Cent et une petites misères

Cent et une petites misères
Première page de Cent et une petites misères.

Cent et une petites misères est une œuvre unique dans l'histoire de la chanson française : une chanson composée par 39 chansonniers de goguettes et comptant 101 couplets.

Elle date de 1846.

Elle reflète bien l'esprit joyeux et bon enfant des goguettiers.

Sommaire

L'œuvre

En 1846, 39 fameux chansonniers de goguettes, au nombre desquels Charles Gille, Pierre Lachambeaudie, Charles Colmance, Élisa Fleury, Dalès ainé, etc., rédigent collectivement une très longue chanson comique à chanter sur l'air de Calpigi d'Antonio Salieri ou de On dit que je suis sans malice. de Pierre Gaveaux[1]. Elle porte le nom de Cent et une petites misères, Œuvre sociale, rédigée par les meilleurs chansonniers de l'époque, Sous la Direction de MM. Charles Gille, Adolphe Letac et Eugène Berthier, Fondateurs.

Elle est composée de 101 couplets signés, finissant tous, avec de légères variations, par : « Ça d'vait bien l' gêner su' l' moment[2]. »

Chaque couplet est une plaisanterie. Aucun ne se prend au sérieux. Le dernier se moque de la chanson elle-même.

Les auteurs

Adolphe Letac
Charles Gille
Pierre Lachambeaudie
  • Eugène Berthier signe le 1er et le 101e et dernier couplet, ce qui n'est certainement pas un hasard. Il signe également les couplets 18, 44, 53 et 72[3].
  • Blondel, 12.
  • Boulay, 60
  • Justin Cabassol, 39
  • Adolphe Chapron, 35.
  • Charles Colmance, 23, 58, 76, 89, 100.
  • Dalès ainé, 68, 88.
  • Hippolyte Demanet, 33, 61.
  • Victor Dollet, 11, 28, 82.
  • Elisa Fleury, 9, 21, 75.
  • Edmond Gaconde[4], 10, 26, 41, 50, 80, 98.
  • Gelin, 92.
  • Charles Gille, 3, 24, 72, 94.
  • Girard, 36.
  • Émile Gruber, 38, 48.
  • Eugène Guemied, 7, 22, 29, 43, 52, 78, 83, 97.
  • Louis Guemied, 16.
  • Auguste Jolly, 19, 45, 54, 73, 85.
  • Étienne Jourdan, 90
  • Pierre Lachambeaudie, 30.
  • Léon Laprairie, 20, 56, 74, 91.
  • Le Boullenger, 15, 57.
  • Adolphe Letac, 2, 25, 40, 49, 66, 79, 95.
  • Honoré Letac, 17.
  • Prosper Massé, 64.
  • Maurice, 37.
  • Numa Mercier, 4, 55, 69, 93.
  • Moinaux, 8, 70. '
  • Charles Morisset, 31.
  • Noël, 59, 71, 89.
  • Parroisse, 5, 27, 42, 51, 87, 99.
  • G.-C. Picard, 6, 68, 96.
  • Charles Regnard 14.
  • Christian Sailer, 13.
  • Savary, 32, 47, 86.
  • Eugène Simon, 46, 62.
  • Troisvallets, 84.
  • Vallet, 34, 65.
  • Léopold Vavasseur, 63.

La musique

L'air de Calpigi employé par Béranger.
L'air de On dit que je suis sans malice.

L'air de Calpigi utilisé pour cette longue chanson figure à gauche sous la forme de son remploi par Pierre Jean de Béranger pour une autre chanson.

Parmi les airs très populaires d' Antonio Salieri qui furent réutilisés pour des chansons, figure l'air de Calpigi, extrait de son opéra Tarare (1787). Il fut employé par Pierre Jean de Béranger pour trois de ses chansons : La Sainte-Alliance barbaresque, Nabuchodonosor et les Orangs-Outangs[5].

L'autre air, la chanson On dit que je suis sans malice., est extrait de l'Opéra Comique Le Bouffe et le Tailleur, paroles d'Armand Gouffé et Villiers, musique de Pierre Gaveaux, représenté pour la première fois sur le théâtre Montansier le 2 Messidor An 12 (21 juin 1804).

Extraits

I.

La chanson qu'en c' moment j'entonne,
Messieurs, n'est ni courte ni bonne :
C'est un tas d' cont's, de fabliaux,
De récits plus ou moins nouveaux.
Enfin, c'est un' vrai' rapsodie,
D' sort' que s'il vous prend fantaisie
D' savoir où s'trouv' le commenc'ment,
Çà d'vra vous gêner su' l' moment !

Eug. BERTHIER.

XCVIII.

Au paradis, un jour de fête,
Dans ses deux mains portant sa tête,
Arriv' saint D'nis, ce fin matois,
Et tous l'interrog'nt à la fois.
Quand not' saint qui n' perd pas la boule,
S' dispose à répondre à la foule,
Il lui prend un éternuement :
Çà d'vait bien l' gêner su' l' moment !

Edmond GACONDE[4].

XCIX.

Au bal de sa noce, un pauvr' diable,
Saisi d'un' colique effroyable
Qui d' moment en moment s'accroît,
Court bien vite à certain endroit,
Par malheur la place était prise,
Et bientôt, hélas ! de sa crise
Résulte un fâcheux dénouement :
Çà d'vait bien l' gêner su' l' moment !

PARROISSE.

C.

Un' femm' folle, un enfant qui beugle,
Un coup d' poing qui vous rend aveugle,
Un soulier beaucoup trop étroit,
Un plongeon quand il fait bien froid,
Un cours de ventre, un' jamb' démise,
Un quart'ron d'épingl's dans sa chemise,
Un incendi' dans son vêtement,
Çà doit bien gêner su' l' moment !

Ch. COLMANCE.

CI.

Un amateur de chansonnettes
Invit' deux personn's fort honnêtes
A v'nir manger la soupe et l' bœuf
Pour leur chanter que'qu' chos' de neuf.
Cell's-ci s' pressent, l' dîner s'termine,
Et mon gars leur lâch' not' tartine
D'puis l' prologu' jusqu'au dénouement :
Çà d'vait les gêner su' l' moment !

Eug. BERTHIER.

Questions

Pourquoi 39 auteurs ? Cela peut résulter du hasard. Mais aussi être la trace d'une tentative d'atteindre les 40, pour se moquer des Académiciens français, qui sont 40.

Pourquoi le sous-titre « Œuvre sociale » ? Cela peut avoir un sens. Les goguettiers avaient l'habitude d'organiser des soirées de bienfaisance. Cette chanson peut avoir été composée, imprimée et vendue au bénéfice d'une cause généreuse précise.

Dans ce cas, le rassemblement de ces chansonniers pour cette création préfigurerait, d'une certaine façon, la démarche collective des Enfoirés au bénéfice des restos du cœur.

Notes et références

  1. On peut lire la partition et entendre l'air de Calpigi sur Internet. L'autre air, la chanson On dit que je suis sans malice, figure au Catalogue des fonds musicaux conservés en Haute-Normandie, rédigé par Joann Élart et publié par l'Université de Rouen-Le Havre en 2004 : Tome I : Bibliothèque municipale de Rouen. Volume I : Fonds du Théâtre des arts, 18e et 19e siècles, page 458. Cet air a également servi, la même année 1846, pour la chanson Nos démissions à la Lyce Chansonnière, de Charles Gille et Christian Sailer.
  2. Cent et une petites misères, Œuvre sociale, rédigée par les meilleurs chansonniers de l'époque, Sous la Direction de MM. Charles Gille, Adolphe Letac et Eugène Berthier, Fondateurs., imprimé à Paris, chez Letac, rue du Faubourg-Saint-Denis, 21, Ancien local de la Lice chansonnière.
  3. Berthier est aussi l'auteur d'un texte loufoque édité sept années après : Pyrame et Thisbé, Poème comique en quatre Chants, avec notes explicatives, par Eugène Berthier, Paris 1853, In-16, 64 pages.
  4. a et b Edmond Gaconde est le pseudonyme et anagramme d'Edmond d'Ocagne.
  5. Dans le recueil de la Musique des chansons de Béranger publié à Paris chez Perrotin en 1853 (6e édition) la même partition de l'Air de Calpigi accompagne à chaque fois les trois chansons : La Sainte-Alliance barbaresque (n° 99, p. 64), Nabuchodonosor (n° 164, p. 122) et les Orangs-Outangs (n° 303, p. 251).

Source

  • Cent et une petites misères, Œuvre sociale, rédigée par les meilleurs chansonniers de l'époque, Sous la Direction de MM. Charles Gille, Adolphe Letac et Eugène Berthier, Fondateurs. Paris. Letac, rue du Faubourg-Saint-Denis, 21, Ancien local de la Lice Chansonnière. 1846.

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