Analyse à trois éléments

L'analyse à trois éléments ou analyse à trois taxons est une méthode cladistique de reconstruction phylogénétique. Elle fut introduite par les systématiciens G. J. Nelson et N. I. Platnick en 1991. L'analyse à trois éléments est aussi appelée 3ia (pour "three item analysis") ou TTS (pour "three taxon statements"). Cette méthode s'applique aussi bien aux organismes qu'aux aires biogéographiques dans le cadre de la biogéographie cladistique.

Introduction

L'analyse à trois éléments diffère de la parcimonie par rapport à la représentation des caractères et la façon dont procède l'analyse.

Le codage des caractères

Les hypothèses d'homologies

Les parties d'organismes considérées comme homologues sont hiérarchisés et codés sous forme d'arbres racinés. Ce sont les hypothèses d'homologie. Ainsi deux caractères homologues appartenant à une même classe seront considérés plus proches entre eux que tout caractère en dehors de cette classe. Par exemple les pattes (ou membres chiridiens) appartiennent à la classe "membre chiridien" et sont donc plus proches entre elles qu'elles ne le sont des autres membres pairs. Cependant les nageoires du cœlacanthe (Actinistien) seront plus proches des membres pairs de tétrapodes que de la nageoire du requin (chondrichtyen) car les sarcopterygiens, comprenant les tétrapodes, les dipneustes et les Actinistiens, portent un membre monobasal, c'est-à-dire qu'un seul os le soutient: l'humérus. Ainsi le concept de nageoire, qui est plésiomorphe par rapport à la patte, peut aussi être considéré comme paraphylétique en analyse à trois éléments.

Un exemple de codage d'une relation d'homologie en 3ia.

Dans le schéma précédent on remarque l'équivalence entre taxons et états de caractères: la classe "Membres pairs" correspond au taxon Gnathostomes, "Membres monobasaux" à sarcopterygiens et "Membres chiridiens" à tétrapodes. Remarquons que l'état "membres pairs" inclut l'état "membres monobasaux" : le caractère "Membres monobasaux" est donc supposé apomorphe par rapport au caractère "Membre pair". Les caractères étant déjà polarisés en analyse à trois éléments, l'utilisation d'un groupe externe pour l'analyse est inutile. Cependant le statut de synapomorphie des homologues (et donc la caractérisation des taxons par les états proposés dans l'hypothèse d'homologie primaire) reste à tester lors de l'analyse.

Données manquantes et caractères non applicables

Exemple d'une relation d'homologie en 3ia illustrant les données non applicables et manquantes.

L'analyse à trois éléments n'utilisant pas un codage des caractères sous forme de matrices mais sous forme d'arbres racinés, le codage est moins contraint. En effet, dans une matrice il est nécessaire de remplir toutes les lignes et colonnes. Le problème des caractères manquants et non applicables ne se pose donc pas en 3ia puisque cette contrainte n'existe pas. En parcimonie, les deux types de cas de figure sont codés de la même manière par un "?" ce qui signifie que tout état de caractère est possible. Or si pour un caractère manquant tout état de caractère est effectivement possible, tout état de caractère est par contre impossible pour un caractère non applicable.

L'arbre à droite est un exemple hypothétique de codage d'une relation homologie pour 6 taxons:

A: pas d'antennes.

B et C: antennes recourbées.

D et F: antennes en forme de massue.

E: tête manquante

Pour A, les états "antennes en forme de massue" ou "antennes recourbées" ne sont pas applicables puisque A ne possède pas d'antennes. Il n'est donc simplement pas inclus dans la classe d'homologue "présence d'antennes". Pour E, on peut imaginer un spécimen en collection dont la tête serait perdue ou un fossile pour lequel la tête n'aurait pas été trouvée. Le taxon E n'apparait donc simplement pas sur l'arbre: en 3ia un état manquant est manquant^[1].

L'analyse

Les hypothèses d'homologie, reflétant une relation d'inclusion entre les taxons, seront ensuite décomposées en hypothèses de parenté plus simples. La relation de parenté minimale est de savoir si un caractère A est plus proche de B que de C. Si cette relation est vérifiée, alors A et B appartiennent à une classe à laquelle C n'appartient pas. On a alors la relation suivante : (C(AB)). À l'inverse la relation (CA) ne nous apprend rien sur leur relation de parenté. Ainsi, la relation minimale de parenté se fait entre trois éléments, d'où le nom de la méthode.

Soit la relation d'homologie (AB(CD)), on peut décomposer cette relation en deux hypothèses de parenté minimales : A(CD) et B(CD) ce qui implique que les caractères C et D sont plus proches entre eux qu'ils ne le sont de A ou B. Ces relations minimales sont appelées 3is pour "three item statement" ou assertions à trois éléments.

Chaque hypothèse d'homologie sera alors décomposée en 3is. On aura ainsi une clique, c'est-à-dire l'ensemble des 3is pour l'ensemble des caractères étudiés. L'analyse va consister à utiliser ces 3is pour reconstituer la phylogénie des taxons ou des aires biogéographiques étudiées. Parmi l'ensemble des arbres possibles, l'arbre présentant le plus de 3is compatibles avec ceux de la clique sera retenu: l'analyse consiste donc en la recherche de l'ensemble maximal des 3is compatibles entre eux afin de maximiser l'homologie. Ainsi la majorité des informations de parenté contenues dans les hypothèses d'homologie se retrouvent dans l'arbre retenu. Un 3is est compatible avec un arbre si la relation du 3is est respectée sur l'arbre. Par exemple pour l'arbre (A((BC)(DE))), les 3is (A(BC)), (A(CE)) ou (B(ED)) sont compatibles avec l'arbre de départ. En effet, B est plus proche de C que de A par exemple. À l'inverse, les 3is (E(AB)) ou ((CE)B) ne sont pas compatibles, en effet, dans l'arbre (A((BC)(DE))), A n'est pas plus proche de B que de E.

Exemples de 3is compatibles ou non avec un arbre de référence.

Voir aussi

• Cladistique

Autres références

1. ↑ R. Zaragüeta-Bagils & E. Bourdon, Three-item analysis: Hierarchical representation and treatment of missing and inapplicable data, Comptes Rendus Palevol, Volume 6, Issues 6-7, November 2007, Pages 527-534

Bibliographie

• I. J. Kitching, P. L. Forey, C. J. Humphries et D. M. Williams, "Cladistics. Second edition. The theory and practice of parsimony analysis", Oxford science publications, 1998.
• G. J. Nelson et N. I. Platnick, "Three-taxon statements: a more precise use of parsimony?" Cladistics, 7, 351-66