Courbe stable

Courbe stable

En géométrie algébrique, une courbe stable est une courbe algébrique dont les singularités sont les plus simples possibles. Elles ont été introduites par Deligne et Mumford pour construire une compactification de l'espace de modules de courbes projectives lisses.

Sommaire

Points doubles ordinaires

Soit k un corps algébriquement clos. Un point fermé x d'une courbe algébrique X (i.e. variété algébrique de dimension 1) sur k est appelé un point double ordinaire si le complété formel de l'anneau local OX,x est isomorphe à la k-algèbre k[[u,v]] / (uv).

Par exemple, les courbes planes affines u2 = v2(v + 1); uv = 0 ont toutes les deux l'origine comme point double ordinaire.

Un point double ordinaire s'obtient à partir d'une courbe lisse en identifiant deux points distinct : si X' est une courbe lisse affine (pas nécessairement connexe) associée à une algèbre A, et si p,q sont deux points fermés distincts dans X', alors l'ensemble B des  f\in A tels que f(p) = f(q) est une k-algèbre de type fini, la variété algébrique X qui lui est associée est une courbe, et le morphisme X'\to X associé à l'inclusion B\subset A envoie p,q sur un même point qui est double ordinaire, et le morphisme est un isomorphisme en dehors de {p,q}.

Une autre caractérisation des points doubles ordinaires utilise la topologie étale. Le point x est double ordinaire s'il existe un voisinage étale commun à x\in X et à (0,0)\in  uv=0. Plus concrètement, cela veut dire qu'il existe un anneau local noethérien A et des homomorphismes d'anneaux plats et non-ramifiés O_{X,x}\to A et (k[u,v]/(uv))_m \to Am est l'idéal maximal correspondant à l'origine.

Courbes stables

Soit X une courbe algébrique sur un corps k. On dit que X est semi-stable si après extension des scalaires à la clôture algébrique \bar{k}, la courbe X_{\bar{k}} est réduite et n'a que des points doubles ordinaires comme points singuliers éventuels.

On dit que X est stable si de plus elle est projective sur k et si X_{\bar{k}} est connexe, de groupe des automorphismes fini. Sur un corps algébriquement clos, une courbe stable est une courbe projective connexe réduite, de genre arithmétique au moins égal à 2, à singularités doubles ordinaires, et telle que toute composante irréductible isomorphisme à la droite projective rencontre les autres composantes irréductibles en au moins 3 points.

Par exemple une courbe projective lisse sur k est semi-stable. Elle est stable si elle est de plus de genre au moins 2 et géométriquement connexe. La réunion de deux courbes elliptiques qui se coupent transversalement en un point est une courbe stable qui n'est pas lisse.

Le cas arithmétique

Soit une courbe projective lisse C sur le corps des rationnels. Soit p un nombre premier. On dit que C est semi-stable en p s'il existe un schéma sur \mathbb Z dont la fibre générique est isomorphe à C et dont la fibre en p (qui est une courbe algébrique sur le corps \mathbb F_p) est une courbe semi-stable. On dit que C est semi-stable si elle est semi-stable en tous les nombres premiers. Plus intuitivement, cela veut dire qu'on peut trouver un ensemble de polynômes homogènes à plusieurs variables à coefficients entiers qui définissent la courbe C, et qui modulo p (deviennent donc des polynômes homogènes à coefficients dans \mathbb F_p) définissent une courbe semi-stable sur \mathbb F_p.

On prendra garde qu'il y a un léger abus de langage car la semi-stabilité ici n'est plus seulement une propriété de la courbe sur \mathbb Q, mais aussi une propriété relative aux réduction modulo p de C. En toute rigueur, on devrait dire semi-stable sur \mathbb Z.

Si E est une courbe elliptique sur \mathbb Q, la courbe semi-stable sur \mathbb F_p est soit une courbe elliptique sur \mathbb F_p (ce qui est le cas pour presque tous p, on dit que p est un premier de bonne réduction), soit une réunion de droites projectives qui se coupent transversalement (réduction multiplicative). En réalité, on peut faire en sorte que dans le deuxième cas, la courbe semi-stable obtenue soit une courbe irreductible avec un unique point double ordinaire. La semi-stabilité de E est en fait très simple à tester. On écrit son équation de Weierstrass minimale et on la réduit modulo p. Si l'équation modulo p définit une courbe avec un point singulier cuspidale y2 = x3, alors E n'est pas semi-stable en p. Dans tous les autres cas, elle est semi-stable.

La semi-stabilité implique un certain nombre de propriétés arithmétiques intéressantes sur C, notamment au niveau des représentations galoisiennes associées aux points de torsion de la jacobienne de C. Par exemple, la Conjecture de Shimura-Taniyama-Weil a d'abord été montrée par Wiles pour les courbes elliptiques semi-stables.

Les courbes modulaires X0(N) sur \mathbb Q sont semi-stables (en tous p donc) pour les niveaux N sans facteur carré.

Espaces de modules

Soit g un entier au moins égal à 2. Soit k un corps algébriquement clos. On sait qu'il existe une variété algébrique normale Mg sur k dont les points correspondent aux classes d'isomorphisme des courbes projectives lisses connexes de genre g sur k. Cette variété est appelée l'espace de modules grossier des courbes projectives lisses de genre g. Elle est quasi-projective. Deligne et Mumford ont montré qu'il existe une variété projective \overline{M}_g dont les points correspondent aux classes d'isomorphisme des courbes stables de genre g sur k. C'est l'espace de modules grossier des courbes stables de genre g. Elle contient Mg comme une partie ouverte dense. En fait, la construction donne un schéma projectif sur l'anneau des entiers  \mathbb Z.

On sait que Mg et donc \overline{M}_g sont connexes sur le corps des nombres complexes. Par le théorème de connexité de Zariski (qui n'est valable que pour les schémas propres), on en déduit qu'en toute caractérique, \overline{M}_g et donc Mg sont connexes.

Références

(en) P. Deligne et D. Mumford, The irreducibility of the space of curves of given genus, Publ. Math. IHES 36 (1969) 75–109.


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Courbe stable de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Courbe De Phillips — La courbe de Philips aux Etats Unis dans les années 1960 Mise en évidence en 1958, la courbe de Phillips est une courbe illustrant une relation empirique négative (relation inverse) entre le taux de chômage et l inflation. Elle dérive des travaux …   Wikipédia en Français

  • Courbe de phillips — La courbe de Philips aux Etats Unis dans les années 1960 Mise en évidence en 1958, la courbe de Phillips est une courbe illustrant une relation empirique négative (relation inverse) entre le taux de chômage et l inflation. Elle dérive des travaux …   Wikipédia en Français

  • Courbe De Laffer — La courbe de Laffer est une modélisation économique développée par des économistes de l offre, en particulier Arthur Laffer, basée sur l idée que la relation positive entre croissance du taux d imposition et croissance des recettes de l État… …   Wikipédia en Français

  • Courbe de laffer — La courbe de Laffer est une modélisation économique développée par des économistes de l offre, en particulier Arthur Laffer, basée sur l idée que la relation positive entre croissance du taux d imposition et croissance des recettes de l État… …   Wikipédia en Français

  • Courbe de Phillips — La courbe de Philips aux États Unis dans les années 1960 Mise en évidence en 1958, la courbe de Phillips est une courbe illustrant une relation empirique négative (relation décroissante) entre le taux de chômage et l inflation ou taux de… …   Wikipédia en Français

  • Courbe de Laffer — La courbe de Laffer est une modélisation économique développée par des économistes de l offre, en particulier Arthur Laffer, basée sur l idée que la relation positive entre croissance du taux d imposition et croissance des recettes de l État… …   Wikipédia en Français

  • Courbe d'aston — Formule de Weizsäcker La formule de Weizsäcker, appelée aussi formule de Bethe Weizsäcker, est une formule semi empirique donnant une valeur approximative de l énergie de liaison nucléaire B caractérisant la liaison entre les nucléons qui… …   Wikipédia en Français

  • Projet:Mathématiques/Liste des articles de mathématiques — Cette page n est plus mise à jour depuis l arrêt de DumZiBoT. Pour demander sa remise en service, faire une requête sur WP:RBOT Cette page recense les articles relatifs aux mathématiques, qui sont liés aux portails de mathématiques, géométrie ou… …   Wikipédia en Français

  • SYSTÈMES DYNAMIQUES DIFFÉRENTIABLES — Sans doute née avec le mémoire que Poincaré écrivit en 1881 «sur les courbes définies par des équations différentielles», où l’étude quantitative (analytique) locale des équations différentielles dans le champ complexe est remplacée par leur… …   Encyclopédie Universelle

  • Dynamique des cycles — Modélisation simplifiée en image de synthèse d un vélo et d un cycliste virant à droite de façon incontrôlée. Fichier:Bike weaving.gif Animation d un modèle simplifié en image de synthèse d un vélo et d un cycliste passif montrant un balancement… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”