Campagne de Cilicie

Campagne de Cilicie
Campagne de Cilicie
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Troupes de la Légion arménienne.
Informations générales
Date Mai 1920-octobre 1921
Lieu Cilicie et Haute-Mésopotamie
Issue Retrait français (Traité de paix de Cilicie)
Belligérants
Drapeau de France France
Drapeau de l'Arménie Légion arménienne
Drapeau de Turquie Turquie
Guerre d'indépendance turque

La campagne de Cilicie est une série de conflits entre les Forces coloniales françaises, alliées à la Légion arménienne (la Légion d’Orient), et les forces turques de la Grande assemblée nationale de Turquie, au lendemain de la Première Guerre mondiale, de mai 1920 à octobre 1921.

L’intérêt français envers cette région est la conséquence des accords Sykes-Picot et de l’accord franco-arménien de 1916, qui entraîne l’établissement des forces arméniennes sous la tutelle de l’armée française. À la fin 1921, la France a toutefois de meilleures relations avec les autorités turques, alors qu'au même moment, elle se désolidarise de la Triple-Entente et signe l’accord Franklin-Bouillon.

Sommaire

Origine du conflit

L’intérêt premier de la France pour la Cilicie, bien que manifesté depuis la campagne de Napoléon en Égypte et en Syrie de 1798 à 1800, s’était accru depuis l’acquisition en 1909 par des capitalistes français de l’immense ferme de Mercimek (Mercimek Çiftliği, 1 100 km2, soit la taille de la Martinique) appartenant au Sultan Abdülhamid II, en remboursement d’une partie des dettes de l’Empire ottoman. Cette ferme, pourtant privée, était gérée comme une ferme d’État, en développement depuis 1880, et correspondait plus ou moins à une bande partant des ports de Yumurtalık et Karataş et allant jusque dans les environs de Kozan et İmamoğlu.

Accords

Carte des accords Sykes-Picot

L’Armée française avait avancé dans la région, en vertu des accords Sykes-Picot, après l’armistice de Moudros. Ces accords prévoyaient que, en plus de la Syrie, les Français auraient la mainmise sur l’Anatolie du Sud, où la plaine fertile de Cilicie, les ports de Mersin et İskenderun (Alexandrette) et les mines de cuivre d’Ergani jusqu’au nord de la Mésopotamie, constituaient des points stratégiques. D’autre part, les champs pétrolifères du vilayet ottoman de Mossoul constituaient une priorité absolue pour les Britanniques. Selon l’accord passé, ceux-ci garderaient les villes d’Antep, Maraş et Urfa jusqu’à l’arrivée des Français qui devaient s’installer dans les régions d’Anatolie du Sud qui leur étaient allouées dans l’accord.

L’accord franco-arménien concernant le soutien des nationalistes arméniens du mouvement national arménien, du côté des alliés pendant la Première Guerre mondiale, fut signé le 27 octobre 1916. Le ministre des Affaires étrangères, Aristide Briand, utilisa cette opportunité pour fournir des troupes pour les engagements français. La Légion arménienne devait avoir pour commandant le général Edmund Allenby. Les Arméniens combattirent en Palestine et en Syrie, ainsi qu’en Cilicie après l’armistice de Moudros. Le but premier en constituant la Légion était de permettre une contribution arménienne au démantèlement de la région d’Anatolie du Sud, hors de l’Empire ottoman.

Occupation française

Débarquements sur la mer Noire

Après l’armistice de Moudros, la première chose que fit l’Armée française fut de contrôler les mines de charbon ottomanes, stratégiquement importantes, dans lesquelles la France possédait des parts significatives. Le but était, d’une part, de prendre contrôle d’une importante source d’énergie, mais aussi de couvrir les besoins militaires français. Cela permettait aussi d’empêcher la distribution de charbon en Anatolie, qui aurait pu être utilisé pour soutenir une insurrection.

Le 18 mars 1919, deux canonnières françaises débarquèrent leurs troupes respectives dans deux ports sur la mer Noire, Zonguldak et Karadeniz Ereğli, pour commander la région minière ottomane. Confrontée à une résistance locale, la France commença à retirer ses troupes de Karadeniz Ereğli le 8 juin 1920.

Opérations en Thrace et à Constantinople

Les principales opérations dans cette région visaient à apporter un soutien aux opérations stratégiques des alliés. Une brigade française entra dans Constantinople le 12 novembre 1918. Le 8 février 1919, le général Franchet d'Espèrey, commandant en chef des forces alliées d’occupation dans l’Empire ottoman, arriva à Constantinople. Il coordonna les activités du gouvernement ottoman sous l’occupation alliée.

La ville de Bursa, l’ancienne capitale ottomane d’une grande importance en Anatolie du Nord-Ouest, était également aux mains des forces françaises, pendant une courte période avant la grande offensive de l’armée grecque pendant l’été 1920, date à laquelle la ville tomba aux mains des Grecs.

Campagne de Cilicie

Le premier débarquement eut lieu le 17 novembre 1918 à Mersin avec une force d’environ 15 000 hommes, principalement des volontaires de la Légion arménienne, accompagnés de 150 officiers français. Les premiers objectifs de ce contingent étaient d’occuper les ports et de démanteler l’administration ottomane. Le 19 novembre, Tarse était occupée pour sécuriser les environs et préparer l’établissement d’un quartier général à Adana.

Après l’occupation de la Cilicie même fin 1918, les troupes françaises occupaient les provinces ottomanes d’Antep, Maraş et Urfa en Anatolie du Sud fin 1919, cédées par les troupes britanniques comme convenu. À l’extrême-est de la zone d’occupation dans le sud, la ville de Mardin fut également occupée pendant 1 jour (le 21 novembre 1919).

Les gouverneurs de Cilicie nommés par la France dans la zone française d’occupation au sud furent, du 1er janvier 1919 au 4 septembre 1920, Édouard Brémond, et de septembre 1920 au 23 décembre 1921, Julien Dufieux. Dans les régions occupées, les français firent face à la résistance de la majorité turque dès la première heure, principalement parce qu’ils s’étaient associés aux objectifs arméniens.

Les Français voulaient aussi s’installer en Syrie. Avec une pression exercée sur les Français, la Cilicie serait facilement laissée aux nationalistes turcs. Les monts Taurus étaient importants pour Mustafa Kemal. En outre, les soldats français étaient étrangers à la région et ils utilisaient une milice arménienne pour obtenir leurs renseignements ; les Turcs avaient jusqu’alors coopéré avec les tribus arabes de la région. Comparés aux Grecs, les Français étaient moins dangereux. Kemal avait émis l’idée que si la menace grecque pouvait être dispersée, les Français ne résisteraient pas.

La résistance des forces nationales fut une énorme surprise pour la France. La faute fut rejetée sur les forces britanniques qui n’avaient pas contrôlé le pouvoir de résistance des locaux. L'option stratégique d'ouvrir un front au sud en opposant les Arméniens aux forces turques échoua après la défaite des forces grecques et britanniques à l’ouest.

Le 1er novembre 1919, deux jours après la prise par les Français de Maraş, l’incident de Sütçü Imam, nommé ainsi d'après le défenseur de trois femmes turques harcelées et agressées dans la rue par des auxiliaires de la Légion arménienne, fut l’élément déclencheur des tensions dans la ville. Sütçü Imam tira sur un des agresseurs et fut contraint de se cacher. L’incident déclencha une série d’événements qui amena la majorité turque de Maraş à se dresser contre les forces d’occupation, et dont le point culminant se traduisit par une guérilla urbaine à grande échelle deux mois après l’incident. Après vingt-deux jours de combat urbain, le 11 février 1920, les troupes d’occupation françaises furent forcées d’évacuer Maraş, suivies de la communauté arménienne de la ville, sous les assauts répétés des révolutionnaires turcs. Les rebelles de Maraş continuèrent l’effort de guerre en prenant part à la reconquête d’autres points de la région, forçant les forces françaises à se retirer graduellement, ville par ville.

Traité de paix de Cilicie

Article détaillé : Traité de paix de Cilicie.

Fin des hostilités

Le conflit se termina officiellement avec l’accord d'Ankara[1], signé entre les représentants du Gouvernement français et la Grande assemblée nationale de Turquie le 20 octobre 1921[2] et finalisé par l’armistice de Mudanya.

Retrait et mouvements de population

Article connexe : Affaire Chanak.

Les forces françaises se retirèrent de la zone d’occupation au tout début de 1922, environ 10 mois avant l’armistice de Mudanya. À partir du 3 janvier, les troupes françaises évacuèrent Mersin et Dörtyol ; le 5 janvier, Adana, Ceyhan et Tarse. L’évacuation fut terminée le 7 janvier, les dernières troupes quittant Osmaniye.

Au commencement, en 1919, sous coopération militaire, des troupes franco-grecques traversèrent la rivière Meriç pour occuper la ville de Uzunköprü en Thrace, ainsi que les lignes de chemin de fer jusqu’à la gare de Hadımköy près de Çatalca dans les environs d’Istanbul. En septembre 1922, à la fin de la guerre gréco-turque (1919-1922), pendant la retraite des Grecs devant l’avance des révolutionnaires turcs, les forces françaises se retirèrent de leurs positions près des Dardanelles alors que les Britanniques étaient prêts à maintenir leurs positions. Le gouvernement britannique envoya une demande de soutien militaire à ses colonies. La réponse fut négative et les Français indiquèrent aux Britanniques l’intention des alliés de ne pas intervenir en faveur de la Grèce. Les troupes grecques et françaises se retirèrent donc au-delà de la rivière Meriç.

Épilogue

Articles connexes : République du Hatay et Syrie mandataire.

La France eut de meilleures relations avec les Turcs pendant la guerre d’indépendance turque en rompant la Triple-Entente et en signant un accord séparé avec les révolutionnaires turcs. Le traité d’Ankara ou l’accord Franklin-Bouillon ne purent pas résoudre les problèmes en rapport avec le sandjak d'Alexandrette. Cependant des relations positives, franco-turques pour le moins, furent maintenues en vertu du principe de défense de la souveraineté des États. La politique française qui soutenait le mouvement d'indépendance turc a pris un coup pendant la Conférence de Lausanne sur l'abolition des capitulations. Les objections françaises pendant les discussions sur l'abolition, furent perçues comme si la France violait l'indépendance turque et sa souveraineté. En outre, le fait que le sandjak d'Alexandrette, qui selon Misak-ı Milli aurait dû être inclus à l’intérieur des frontières nationales turques, restait sous le contrôle français a aussi contribué à la tension entre les deux pays. L'attitude positive développée avec le traité d'Ankara ne reposait principalement que sur une base amicale, même si limitée.

L'intérêt financier français, à savoir les dettes ottomanes, a été réglé par la jeune République de Turquie, conformément au traité de Lausanne. Les tentatives de modification de la structure ethnique de la région, à l'avantage de la minorité arménienne alimentée de nouveaux colons, a également joué un rôle.

Notes et références

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Campagne de Cilicie de Wikipédia en français (auteurs)

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