Yasukuni-jinja

Yasukuni-jinja

Sanctuaire Yasukuni

Le bâtiment principal du sanctuaire

Le sanctuaire Yasukuni (靖国神社, Yasukuni-jinja?, lit. « le temple du pays apaisé », ancienne graphie : 靖國神社) est un sanctuaire shinto situé dans l'arrondissement de Chiyoda-ku à Tōkyō. Il fut construit en 1869 pour rendre hommage aux Japonais « ayant donné leur vie au nom de l'empereur du Japon ». Les âmes de plus de deux millions de soldats japonais morts de 1868 à 1951 y sont déifiées. Considéré comme l'un des symboles du passé colonialiste du Japon et des nationalistes, il est célèbre pour les polémiques qu'il suscite en Extrême-Orient, et notamment dans les pays autrefois partie de la sphère de coprospérité de la grande Asie orientale.

Le sanctuaire gère également un musée, le Yūshūkan (遊就館?), lequel présente des objets historiques et des panneaux explicatifs retraçant l'histoire militaire du Japon. Le ton y est critiqué comme étant nationaliste et tendancieusement révisionniste. Les crimes de guerre du régime shōwa y sont escamotés et l'expansion japonaise en Asie et dans le Pacifique est présentée comme une volonté de libération des peuples orientaux contre l'impérialisme occidental. On y glorifie également les escadrons Tokkōtai.

Le musée escamote notamment le Massacre de Nankin, proclamant que « Le Japon a établi une zone de sécurité pour les civils chinois et fait des efforts particuliers pour protéger les sites historiques et culturels. Au sein de la cité, les résidents purent à nouveau vivre en paix »[1].

Sommaire

Histoire

Le sanctuaire, qui s'appelait à l'origine Tōkyō Shōkonsha (東京招魂社?) a été construit en 1869 pour célébrer la mémoire des soldats morts pour l'empereur, lors de la guerre civile de Boshin. À ce moment s'y trouvaient seulement 3 500 victimes de cette guerre. On y ajoutera plus tard des personnes mortes lors de conflits internes comme les heurts avec les clans de Satsuma et de Saga, à partir de 1853, date d'arrivée des vaisseaux noirs de Perry au Japon. En 1879, le sanctuaire prend le nom de sanctuaire de Yasukuni.

Après la Seconde Guerre mondiale, et l'abolition du Kokka Shintô par les forces d'occupation, le sanctuaire est devenu association religieuse, indépendante de l'État. C'est un sanctuaire autonome qui ne fait pas partie de l'association des sanctuaires shintō du Japon.

Aujourd'hui, Yasukuni vénère les âmes de 2 466 532 morts pour les empereurs lors de conflits militaires, y compris certains Taïwanais ou Coréens qui avaient la nationalité japonaise au moment de leur mort suite à l'annexion par le Japon de ces pays. Ces morts concernent principalement la Seconde Guerre mondiale (2 133 915 personnes), puis la guerre russo-japonaise (191 250 personnes). Il s'agit essentiellement de militaires, mais on y trouve aussi des civils ou même des enfants ainsi que 57 000 femmes.

Le sanctuaire, que beaucoup accusent de glorifier ouvertement l'ère colonialiste du Japon notamment par le biais de son musée, a beaucoup fait parler de lui par l'ajout en octobre 1978 à la liste des personnes « déifiées », de plusieurs condamnés lors des procès de Tōkyō, notamment des criminels de guerre de classe A, en tant que « martyrs de Shōwa », dont le premier ministre Hideki Tōjō ou le chef d'état major de l'Armée Yoshijiro Umezu. Parmi ces quatorze condamnés, sept ont d'ailleurs été condamnés à mort et exécutés. Le temple, dont le livre des âmes contenait déjà les noms de 1 068 personnes condamnées par les alliés pour crimes de guerre, deviendra controversé à partir des années 1970, suite à ces ajouts, qui étaient la décision de Nagayoshi Matsudaira, responsable du temple et fils de Yoshitami Matsudaira, ministre de la Maison impériale après la guerre de la Grande Asie orientale.

Fait moins connu, il y a aussi un certain nombre de civils, par exemple les jeunes filles d'Okinawa connues sous le nom d'escadron Himeyuri, qui furent enrôlées comme infirmières et envoyées au front pendant la bataille d'Okinawa en 1945. Il y a également les 1 500 victimes du torpillage du navire Tsushima-maru en 1944 par un sous-marin américain, ou encore des écoliers morts lors d'attaques alors qu'ils participaient à l'effort de guerre en travaillant dans des usines. Des personnages historiques comme Sakamoto Ryōma, Yoshida Shōin ou Takasugi Shinsaku s'y trouvent également.

La décision d'honorer l'âme d'un mort à Yasukuni est prise par les responsables du sanctuaire, sans consultation ni autorisation préalable de la famille. De nombreuses familles de victimes honorées à Yasukuni souhaitent voir leurs noms retirés du sanctuaire, opposées à l'idée pour des raisons personnelles, idéologiques et probablement choquées de n'avoir pas été consultées. Ainsi neuf personnes ont intenté un procès au sanctuaire en août 2006, demandant le retrait des âmes de membres de leurs familles honorées contre leur gré. Des procès similaires ont déjà eu lieu, mais ont généralement vu les familles déboutées de leurs demandes.

Yasukuni et la maison impériale

L'empereur Shōwa ou empereur Hirohito, qui avait visité plusieurs fois le temple après la guerre, s'est abstenu de le faire après 1977. Selon ses proches, il aurait été opposé à l'ajout des condamnés des procès de Tōkyō en 1978. Cette supposition a été confirmée par la publication en juillet 2006 du journal du conseiller de Hirohito, Tomohiko Tomita, qui cite Hirohito disant au sujet de l'ajout de 1978 : « C'est pour cette raison que, depuis, je ne m’y rends plus en pèlerinage ; voilà mon sentiment. » Il était en particulier opposé au transfert de Yosuke Matsuoka et Toshio Shiratori, personnalités qui ont oeuvré pour l'alliance avec les pays de l'Axe.

Au sujet de la décision de 1978 de Nagayoshi Matsudaira d'honorer les criminels de classe A à Yasukuni, il commente, selon Tomita : « Matsudaira [le père] tenait beaucoup à la paix, mais le fils a ignoré l’esprit du père. » Les partisans de Yasukuni, qui ont reçu là une dure désillusion, ont toutefois argué que la phrase ne tranchait pas clairement si l'empereur désapprouvait l'ajout des deux personnalités à cause de leur statut de criminel de guerre ou bien à cause de son antipathie personnelle envers eux. L'Empereur ne pouvait cependant pas s'exprimer ouvertement sur le problème, en vertu de la constitution de 1946 qui lui interdit de s'exprimer sur un sujet politique, aussi il est difficile de connaître a posteriori son opinion avec certitude.

Pour le journaliste Masanori Yamaguchi, qui a analysé le mémo Tomita à la lumière des déclarations de Hirohito lors de sa conférence de presse de 1975, l'attitude « opaque et évasive » de l'empereur sur sa responsabilité à l'égard de la guerre et le fait qu'il ait déclaré que le bombardement atomique de Hiroshima « ne pouvait être empêché », démontre qu'il craignait que l'intronisation des criminels au sanctuaire puisse relancer la question de sa responsabilité personnelle concernant les crimes du régime shôwa [2]

Les visites officielles des politiciens au Yasukuni

La présence à Yasukuni des noms des quatorze criminels de guerre rend chaque visite d'un Premier ministre controversée. En particulier, les gouvernements chinois et coréen voient de telles visites comme un affront. Bien que les Premiers ministres ayant visité le sanctuaire aient affirmé l'avoir fait à titre personnel, l'attitude de Koizumi en particulier à ce sujet est considérée comme ambigüe. Plusieurs décisions de justice ont par ailleurs déclaré les visites officielles inconstitutionnelles (celles de Hashimoto comme celles de Koizumi), le Premier ministre n'ayant en principe pas le droit d'effectuer d'actes à caractère religieux en dehors du cadre personnel. Koizumi avait évité la date anniversaire de la fin de la guerre pour ménager la colère de ses voisins, mais a finalement tenu sa promesse de campagne de visiter Yasukuni le 15 août dans la dernière année de son mandat, en 2006, provoquant encore une fois un tollé.Pourtant 60 % des Japonais approuvent les visites du premier ministre au sanctuaire[3].

Le problème des visites au temple Yasukuni n'est pas à l'heure actuelle résolu et chaque visite provoque des réactions plus vives chez les pays voisins du Japon. Bien que le caractère officiel ou non des visites ait fait l'objet de débats dans la presse japonaise depuis la fin des années 1970 et que plusieurs procès aient eu lieu pour trancher la question, le problème n'a réellement attiré l'attention au niveau international qu'à partir de 2001, avec la première visite de Koizumi.

Les sondages de plusieurs quotidiens japonais montrent qu'une majorité de la population japonaise est contre les visites à Yasukuni. La presse quant à elle s'inquiète des conséquences diplomatiques à terme. Plusieurs hommes politiques ont proposé diverses solutions comme l'idée de construire un nouveau monument aux morts plus neutre, d'ôter le caractère religieux de l'hommage aux morts de guerre, de séparer les noms problématiques. Le temple, soutenu par l'aile extrême de la classe politique japonaise, reste cependant peu ouvert à ces idées de compromis.

Yasukuni et les mouvements nationalistes

En 2008, l'appel à la censure et au boycott lancé par des députés du parti libéral démocrate comme Tomomi Inada suite à la réalisation par le cinéaste d'origine chinoise Ying Li d'un documentaire sur l'utilisation du sanctuaire par les factions d'extrême-droite relança la polémique autour du sanctuaire. [4] Suite à ces pressions politiques, seuls une dizaine de cinémas mettront le film à l'affiche et aucun à Tokyo. [5]

Visites officielles par des premiers ministres

Référence

  1. Black museum of Japan's war crimes, Sunday Times, www.timesonline.co.uk
  2. Yasukuni and a week that will live in infamy, search.japantimes.co.jp
  3. Régis ARNAUD, « Le Japon et la Chine divisés par la mémoire », Le Figaro, 15 octobre 2007.
  4. Dancing with the Devil over Yasukuni, search.japantimes.co.jp
  5. More than 10 cinemas will screen Yasukuni, search.japantimes.co.jp, No Tokyo theater will show Yasukuni film, search.japantimes.co.jp

Voir aussi

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