Évêque Cauchon

Évêque Cauchon

Pierre Cauchon

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Pierre Cauchon (né en 1371 à Reims - mort en décembre 1442 à Rouen), évêque de Beauvais, est surtout connu pour avoir été l'ordonnateur du procès de Jeanne d'Arc à Rouen. Son nom n'avait rien à voir avec « l'animal de Circé », malgré les plaisanteries faciles qu'il a permises, mais était simplement la forme normande ou picarde du mot « chausson ».

Sommaire

L'université

La famille Cauchon fait partie, aux XIVe et XVe siècles, de la bourgeoisie de Reims. Pierre, adolescent, décide de s'engager dans le clergé. Il se rend à Paris afin d'étudier. À l'université, il suit brillamment les cours de la faculté des arts (grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, musique, astronomie) puis étudie le droit canonique et la théologie. À 32 ans, maître ès arts, licencié en droit canonique, il cumule six années d'apprentissage de la théologie quand il se voit élu recteur par ses pairs. Le mandat, de courte durée, confère un pouvoir juridictionnel sur les affaires de l'université et des étudiants, échappant au contrôle du prévôt du roi, depuis une charte signée par Philippe Auguste en 1200.

Début de carrière

En 1404, Pierre Cauchon, ayant reçu les ordres mineurs, puis la tonsure et la prêtrise, cherche une situation stable et rémunératrice. Bien qu'ayant obtenu les revenus de la cure d'Égliselles, il essaie également de se faire octroyer une prébende auprès du chapitre de Reims, et défend la cause de l'université de Paris lors d'une querelle qui l'oppose à celle de Toulouse. Mais, à l'exemple d'autres ecclésiastiques, il sait que c'est en s'attirant les faveurs d'un prince ou d'un puissant qu'il pourra mener une carrière prestigieuse.

Il ne peut s'agir du roi, Charles VI de France, fou, ou plutôt atteint de crises maniaco-dépressives, qui gouverne sous la tutelle de ses oncles. D'ailleurs, le train fastueux de la cour, entretenu par la reine Isabeau de Bavière et l'entourage royal, est l'objet de vives critiques, de la part du peuple mais également de l'université. Le co-tuteur du roi, le Duc de Berry, n'est pas non plus fait pour attirer le jeune prélat. Très dispendieux, attiré surtout par l'art, le commanditaire des Très riches heures est un personnage sage mais dont la puissance politique décline. Il reste Philippe de Bourgogne, fils de Jean sans Peur, qui allie jeunesse, richesse et ambition.

Du côté de l'Église, la situation n'est pas meilleure qu'au royaume de France. Le Grand Schisme d'Occident offre à Pierre Cauchon une occasion de service. En 1407, il est missionné par le roi, en compagnie des plus hauts dignitaires ecclésiastiques, pour tenter de réconcilier les deux papes rivaux Benoît XIII et Grégoire XII. Cette expédition est un échec, mais élève Pierre Cauchon au rang d'arbitre, de négociateur au plus haut niveau.

De retour de cette inutile ambassade, il trouve à Paris un climat troublé par l'assassinat du duc d'Orléans, commandité par Jean sans Peur, qui s'exile un temps dans ses terres. Cependant, l'impopularité de la victime, qui avait cristallisé les griefs faits à la cour, incite nombre de personnes, dont les théologiens et Pierre Cauchon, à manœuvrer pour obtenir la réhabilitation du duc de Bourgogne et même la justification de ce meurtre. À cette époque, l'université est en effet particulièrement remontée contre le roi, son prévôt Tignonville ayant fait pendre deux clercs qui ne dépendaient pas de sa juridiction.

Le choix du parti bourguignon

Afin de récupérer des fonds destinés à la guerre contre les Anglais, les États généraux s'ouvrent en 1413. Les Bourguignons, alliés des clercs et des docteurs de l'université, réclament l'épuration des comptes du royaume. Une commission est formée, chargée de proposer des sanctions et des réformes. Pierre Cauchon en fait naturellement partie. Au printemps de la même année éclate l'insurrection cabochienne, plus ou moins sous l'impulsion démagogique de Jean sans Peur. Après les excès de la fureur populaire, les bouchers sont finalement lâchés par la bourgeoisie et les princes, notamment. Les Armagnac débarquent à Paris pour y remettre de l'ordre. Jean sans Peur quitte la capitale en août, avant que le roi ne rende justice et revienne sur des décisions prises sous la pression des insurgés (voir guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons ). Le 1er mai 1414, Pierre Cauchon est accusé, par ordonnance royale, des pires méfaits, mais il a déjà fui en direction de la Bourgogne.

Après avoir été nommé vidame de Reims, on le retrouve à la fin de l'année au Concile de Constance, comme « révérend père en Dieu », ambassadeur officiel du duc de Bourgogne. Il y appuie l'élection de Martin V. De retour de Constance, il devient maître des requêtes, et l'université presse le pape de lui octroyer d'autres bénéfices. Compréhensif, le nouveau souverain pontife sait se montrer reconnaissant envers celui qui l'a aidé à accéder à sa charge. Dorénavant, Cauchon se retrouve archidiacre de Chartres, chanoine de Reims, de Châlons, de Beauvais et chapelain du duc de Bourgogne, ce qui en cumul lui assure un revenu annuel d'environ deux mille livres.

Le retour au royaume de France

Un nouveau drame se joue, dont il saura une nouvelle fois profiter. Les Bourguignons, inquiets de voir la progression des Anglais, qui se sont déjà emparés de la Normandie et notamment de Rouen, décident de traiter avec le dauphin Charles. Lors d'une entrevue sur le pont de Montereau, le 10 septembre 1419, Jean sans Peur est assassiné par Tanneguy du Châtel, conseiller de Charles. Cela ressemble à une vengeance de l'assassinat de Louis d'Orléans douze ans plus tôt. Pierre Cauchon perd ainsi son protecteur, et ne voit pas vraiment de remplaçant dans la personne de l'héritier du duché de Bourgogne, Philippe III.

Le geste du dauphin, réfugié à Bourges, est promptement condamné par le roi Charles VI, et naturellement par le clan de Bourgogne. Une nouvelle alliance se forme alors entre la France et l'Angleterre, avec pour but de marier la jeune princesse Catherine à Henri V. Afin d'opérer ce rapprochement, on mandate deux docteurs de l'université, Jean Beaupère et Pierre Cauchon. Le prélat trouve là une belle occasion de faire oublier son bannissement en offrant ses talents diplomatiques au roi de France, tout en se rapprochant de la couronne anglaise. Tant de services méritant récompense, il est nommé évêque de Beauvais après que la place est devenue vacante en 1420, muni d'une recommandation élogieuse du pape et du roi.

Alliance avec les Anglais

Les deux années suivantes, Pierre Cauchon est accaparé par le service du roi, puis Charles VI et Henri V étant morts en 1422, il se consacre davantage à son diocèse. Il se trouve à Reims quand en 1429, l'armée conduite par Jeanne d'Arc approche de la ville. Il retourne aussitôt à Beauvais, alors que les places tenues par les Bourguignons et les Anglais sont reprises une à une par le dauphin. Quand Charles VII, sacré à Reims, menace directement son diocèse, l'évêque se rend à Rouen, siège du gouvernement anglais de la France. Le duc de Bedford, soucieux d'opposer à l'image de Jeanne d'Arc celle d'Henri VI, âgé de huit ans et héritier du royaume de France en tant que petit-fils de Charles VI, décide de ramener le jeune prétendant de Londres à Rouen. Pierre Cauchon fait partie du voyage, en compagnie d'autres conseillers ecclésiastiques. C'est peu de temps après leur retour qu'ils apprennent la nouvelle : Jeanne a été faite prisonnière à proximité de Compiègne. Elle est détenue par les Bourguignons au Donjon de Beaulieu, à proximité de Saint-Quentin.

Dans les tractations qui s'engagent pour récupérer la pucelle d'Orléans, Cauchon joue un rôle de premier plan. Si les Bourguignons sont sur le fond prêts à la céder aux Anglais, ils monnaient chèrement leur prise, d'autant que les représentants de l'Inquisition à Paris la réclament également. Le prélat, après plusieurs déplacements entre Rouen, Compiègne et le château de Beaurevoir, où la prisonnière a été transférée, finit par obtenir gain de cause. Du point de vue légal, il possède un argument de poids : Jeanne a été capturée au sortir de Compiègne, sur un territoire dépendant du diocèse de Beauvais, et donc de sa juridiction. De plus, il ne vient pas les mains vides. Les États de Normandie ont voté un budget de dix mille livres pour dédommager les geôliers bourguignons.

Le procès de Jeanne

Tout le but de Pierre Cauchon, et ce pour quoi il a été missionné par les Anglais, est d'ôter sa crédibilité à Jeanne, et par ce moyen à Charles VII, en l'attaquant sur le terrain religieux afin d'estomper ses succès militaires. Il assure d'abord sa propre légitimité comme ordonnateur de ce procès, qui se déroule en dehors de sa juridiction. Pour cela, il se fait approuver par les cinquante chanoines du chapitre de Rouen, l'archevêché étant vacant pendant cette période. Ensuite il s'organise soigneusement, en s'entourant d'ecclésiastiques renommés, incontestables, et en prenant le soin de préparer les débats. Il diligente même une enquête du côté de Domrémy, afin d'essayer de récolter des rumeurs sulfureuses sur le compte de l'accusée, en vain.

Le procès s'ouvre le 21 février 1431. Au bout d'une semaine d'instruction, la défense de l'accusée tient bon. Sa virginité a de nouveau été attestée par la duchesse de Bedford en personne. Jeanne ne semble pas en revanche trouver de justification crédible à son port d'habits masculins, qui constitue un outrage aux mœurs de l'époque. L'affaire des voix est naturellement exploitée pour glisser sur le terrain de la sorcellerie.

Soucieux de régularité, Pierre Cauchon fait parvenir à Paris l'acte d'accusation, rédigé le 14 mars, qui charge Jeanne des pires horreurs, afin d'obtenir l'avis de l'université. Pendant ce temps, le procès s'enlise. L'aveu paraissant impossible à obtenir, on envisage la torture. Mais entre-temps la santé de l'accusée s'est dégradée. Elle risque de succomber à cette épreuve et le risque politique est trop grand. On n'en fera qu'un simulacre, le 9 mai, qui ne change rien à la position de Jeanne. Cependant, l'avis de l'université est favorable. Il convient de procéder à l'admonestation officielle de l'Église, pour que l'accusée puisse se repentir.

Le 13 mai, Pierre Cauchon est convoqué par Bedford ; celui-ci se montre irrité par ces lenteurs, qui lui coûtent fort cher. L'évêque de Beauvais a alors l'idée d'une mise en scène propre à faire craquer l'accusée. Conduite dans le clos de l'abbatiale Saint-Ouen, elle est publiquement sommée d'abjurer ses crimes. Elle résiste un peu, puis quand est énoncée la menace du bûcher, elle finit par se rétracter. On la réintègre dans sa prison, on lui procure des habits de femme et on lui rase la tête. Mais les Anglais se sentent floués. On ne sait pas quel rôle joue alors Pierre Cauchon, mais Jeanne est finalement déclarée relapse (littéralement « retombée dans l'hérésie ») pour avoir de nouveau endossé des habits masculins. Elle est conduite au bûcher le 30 mai.

Un nouvel évêché

Cauchon ne peut espérer retourner à Beauvais, tenu par les Armagnacs à la solde de Charles VII. Coupé de son diocèse, il n'en perçoit plus les revenus, même s'il lui reste une rente de mille livres en tant que conseiller du roi. Il se montre alors intéressé par la place vacante à l'archevêché de Rouen. Cependant, devant la résistance feutrée du chapitre, il renonce à ce projet. Le 16 décembre 1431, il a l'honneur d'accompagner le Cardinal de Winchester pour sacrer le jeune roi Henri VI à Notre-Dame de Paris.

Il obtient finalement l'évêché de Lisieux, ville tenue depuis une vingtaine d'années par les Anglais, tout en continuant ses missions pour le service du roi. Il est envoyé comme ambassadeur au Concile de Bâle. À peine revenu, il est propulsé négociateur à Arras, fief des Bourguignons, qui reçoivent des délégations françaises et anglaises afin de négocier l'arrêt d'une guerre qui épuise ses protagonistes. Devant les prétentions françaises, les Anglais claquent la porte, laissant Français et Bourguignons se réconcilier.

Quand le connétable de Richemont reprend Paris pour le compte de Charles VII, en 1436, Pierre Cauchon passe son temps entre son nouveau diocèse et le domicile qu'il entretient à Rouen. Sa dernière grande œuvre est d'ordre architecturale. À l'extrémité de la cathédrale Saint-Pierre de Lisieux, il finance sur ses fonds personnels la reconstruction de la chapelle Notre-Dame.

Mort

Âgé de 71 ans, il meurt brusquement le 18 décembre 1442 à Rouen. Il a droit a des funérailles rouennaises, puis son corps est transporté à Lisieux où il est inhumé dans la cathédrale Saint-Pierre, dans la chapelle axiale du chœur, qu'il fit construire et où il repose toujours[1]

Notes et références

  1. La Découverte du corps de Pierre Cauchon dans la Cathédrale de Lisieux (1931) par Etienne Deville. [lire en ligne]

Voir aussi

Jeanne d'Arc : naissance d'un mythe

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