Widukind

Widukind

Widukind de Saxe

La guerre entre Charlemagne et les Saxons

Widukind de Saxe ou Wittekind de Saxe, dit le Grand, (né vers 755 - mort le 7 janvier 810)[1] est le personnage emblématique de la résistance saxonne face aux Francs. Il fut, en effet, l'un des plus obstinés opposants à la christianisation de son peuple, ce qui fait également de lui l'un des principaux adversaires que Charlemagne rencontra durant ses campagnes pour étendre le royaume des Francs.

Sommaire

Biographie

Widukind (Wittekind) Ier le Grand de Saxe, de 777 à 803, duc de Saxe dit le grand en Westphalie, duc des Saxons westphaliens, né en 755, mort le 7 janvier 810, fils du roi de Saxe Wernekin d'Angrie (v. 710 - 768) et de la princesse Gubdeline de Rugie. Il épousa successivement Svatana duchesse de Saxe ; puis en seconde noces, Geva de Vestfold, fille d’Oystein(Eystein) Ier de Vestfold (Westfold, Norvège) roi de Romerick et d’Hilda de Vestfold. Il est le dernier roi et le premier duc de Saxe. Il possédait des terres en Westphalie et en Angrie (territoire des Angrivariens)[réf. incomplète][2]

Païen comme l'ensemble de son peuple durant le deuxième tiers du VIIIe siècle, Widukind est connu à travers plusieurs mentions dans les sources franques. Son rôle historique s'inscrit dans le cadre des campagnes franques contre les Saxons, qui s'étalèrent de 774 à 799 et que l'historien Pierre Riché a pu qualifier de « guerre de trente ans ».

Le territoire saxon borde la Thuringe, la Rhénanie et la mer du Nord. À cette époque, trois peuples y cohabitent avec les Westphaliens de l'ouest, voisins des Rhénans : les Angrariens au centre, les Ostphaliens, voisins des Thuringes au sud-est, et les Nordalbingiens, au nord, voisins des Slaves. Tous sont païens et descendent de l'ancienne Germanie.

En 690 le prêcheur Willibrord et beaucoup d'autres chrétiens tentent d'évangéliser les païens. Excédés mais néanmoins patients, les Saxons commencèrent leurs pillages à partir de 772, en Thuringe. Charlemagne les avait alors fait fuir. Le roi franc employa la force et la terreur afin de soumettre les Saxons. Les lieux de culte païens furent détruits, notamment l'Irminsul. « La destruction du célèbre sanctuaire païen d’Irminsul n’eut pour effet que de les inciter à se venger en brûlant les édifices religieux en Hesse»[3]. La conquête se doubla d'une conversion forcée des habitants. En septembre 774, les Saxons violent leur promesse et reprennent leurs incursions dans la Hesse. Ils recommencent à pénétrer en Rhénanie. Charlemagne, occupé en Italie, lance contre eux quatre fortes colonnes qui dévastent tout sur leur passage.

En 775, Charlemagne convoque les grands du royaume à Quierzy, et décide d'en finir avec la rébellion saxonne en convertissant les Saxons au christianisme. "La loi du fer de Dieu" consiste à choisir entre le baptême ou la mort. Les Francs entrent en Westphalie. Les Ostphaliens et Angrariens se rendent sans la moindre résistance, tandis que les Westphaliens font subir des dommages importants à l'armée franque, jusqu'à l'arrivée du roi. Pour éviter d'être alors exterminés, ils se rendent et demandent la paix. Les Danois, connus alors sous le nom de Normands ou Nordalbingiens, attendent patiemment leur heure afin de reconquérir leurs territoires perdus, occasion qui se présente alors que Charlemagne retourne en Italie pour mâter le duc de Frioul, en 776. Ils reprennent des territoires mais le retour rapide de Charlemagne les surprend et les oblige à capituler.

Ary Scheffer, Charlemagne reçoit la soumission de Widukind à Paderborn, (1840)

En 777, l'absence de Widukind à une assemblée des Saxons convoquée par Charlemagne à Paderborn est fort remarquée. Les Saxons, réunis en tant que vassaux du roi, acceptent de se convertir au christianisme. Fuyant la Saxe après la victoire du roi des Francs, Widukind s'était réfugié au Danemark dont le peuple était païen. En 778, de retour en Saxe alors que l'armée franque est mobilisée en Espagne, il organise la « résistance » saxonne. Sous son influence, les Saxons païens menacent l'abbaye de Fulda et contraignent les moines à la fuite ; ces derniers doivent même emporter avec eux les reliques de saint Boniface.

Néanmoins, un parti pro-franc se développe au sein de l'aristocratie saxonne, Charlemagne souhaitant y instaurer l'institution comtale. Widukind profite un temps des excès de la politique d'expansion territoriale, laquelle tient Charlemagne éloigné de Saxe. Une fois ce dernier revenu, en guise de répression, il organise le massacre par décapitation de 4500 personnes, et fait déporter 12000 femmes et enfants parce qu'ils refusaient le baptême, à Verden sur la Weser en 782[4]. Le chef des Saxons Widukind se réfugia chez ses voisins et se mis sous la protection de « Sigfred roi des Danois »[5]. Après cette victoire, Charlemagne réorganise la Saxe, qui devient une province de son empire et ordonne la conversion forcée des Saxons païens.

La plupart des rebelles ont été livrés à Charlemagne par les chefs saxons, sauf Widukind, introuvable. Ayant à nouveau gagné le Danemark, celui-ci obtient le soutien des Frisons et des Danois établis au nord de l'Elbe. Les Francs sont battus par Widukind au mont Süntel, en 782. S'ils sont victorieux l’année suivante, ils doivent hiverner dans le pays de 784 à 785 pour venir à bout du soulèvement.

En 785, Charlemagne instaura en Saxe le capitulaire De partibus Saxoniæ : les païens doivent se convertir sous peine de condamnation à mort[6]. Les Wendes, voisins slaves des Saxons à l'est, se joignent alors à la rébellion, désormais clairement orientée contre l'Église catholique. Widukind convainc ses partisans de piller les églises et de massacrer les Francs, au nom des dieux germaniques : les rebelles forcent Willihad, premier évêque de Brême, à abandonner son œuvre missionnaire. Beaucoup de Francs qui s'étaient installés en territoire saxon sont exterminés.

Charlemagne obligeant les Saxons à être baptisés


Les sources font alors défaut sur le détail des actions de Widukind : il aurait accepté de se rendre contre la promesse de ne pas être tué. Voyant qu'il devait gagner son soutien, Charlemagne l'aurait persuadé de se convertir. De fait, Widukind reçut le premier le sacrement avec plusieurs de ses hommes, lors d'une cérémonie de baptême collectif en 785, à Attigny (Ardennes), en France. Charlemagne lui-même fut son parrain. Mais, même après leur conversion, les Saxons ont continué pendant longtemps à adorer des idoles païennes, ayant du mal à renoncer totalement à leurs superstitions et coutumes anciennes. En tout cas, la Saxe semble alors pacifiée, et de fait, les Saxons se tiendront tranquilles pendant huit ans, jusqu'en 792.

C'est pendant cette période que Widukind, - après sa conversion - demande à Waltger (Wolderus, v. 725-825) - canonisé au XIe siècle - de fonder un monastère pour l'éducation des filles de la haute noblesse saxonne à Müdehorst (de nos jours, intégré dans la ville de Bielefeld). Ce fut chose faite en 789, et le monastère fut ensuite transféré, vers 800, à Herivurth (aujourd'hui, Herford) au confluent de l' Aa (rivière de Westphalie) et de la Werre.

Sachant que la conversion totale des Saxons serait difficile à mettre en œuvre, Charlemagne prend des mesures sévères - par le capitulaire « de Partibus Saxonis » (787) - et oblige les Saxons à respecter les Chrétiens et à se convertir au christianisme, sous peine de mort. Cette conquête religieuse de la Saxe va provoquer de nouveaux soulèvements, les missionnaires francs utilisant souvent la force pour parvenir à leurs fins.


Dans les années 792 à 795, des Saxons se soulevèrent à nouveau, refusant le capitulaire. Widukind fuit une nouvelle fois au Danemark et se plaça sous la protection du roi viking Godfred, le successeur de Sigfred. Selon Jean Mabire, Widukind devint le beau-frère de Godfred en épousant sa soeur[7] Geva de Vestfold, une princesse Norvégienne.[8] Les rebelles saxons demandent l'aide des Frisons, leurs voisins du nord, eux aussi païens, et des Avars, déjà en lutte contre Charlemagne. Ils abjurent le christianisme, pillent les églises, traquent les catholiques et réhabilitent le culte des idoles. Devant la tournure que prennent les évènements, le roi doit, en 794 revenir en Saxe. Il divise son armée en deux, une partie sous ses ordres, l'autre sous ceux de son fils Charles le Jeune. Charlemagne entre en Thuringe et Charles en Westphalie. Les rebelles se rendent sans combat et jurent fidélité au roi.

L'année suivante, Charlemagne et son armée traverse la Saxe jusqu'à l' Elbe, pillant au passage. Le prince danois attaqua les Abrodrites, un peuple allié de Charlemagne, releva le Danevirke puis vers 810, lança 200 navires sur la Frise[9].Si la pacification de la Saxe dura encore plusieurs années (elle s'achève officiellement à Paderborn, en 799), Widukind ne prit plus part aux combats sporadiques - qui durèrent jusqu'en 804 - après cette date. Il mourut le 7 janvier 810. L'historien Pierre Bauduin explique que « la crainte inspirée par la conquête du pays [la Saxe nldr] et la brutale soumission de ses habitants eut sans doute sa part dans le mouvement d'expansion viking »[10]. Hypothèse déjà formulée par Lucien Musset[11].


Plus de mille ans après sa mort, un monument en hommage à Wittekind fut érigé, en 1899, à Herford dans le nord-ouest de la Westphalie, œuvre en bronze du sculpteur berlinois Heinrich Wefing. Détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1942, pour récupérer le bronze, il a depuis été reconstruit, signe de l'attachement des Allemands aux personnages emblématiques de leur histoire, même ancienne.

Unions et descendance

Widukind le Grand épouse en 773 Théodrade de Herstal[réf. incomplète][12], (752-845), aussi appelée Svatana, fille de Bernard, comte de Saint-Quentin, et petite-fille de Charles Martel, avec laquelle il a quatre enfants :

  1. Hasala de Saxe, (née v. 773)
  2. Wigbert de Ringelheim, également appelé Weybrecht de Saxe (v. 775 - 827)
  3. Heilwige de Saxe, (v. 775-833), épouse de Welf Ier de Bavière (778-825), et mère de Judith de Bavière (800-843), épouse du roi Louis Ier le Pieux
  4. Gerswinde de Saxe, (v. 782-v. 834), concubine ou épouse de Charlemagne, elle est la mère d'une de ses filles (Adeltrude).

En 800, il se remarie avec la norvégienne Géva de Vestfold, fille du roi de Vestfold Oystein Ier Halvadansson Fjert de Vestfold avec laquelle il a un enfant, qui lui succède comme duc de saxe : Wilpert Ier de Saxe, également appelé Egbert de Saxe, (805-825).

Wilpert est le père du duc Liudolf de Saxe (v. 830-6 septembre 864) et le grand-père du duc Othon Ier de Saxe (v. 850-13 novembre 912), qui est lui-même le père du roi de Saxe Henri Ier l'Oiseleur, et le grand-père de l'empereur germanique, Othon Ier.

Il est très probable que Mathilde de Ringelheim, la seconde femme du roi de Germanie Henri Ier l'Oiseleur (876936) appartenait à la même famille que Widukind. Widukind devint par la suite une sorte de « héros national » et fut regardé comme un saint. Au Moyen Âge, on pensait qu'il était enterré à Enger, près de Herford, où un reliquaire daté du IXe ou du Xe siècle porte son nom.

La fin du Moyen Âge le glorifie comme héros païen, voire l’un des ancêtres des principales dynasties allemandes.

À l'époque nazie, le Widukind sera le sujet d'une pièce de théâtre fortement anti-chrétienne, « Wittekind », oeuvre d'Edmund Kiss[13].

Voir aussi

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Notes et références

  1. Widukind sur le site de la Fondation pour la généalogie médièvale
  2. Généalogie de la famille de Saxe, genealogiequebec.info
  3. Pierre Barthélemy, Les Vikings, Albin Michel, 1992, ISBN 2-226-03257-6 p. 112
  4. Tout l’univers, édition Hachette, album n°5, p. 1110
  5. Annales royales franques citées dans Peter Sawyer, The Oxford Illustrated History of the Vikings, 2001, p. 20
  6. Jean Mabire, Pierre Vial, les Vikings à travers le monde, éditions l’Ancre Marine, 2004, p. 14
  7. Jean Mabire, Pierre Vial, opt. cit, p. 13
  8. Généalogie de la famille de Saxe, genealogiequebec.info
  9. C. D. Kindrock, a history of the vikings, Courrier Dover Publications, p. 91-92
  10. Élisabeth Deniaux, Claude Lorren, Pierre Bauduin, Thomas Jarry, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings, Ouest-France, Rennes, p. 371
  11. Lucien Musset, « Naissance de la Normandie », Michel de Boüard (dir.), Histoire de la Normandie, Privat, 1970, p. 93. Hypothèse que l'on peut aussi lire dans le Dictionnaire du Moyen Age, histoire et société, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, 1997, p.285 et 833
  12. Voir l'arbre généalogique de Théodrade de Herstal
  13. Saul Friedländer, Kurt Gerstein ou l'ambiguïté du bien, p. 44.

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