureuse du poète que de la vie virile des matelots, des légendes anciennes que des événements historiques de son époque.

Portrait par Manuel Luque
paru dans La Plume en 1891.

Mais ce qui frappe dans les textes de Corbière est leur aspect heurté et la crudité des images et des sujets. Maniant une ponctuation complexe (tirets, exclamations, suspensions encombrent les vers) et jouant de rejets et d'ironies, le rythme de la poésie est haché, presque anti-musical. Corbière joue des thèmes de la rue, de la misère amoureuse, d'une vie sans but ni souci métaphysique, mais au contraire de Rimbaud, il semble d'abord se moquer de lui-meme, cruellement et sans afféterie.

Les sources de la poésie de Corbière sont multiples : le poète a été marqué par le romantisme, mais son œuvre puise également, de différentes manières, dans le XVIIe siècle, dans la poésie du XVIe siècle, et rappelle souvent celle de Villon.

Corbière a également puisé l'inspiration de certains textes dans les légendes bretonnes - un des chapitres des Amours jaunes est titré Armor - ce qui lui a parfois valu de passer pour un écrivain régionaliste. Il s'est inspiré des gens qu'il côtoyait, peignant par exemple la foule se pressant aux pardons de Sainte-Anne-la-Palud. Un de ses textes évoque les conscrits bretons oubliés dans des conditions de grand dénuement dans le camp militaire de Conlie (Sarthe) en 1870.

« 

Bohème de l’Océan - picaresque et falot - cassant, concis, cinglant le vers à la cravache - strident comme le cri des mouettes et comme elles jamais las - sans esthétisme - pas de la poésie et pas du vers, à peine de la littérature - sensuel, il ne montre jamais la chair - voyou et byronien - toujours le mot net - il n’est un autre artiste en vers plus dégagé que lui du langage poétique - il a un métier sans intérêt plastique - l’intérêt, l’effet est dans le cinglé, la pointe-sèche, le calembour, la fringance, le haché romantique - il veut être indéfinissable, incatalogable, pas être aimé, pas être haï ; bref, déclassé de toutes les latitudes, de toutes les mœurs, en deçà et au-delà des Pyrénées.

 »

— Jules Laforgue, Notes [1]

Œuvres

Rééditions (suivie de Poèmes retrouvés et de Œuvres en prose) : Émile-Paul frères, 1942, illustrée par André Deslignères; Poésie/Gallimard, 1973 ; LGF, 2003 ; (choix de poèmes), Seuil, 2004.
Éditions critiques : Charles Cros, Tristan Corbière, Œuvres complètes, éd. Pierre-Olivier Walzer et Francis F. Burch pour Corbière, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1970 ; Les Amours jaunes, éd. Élisabeth Aragon et Claude Bonnin, Presses universitaires du Mirail, 1992.

Mises en musique

  • Jean D'Udine [pseudonyme d'Albert Cozanet], Rondels pour après, Voix, piano, Le Ménestrel, 1923 (partition se trouvant à la Bibliothèue nationale de France, département musique).
  • Albert Huybrechts, Mirliton, pour Soprano, 1934.
  • Robert Casadesus, Trois rondels pour après [composition de 1935], op. 21, Voix, piano, G. Casadesus, 1998 (partition se trouvant à la Bibliothèque nationale de France, département musique).
  • Tristan Corbière. Les Amours jaunes, EPM, coll. Poètes et chansons, 2005 (disque regroupant les mises en musiques de Lino Leonardi chantées en 1975 et pour quelques-unes au début des années 1990 par sa compagne Monique Morelli, ainsi que des mises en musique chantées par Pascal Héni en 1997).
  • Serge Kerguiduff, Kerguiduff chante Tristan Corbière, Vélia, 1976.
  • Fanny De Lannion, Le Cotre le Négrier, dans À Brest la jolie: chansons de port, Le Chassé-Marée / Armen, 1994 (version de la mise en musique de Lino Leonardi).
  • Antoine Duhamel, L'impossible chant des marins [mise en musique de Matelots, voix et orchestre, difusée sur France Musique en janvier 2006, émission Prima La Musica].
  • La compositrice Michèle Reverdy a également mis en musique plusieurs poèmes de Tristan Corbière.
  • Diamanda Galas, chanteuse d'avant-garde américaine d'origine grecque, a mis en musique en 1986 Cris d'aveugle, de Corbière, dans l'album Saint of the Pit.
  • Casino des trépassés, 1997, disque de 16 chansons avec un grand orchestre, mis en musique par Stéphane Leach et Pascal Héni, chanté par Pascal Héni. Cet album met en valeur le « cynisme élégant » et le « chef-d'œuvre de cabaret » qu'évoquait Tristan Corbière. Un spectacle musical très baroque a été créé en 1999 sur la scène National de Quimper.
  • Thérèse Brenet : Rondel pour Choeurs, Orchestre et Orgue
  • Bruno Richardot : Le Crapaud, chanson pour ensemble vocal à quatre voix mixtes, et sérénade tragicomique pour baryton soliste et voix de femmes.
  • Thanasis Papakonstantinou a adapté en grec Insomnie.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Jules Laforgue, « Corbière » [notes posthumes], dans Œuvres complètes, t.III, éd. Jean-Louis Debauve, Mireille Dottin-Orsini, Daniel Grojinsowski et Pierre-Olivier Walzer, L'Âge d'Homme, 2000, p. 183-193.
  • Valery Larbaud, « Tristan Corbière » [traduction de l'article « Sobre Tristan Corbière », La Nacion, (Buenos Aires), juillet 1923], dans Du navire d'argent, Gallimard, 2003, p. 298-308.
  • T. S. Eliot, The Varieties of Metaphysical Poetry [conférences prononcées en 1933], éd. Ronald Schuchard, London, Faber and Faber, 1993, p. 218-219, 286.
  • Tristan Tzara, « Tristan Corbière ou les limites du cri » [Texte de la préface aux Amours jaunes, Club Français du Livre, 1950], dans Œuvres complètes, t.5, éd. Henri Béhar, Flammarion, 1982, p.125-135.
  • Henri Thomas, Tristan le Dépossédé, Gallimard, 1972.
  • Gérard Macé, « Tristan, le petit mort pour rire », Les Cahiers du Chemin, n°24, 15 avril 1975, p. 183-195.
  • Jean-Marie Gleize, « Le lyrisme à la question : Tristan Corbière », Poésie et figuration, Le Seuil, 1983, p. 104-125.
  • Jean-Pierre Richard, « Le pavé de l'ours », Pages paysages, Le Seuil, 1984, p. 21-38.
  • Tristan Corbière, Poète, en dépit de ses vers [catalogue de l'exposition Corbière organisée par le Musée des Jacobins de Morlaix en 1995, avec de nombreux courts articles, une grande bibliographie et de nombreuses illustrations], Morlaix, Musée des Jacobins, 1995.
  • Pascal Rannou, Visages de Tristan Corbière, essai, Morlaix, éd. Skol-Vreizh, 1995.
  • Élisabeth Aragon, « Tristan corbière et ses voix », Voix de l'écrivain : mélanges offerts à Guy Sagnes, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1996, p. 179-200.
  • Hugues Laroche, Tristan corbière ou les voix de la Corbière, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, coll. L'Imaginaire du texte, 1997.
  • Katherine Lunn-Rockliffe, Tristan Corbière and the poetics of irony, Oxford, Oxford Modern Languages Monographs, 2006.
  • Pascal Rannou, De Corbière à Tristan - Les Amours jaunes: une quête de l'identité, Paris, Honoré Champion, 2006. Prix Henri de Régnier
  • Emmanuel Tugny, Corbière le crevant (roman), Editions Léo Scheer, 2007

Articles connexes

  • « Le Mousse » : Poème de Tristan Corbière, figurant dans la partie « Gens de mer » des Amours jaunes.

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