Bahar Kimyongür

Bahar Kimyongür

Bahar Kimyongür, né le 28 avril 1974 à Berchem-Sainte-Agathe, est un militant d'extrême-gauche de nationalité belge.

Sommaire

Biographie

Son père, issu de la minorité arabe alaouite de Turquie, est né à Samandağ (province du Hatay)[1], il est venu travailler comme mineur dans les charbonnages de La Louvière, sa mère était une travailleuse saisonnière des plantations de coton. Bahar Kimyongür est diplômé en archéologie et histoire de l'art de l'Université libre de Bruxelles.

Aux élections régionales bruxelloises de juin 1995, il figure en 4e position sur la liste du Parti du travail de Belgique, une organisation marxiste-léniniste. Aux élections régionales bruxelloises de juin 1999, il est à nouveau candidat sur cette liste, en 69ème position.

Bahar Kimyongür a été propulsé à l'avant-scène médiatique à la suite des poursuites judiciaires dont il fait l'objet, étant l'un des premiers justiciables poursuivis en vertu de la législation anti-terroriste. Il a en effet été inculpé pour terrorisme après avoir traduit du turc vers le français des communiqués publiés par le DHKP-C, une organisation révolutionnaire turque considérée comme terroriste par l’État turc et classée sur la liste des organisations terroristes par l'Union européenne à la suite des événements du 11 septembre.

Historique

Condamnation en première instance

Le 28 février 2006, Bahar Kimyongür est condamné à quatre ans de prison ferme par le tribunal de première instance de Bruges pour «terrorisme» dans le cadre du procès «DHKP-C», réunissant plusieurs inculpés poursuivis pour «appartenance» à ce mouvement d'extrême-gauche turc.

À la suite de ce jugement, M. Kimyongür, ainsi que les autres inculpés, décide de faire appel. Si certains condamnés du procès sont immédiatement incarcérés à la prison de Bruges (où ils subiront notamment des mesures de privation de sommeil qui seront qualifiées de torture blanche par les organisations de défense des droits de l'homme[2]), Bahar Kimyongür est laissé libre de ses mouvements jusqu'à la tenue du procès en appel.

Tentative d'extradition extra-judiciaire

Dans la nuit du 27 au 28 avril 2006, alors qu'il se rendait à un concert à Amsterdam, M. Kimyongür est arrêté au Pays-Bas quelques minutes après avoir franchi la frontière belgo-hollandaise. La raison de cette arrestation est le mandat d'arrêt international lancé par l'État turc à son encontre, lequel introduit immédiatement une demande d'extradition à l'endroit de Bahar Kimyongür. Un juge hollandais est alors saisi du dossier tandis que M. Kimyongür est incarcéré dans une prison hollandaise. Le jugement sur la demande d'extradition de l'État turc sera toutefois favorable à M. Kimyongür, le juge considérant que les motivations de cette demande d'extradition sont fantaisistes.

Il apparaîtra par la suite que cette arrestation aux Pays-Bas avait été organisée par les services de sécurité belges[3], ce qui est une procédure illégale à plusieurs titres. Le rapport des comités permanent de contrôle des services de police (« Comité P ») et de renseignement (« Comité R ») sur cette affaire reste à ce jour inaccessible.

Premier procès en appel

En novembre 2006, la Cour d'appel de Gand alourdira le verdict du tribunal de première instance, en condamnant M. Kimyongür à cinq années de prison ferme[4].

À la suite de cet arrêt, M. Kimyongür est incarcéré à la prison de Gand. Il se pourvoit en Cassation.

Cassation du procès en appel

Le 19 avril 2007, la Cour de Cassation, la plus haute institution judiciaire du pays, a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Gand au motif d'un vice de procédure dans la nomination de certains magistrats, laissant peser, selon la Cour, une suspicion sur leur impartialité. À la suite de la décision de la Cour d'Arbitrage, Bahar Kimyongür, de même que les autres condamnés du procès «DHKP-C», a été libéré.

Deuxième procès en appel

En septembre 2007, un nouveau procès en appel a démarré devant la Cour d'Appel d'Anvers (le jugement de la Cour de Gand ayant été cassé, c'est la Cour d'Anvers qui a été mandatée)[5], dont le verdict, plusieurs fois reporté, a été rendu le 7 février 2008 et a constitué une surprise puisque tous les inculpés du procès ont été acquittés[6].

Deuxième cassation

Le 24 juin 2008, la Cour de cassation annule l'acquittement prononcé par la Cour d'appel d'Anvers au motif que les juges anversois auraient mal interprété la loi sur l'association de malfaiteurs pour ce qui est du volet concernant l'activité clandestine des militants du DHKP-C à Knokke.

Troisième procès en appel

Le 4e procès du DHKP-C débute le 25 mai 2009 devant la Cour d'appel de Bruxelles. Le 14 juillet, le président du tribunal, Antoon Boyen, fixe au 14 octobre une réouverture des débats avec la requalification des inculpations initiales.

Le 23 décembre 2009, "la cour d’appel de Bruxelles a acquitté Bahar Kimyongür des accusations d’appartenance à une organisation terroriste"[7]. Elle se refuse par ailleurs de qualifier le DHKP-C de groupe terroriste et d'organisation criminelle. Trois des inculpés écopent toutefois de peines avec sursis pour avoir constitué une "association de malfaiteurs" entre eux en septembre 1999 dans le cadre de leur activité militante à Knokke.

Troisième cassation

Le Parquet annonce le 7 janvier 2010 qu'il ne se pourvoira pas en cassation contre cet arrêt[8]. En revanche, l'État turc saisit la plus haute juridiction du pays en espérant obtenir une révision des peines. Mais le 18 mai 2010, la Cour de cassation rejette la demande turque au motif qu'une partie civile ne peut aller en cassation contre les aspects pénaux d’un arrêt.

Enjeux de l'affaire du point de vue des libertés fondamentales

Cette affaire a suscité de très nombreuses réactions de soutien à Bahar Kimyongür de la part d'universitaires[9], d'avocats[10], de syndicalistes et d'associations de défense des droits de l'homme (notamment la Ligue des droits de l'Homme). Un «Comité pour la liberté d'expression et d'association» (CLEA), a d'ailleurs été créé en réaction à cette affaire. Ce collectif a notamment organisé plusieurs manifestations.

«Délit d'association»

A en particulier été dénoncé par les défenseurs des droits de l'homme la création d'un «délit d'association», contraire à la liberté d'association reconnue par la Constitution belge. La législation «anti-terroriste» permet en effet de poursuivre en justice une personne qui n'a ni commis, ni eu l'intention de commettre, ni été complice de personnes cherchant à commettre des actes criminels. La simple appartenance à une organisation considérée comme terroriste suffit à justifier une condamnation. En l'occurrence, le fait d'avoir traduit des communiqués du DHKP-C a suffi à faire condamner M. Kimyongür à quatre, puis cinq ans de prison[11].

Confusion entre le judiciaire et l'exécutif

Les défenseurs des droits de l'homme soulignent également le danger qu'il y a à baser des décisions judiciaires sur des listes d'organisations terroristes établies par le pouvoir exécutif. Ils signalent que si l'appartenance au DHKP-C peut aujourd'hui mener en prison, cette même appartenance justifiait dans les années '80 et '90 l'obtention de l'asile politique en Belgique et dans d'autres pays européens au motif de la répression subie par ce mouvement en Turquie (dont plusieurs centaines de militants sont morts, ces vingt dernières années, dans les prisons turques).

Annexes

Article connexe

Bibliographie

  • le film "Résister n'est pas un crime" est consacré à l'affaire DHKP-C et au cas Kimyongür, un documentaire de Marie-France Collard, F.Bellali et J.Laffont qui a remporté le Prix Spécial du Jury au Festival International du Film des Droits de l'Homme (FIFDH) 2009 de Paris.
  • Bahar Kimyongür, Turquie, terre de diaspora et d'exil. Histoire des migrations politiques de Turquie, Éditions Couleur livres, 2008, ISBN 978-2-87003-509-2

Notes et références


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Bahar Kimyongür de Wikipédia en français (auteurs)

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