Despotat de Dobroudja

Despotat de Dobroudja

Despotat de Dobroudja (ou de Karvouna)
Добруджанско деспотство / Dobroudjansko despotstvo (bulgare)

Despotatul Dobrogei (valaque dicien)
Δεσποτάτο της Ντομπρωγέας / Despotato tès Dobrogéas (grec)

après 1322 – ~1390

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Le despotat de Dobroudja au milieu du XIVe siècle

Informations générales
Statut Despotat
Capitale Karvouna
Kaliakra
Varna
Langue bulgare
Religion Orthodoxe
Despote
(1er) (?-1366) Balko
(2e) (1366-1386) Dobrotitsa
(Der) (1386-1390) Ivanko

Entités précédentes :

Le Despotat de Dobroudja, Despotat de Karvouna ou Despotat de Dobrogée est une ancienne entité territoriale des Balkans qui a existé au Moyen Âge. D'abord autonome, elle s'est transformée en état indépendant dont l'existence a été abrégée par la conquête ottomane du sud-est de la Péninsule balkanique.

Sommaire

Création et étymologies

Après la chute de la dynastie des tsars bulgares Terter, en 1323, le boyard local Balko (Балко, Balică), issu de cette dynastie, s'approprie le pouvoir en Dobrogée et devient de plus en plus autonome. Selon la légende, il laisse son nom (Baltchik) à la ville de Διονυσούπολις (Dionysopolis) et fonde un despotat dont la capitale est Karvouna (Καρϐούνα, Carbona sur les portulans génois): les historiens discutent pour savoir si Baltchik ne viendrait pas plutôt du bulgare "Бяла" (bjala: blanc comme les falaises environnantes) ou du turc "Balçık" (glissant comme ces mêmes falaises) et si Karvouna correspond à l'actuel Baltchik, à l'actuelle Kavarna ou même à la citadelle de Kaliakra (Καλή Αϰρά: le bon promontoire en grec, Çeligra en turc). Quoi qu'il en soit, le nom "Dobroudja" (Добруджа en bulgare, Dobrogea en roumain et Dobrogée sur les cartes -Tartares de Dobrogée-[1] et dans les documents français anciens[2]) est d'origine slave et provient très probablement du nom du frère de Balko : Dobrotitch, qui lui succède à son décès vers 1366. Dobrotitch est probablement aussi à l'origine du nom de la ville dobrogéenne de Dobritch. Il résidait à la citadelle de Kaliakra. En remerciement pour son aide dans le conflit contre le Royaume de Hongrie, le tsar Ivan Alexandre de Bulgarie reconnaît Dobrotitch, peu après 1369, comme souverain de la Dobroudja et lui cède ses droits sur des territoires et des forteresses le long de la mer Noire, disputées avec les byzantins.

Développement

En 1346, les deux fils de Dobrotitch, Théodore et Dobrotitsa, s'impliquent aux côtés de leur père dans les rivalités dynastiques de l'Empire byzantin comme alliés de l'impératrice Anne de Savoie. En rétorsion à cela, en 1347, l'empereur Jean V Paléologue envoie l'un de ses vassaux, l'émir turc Bahoud d'Umur, en expédition navale contre la Dobroudja. Dobrotitch et Théodore perdent la vie dans le naufrage de leur nef amirale et Dobrotitsa resté à terre devient le nouveau despote.

La Dobroudja s'ouvre alors aux marchands génois qui en assurent la prospérité, lui fournissent nefs et armes, et installent les comptoirs de San-Giorgio (Giurgiu, Djurdjevo), Dorostolo (Silistra), Barilla (Brăila, Ibrahil), Caladda (Galaţi), Licovrissi (Obluciţa, Izmail), Licostomo (Periprava près de Chilia Veche), Constanza (Constanţa, Kustendje), Carvouna (Kavarna), Danissa (Baltchik) et Odessa (auj. Varna[3]; le nom moderne d'Odessa, en Ukraine, vient bien de là, mais l'Odessa moderne n'a été fondée qu'au XVIIIe siècle). Le despotat s'étend sur le bas-Danube depuis les bouches du fleuve au cap Haeminos (Emina) au sud de Varna.

Entre 1352-1359, la puissance des Tatars de la Horde d'or déclinant, un second despotat apparaît autour des Bouches du Danube, gouverné par le prince Demetrios, qui se met sous la protection de la Valachie : dès lors celle-ci étend sa domination sur le Bas-Danube (Galaţi, actuel Boudjak, Chilia).

En 1357, Dobrotitsa perd Messembria (aujourd'hui Nesebăr) et Anhialos (aujourd'hui Pomorje) au profit de l'empereur Jean V Paléologue, mais en 1359, il prend à Demetrios les cités de Vicina et de Chilia dont il expulse les Génois qui ne gardent que le port de Licostomo. Hyacinthe, archevêque de Vicina, passe en Valachie dont il devient le premier métropolite. En 1366 Jean V Paléologue se rend à Budapest et à Rome, pour chercher des financements pour sa campagne contre la Dobroudja et contre les Turcs ottomans qui ont pris pied en Europe depuis 1354 : il les obtient et assiège Kaliakra, mais est capturé par les assiégés. Dobrotitsa apparaît alors comme un allié des Ottomans. Amédée VI de Savoie mène aussitôt campagne contre la Dobroudja avec le soutien gênois. Dobrotitsa négocie, libère l'empereur byzantin, et en fait son beau-père en mariant sa fille à Michel Paléologue.

En 1369, Dobrotitsa s'allie à Vladislav I de Valachie pour restaurer le trône du tzar bulgare Ivan Stracimir de Vidin. En 1379, une guerre commerciale oppose devant Constantinople les Gênois à une flotte valaque, bulgare et dobrogéenne : l'affaire se conclut par un compromis.

Les Etats bulgares et la Dobroudja en 1371.

Après la mort de Dobrotitsa en 1386, le pouvoir passe à son fils Ivanko ou Iancou, alors que les Ottomans ont déjà commencé la conquête des Balkans et l'encerclement de Constantinople. En 1387 le tsar bulgare Ivan Shishman attaque, vainc et tue son ancien vassal Dan Ier de Valachie, allié d'Ivanko. De leur côté, lorsqu'ils entreprennent leur expédition contre de royaume de Tarnovo, les turcs ottomans s'attaquent aussi au despotat de Dobroudja. Toutefois, ni le tsar de Bulgarie ni le sultan ottoman ne réussissent pas à amener la Dobroudja sous leur autorité, car Ivanko mène une politique astucieuse d'équilibre: en 1387 il fait la paix avec le sultan ottoman Mourad I dont il se reconnaît vassal, cède à la Valachie les bouches du Danube et signe aussi des traités avec Gênes et l'Empire byzantin pour s'assurer de leur neutralité. Grâce à la position géographique et à la richesse de son état (plaines fertiles, accès au Danube et ports de la mer Noire), le despote Ivanko réussit à tenir en respect le tzar de Bulgarie et pour afficher son indépendance, il frappe des monnaies (en bronze et en argent) à son effigie. Sa confiance en soi est si grande, qu'il déplace la capitale de Kaliakra (promontoire très facile à défendre) à Varna (beaucoup plus exposée).

La disparition

Après la victoire serbe à la Bataille de Pločnik, Ivanko rejette la suzeraineté ottomane. En représailles, en 1388 le grand vizir ottoman Çandarli Ali Pacha attaque à nouveau mais sans réussir à prendre la capitale Varna. Mircea Ier de Valachie intervient alors contre les Turcs et deux ans plus tard, lorsqu'Ivanko est tué au combat contre les Turcs, la Valachie hérite de la moitié nord du despotat, tandis que les Ottomans s'emparent de la moitié sud. La Bulgarie tombe aussi sous la domination turque pour près de cinq siècles. Quatre décennies plus tard, à son tour la Valachie à doit plier devant les sultans ottomans qui occuperont la totalité de la Dobroudja entre 1421 (XVe siècle) et 1878 (XIXe siècle) en y colonisant de nombreux tatars et turcs musulmans.

Historiographie

La Dobroudja était un état multi-ethnique, mais l'historiographie roumaine et bulgare moderne a tendance à s'approprier ce passé pour tenter de démontrer qu'il s'agissait d'un état soit "roumain" comme les voïvodats de Valachie ou de Moldavie, soit "bulgare" comme les tsarats de Vidin et de Tarnovo. Les portulans génois le décrivent tantôt comme un despotat grec ("terra graecorum" ), tantôt comme une "petite Valachie" ("Velacia minor"), tantôt comme une "troisième Bulgarie" ("Bulgaria tertia", les deux autres Bulgaries étant les Tzarats de Vidin et de Tarnovo). Peuplé (selon les chroniques génoises) de Bulgares, de Valaques, de "Romées" (Grecs), de Juifs yévaniques ("Romaniotes") et d'Arméniens ("Hermins"), les langues les plus parlées y étaient le bulgare, le grec et le "valaque dicien". Avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne et l'ouverture des frontières, les recherches historiques pourront se dégager progressivement des points de vue exclusifs et nationalistes, d'autant qu'aucun des deux pays n'a de revendications sur le territoire de l'autre, et que les ouvrages récemment publiés[4] reconnaissent tant l'importante composante bulgare et slavonne de l'histoire de la Roumanie, que l'importante composante valaque de l'histoire de la Bulgarie.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Notes

  1. Muzeul naţional al hărţilor şi cărţii vechi / Musée national des cartes et livres anciens, Bucarest
  2. Guillaume de Rubriquis, 1253 ou François de Fourquevoils, 1585
  3. Codex Parisinus latinus in Ph. Lauer, Catalogue des manuscrits latins, pp.95-6, d'après la Bibliothèque Nationale Lat. 1623, IX-X, Paris, 1940

    • Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie, de l'antiquité à nos jours, Bulgarie, Trimontium, 2004, 2e éd. (ISBN 978-2-9519946-1-4) (LCCN 2005431004) ;
    • Florin Constantiniu, Une histoire sincère du peuple roumain, Bucarest, Roumanie, Univers enciclopedic, 2008 (ISBN 9736371790) ;
    • Adrian Rădulescu, Bitoleanu, Ion, Histoire de la Dobrogée, Constanţa, Editura Ex Ponto, 1998, 2e éd. (ISBN 9789739385329) (LCCN 2002499401) ;
    • (de) Josef (ed.) Sallanz, Die Dobrudscha. Ethnische Minderheiten, Kulturlandschaft, Transformation; Ergebnisse eines Geländekurses des Instituts für Geographie der Universität Potsdam im Südosten Rumäniens, Potsdam, Allemagne, Universitätsverlag Potsdam, 2005, 2e éd., poche (ISBN 978-3-937786-76-6) ;
    • (en) R. L. Wolff, The Second Bulgarian Empire. Its origin and history to 1204, Speculum 24: contenant une appréciation et des critiques des controverses autour du "Regnum Bulgarorum et Valachorum pp. 167-206, Sofia, Bulgarie, Kroraina, 2008 .

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Despotat de Dobroudja de Wikipédia en français (auteurs)

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