Diglossie et bilinguisme

Diglossie et bilinguisme

L'être humain est amené fréquemment au contact avec d'autres langues que sa langue première (langue maternelle apprise oralement). L'approche est plus mentale pour la question du bilinguisme et plus sociale pour le cas de la diglossie.

Sommaire

La définition du bilinguisme

Le bilinguisme consiste à parler deux langues différentes en les maitrisant également l'un et l'autre. Ce phénomène est individuel et relève de la psycholinguistique. On parle également de pays ou de régions bilingues lorsque deux langues y sont officielles. Le concept d’éducation bilingue existe aussi quand il s’agit d’enseignement dans deux langues.

La notion de diglossie

Ce terme désigne principalement la coexistence dans une même communauté de deux variétés linguistiques auxquelles on attribue des fonctions communicatives différentes. Ces deux formes linguistiques peuvent être des langues distinctes ou appartenir au même dialecte. On parle spécifiquement d’usages « hauts » et d’usages « bas »[1] . Charles A. Ferguson en 1959 a caractérisé ces pratiques en stipulant plusieurs faits. D’abord la variété « haute » est utilisée lors du culte, dans les lettres, dans les discours, à l’université, … et jouit d’un prestige social accompagné d’une littérature reconnue et admirée dans une forme très standardisée (grammaire, dictionnaire, …) fréquemment apprise à l’école. Ensuite la variété « basse » fonctionne dans les conversations familières, dans la littérature populaire, dans le folklore, souvent uniquement orale, elle est acquise naturellement comme première langue du locuteur. L’exemple du latin au Moyen Âge, qui était la langue « haute » et le latin vulgaire la langue « basse », est probant. Fishman ajoute en 1967[2] qu’il peut y avoir diglossie entre plus de deux codes sans obligation de relation génétique commune.

La situation diglossique est évolutive et variée. Elle entre souvent dans une dynamique conflictuelle: à terme une des deux variétés l’emporte, parfois après des siècles. Soit la prestigieuse standardisée comme c’est le cas en France par rapport aux dialectes régionaux soit c’est la basse comme ce fut le cas en Grèce encore assez récemment où la variété « haute » est devenue une langue morte. En tout cas un phénomène d’assimilation ou de normalisation s’effectue.

La diglossie concerne également la présence sur un territoire donné de deux langues (par exemple le français et l’anglais au Canada).
On peut aussi parler de la présence de deux variantes développées de la langue écrite dans un même pays (par exemple le nynorsk et le bokmål en Norvège).
Au Maroc on peut même parler de trois diglossies distinctes : la diglossie arabe standard – arabe dialectal, la diglossie arabe dialectal – amazighe(berbère) et la diglossie arabe standard – français.

L’idée même de diglossie a été présente dans des luttes de réhabilitation des langues dites minoritaires, parlées pour certaines d’entre elles dans la vie de tous les jours par une proportion importante de la population d’un territoire, parfois majoritaire, par exemple le francoprovençal dans la Vallée d’Aoste, voire le basque et le catalan.

En outre, à l’intérieur des grands centres urbains, partout en expansion en Afrique, peut avoir lieu une situation qui n’est pas typologiquement diglossique mais qui peut relever d’une dynamique diglossique.

Quatre situations du rapport diglossie/bilinguisme

Diglossie et bilinguisme

Tous les membres de la communauté connaissent la forme haute et la forme basse: entre l’espagnol castillan et le guarani au Paraguay, entre l’espagnol castillan et le catalan enEspagne).

Bilinguisme sans diglossie

Plusieurs personnes connaissent deux langues dans une société sans qu’il existe d’usage spécifique pour les formes linguistiques distinctes. Cela se retrouve dans des contextes instables à forte mobilité sociale comme l’Europe romane des Temps Modernes ou des situations intermédiaires entre une diglossie et une autre organisation de la communauté linguistique.

Diglossie sans bilinguisme

A l’intérieur d’une communauté il existe une division fonctionnelle des usages entre les deux formes linguistiques et les groupes sociaux sont intégralement séparés. C’était souvent le cas dans les colonies européennes où les colons s’occupaient peu des pratiques indigènes. Il n’y avait d’ailleurs que de très rares traducteurs, à peines bilingues. On peut citer également la Russie tsariste où la noblesse ne pratiquait que le français.

Ni diglossie ni bilinguisme

Ce cas de figure ne peut exister que lors d’une absence totale de contact des langues. On peut imaginer que cela a inévitablement existé dans l’histoire de l’Humanité et sans doute que cela se passe encore aujourd’hui dans une contrée perdue et parfaitement isolée.

Cas de l'Espagne et du Paraguay

Le catalan en Espagne

La langue catalane a connu son âge d’or du XIIIe au XIVe siècle qui correspondent à l’apogée de la thalassocratie du royaume d’Aragon. Elle s’impose à l’époque comme langue internationale qui se parle jusqu’au Vatican. Au niveau intérieur, le catalan est utilisé par tous, sans différence de catégories sociales et dans toutes les situations. Elle se codifie du point de vue syntaxique et linguistique grâce à l’imprimerie.

Le lent déclin de la couronne d’Aragon et l’expansionnisme de la Castille vers le Nouveau Monde à partir de la fin du XVe siècle entraîne avec eux une période moins faste pour le catalan. En effet, le centralisme castillan joue un rôle moteur dans la géopolitique européenne surtout à partir de la Contre-Réforme.

Le processus s’aggrave au XVIIIe siècle surtout avec un décret qui interdit de parler et d’enseigner le catalan. Jusque là, la Catalogne se trouve dans une situation de bilinguisme diglossique. Le catalan avait perdu du terrain d’un point de vue quantitatif et qualitatif les textes de l’époque en témoignent (castellanismes et barbarismes).

La renaissance du catalan et du catalanisme s’effectue par la rupture du monopole commercial castillan fin XVIIIe, qui rend sa prospérité d’antan à la Catalogne. C’est surtout la bourgeoisie industrielle qui trouve une légitimité dans la revendication de son passé. Il fallut re-codifier la langue via des grammaires et la parution de dictionnaires afin que celle-ci s’adapte à toutes les situations. En 1902, l’évêque de Vic, Torras i Bages[3] obtient du ministre de l’Instruction publique l’annulation de l’interdiction de l’enseignement du catalan dans les écoles.

En 1938 le décret d’interdiction des langues régionales est publié et pendant les vingt premières années du franquisme, la répression et la tracasserie administrative pleuvent sur les Catalans et leur langue. Suit une étape où la diglossie n’est que partielle. Effectivement sous le régime de Franco le catalan fut langue de prestige car elle fut composante de la conscience nationale donc symbole de résistance. Cependant deux nouveaux éléments fragilisèrent le catalan. Premièrement l’impossibilité d’enseigner aux jeunes la langue codifiée et ensuite une forte émigration venue d’Andalousie, population pauvre, castillanophone et fréquemment analphabète.

Depuis le retour à la démocratie, un ensemble de décrets et de lois s’est chargé de protéger la langue catalane. Cette dernière devient la langue propre de la Catalogne. Tandis que le castillan reste la langue officielle (comme dans tout l’état espagnol) et le catalan le devenant également. La nuance de la « langue propre »[4] ouvre un débat polémique où le législateur voulait créer les conditions d’un bilinguisme idéal. En effet, les nationalistes vont prendre leur revanche et considérer le castillan comme secondairement officiel. Dans la réalité quotidienne, on ne trouve pas le consensus voulu par le législateur mais plutôt les conséquences de son silence. Il existe un conflit politique latent et un conflit diglossique de par la hiérarchisation des langues, fruit des rancœurs du passé. En effet, choisir dans telle ou telle situation le catalan ou le castillan révèle un comportement socio-politique. De plus la population émigrée de l’intérieur, qui ne maîtrisant pas le catalan, voit sa situation d’infériorité sociale et économique doublée d’une infériorité culturelle.

On arrive ensuite à la notion de bilinguisme passif qui signifie qu’on puisse s’adresser en catalan à son interlocuteur qui répondrait en castillan. Il y a de la part de l’administration catalane une stratégie d’érosion voire d’exclusion du castillan. En outre, en verrouillant l’accès à tous les emplois publics (police, justice, enseignement), le pouvoir catalan rompt le principe d’égalité du citoyen devant l’état et freine toute mobilité géographique et professionnelle vers la Catalogne et les professions en lien direct avec la fonction publique (avocats, magistrature…). On peut ainsi parler de politique volontariste de l’exécutif catalan. Ce dernier encourage par exemple via des mesures d’exemptions fiscales la généralisation dans des secteurs d’activité de l’usage du catalan (la publicité, …). Il sanctionne également par exemple des entreprises audiovisuelles qui ne rempliraient pas leur cahier des charges, en leur retirant l'autorisation d’émettre.

On le voit, il règne une sorte de persécution du castillan en Catalogne, un peu comme sous le régime franquiste mais inversée. Le catalan pourrait être considéré comme une langue en danger à l’instar d’autres langues sans état. Cependant elle est toujours vivante, enseignée, apprise, utilisée par les médias et utilisée quotidiennement. Les compétences écrites et orales en catalan ont même augmenté chez les jeunes. Mais la langue passe-partout en Catalogne pour les immigrés intérieurs de l’Espagne voire de l’Amérique latine ou pour les vagues d’immigrations essentiellement africaines des années 1990, reste le castillan. Pour les enfants et les adolescents de ces derniers, les occasions d’utiliser le catalan restent très limitées. Ils l’apprennent tout de même en contexte scolaire avec un standard de la langue très normé (résidu de l’obsession de la norme d’une langue minoritaire dans un contexte de danger de par le contact avec l’espagnol). Ce catalan scolaire devient une sorte de langue étrangère avec un statut très puissant vu que sa connaissance devient un passeport pour la promotion sociale ou sa méconnaissance un obstacle de premier ordre.

Cette nouvelle catégorie de population en Catalogne ne perçoit pas les rapports conflictuels des langues. Le catalan est perçu comme la langue de l’école et du futur professionnel. En effet, la communication habituelle se fait en castillan et en anglais avec les étrangers. On peut donc constater que l’école parvient à transmettre la langue catalane à des enfants qui ne l’utilisent pas en famille sans parvenir à réellement la déscolariser. Le catalan n’est pas toujours utilisé de manière naturelle mais a acquis une valeur sur le marché linguistique (c'est-à-dire la valeur socio-économique de l'apprentissage d'une langue).

Le guarani au Paraguay

On a là un véritable cas de figure de diglossie et de bilinguisme dans un même état: le Paraguay tend vers cette situation car plus de la moitié de la population parle aussi bien l’espagnol que le guarani.

Le conflit diglossique ici est différent de celui du catalan même si la langue de référence est toujours le castillan. Historiquement, avec le Paraguay on a affaire à une lointaine colonie et à une langue amérindienne, le guarani, qui est à prédominance orale. La population indienne ou métisse, à l’époque coloniale, était numériquement supérieure à la population espagnole. Effectivement, le territoire actuel du Paraguay était dépourvu d’or et loin des mouvements du grand commerce. Il n’y avait aucun accès à la mer, donc cela ne motivait pas les colons à faire le voyage. Même si le castillan était la langue officielle des colonies, le guarani créole était dominant. Ce dernier n’accéda à l’écriture que sous l’impulsion aux XVIIe et XVIIIe[5] siècles des Franciscains, puis des Jésuites. Ces religieux admiraient cette langue qu’ils trouvaient riche et élégante. Ils produisirent dans le domaine linguistique des dictionnaires et des grammaires. Ensuite, après l’expulsion des Jésuites en 1767, le guarani jésuitique se désagrégea et le guarani créole déjà dévalorisé fut dès lors considéré comme une langue pauvre. Par la suite le guarani servit à diffuser l’idéologie qui mena à l’Indépendance de 1811. Cela entraîna un sentiment nationaliste qui exalta la fonction grégaire lié à cette langue. Le guarani se verra affublé de prestige et porteuse de valeurs de loyauté et de fierté. Au XIXe le guarani fut langue de création littéraire, de discours politique et de quelques journaux. Enfin au XXe, l’orthographe s’est normée avec un accès marginal à l’écriture, presqu’exclusivement dans le domaine de la création littéraire.

La langue guarani se trouve dans un stéréotypage ambivalent[6] lié à une idéologisation de la diglossie. C’est-à-dire que la représentation de la langue dominante, ici le castillan, est ouverte et favorable et renforce ce cliché ambivalent dans l’autre langue, l’un positif, la langue ancestrale et l’autre négatif, la langue plébéienne.

Cependant, dans tous les autres pays d’Amérique latine la langue du colon s’est imposée officiellement et les langues indigènes ne sont que des dialectes locaux. Au Paraguay le guarani est la langue majoritaire mais elle est minorée: longtemps il a été interdit à l’école. La stigmatisation faisait partie intégrante du contexte scolaire qui par exemple sanctionnait par des coups de fouet l’élève qui le parlait. Une pratique dénommée le /signal/[7] qui consistait à faire circuler parmi les élèves au gré des apparitions incontrôlées du guarani, un objet identificateur en vue de sanctionner la faute sociolinguistique.

Malgré cela, le guarani reste la langue de la loyauté et est célébré par la nation paraguayenne. Ce pays aujourd’hui officiellement bilingue a évolué vers un "complexus diglossique" assez trouble, à savoir qu’un objet sociolinguistique s’est peu à peu imposé au sein de l’interdiscours épilinguistique qui circule sans cesse à l’intérieur de la société paraguayenne, il s’agit du joparà. Cela désigne une alternance des langues entre le guarani et l’espagnol comme une sorte d’interlecte voir une troisième langue. C’est une espèce de langage commun du quotidien, une lingua franca un peu hybride et imparfaite, non standardisée et avec un contact permanent avec deux langues. C’est une forme spontanée qui s’adapte aux nécessités immédiates des utilisateurs. Il n’y a pas de consensus explicite sur la perception du joparà. On peut affirmer qu’il existe un complexe diglossique à travers cet interlecte à géométrie variable qui s’intègre dans un continuum sociolinguistique où le castillan et le guarani (aux standards de nature très différente) occupent chacun une extrémité de référence. Finalement pour certains le joparà est un produit d’interférences linguistiques résultant des déficiences de la politique linguistique.

Depuis 1992, le Paraguay, après de longues années entrecoupées de guerres et avec divers régimes dictatoriaux, a promulgué une nouvelle constitution démocratique. Enfin le castillan et le guarani sont déclarés conjointement langues officielles. L’enseignement des langues espagnole et guarani est obligatoire à tous les niveaux du système éducatif paraguayen : primaire, secondaire et universitaire. Il existe donc bien une rupture en matière glottopolitique cependant elle a du affronter pas mal d’obstacles dont les représentations héritées d’un long passé diglossique. En effet, la conscience de classe des élites politiques a toujours joué contre le guarani considéré comme la langue de la classe socio-culturellement basse, pauvre et rurale. Mais pour arriver au pouvoir il fallait tout de même la parler. Tous les présidents du Paraguay ont parlé guarani.

On essaie donc malgré un fort absentéisme scolaire et un analphabétisme estimé à 65 % d’effectuer un bilinguisme coordonné pour les monolingues guarani. Parvenir à l’espagnol pour tous en passant par l’enseignement du et en guarani reste difficile vu le manque de matériel pédagogique (surtout de documents authentiques) et l’autonomie laissée aux institutions éducatives qui privilégient en ville le castillan. De plus, le guarani demeure le grand absent au niveau universitaire.

En fin de compte l’éducation bilingue permet des réflexions intéressantes entre les maîtres les obligeant à réactualiser leur pédagogie et à changer leurs attitudes linguistiques. En outre elle permet au guarani de sortir de l’oralité et contribue à son actualisation lexicale. Finalement à sortir le guarani du bilinguisme diglossique qui jusque là le maintenait en état de minorisation.

Deux cas de figure liés au bilinguisme

La création bilingue

Un cas particulier est celui des écrivains déracinés. Ceux qui volontairement ou non se retrouvent dans un autre pays et face à une langue différente voire, ceux qui restent dans leur propre pays mais qui sont confrontés à écrire dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle (ancienne colonie).

Certains font état d’une sorte d’inauthenticité liée à la non spontanéité de la création artistique littéraire. Sentiment pénible dont Todorov, auteur bulgare réfugié en France qui parle dual, voir d'un double avec deux moitiés d’être[8] . Parfois cette schizophrénie culturelle peut être vécue aussi comme un défi. La découverte de tout un univers culturel où le code d’accès est la langue. On peut parler d’une revalidation après un accident lors du réapprentissage de la marche pas à pas quand on savait déjà si bien marcher sans y penser. Cioran exprime son mal être via son besoin de langue sauvage, son roumain comme une langue d’ivrogne alors que le français devenait une camisole de force[9].

Le sentiment de ne pas être chez soi dans cette langue autre. Le polonais Jelenski parle lui du français qui le rend poli, anonyme et fragmentaire[10]. Il se sent comme une jeune fille en pension qui fait des manières. De plus, il a l’impression de vases communicants comme si progresser dans une langue faisait régresser dans l’autre.

Milan Kundera, lui, semble être tombé amoureux de Paris et de la langue française. En réalité au fur et à mesure de sa maîtrise de la deuxième langue il a peu à peu abandonné le tchèque. Pour le russe Makine chacune de ces deux langues forment un tout qui n’est pas compatible l'une avec l'autre. En effet lorsqu’il parle d’un Tsar en russe il voit un tyran tandis qu’en français il perçoit un univers plus poétique[11].

L'éducation bilingue

Dans le cadre de l'éducation bilingue nous sommes bien dans la psycholinguistique à présent avec un cas particulier d’un jeune américain d’origine mexicaine. Ricardo Rodriguez a écrit un livre autobiographique /Hunger of Memory/[12] en 1981 qui retrace son parcours à Sacramento en Californie au sein de sa famille hispanophone. Il traite de sa lente entrée dans l’univers anglophone. Effectivement il a bénéficié d’un programme appelé « éducation bilingue » qui est une protection du jeune étranger qui va d’abord être scolarisé dans sa langue maternelle, en l’occurrence ici l’espagnol, pour petit à petit s'immerger dans l’anglais. Cela se rapproche de ce que l’on appelle aux USA l’action affirmative[13] pour protéger les nouveaux arrivants dans le sens où par exemple il y a des quotas à l’embauche pour les gens issus de l’immigration. En dehors de la polémique que ce livre à provoqué avec plutôt une volonté d’immersion directe qui donne plus la chance au jeune de s’intégrer dans son nouveau pays. Nous parlerons ici de cette lente progression dans une autre langue et son univers culturel qui va voir Ricardo Rodriguez se transformer tout doucement en Richard Rodriguez. Ce dernier va faire l'expérience de l’ascenseur social via l’université et se retrouve plus tard dans la classe sociale des blancs américains qui ont réussi. Et tel un serpent perdant sa peau il devient gêné de son père qui ne sait pas demander correctement de l’essence à la pompe. Quand il fréquente les cocktails mondains à New-York et qu’une jeune immigré mexicaine, qui est resté au rez-de-chaussée sociétale, lui adresse la parole en chicano pour lui proposer une tarte salée, elle se fera, comme il le stipule, "couper court comme une roue de la fortune"[14]. Il est loin le moment où il se sent inclus dans un cercle familial chaleureux. Ricardo Rodriguez nous explique sa douche froide lors de son approche de l’anglais et sa montée peu à peu vers la promotion que la société américaine permet. Pour cet auteur il faut une distance claire entre la langue privée, en l’occurrence ici l’espagnol, et la langue publique, l’anglais afin de former son identité d’adulte.

Conclusion

Ces deux concepts s’imbriquent donc l’un dans l’autre tout en gardant leur spécificité. La rencontre des langues mène à divers cas de figure individuels ou collectifs qui s’effectue avec des luttes, des drames, certains bonheurs dans la découverte et même parfois les différentes langues se nourrissent l’une l’autre tel le guarani et le castillan. La classification entre langue haute et basse semble tout de même assez restrictive et ne permet souvent que de stigmatiser une langue. Les différents États possèdent certains outils afin d’écraser ou de développer une langue comme le pouvoir scolaire par exemple. Cependant cette arme n’est pas infaillible; en Catalogne le catalan fut une langue symbole de résistance sous Franco. En tout cas ces deux notions évoluent et se transforment sans cesse, et aujourd’hui, dans un monde qui se globalise, un seul élément semble de plus en plus rare et en voie de disparition c’est l’absence de contact des langues voire le monolinguisme.

Bibliographie

Livres

  • Louis-Jean Calvet, La sociolinguistique, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, 127 p.
  • Isabelle Felici, Bilinguisme enrichissements et conflits, Paris, éd. Honoré Champion, 2000, 363 p.
  • (ca) Rafael Lluís Ninyoles, Conflicte lingüístic valencià : Substitució lingüística i ideologies diglòssiques, Valence, Eliseu Climent, coll. « L'ham », 1985, 2e éd. (1re éd. 1969), 142 p. (ISBN 84-7502-121-2) 
  • (es) Rafael Lluís Ninyoles, Idioma y Poder Social, Madrid, Editorial tecnos, coll. « Ciencias Sociales / Sociología », 1972 

Périodiques

  • Henri Boyer, Caroline Natali, L'éducation bilingue au Paraguay ou comment sortir de la diglossie, Ela[1] 3/6 (n°143), p. 333-353.
  • Luci Nussbaum, Les défis de l'école pour le maintien et la transmission du catalan en Catalogne, Ela 3/2006 (n° 143), p. 355-369.
  • Andrée Tabouret-Keller, A propos de la notion de diglossie, Langage et société[2] 4/2006 (n° 118), p. 109-128.

Notes et références

  1. Louis-Jean Calvet, La sociolinguistique, Paris, Puf, 1993, p. 36.
  2. Ibidem, p. 37.
  3. Isabelle Felici, Bilingisme, enrichissements et conflits, Paris, (édition) Honoré Champion, 2000, p. 16.
  4. Ibidem, p. 18.
  5. Henry Boyer et Caroline Natali, L'éducation bilingue au Paraguay ou comment sortir de la diglossie, Ela, 2006, p. 338.
  6. Ibidem, p. 347.
  7. Ibidem, p. 350.
  8. Isabelle Felici, Bilinguisme, enrichissements et conflits, Paris, (edition) Honoré Champion, p. 164.
  9. Ibidem, p. 167.
  10. Ibidem, p. 168.
  11. Ibidem, p. 169.
  12. Ibidem, p. 175.
  13. programme qui permettait aux Etats-Unis l'insertion dans le milieu du travail de personne issus de l'immigration
  14. Ibidem, p. 178.



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Diglossie et bilinguisme de Wikipédia en français (auteurs)

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