Diptyque de Melun

Diptyque de Melun
Diptyque de Melun
Artiste Jean Fouquet
Année vers 1452-1455
Technique Huile sur bois (chêne)
Dimensions (H × L) 120 cm × 224 cm, (94,5 x 85,5 cm + 93 x 85 cm)
Localisation Musée royal des beaux-arts (Anvers) et Gemäldegalerie (Berlin), Belgique et Allemagne
Numéro d'inventaire Inv.132 et Inv 1617
Commentaire démembré en deux panneaux et autres éléments du cadres

Le Diptyque de Melun est un retable, œuvre de Jean Fouquet, autrefois conservé à la Collégiale Notre-Dame de Melun et aujourd'hui dispersé en deux panneaux peints conservés au musée royal des beaux-arts (Anvers) et à la Gemäldegalerie (Berlin).

Sommaire

Jean Fouquet 006.jpg Fouquet Madonna.jpg

Diptyque de Melun
À gauche : Étienne Chevalier présenté par saint Étienne
À droite : La Vierge et l'Enfant entourés d'anges

Histoire du retable

Étienne Chevalier, est trésorier du roi de France Charles VII lorsqu'il commande à Jean Fouquet la réalisation d'un retable pour la collégiale Notre-Dame de Melun, principale église de la ville où il est né et d'où est originaire sa famille. Il lui commande en parallèle la réalisation d'un livre d'heures, connu aujourd'hui sous le nom de Heures d'Étienne Chevalier. Le commanditaire a fait réaliser dans la même église sa sépulture ainsi que celle de son épouse, Catherine Budé, décédé justement en 1452. Le décès de celle-ci à cette date permet de dater le début de la réalisation de ces deux œuvres, puisqu'à aucun moment elle n'y est représentée, contrairement à l'habitude[a 1]. D'autres indices confirment cette datation des années 1450. L'âge d'Étienne Chevalier sur le panneau peut être évalué à une quarantaine d'année, or Étienne Chevalier est né vers 1410. Les nombreux italianismes présents dans le panneau de Berlin montrent que son séjour à Rome, effectué vers 1443 et 1447 est encore de fraîche date. Enfin, une analyse dendrochronologique a été effectuée sur les deux tableaux[1]. Cette étude a permis d'établir que des planches provenant du même chêne ont été utilisées dans les deux panneaux, ce qui confirme une réalisation concomitante. Par ailleurs, la date de coupe des bois les plus anciens a été évaluée à 1446. Sachant que la période moyenne de séchage du bois est d'une dizaine d'années, cela date la réalisation du diptyque vers 1456[a 2].

Le retable est alors placé à proximité de la sacristie. Il est décrit à plusieurs reprise au cours du XVIIe siècle. Le futur Louis XIII, alors dauphin, le voit lors de sa visite le 10 mars 1608. Il est de nouveau décrit en 1661 assez précisément. Cette description confirme qu'il s'agissait bien alors d'un diptyque, et non d'un triptyque dont l'un des panneaux aurait disparu, qu'il se refermait sur lui-même, et enfin qu'il comportait un cadre richement décoré qui a totalement disparu aujourd'hui. Le retable est encore conservé sur place en 1768, alors qu'il est décrit dans un manuscrit intitulé Notes pour servir à l’histoire de Melun rédigé par un érudit local appelé Martin Gauthier. Celui-ci indique qu'il est placé au dessus de la porte de la sacristie. En 1773, les chanoines entreprennent d'importants travaux dans leur église. Une étiquette est présente au dos du panneau d'Anvers indiquant l'année 1775, ce qui prouve, selon François Avril, conservateur à la Bibliothèque nationale de France, que la Vierge à l'Enfant est déjà dissociée du diptyque à cette date. Le retable a sans doute été démembré aux cours de ces deux années, ou juste après, car les chanoines rencontrent alors des difficultés à financer les travaux entamés dans la collégiale[a 3],[2].

Le panneau de la vierge entre à une date inconnue dans les collections du bourgmestre d'Anvers, Florent van Etborne, grand amateur des peintres primitifs. Sa collection est léguée au musée royal des beaux-arts d'Anvers en 1840[3]. Le panneau d'Étienne Chevalier aurait été acquis par l'écrivain Clemens Brentano à Munich entre 1807 et 1820. Il le cède à son frère, Georges Brentano-Laroche qui le conserve dans la demeure familiale de Francfort pendant tout le XIXe siècle. En 1891, le duc d'Aumale tente d'acheter le tableau en même temps que les quarante miniatures des Heures d'Étienne Chevalier conservées par la même famille, mais il échoue. Le tableau est acquis par le musée de Berlin en 1896[a 4].

La Vierge et l'Enfant entourés d'anges

Composition

La panneau autrefois situé à droite représente la Vierge, entourée des anges, tenant l'enfant Jésus sur son genoux gauche qu'elle s'apprête à allaiter. La scène frappe par le contraste très marqué entre la Vierge à la carnation très blanche et le fond bleu ainsi que les nombreux chérubins et séraphins rouges et bleus qui l'entourent. Le contraste des couleurs renforce ainsi l'aspect d'une vision. La composition est marquée par le groupe central, de forme triangulaire entre la tête de la Vierge, sa main gauche et le Christ et dont le côté gauche est souligné par le bord du manteau de la Vierge. La disposition du trône fait face directement au spectateur tandis qu'un des chérubins regarde aussi directement ce même spectateur. Seul le visage du Christ, tourné vers la gauche, ainsi que son doigt, désignant en réalité le commanditaire, indiquent la présence d'un pendant de ce côté[a 4].

Plusieurs historiens d'art ont souligné le caractère gothique et archaïque du panneau, par contraste avec celui de Berlin. À tel point que certain d'entre eux tels que Paul Durrieu ont cru qu'il n'avait pas été peint par Jean Fouquet mais par d'autres peintres tourangeaux. Cette proposition a depuis été totalement rejetée, de nombreux points communs ayant été soulignés, notamment dans la composition[a 4].

Un portrait d'Agnès Sorel

C'est une tradition ancienne de voir dans les traits de la Vierge, ceux d'Agnès Sorel, maîtresse du roi Charles VII. Dès la description de 1608, il y est fait allusion. Cette identification a longtemps choqué, tel que l'historien Johan Huizinga, de voir une maîtresse royale utiliser pour modèle de la Vierge, ce qu'il qualifie de « libertinage blasphématoire »[4]. Certains historiens de l'art sont allés jusqu'à rejeter cette identification, tels qu'Albert Châtelet et Claude Schaefer[5]. Pourtant, selon François Avril, le visage représenté est très proche de celui d'un autre dessin du visage d'Agnès Sorel, daté du XVIe siècle, conservé à la galerie des Offices à Florence et sans doute inspiré d'un autre dessin de Jean Fouquet. Il se retrouve par ailleurs dans le gisant la représentant sur son tombeau[a 5].

Rien ne permet d'expliquer précisément la raison d'un tel choix de modèle pour un tableau de dévotion. Le lien entre le trésorier du roi et sa maîtresse devaient être de toute façon très étroits : il en était l'exécuteur testamentaire à sa mort en février 1450. Celle-ci a d'ailleurs légué à cette occasion un don de 70 écus à l'église Saint-Aspais de Melun, la paroisse d'Étienne Chevalier. Le portrait serait alors la marque d'un geste de soutien à son roi et un hommage à une amie, peu après sa mort prématurée. Un tel portrait n'a pu se faire dans un tel but, sans l'approbation du roi lui-même[a 5],[2].

Étienne Chevalier présenté par saint Étienne

Le panneau de gauche représente le donateur, présenté par son saint patron, saint Étienne,représenté sous les traits d'un jeune homme, qui porte un livre relié de rouge à la tranche et fermoir doré. Sur ce livre, est posé un silex, qui rappelle son martyre par lapidation, de la même manière que le filet de sang à l'arrière de son crâne qui coule dans son col blanc. Son autre main est posé sur l'épaule du donateur. Étienne Chevalier est pour sa part représenté avec une carnation du visage beaucoup plus sombre. Cette différence s'explique sans doute par le fait que son portrait a sans doute été réalisé en dernier sur le tableau, des repentirs autour de sa tête indiquant que le raccord a été exécuté avec difficulté avec le vêtement et le dessus du crâne[a 6].

Le point de fuite est situé à l'extérieur du tableau. En effet, en suivant des lignes sont dessinés par les quatre pilastres décorés de feuilles d'acanthe en arrière plan, mais aussi par le mur, incrustés de marbres, dont certains en onyx, et le pavement de marbre polychrome à motif circulaire et quadrangulaire. Toutes ces lignes se rejoignent dans le menton de la vierge[6]. La tonalité à dominante blanche de ce décor contraste avec les couleurs vives des vêtements des personnages[a 6].

Reconstitution du cadre

Postérité de l'œuvre

Voir aussi

Bibliographie

  • François Avril, Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle ; catalogue de l'exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France / Hazan, 2003, 432 p. (ISBN 2-7177-2257-2), p. 121-137 
  • Judith Förstel, « Étienne Chevalier, Jean Fouquet et Melun », 6e colloque historique des bords de Marne : Présence royale et aristocratique dans l’est parisien à la fin du Moyen Âge, Nogent-sur-Marne, 2008, p. 96-107 [lire en ligne]

Articles connexes

Liens externes

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Notes et références

  1. (en) P. Klein, « Dendrochronological studies on Panels by Jean Fouquet (1415-1420-1477/81) », dans ICOM, 7th Triennal Meeting Preprints, Copenhague, 1984, p. 1-2 
  2. a et b Judith Förstel, op. cit., p. 6
  3. La Collection - partie 2 sur Site officiel du KMSKA. Consulté le 20 novembre 2011
  4. Johan Huizinga, L'Automne du Moyen Âge, 1919, réed. Paris, Payot, coll. "Petite Bibliothèque Payot", 2002 (ISBN 2-228-89602-0)
  5. Albert Châtelet, « La « Reine blanche » de Fouquet. Remarques sur le Diptyque de Melun », dans Études d’art français offertes à Charles Sterling, Paris : PUF, 1975, p. 127-138. et Claude Schaefer, « L’art et l’histoire. Étienne Chevalier commande au peintre Jean Fouquet le Diptyque de Melun », Art et architecture à Melun au Moyen Age. Actes du colloque d’histoire de l’art et d’archéologie tenu à Melun les 28 et 29 novembre 1998, Paris : Picard, 2000, p. 293-300).
  6. Charles Bouleau, Charpentes : La géométrie secrète des peintres, Seuil, 1963, 269 p., p. 72-73 (ISBN 9782020029261)
  • Références issues de l'ouvrage François Avril, Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, 2003  (voir dans la bibliographie) :
  1. p. 121
  2. p. 128
  3. p. 121-125
  4. a, b et c p. 125
  5. a et b p. 128
  6. a et b p. 127

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Diptyque de Melun de Wikipédia en français (auteurs)

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