De Excidio et Conquestu Britanniae

De Excidio et Conquestu Britanniae

De Excidio et Conquestu Britanniae (« De la ruine et de la conquête de la Bretagne »), ou simplement De Excidio Britanniae, est un sermon en trois parties rédigé au VIe siècle siècle par l'ecclésiastique breton Gildas le Sage.

La première partie est un récit de l'histoire de l'île de Bretagne de la conquête romaine jusqu'à l'époque de Gildas. La deuxième partie fustige cinq rois pour divers péchés, et la troisième partie s'en prend tout aussi violemment au clergé breton de l'époque. C'est un texte important pour l'histoire de la Grande-Bretagne aux Ve et VIe siècles, car il s'agit quasiment de la seule source contemporaine encore disponible.

Sommaire

Histoire

La rédaction du sermon est traditionnellement datée des années 540, mais des dates antérieures ont été récemment avancées, comme le premier quart du VIe siècle siècle, ou même encore avant cela[1].

Ce sermon n'a pas pour but d'être un témoignage pour la postérité : c'est un prêche, à l'image de ceux des prophètes de l'Ancien Testament. Aussi, Gildas ne donne d'informations historiques que lorsqu'elles servent son dessein : il offre l'une des premières descriptions du mur d'Hadrien, et peut-être du mur d'Antonin, bien que sa version de leur histoire soit tout à fait fantaisiste[2],[3]. Les détails qui n'apportent rien à son message sont laissés de côté : il est toujours vague, donne peu de noms et aucune date précise[4]. Néanmoins, le De Exidio reste un texte important pour l'histoire médiévale de la Grande-Bretagne, s'agissant d'un des rares textes britanniques du VIe siècle siècle encore en existence.

Dans le texte, Gildas affirme être né l'année de la bataille du Mont Badon, dont la date est incertaine. Le style rhétorique de Gildas laisse deviner qu'il a bénéficié d'une éducation latine classique à laquelle un Breton n'aurait guère pu avoir accès après le Ve siècle. Les Annales Cambriae situent la mort de Gildas en 570, et les Annales de Tigernach en 569.

Le sermon a été publié pour la première fois en 1525 par Polydore Virgile, avec de nombreuses modifications et omissions. En 1568, John Joscelyn, secrétaire de l'archevêque Matthew Parker, publie une nouvelle édition, plus proche du manuscrit original ; et en 1691, une version encore plus fidèle est produite par Thomas Gale à Oxford. Le texte a connu d'autres éditions au XIXe siècle, notamment dans le cadre de la Monumenta Historica Britannica (1848).

Résumé

Première partie

Dans la première partie, Gildas explique son but et donne un bref résumé de l'histoire de la Bretagne romaine, de la conquête à son époque. On y trouve la plus ancienne mention connue du personnage semi-légendaire Aurelius Ambrosius, ainsi que de la bataille du Mont Badon.

Deuxième partie

La Grande-Bretagne à l'époque de Gildas.

La deuxième partie est une condamnation de cinq rois de Bretagne. S'agissant de la seule source contemporaine les concernant, elle est particulièrement intéressante pour les historiens. Gildas reprend des animaux allégoriques cités dans l'Apocalypse biblique (le lion, le léopard, l'ours et le dragon) et les associe à chacun de ces rois :

  • « Constantin, le chiot tyrannique de la lionne impure de Damnonia »
  • « toi, le chiot du lion, Aurelius Conanus »
  • « Vortipore [...] semblable au léopard tacheté [...] tyran des Démétiens »
  • « Cuneglasse [...] toi l'ours »
  • « dragon de l'île [...] maglocune »

Gildas mentionne en passant d'autres bêtes de l'Apocalypse, comme l'aigle, le serpent, le veau et le loup.

Les raisons de la vindicte de Gildas à leur égard sont inconnues. Ces rois ont été clairement choisis : Gildas ne dit rien des souverains des autres royaumes bretons, Rheged, Gododdin, Elmet ou Pengwern, ni de ceux du sud de l'Angleterre. N'avoir choisi que des rois liés à la prééminence d'un autre (Maglocune, le « dragon ») laisse à penser qu'il n'était pas seulement outragé par leur dépravation personnelle. Ni l'outrage, ni une dispute sur un point de doctrine ne peuvent justifier cette violente condamnation des cinq rois, avec une attaque personnelle sur la mère de Constantin (la « lionne impure »).

Maelgwn (Maglocune), roi de Gwynedd, est celui qui subit le plus les foudres de Gildas. La comparaison avec le « dragon » de l'Apocalypse laisse supposer qu'il exerçait peut-être son autorité sur les autres rois, ce que d'autres sources confirment de manière indirecte. Ainsi, Maelgwn soutient le christianisme dans tout le Pays de Galles, au-delà des frontières de son propre royaume : il offre des dons à saint Brynach de Dyfed, saint Cadoc de Gwynllwg, saint Cybi d'Anglesey, saint Padarn de Ceredigion et saint Tydecho de Powys[5].

Constantin est obscur. Son royaume de « Damnonia » est généralement identifié à la Domnonée, un royaume du sud-ouest de l'Angleterre[6]. Plusieurs textes ultérieurs mentionnent un roi Constantin dans la région, mais il n'apparaît dans aucune source contemporaine. En outre, « Damnonia » pourrait faire référence au territoire des Damnonii, une tribu située par Ptolémée dans le sud-ouest de l'Écosse actuelle. Les Damnonii sont les prédécesseurs du royaumes d'Alt Clut, dont on sait qu'il a longtemps eu des liens étroits avec le Gwynedd, ce qui n'est pas le cas de la Domnonée.

Cuneglasse apparaît dans les généalogies royales comme Cynglas (Cynlas en gallois moderne), fils d'Owain Ddantgwyn, fils d'Einion, fils de Cunedda. Il est lié à la région de Penllyn, dans le sud du Gwynedd, et serait l'ancêtre de Caradog ap Meirion. Il est également le frère de saint Seiriol[7].

Il est impossible de lier Aurelius Conanus, ou Aurelius Caninus, à une région particulière de Grande-Bretagne. John Edward Lloyd a proposé d'en faire un des descendants dégénérés d'Aurelius Ambrosianus mentionnés auparavant par Gildas ; dans ce cas, son royaume devait se trouver dans une région conquise par la suite par les Anglo-Saxons[8].

Vortiporius (Vortipore, Guortepir en vieux gallois), roi de Démétie (Dyfed), est attesté dans des généalogies galloises et irlandaises comme fils d'Aircol.

Troisième partie

La troisième partie s'attaque au clergé contemporain. Gildas ne cite pas de nom et n'offre donc aucune lumière sur l'histoire de l'Église chrétienne à cette époque.

Héritage

Après la conquête décrite dans son De Excidio, Gildas reste un modèle important pour les auteurs anglo-saxons. L'Historia ecclesiastica gentis Anglorum de Bède le Vénérable se base en grande partie sur Gildas en ce qui concerne les invasions anglo-saxonnes, et développe l'idée de Gildas selon laquelle les Bretons ont perdu les faveurs divines pour suggérer que ces faveurs sont passées aux Anglo-Saxons, désormais christianisés.

Plus tard, Gildas sert également de modèle à Alcuin dans son traitement des invasions vikings, en particulier pour ses lettres relatant le sac de Lindisfarne en 793. Invoquer Gildas comme exemple historique lui permet de suggérer l'idée d'une réforme morale et religieuse comme remède contre les invasions. De la même façon, Wulfstan d'York s'appuie sur Gildas dans son Sermo Lupi ad Anglos.

L'importance de l'œuvre de Gildas dépasse les informations historiques qu'elle contient. À l'époque où il écrit, il existe une Église chrétienne bretonne ; Gildas écrit en latin, et il considère jusqu'à un certain point les Bretons comme des citoyens romains, malgré l'effondrement du pouvoir central. Lorsque Augustin de Cantorbéry débarque en Kent, en 597, l'actuelle Angleterre est peuplée de païens anglo-saxons, et les nouveaux souverains ne se considèrent pas comme des citoyens Romains. Aussi, dater plus précisément le texte de Gildas permettrait d'avoir davantage de certitudes sur la chronologie du passage de l'Angleterre post-romaine à l'Angleterre anglo-saxonne ; certitudes d'autant plus précieuses que cette période est avare en dates précises et événements assurés[1],[9].

Annexes

Références

  1. a et b Fletcher, p. 21-22.
  2. Koch, p. 808.
  3. Gransden, p. 4.
  4. Gransden, p. 5.
  5. Lloyd, p. 130.
  6. Lloyd, p. 131-132.
  7. Lloyd, p. 133.
  8. Lloyd, p. 132.
  9. Campbell, John & Wormald, p. 20-22.

Bibliographie

  • (en) John Campbell, Eric John & Patrick Wormald, The Anglo-Saxons, Penguin Books, 1991 (ISBN 0-14-014395-5)
  • (en) Richard Fletcher, Who's Who in Roman Britain and Anglo-Saxon England, Shepheard-Walwyn, 1989 (ISBN 0-85683-089-5)
  • (en) Antonia Gransden, Historical Writing in England: c. 500 to c. 1307, Routledge, 1996 (ISBN 9780415151245)
  • Christiane M. J. Kerboul-Vilhon Gildas le Sage, vies et œuvres, éditions Du Pontig, Sautron, 1997 (ISBN 2951031025)
  • (en) John T. Koch, Celtic Culture: A Historical Encyclopedia, ABC-CLIO, 2006 (ISBN 9781851094400)
  • (en) John Edward Lloyd, A History of Wales from the Earliest Times to the Edwardian Conquest, Longmans, Green and Co., 1911

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