Bataille de France

Bataille de France
Bataille de France
Battle of France collage.jpg
Avancée des armées allemandes entre le 13 et le 25 juin 1940 et tentative d'attaque italienne à partir du 21 juin
Informations générales
Date 10 mai- 22 juin 1940
Lieu Pays-Bas, Luxembourg et Belgique, puis France
Issue Victoire allemande ; occupation militaire de la France et du Benelux
Belligérants
Drapeau français République française
Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni
Drapeau de la Belgique Royaume de Belgique
Flag of the Netherlands.svg Royaume des Pays-Bas
Drapeau de la Pologne Armée Polonaise de l'Ouest
Drapeau du Luxembourg Luxembourg
Drapeau : Tchécoslovaquie Forces tchécoslovaques libres
Drapeau : Allemagne Reich allemand
Flag of Italy (1861-1946).svg Royaume d'Italie
Commandants
Drapeau de la France Maurice Gamelin, puis Maxime Weygand
Drapeau du Royaume-Uni Lord Gort
Drapeau de la Belgique Léopold III
Drapeau des Pays-Bas Henri Winkelman
Drapeau de la Pologne Władysław Sikorski
Drapeau de l'Allemagne Gerd von Rundstedt (Armée Groupe A)
Drapeau de l'Allemagne Fedor von Bock (Armée Groupe B)
Drapeau de l'Allemagne Wilhelm von Leeb (Armée Groupe C)
Drapeau de l'Italie Umberto di Savoia (Armée Groupe Ouest)
Forces en présence
150 divisions
4 000 chars
3 200 avions
3 600 000 hommes
140 divisions
2 500 chars
4 000 avions
3 200 000 hommes
Pertes
Nota : il ne s'agit ici que des pertes militaires :
France
58 829 tués au combat officiellement (le chiffre de 100 000 morts est souvent avancé par les spécialistes de la période)[1]
123 000 blessés
2 000 000 prisonniers
1 875 blindés
Belgique
7 500 tués
15 850 blessés
600 000 prisonniers
Royaume-Uni
3 500 tués
13 600 blessés
48 000 prisonniers
1 029 avions
Totalité du matériel lourd terrestre
Pays-Bas
2 890 tués
6 889 blessés
Pologne 6 000 tués et blessés
Allemagne :
27 074-[2]63 682 tués[3]
111 034 blessés
1 290 avions
1 158 blindés
Italie :
1 247 tués-disparus
2 631 blessés
2 151 hospitalisés à cause du froid
Seconde Guerre mondiale
Batailles
Bataille de France et campagne des 18 jours
Invasion du Luxembourg · Bataille des Pays-Bas · Bataille de Hannut · Percée de Sedan · Bataille de La Horgne · Bataille de Stonne · Bataille de la Lys · Bataille d’Arras · Bataille d’Abbeville · Poche de Lille · Siège de Calais · Bataille de Dunkerque · Opération Paula · Combat de Pont-de-l’Arche · Bataille des Alpes · Combats dans le vallon du Seuil · Bataille de Pont Saint-Louis · Défense de la Loire · Incidents aériens en Suisse · l’Exode

Front d’Europe de l’ouest


Front d’Europe de l’est


Campagnes d’Afrique et du Moyen-Orient


Bataille de l’Atlantique


Guerre en Asie et dans le Pacifique


Guerre sino-japonaise

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la bataille de France désigne l'invasion allemande des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France en 1940. L'offensive débute le 10 mai 1940, mettant fin à la « drôle de guerre », et se termine le 22 juin par la défaite des forces armées françaises et la signature de l'armistice par le gouvernement Pétain.

Le territoire des quatre pays est alors occupé militairement selon différentes modalités, principalement : une zone occupée par l'Allemagne au Nord et à l'Ouest, une zone occupée par l'Italie dans le Sud-Est et une zone libre sous l'autorité du gouvernement de Vichy. Ces territoires sont libérés par les offensives alliées entre juin 1944 et mai 1945.

Sommaire

Contexte géopolitique

Lors de son retour à Londres, Chamberlain déclare : « Mes bons amis, pour la deuxième fois de notre histoire, un Premier ministre britannique revient d'Allemagne apportant la paix dans l'honneur. Je crois que c'est la paix pour notre temps... Retournez à la maison et dormez paisiblement. » (« My good friends, for the second time in our history, a British Prime Minister has returned from Germany bringing peace with honour. I believe it is peace for our time... Go home and get a nice quiet sleep. »).

De son côté, Édouard Daladier — Président du Conseil français — amer et lucide, confiera dans l'avion du retour à Alexis Léger, alias Saint-John Perse, secrétaire général du Quai d'Orsay : « Les cons ! Ah les cons ! S'ils savaient ce qui les attend[6]... »

  • 15 mars 1939 : invasion de la Bohême-Moravie, partie occidentale de la Tchécoslovaquie par le Troisième Reich[7].
  • 1er septembre 1939, à 4 h 45 : les troupes allemandes envahissent la Pologne[8], sans déclaration de guerre, et après d'intenses bombardements. Le pays est occupé par l’Allemagne et son alliée l’URSS. Le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l'Allemagne deux jours plus tard le 3 septembre.

La « drôle de guerre »

Article détaillé : Drôle de guerre.
Cartes de la ligne Maginot.

Après l'invasion de la Pologne en septembre 1939, les Alliés déclarent la guerre à l'Allemagne. La rapidité de l'invasion de la Pologne surprend les commandements français et britannique sans pour autant les inquiéter. De substantielles erreurs, ou supposées telles, du commandement polonais sont identifiées. L'opinion générale est que la partie sera difficile, mais la certitude de la victoire l'emporte, l’armée française étant réputée la meilleure au monde[réf. nécessaire].

Adoptant alors une stratégie défensive, les deux alliés, laissent donc l'Allemagne envahir la Pologne. L’armée française attaque mollement le 7 septembre, avec deux corps d’armée (9 de ses 102 divisions), sur la Sarre. L’offensive de la Sarre dure dix jours, et n’avance que de dix kilomètres en territoire allemand. La conception des grandes unités françaises ne permet pas l'offensive à outrance, essentiellement par manque d'outil logistique adéquat. Le gouvernement polonais exprime son désappointement, alors même que la France avait signé un traité d'assistance mutuelle avec lui. Le général Gamelin n'envisage aucune attaque supplémentaire sur l'Allemagne.

L'Allemagne écrase par sa puissance mécanique et numérique l'armée polonaise, courageuse, mais prise sur deux fronts car, à partir du 17 septembre, elle est attaquée par les Soviétiques à l'est, en application d'un protocole secret du Pacte germano-soviétique. La propagande nazie n'insiste pas sur ce détail et trouve une certaine complaisance ou naïveté chez ses ennemis où le prétendu « effondrement » de la Pologne renforce à point nommé le mythe d'une armée allemande invincible, la France rappelle ses troupes qui quittent l'Allemagne le 17 octobre.

À part cela, la France ne fait rien de concret. Elle avait pourtant peu à craindre des Allemands car à peu près toutes leurs troupes étaient engagées dans la campagne de Pologne. Les états-majors britannique et français étaient persuadés qu'ils pouvaient bloquer les Allemands comme lors de la Première Guerre mondiale, et ce, malgré la démonstration de force des stratégies allemandes. Après la défaite polonaise, les troupes françaises quittent les avant-postes de la Sarre et se replient derrière la ligne Maginot. Les forces du Royaume-Uni, qui avait envoyé sur le continent un Corps expéditionnaire britannique (en anglais British Expeditionary Force ou BEF en abrégé), s'installent dans l'attente du prochain mouvement allemand, en maintenant un blocus maritime afin de provoquer l’effondrement allemand comme en 14-18.

Cette période de trêve tacite, que l'on surnomma la « drôle de guerre », dure jusqu'au 9 avril 1940, date de l'opération Weserübung lancée par l'Allemagne sur le Danemark et la Norvège, pour devancer les Alliés qui prévoyaient d'envoyer un corps expéditionnaire à Narvik pour des raisons stratégiques.

Hitler, qui voulait une attaque sur l'Europe occidentale le 12 novembre 1939 juste après l'invasion de la Pologne, est convaincu par son état-major de la reporter à l'année suivante. La Wehrmacht prépare pendant ce temps les plans d'invasion.

Genèse du plan allemand

À l'origine, l’Oberkommando der Wehrmacht (grand état-major de la Wehrmacht) ou OKW envisageait une attaque du front ouest en préconisant une stratégie d'enveloppement des armées alliées par le nord ; en quelque sorte une reprise du plan Schlieffen de 1914 qui aurait amené un puissant groupe d'armées B, du général von Bock, stationné au nord du front allemand, à déborder les unités franco-britanno-belges sur leur aile gauche, par une offensive blindée à travers la Belgique et les Pays-Bas, et d'en rabattre les éléments défaits sur la région lorraine. Dans un deuxième temps, il était envisagé de prendre en tenaille les troupes alliées restantes ; le groupe d'armées B venant de l'ouest les repoussant sur le groupe d'armées A du général von Rundstedt, placé entre le groupe d'armées B et le groupe d'armées C, lui-même au sud du front vers l'Alsace[9], et qui aurait joué le rôle d'une enclume sur laquelle auraient été définitivement écrasées les meilleures divisions alliées. Les Alliés eurent connaissance de ce plan initial par les Belges, à la suite de l'atterrissage forcé d'un avion de la Luftwaffe, à Mechelen-sur-Meuse en Belgique, le 10 janvier 1940 et à la saisie de documents dont était porteur un officier allemand[10],[11].

Fall Gelb, l'autre plan jaune concocté par Manstein à la veille de la bataille de France.

Suite à l'attaque de la Pologne, Hitler, dont les plans d'expansion à l'Est, élaborés de longue date (1922)[12], étaient de soumettre la Russie afin de permettre la conquête d'un « espace vital » pour le peuple allemand (le Lebensraum), ainsi que la « destruction de la puissance juive[12] » dont elle était censée être le berceau[12], et qui espérait pour cela le concours de l'Angleterre[12],[13], fut surpris de sa réaction et de celle de la France[14] car il avait fait l'erreur de croire à la passivité des puissances occidentales, comme lors de ses précédentes agressions, en particulier contre la Tchécoslovaquie et pensait qu'il en serait de même pour sa revendication sur le corridor de Dantzig[14].

Bien que la déclaration de guerre des Alliés occidentaux contrariait ses plans initiaux — la guerre contre l'Union soviétique attendrait —, il souhaitait profiter de l'effet de sa victoire éclair sur la Pologne pour « infliger une défaite cuisante à la France et [...] forcer la Grande Bretagne à reconnaitre sa faiblesse et à trouver un accommodement[14] ». Une fois la guerre gagnée à l'Ouest, il pourrait se retourner contre le « judéo-bolchevisme[14] » de l'Est et conquérir la Russie afin d'assurer l'avenir à long terme du Reich, par les ressources immenses de ces territoires[14]. Cependant ses généraux ne mettaient pas la guerre à l'Ouest sur le même plan que la bataille de Pologne, laquelle fut tout de même coûteuse en matériel détruit (la moitié des chars et véhicules à moteurs avaient été mis hors d'état)[14]. Ils craignaient la puissance défensive de la France (son immense armée et sa ligne Maginot) ainsi que le bloc que constituait l'alliance avec la Grande-Bretagne et son Empire. Ils considéraient que les forces armées allemandes n'étaient pas prêtes pour un conflit, qui, à leurs yeux, ne pouvait que durer[14]. Hitler, dans un premier temps, enragea devant leurs hésitations mais finit par s'incliner devant leurs arguments sur les mauvaises conditions climatiques annoncées (à l'automne 1939) et les problèmes de transport[14]. Il accepta donc de nombreux reports pour le début de l'offensive (un total de 29)[14]. L'intervention en Scandinavie fut ensuite une priorité[14]. Toute la période de la « drôle de guerre » permit, en fin de compte, un renforcement très important des moyens militaires allemands et la mise au point d'un plan d'attaque audacieux[14]. Ce plan, issu d'une idée du général Manstein, consistait à attaquer à l'endroit le plus inattendu[14]. Hitler le fit sien[14],[15].

Le plan de Manstein, baptisé par Winston Churchill « Sichelschnitt » (coup de faucille), prenait le contre-pied de la théorie précédente et préconisait une attaque en force venue, non plus du nord, mais du centre. Il partait de l'hypothèse qu'il fallait surprendre l'adversaire au défaut de la cuirasse puis, la surprise passée, le prendre de vitesse dans une avance rapide vers la Manche : le pivot de l'offensive ne pouvait se trouver qu'à travers le massif boisé de l'Ardenne, région défendue par des unités françaises de réservistes mal armés et sous-équipés et lieu précis où l'on avait arrêté la construction de la ligne Maginot. Ce nouveau plan, par sa hardiesse même et sa logique tant tactique que stratégique, enthousiasma Hitler qui l'imposa à un OKW réticent.

Dès lors, le Fall Gelb (plan jaune)[16] vit le jour ; désormais le poids du succès reposait sur le groupe d'armées du centre, le groupe d'armées A, de von Rundstedt[10], dont on s'empressa de renforcer les capacités opérationnelles en mettant à sa disposition les deux tiers des forces blindées de toute l'armée (7 divisions blindées et 3 divisions mécanisées[10]). Pendant que le groupe d'armées B, du général von Bock envahissait la Belgique et les Pays-Bas[10], entrainant l'intervention des armées alliées dans ce secteur du front, le groupe d'armées de von Rundstedt, constitué de trois armées et des blindés de von Kleist[10], devait attaquer plein ouest depuis les frontières belge et luxembourgeoise, percer sur la Meuse, entre Sedan et Namur, en franchissant les Ardennes[10]. Tandis que le groupe d'armées C, de von Leeb, fixait les unités françaises de la ligne Maginot et du Rhin[10].

Forces en présence au 10 mai


Nation nombre de divisions nombre de canons nombre de chars nombre d'avions
France 86 10 700 (a) 3 700 1 400
Royaume-Uni (b) 10 1 300 310 460
Belgique 22 1 400 100 250
Pays-Bas 9 700 1 175
Luxembourg 1  ?  ?  ?
Pologne 2  ?  ?  ?
Total des armées alliées 145 14 100 4 111 2 285
Allemagne 141 7 000 2 550 4 020 (c)
Une pièce d'artillerie de 8 pouces de la British Army inspectée par le général français Alphonse Georges à Béthune le 23 avril 1940.

(a) En ce qui concerne la France, si nous connaissons exactement le chiffre des matériels en date du 1er septembre 1939, il en va différemment pour celui du 10 mai 1940. Ainsi l'armée française disposait, dès septembre 1939, de 2 946 blindés, dont 2 300 chars et 650 automitrailleuses, auxquels il fallait adjoindre 1 590 chars démodés (Renault FT-17 et Char 2C) et 3 700 chenillettes de transport et ravitaillement. En outre de septembre 1939 à mai 1940, 2 909 nouveaux blindés (dont 1 597 chars ; 314 lourds) avaient été produits, dont 264 livrés à la Turquie et la Roumanie, et une autre partie inachevés et restés au parc du matériel de Gien (environ 700). Quoi qu'il en fût, au 10 mai 1940, la France possédait un minimum de 3 700 chars modernes, sans compter plusieurs milliers d'autres véhicules blindés légers, automitrailleuses, chars obsolètes ou chenillettes d'infanterie.

(b) Ne sont pris en compte que l'armement et effectifs du BEF (British Expeditionary Force) en France au 10 mai.

(c) Ce chiffre ne prend en compte que le nombre d'avions réellement opérationnels.

Les armées françaises, anglaises, belges et néerlandaises réunies forment un ensemble de quelque 149 divisions soit environ 2 900 000 hommes[17]. La Wehrmacht comporte 137 divisions soit 2 750 000 hommes[17].

État des forces blindés allemandes au 1er septembre 1939 et au 10 mai 1940 :

Modèles Au 1er septembre 1939 Au 10 mai 1940
Pz I 1 445 523
Pz II 1 223 955
Pz III 98 349
Pz IV 211 278
Skoda.35 (t) 0 166
Skoda.38 (t) 0 228
Pz de commandement 0 135
Totaux 2 977 2 574

Fall Gelb (plan jaune)

La percée de Sedan et ses conséquences

Article détaillé : Percée de Sedan.
Colonne de Panzer IV traversant un village français en mai 1940.

Le 10 mai 1940, la Wehrmacht attaque en envahissant les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique. La Luftwaffe procède au bombardement systématique des aérodromes. Le commandement français s'y attendait. Selon des contacts secrets existant avec les Belges depuis 1938, comme le relate, dans ses mémoires, le général en chef français Gamelin[18] Aussi, un officier supérieur français de liaison, le général Chambon, arrive-t-il au Quartier Général de l'armée belge pour coordonner la stratégie des armées désormais alliées. En même temps, l'armée française entre en Belgique, comme il était prévu de longue date. Mais les Allemands utilisent à plein les concepts de choc et rapidité, le couple char-avion communiquant par radio, et la concentration des moyens sur des points sensibles des alliés. Le fer de lance de l'armée allemande (une dizaine de divisions blindées) traverse le massif des Ardennes, jugé impénétrable par les généraux français ralliés à l'opinion du maréchal Pétain, le généralissime Gamelin a de plus, sur une décision personnelle, fait déplacer la 7e armée française chargée de défendre cette zone non couverte par la ligne maginot. Les chasseurs ardennais de l'armée belge y retardent les Allemands les 10 et 11, notamment à Bodange, Chabrehez et Martelange. Ils parviennent à disperser des soldats allemands déposés par des planeurs sur leurs arrières à Léglise et Witry. En plus, le caractère du massif ardennais aux routes étroites et sinueuses parsemées d'obstacles et de blockhaus contribue encore à compliquer la tâche de la Wehrmacht. Aussi, les avant-gardes allemandes n'atteignent-elles le front français que le 11. La résistance des Belges a donné un court délai aux Français, mais, mal préparées, les troupes de réserve du secteur de Sedan ne peuvent plus espérer offrir une résistance efficace sur un front mal équipé dont les fortins sont en cours d'achèvement. Et quand, le 12 mai, la Wehrmacht attaque, il se produit ce qu'avait prévu le député français Pierre Taittinger dans un rapport du 8 mars 1940[19]. L'armée allemande perce, entraînant chez les soldats français ce que l'on a appelé « la panique de Bulson », et remonte du Sud vers le Nord dans le but d'encercler les forces françaises, anglaises et belges. Dès le début de l'attaque du 10 mai, sont particulièrement visés par les bombardements allemands les terrains d'aviation de Calais, de Dunkerque, de Metz, de Essey-lès-Nancy, de Bron et de Châteauroux. Des centaines d’appareils sont détruits au sol. En Belgique, la moitié des avions de l'Armée de l'air sont neutralisés. Au même moment, d'autres actions sont menées sur les nœuds ferroviaires et les embranchements de routes jusqu'à 400 kilomètres à l'intérieur du territoire français, ainsi que sur les gares et les nœuds de communication de Belgique, jusqu'à Bruxelles où des carrefours sont bombardés.

Char B1 de l'Armée de terre française hors de combat en mai 1940.

La partie nord de l'offensive, en Hollande, vise les ponts de Rotterdam, Dordecht, Moerdjik, qui sont pris par l’armée allemande. En Belgique, les troupes allemandes progressent rapidement, grâce, en partie, à l'emploi de troupes aéroportées, notamment au fort d'Ében-Émael et au Canal Albert. L'armée néerlandaise, refoulée du Limbourg néerlandais, abandonne toute liaison avec l'armée belge dès le deuxième jour de l'attaque. Dès lors, l'armée belge est tournée sur sa gauche en même temps qu'elle est tournée par la basse Ardenne et par le Grand Duché de Luxembourg que les troupes allemandes traversent comme à la promenade, car ce petit pays n'a pas de véritable armée pour le défendre, mis à part le corps des volontaires dont les effectifs ne dépassent pas 425 hommes à ce moment là. En même temps, l'armée belge est percée en son centre, à Ében-Émael, et doit refluer pour ne pas être disloquée et pour pouvoir reformer un front continu avec l'armée française elle-même en pleine retraite. Quant aux Hollandais, ils sont en plein recul jusqu'aux îles du delta maritime qui sont censées constituer un réduit national. Mais ils capitulent au bout de cinq jours, ce qui menace les arrière de l'armée belge alors qu'elle s'aligne en vue de la bataille d'arrêt que les Alliés (comprenant les Britanniques) croient pouvoir livrer sur la Dyle. Mais la tactique allemande de percées en profondeur empêche de reconstituer un front allié solide et Bruxelles est occupée par l'armée allemande le 17 mai et Anvers le 18.

Les forces belges tenteront en vain de contenir l'ennemi à la bataille de la Lys qui commence le 23 et durera cinq jours, seule véritable bataille d'arrêt de toute la campagne. C'est que l'armée belge avait pu garder sa cohésion, étant « restée sur elle-même », selon le mot du général Van Overstraeten, conseiller militaire du roi Léopold III. Le commandement français, par contre, confiant dans l'importance de ses effectifs, avait divisé ses forces en étirant son centre et sa gauche vers le nord, laissant sa droite, en Ardenne, à des troupes de réserve peu mobiles qui ne purent être secourues lors de la percée allemande de Sedan. Le but de l'état-major français était de livrer bataille en Belgique et aux Pays-Bas en application d'un plan Dyle-Breda. La doctrine militaire française était que l'on allait assister à la répétition du plan allemand de 1914, mais en plus étendu, englobant les Pays-Bas. On n'imaginait pas que les Ardennes et la Meuse puissent être franchis par un groupement motorisé et encore moins que l'armée des Pays-Bas allait capituler en cinq jours. L'état major français a donc engagé les meilleures et les plus mobiles des divisions franco-britanniques en Belgique pour secourir les Pays-Bas. Mais ceux-ci ayant capitulé en cinq jours sans attendre les Français, il ne restait à ceux-ci qu'à refluer vers le sud pour tenter d'y arrêter les meilleures forces allemandes.

Route suivit par la 6e armée allemande du 10 mai au 26 juin 1940.

Se reportant au 10 mai, on comprend donc que les Panzerdivisions du général von Kleist créent une surprise stratégique en attaquant tout au sud de la Belgique, débordant par leur flanc droit les meilleures troupes françaises qui montent vers le nord. Après avoir traversé les Ardennes belges, retardées pendant près de deux jours par des troupes d'élite de l'armée belge, les chasseurs ardennais, elles attaquent le front français sur la Meuse, près de Sedan dès le 12 mai. Cette attaque avait été grandement favorisée par le fait que le Grand Duché de Luxembourg, petit pays sans armée, avait été traversé en un jour, ce qui avait amené les éléments avancés allemands sur la frontière française dès le 11. L'attaque proprement dite commença le 12. Mais cette partie du dispositif français était tenue par des unités de série B, souvent incomplètement équipées (voir le rapport de la commission d'enquête dirigée par le député Pierre Taittinger[20]). Et le 13 mai, les fantassins allemands, sous le couvert d'un bombardement aérien intensif, réussissent à enfoncer le dispositif défensif de la 55e division d’infanterie (général Lafontaine) de la 2e armée du général Huntziger. Guderian exploite ces gains par une Blitzkrieg efficace.

Le haut commandement allemand croyait devoir s'attendre à une contre-attaque française qu'il considérait comme inévitable selon les principes classiques de l'art militaire. Aussi, tente-il, à maintes reprises, de ralentir la progression de ses chars et de leur infanterie d'accompagnement vers l'ouest à travers les positions tenues par les troupes françaises. Et d'ailleurs, comme pour leur donner raison, en Belgique, le général Mellier attaque les Allemands avec des troupes majoritairement marocaines et parvient à les contenir localement, ainsi que, sur la Dyle, le général Prioux à la tête de ses chars. Mais ils ne sont pas soutenus par des renforts et les commandants des Panzerdivisions, ne se laissant pas impressionner, poussent toujours plus à l'ouest en désobéissant à leurs supérieurs. Le 20 mai, ils atteignent la mer. Pourtant, le haut commandement allemand n'est toujours pas rassuré et vit des journées d'angoisse à l'idée d'une vaste contre-offensive stratégique sur les flancs de la percée, pensant que le recul des alliés est un piège. Mais le général français Weygand, succédant à Gamelin, a reporté de trois jours la contre-offensive prévue. C'est qu'il sait que les troupes françaises commencent à se disloquer et qu'il veut en rallier les éléments. Il donne pour commencer l'ordre de ne plus s'occuper de colmater des brèches dans l'espoir toujours déçu de reformer le front allié, ce qui a conduit, de réajustement en réajustement, à abandonner aux Allemands des milliers de kilomètres carrés qu'il n'est plus possible de reconquérir. La consigne est de tenir sur place, en créant une série de nœuds de résistance (appelés des 'hérissons') qui vont insécuriser les pointes avancées allemandes si elles ne peuvent plus s'appuyer mutuellement, comme elles avaient pu le faire jusque là. Il faudrait donc que l'ensemble des troupes encore en état de combattre adoptent résolument cette tactique. Une entrevue avait eu lieu les 20 et 21 mai entre Weygand, le roi des Belges et le général français Billotte, sans lord Gort, le général en chef anglais qui était introuvable. Mais Billotte était mort dans un accident au retour de la conférence. En fait, dès le 23, les Britanniques préparent leur ré-embarquement en abandonnant la droite de l'armée belge, comme le relate l'amiral anglais Keyes qui était officier de liaison anglais auprès du roi des Belges. Or, les Belges ont pu contenir les Allemands pendant les cinq jours de la bataille de la Lys. Se sentant abandonné, le roi Léopold III pose clairement la question d'une reddition au cours d'une entrevue orageuse avec les ministres Pierlot et Spaak, l'armée belge étant au bord de l'effondrement et de la rupture de ses stocks de munitions. Il en prévient Britanniques et Français, ces derniers recevant en quelques jours plusieurs communications radio adressées au général français Blanchard et captés par les services d'écoute français du colonel Thiery[21],[22]. Mais les Français n'ont plus de capacité offensive. La capacité offensive, c'est ce qui, depuis le début de la campagne, a manqué aux armées alliées confrontées à une armée allemande essentiellement fondée sur cela même: l'offensive.

Prisonniers de guerre français, nord de la France, 1940.

La reddition de l'armée belge est un acte purement militaire qui n'engage pas le pays politiquement, au contraire du traité d'armistice que le gouvernement français du maréchal Pétain va conclure, plus tard, avec l'Allemagne. Aussi, le gouvernement belge en exil continuera-t-il la guerre, notamment en Afrique, contre les Italiens d'Abyssinie, et sur mer et dans les airs avec trois escadrilles dans la Royal Air Force, ainsi qu'en Europe continentale en soutenant la Résistance armée et, plus tard, par l'envoi de troupes qui vont contribuer à la libération du nord de la côte française et de la Belgique. Le gouvernement belge en exil à Londres fait pleinement partie de l'alliance des pays en guerre contre l'Allemagne. Quant au roi, considéré prisonnier des Allemands, il a annoncé vouloir s'abstenir de toute activité politique.

Le 31 mai les Allemands réduisent les Français pris dans la poche de Lille. Ces derniers y contribuent à permettre le ré-embarquement de Dunkerque en protégeant les arrières anglais. Vaincus, les Français de Lille capitulent et les Allemands se lancent vers la mer.

Pourtant, la 4e DCR commandée par le général de brigade à titre provisoire de Gaulle, parvient à s'enfoncer quelques jours dans le flanc de la progression allemande à Abbeville. Mais ce succès n'est pas exploité, faute de soutien logistique, d'appui aérien et de renforts. C'est que le commandement français, abasourdi par la rapidité manœuvrière de l'armée allemande, reste sans trouver de solution devant les progrès quotidiens de l'ennemi. Les unités françaises qui ne se sont pas effondrées sont envoyées en ordre dispersé, dans des contre-attaques locales sans réel plan d'ensemble, du fait de la nature extrêmement mouvante de la situation.

Pourtant, les troupes alliées n'ont pas toujours reculés devant le combat : on peut citer le sacrifice, chez les Belges, des chasseurs ardennais à Martelange et Bodange, ainsi qu'à Vinkt, pendant la bataille de la Lys, où les Allemands commettront des atrocités contre les civils (ce qui, en 1945, vaudra à deux officiers de la Wehrmacht qui avaient survécu à la guerre, d'être condamnés). Il faut citer la victoire française de la bataille de Hannut, première bataille de chars de l’histoire ; la bataille de Stonne surnommée le « Verdun de 1940 » ; la tentative de contre-attaque du 231e RI appuyé de chars FCM 36. Finalement, les troupes françaises déplorent soixante mille morts en six semaines de combats (on trouve également fréquemment le chiffre de 92 000 soldats français tués en mai-juin 1940)[réf. nécessaire]. La Belgique termine sa campagne des dix-huit jours avec 12 000 morts.

Le tournant de Dunkerque

Article détaillé : Bataille de Dunkerque.
Soldats britanniques n'ayant pas eu le temps d’être rapatriés et faits prisonniers

Finalement, les forces de l'aile gauche française et le corps expéditionnaire britannique sont enfermés dans une vaste poche autour de Dunkerque (nord de la France) et contraintes au rembarquement. Il faut le sacrifice d’une division d’infanterie française qui se fait littéralement tuer sur place, luttant à un contre quatre durant plusieurs jours jusqu'à épuisement des munitions, appuyée par l'infanterie britannique et la RAF qui a autant souffert que l'Armée de l'air française dans cette bataille[23], pour permettre l’évacuation de 340 000 hommes, Britanniques et Français, dans des conditions épouvantables.

Fall Rot : l'invasion de la France

Article détaillé : Exode de 1940 en France.
Réfugiés français sur la route de l'exode, 19 juin 1940

Le gouvernement quitte Paris le 10 juin pour Tours et ses environs. Les réfugiés qui fuient la Belgique et le Nord de la France sont alors rejoints par 2 millions de réfugiés de la région parisienne. Pour Jean-Pierre Azéma, entre le 15 mai et le 10 juin, au moins 6 millions de Français abandonnent leur domicile et participent à l'exode de 1940, se retrouvant sur les routes sous les attaques des Stukas de la Luftwaffe, ruinant la logistique militaire française. La bataille de France est perdue, en dépit de la résistance farouche et héroïque de nombreuses unités, comme pendant la bataille d'Amiens du 24 mai au 9 juin 1940 (les 16e et 24e divisions d'infanterie françaises stoppent plus de 3 Panzerkorps pendant neuf jours et causent la perte de 196 panzers).

Le 5 juin, l'offensive reprend alors vers le sud avec une supériorité numérique écrasante. Le général Weygand, nommé commandant en chef des armées françaises en cours de bataille, constitue une ligne de défense sur la Somme, dite Ligne Weygand. Malgré une résistance héroïque de certaines unités françaises, l'avance allemande est très rapide. Les forces allemandes arrivent au bord du Cher (« frontière » de la future ligne de démarcation).

Le 10 juin 1940, Mussolini, allié de Hitler, déclare la guerre à la France, alors en pleine déroute militaire : l'attaque italienne est qualifiée à l'époque de « coup de poignard dans le dos »[24]. Les troupes italiennes, commandées par le prince héritier Umberto di Savoia, ne parviennent cependant pas à avancer à travers les Alpes : sur le front du nord-est, la ligne Maginot a joué son rôle, et l’Armée des Alpes, commandée par le général Olry, résiste victorieusement face aux armées italiennes à l’est, et allemande au nord (voir bataille des Alpes). Le dictateur espagnol Franco, sollicité d'entrer en guerre contre la France, refuse, même lorsque l'effondrement français est patent.

L'effondrement et la demande d'armistice

Soldats allemands devant l'Arc de triomphe, Paris, 14 juin 1940.

Le 14 juin, les armées allemandes atteignent Paris déclarée ville ouverte.

C'est la panique en France dans le monde politique et militaire. Les uns se résignent à la défaite et réclament l'armistice, les autres veulent poursuivre la lutte comme promis aux Britanniques, en s'appuyant sur l’Empire et notamment l'Afrique du Nord.

C'est le premier camp, soutenu par le général Weygand, le maréchal Pétain, Pierre Laval et l'amiral Darlan, qui l'emporte. Le président du Conseil Paul Reynaud, qui voulait continuer la lutte, choisit finalement de démissionner le 16 juin 1940. Son ministre de l'Intérieur Georges Mandel est arrêté une première fois dès le lendemain le 17 juin. Le général de Gaulle, secrétaire d’État à la Défense, partisan aussi de la poursuite de la guerre, rejoint Londres le 17 juin, d'où il prononce son appel devenu célèbre mais passé relativement inaperçu dans le chaos ambiant. Le noyau de la France libre se constitue alors, avec d'autres volontaires français. D'autres personnalités se sont aussi réfugiées en Amérique (Jean Monnet).

Le président de la République Albert Lebrun nomme alors Pétain président du Conseil. Le lendemain, ce dernier annonce à la radio que la France doit cesser le combat et demander l’armistice. Signé seulement le 22 juin, le long intervalle permet à l’armée allemande de faire prisonniers 1,5 million de soldats français. Le gouvernement Philippe Pétain, constitué à Bordeaux le 17 juin, et le Parlement s'installent en juillet à Vichy, ville disposant de grandes capacités hôtelières et d'un standard téléphonique[25] récemment modernisé.

Le 21 juin 1940, vingt-sept députés, dont Mendès France, Daladier et Mandel accompagnés de quelques personnalités ou familiers, s'embarquent sur le Massilia. Ils sont tous arrêtés à leur arrivée le 24 juin à Casablanca.

Le 22 juin 1940, la délégation française signe l’armistice[26] dans la clairière de Rethondes, dans le wagon de l'Armistice, celui-là même qui avait servi de cadre à l'armistice de la Première Guerre mondiale et devant le monument qui parlait de l'« orgueil criminel de l'Empire allemand vaincu par les peuples qu'il voulait asservir ». Hitler fait ensuite filmer l'explosion du monument. Quant au wagon il est envoyé à Berlin et exposé avant d'être détruit en 1945. Hitler entendait ainsi effacer la défaite de la Première Guerre mondiale et humilier la France.

Le 24 juin 1940, la France doit aussi signer un armistice avec l'Italie qui avait tenté d’envahir les Alpes de son côté, sans réussir à dépasser les zones frontalières en Savoie et à Menton. La mise en application de l'armistice franco-allemand était conditionnée (selon l’article 23 de cette convention d’armistice[27]) par la signature de l'armistice franco-italien. Les deux armistices entrèrent en application 6 heures après la signature du deuxième armistice, soit le 25 juin 1940 à 0 heure 35[28].

Les Allemands poursuivent leur avancée militaire jusqu'au 24 juin 1940 minuit ce qui fait que les deux tiers de la France sont envahis ainsi que les îles Anglo-Normandes britanniques[29].

Après la catastrophe, et malgré la signature des armistices, les soldats de la ligne Maginot poursuivirent la lutte, estimant n'avoir pas été vaincus, et pour certains jusqu'à la mi-juillet. L'armée des Alpes n'a de son côté pas failli, en repoussant assez facilement tous les assauts de l’armée italienne jusqu'aux derniers jours de combat.

La plus grande partie de la France est occupée par les troupes allemandes, le pays est divisé en une zone occupée et administrée militairement par l'Allemagne (Nord, Ouest et Sud-Ouest), et en une zone libre (Centre et Sud). Le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain administre l’ensemble du territoire français et l’Empire[30].

Le gouvernement polonais en exil du général Sikorski s'estimant non concerné par cette décision de son allié, aucune unité polonaise n'appliqua les consignes de l'armistice du 22 juin 1940. Environ 6 000 soldats polonais ont été tués ou blessés pendant la Campagne de France. Environ 13 000 hommes (soit l'équivalent d'une division) parvinrent à s'enfuir en Suisse (où ils restèrent internés). Enfin, de 20 000 à 35 000 militaires polonais (selon les sources) parvinrent à être évacués vers la Grande-Bretagne, où ils reformèrent sous le commandement du général Sikorski une nouvelle armée polonaise, qui allait devenir le 1er Corps polonais. La brigade du général Kopanski rejoint les troupes britanniques de la 8ème armée au Moyen-Orient après l’armistice du maréchal Pétain[31].

Article détaillé : Marius Daille.

Conditions d’armistice

Article connexe : Armistice du 22 juin 1940.
Hitler et ses officiers, avec la Tour Eiffel en arrière plan
Hitler et les officiers nazis regardant la statue du maréchal Foch, avant d'entrer dans le wagon où va être signée l'armistice de 1940.
Parade des troupes allemandes à Paris.

Dès que la décision de demander l’armistice fut prise par le nouveau gouvernement Pétain, le 17 juin, chacun s'attendit au pire. Il suffisait de se rappeler les conditions drastiques qui avaient accompagné l'accord allié fait aux plénipotentiaires allemands de novembre 1918, pour envisager une terrible réaction des autorités du Troisième Reich.

Il en allait tout autrement pour la France de juin 1940 : non seulement les armées alliées avaient été détruites ou capturées, mais encore, près des deux-tiers du territoire national était occupé par la Wehrmacht. La convention d’armistice précise que la souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire et sur son Empire colonial[26], laisse de côté la flotte française mais son armée est réduite à 100 000 hommes (comme l'armée du traité de Versailles). Les Allemands obligent leur allié italien à retirer certaines de leurs exigences, particulièrement celles concernant la flotte et la Tunisie.

Paradoxalement, et avant qu'un tel état de chose n'empire, c'est l'opération Catapult, menée en juillet 1940, en vue de neutraliser définitivement le risque que représentait la flotte française, et qui aboutit au bombardement d'une escadre à Mers-el-Kébir, qui devait amener les autorités allemandes à plus de souplesse dans leur relation avec le gouvernement Pétain, allant jusqu'à envisager à la demande de celui-ci une politique de collaboration.

Les conditions de l'armistice sont motivées par les préoccupations d'Hitler à cette époque : il faut bien sûr, empêcher de façon durable que la France ne redevienne une grande puissance militaire, mais à court terme, il faut veiller à ce que sa flotte ne rejoigne pas le Royaume-Uni qui reste le dernier pays à vaincre ou à séduire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaité en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'allié italien, ni le potentiel allié espagnol. Hitler a rencontré Mussolini le 18 juin à Munich pour le convaincre d'accepter les instructions de Weygand, qu'il avait devinées : le Duce voulait occuper la France jusqu'au Rhône, s'emparer de la flotte et annexer Nice, la Corse et la Savoie. Ce sont toutes ces considérations complexes qui déterminent le contenu de la convention d'armistice, un texte bref de vingt-quatre articles, qui contient notamment les clauses suivantes :

La France coupée en quatre : zone libre, zone occupée, départements annexés et Nord de la France directement sous administration militaire allemande, plus les zones interdites littorale et de l'est.
  • Les prisonniers de guerre (plus de 1,5 million d'hommes) restent en captivité jusqu'à la signature d'un accord de paix.
  • La moitié nord, ainsi que la côte atlantique, passent sous occupation allemande : c'est la zone occupée, qui couvre à peu près les trois cinquièmes du territoire. Le reste constituant la « zone libre », c'est-à-dire non occupée, regroupée essentiellement au sud de la Loire. Les deux zones étant séparées entre elles par la ligne de démarcation.
  • La France doit pourvoir à l'entretien de l'armée d'occupation. Il s'avéra que le montant de ces indemnités allait être fixé de façon quasi-discrétionnaire par les Allemands, et leur montant s'éleva, en moyenne, à 400 millions de francs par jour.
  • Dans la zone libre, l'armée française est limitée à 100 000 hommes et les troupes sont désarmées.
  • La souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire, y compris la zone occupée, mais dans la zone occupée, il est stipulé que l'Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante », ce qui implique que l'administration collabore avec elle d'une « manière correcte ». il n'est pas question d'annexion de territoires français par l'Allemagne.
  • L'Empire colonial français reste également sous l'autorité du gouvernement français.
  • Les bâtiments de guerre rejoignent leurs ports d'attache du temps de paix, dont certains, comme Cherbourg, Brest ou Lorient, se trouvaient en zone occupée.
  • La France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol.

En outre, l'Italie bien que revendiquant l'ancien comté de Nice et la Savoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, doit se contenter de Menton (armistice du 24 juin 1940). Les autres territoires revendiqués ne sont occupés par l'armée italienne que le 11 novembre 1942, lors de l'invasion de la zone antérieurement non occupée.

Les pertes et leurs conséquences pour la suite de la guerre

Pour la plupart des pays participant aux combats, les pertes militaires sont bien connues[32] :

  • Belgique : 12 000 morts 15 850 blessés ; 300 000 prisonniers.
  • Pays-Bas : 2 890 morts, 6 889 blessés ;
  • Pologne : 6 000 morts et blessés;
  • Royaume-Uni : 3 458 morts, 13 602 blessés, 48 052 disparus ou prisonniers (dont 45 000 prisonniers à Dunkerque) ;
  • Allemagne : 27 074-63 682 tués[33],[34], 111 034 blessés, 18 384 disparus[33],[34] ou prisonniers.

À ces morts aux combats, s’ajoutent les pertes civiles : victimes de bombardements, d’exécutions sommaires, de massacres :

  • 2 500 morts aux Pays-Bas[35] ;
  • 21 000 morts en France[36].
  • 6 000 morts en Belgique.
  • Pour la France, le chiffre précis des pertes militaires n’est pas connu. Le seul chiffre fiable est celui des morts pour la France, au nombre de 123 426, total qui agrège de nombreuses catégories (prisonniers morts dans un camp, civils tués de fait de guerre, etc.). Les estimations faites par les historiens varient entre 55 000 et 123 000 morts, et entre 120 000 et 250 000 blessés[37],[38]. Parmi ces historiens, un certain nombre retranchent environ 39 000 morts en captivité, et 5 200 disparus[39] ; ce chiffre de 120 000 morts comprend également 21 000 civils[36] et les morts de l’armée de Vichy jusqu’au 1er novembre 1943 (combats du Levant et d’Afrique du Nord).

Les pertes militaires françaises pour la seule période de mai-juin 1940 sur le front franco-belge sont évaluées par le Service historique de la défense à 85 310 tués (dont 5 400 Maghrébins)[40]. Treize officiers généraux sont morts pour la France. Jean-Jacques Arzalier, médecin en chef du service de santé des armées, titulaire d'un DEA en histoire militaire, évalue ces pertes à au moins 50 000 et au plus 90 000 soldats morts au combat et 123 000 blessés, le chiffre le plus probable se situant entre 55 000 et 65 000 tués[33]. La période équivalente de 1914, les six premières semaines de combat, qui est souvent comparée sous cet aspect-là à la bataille de France, avait fait perdre 700 000 hommes à l’armée française (tués, blessés, prisonniers), dont 313 000 morts[41]. En outre, 1 800 000 soldats de l'armée française sont capturés par les troupes allemandes avant d'être internés dans différents types de camps. Un grand nombre de prisonniers tente de s'évader, 70 000 réussissant sur l'ensemble de la période, sans compter ceux évadés dès les premiers mois avant leur transfert vers l'Allemagne[42].

Outre les pertes humaines, les pertes en moyens militaires sont énormes :

  • l’armée britannique abandonne tout son matériel à Dunkerque[43] ;
  • la RAF perd plus de 1 000 appareils dans la bataille[43] ;
  • l’armée française perd 320 000 de ses 400 000 chevaux, et tout le matériel lourd qu’ils tractaient (artillerie antichar[44].).
  • Mais des soldats français réfugiés en Angleterre reformeront une petite armée sous la direction du Comité des Français libres du général de Gaulle et s'en iront combattre en Afrique, y refaisant une réputation à l'armée française. Des pilotes français combattront dans le Royal Air Force et y formeront une escadrille.
  • la flotte française réussit à sauver la plus grosse partie de ses navires de combat (235 des 291 navires à flot, 95 % du tonnage[45]) ; mais tous les ports et arsenaux de la côte atlantique sont sabotés et elle se retrouve pratiquement sans infrastructures de soutien, donc avec un niveau opérationnel limité. De plus, 148 des navires évacués s’abritent dans des ports britanniques (38 % du tonnage évacué)[46], et sont finalement retenus par le Royaume-Uni (22 juin)[47]. De plus, de nombreux navires en construction ou en réparations ont été sabordés ou saisis par les Allemands, le tonnage de ces pertes s’élevant à 170 000[48]. Et surtout, la France avait promis à son allié britannique que sa flotte ne tomberait pas aux mains de l’Allemagne. Or, les conditions d’armistice imposent aux navires français ayant rejoint les ports de l’Empire colonial de rentrer en métropole. Tombés dans les mains allemandes, ils représenteraient une telle menace pour le Royaume-Uni que cela rend inévitable la réaction anglaise (opération Catapult et, en particulier, Mers el-Kébir) durant laquelle plusieurs bateaux français sont détruits[49].
  • les Belges reformeront des forces en Grande Bretagne et quelques-uns de leurs officiers iront combattre en Afrique à la tête des forces du Congo belge pour y remporter des victoires sur les Italiens d'Abyssinie. Ils auront aussi trois escadrilles de chasseurs et chasseurs bombardiers et, en sus, 250 Belges s'engageront à des titres divers dans la Royal Air Force et quelques-uns dans l'aviation américaine et dans l'aviation sud-africaine. La plus grande partie de la marine marchande, qui a pu se réfugier à l'étranger, sera mise à la disposition des Alliés pour la durée de la guerre afin de livrer aux alliés les ressources agricoles et minières du Congo belge, notamment l'uranium qui sera utilisé pour le projet Manhattan.

Les raisons de la défaite française

Parade nazie sur l'avenue Foch déserte (1940)

En dépit d'une idée courante, l'armée française était loin d'être aussi surclassée en quantité et en qualité qu'on a bien voulu le dire. Mais les conceptions de base françaises quant au rôle de l'armée, considéré comme défensif, avait conduit à des choix de matériels qui, intrinsèquement solides, avaient des performances inadaptées à la guerre moderne, manquant de mobilité, d'autonomie et de moyens de communication radio et, parfois, inférieurs en vitesse comme dans l'aviation, mais parfois dotés d'une très grande puissance de feu et d'un excellent blindage comme pour certaines catégories de chars qui surclassaient le matériel allemand. Un des problèmes cruciaux vient d'un effort de guerre tardif, ce qui a retardé l'équipement des unités en matériel moderne et en quantités suffisantes. Une autre cause essentielle englobe un certain nombre de manquements dans le haut-commandement et surtout des erreurs stratégiques fatales liées a des dogmes trop rigides au sein de l'État-Major français. En effet, c'est avant tout l'encerclement des meilleures unités françaises ainsi que de la majorité du corps expéditionnaire anglais en Belgique qui a causé la défaite de la France.

Aviation, DCA et artillerie

C’est le domaine où l’armée allemande domine dès le début de la campagne. Le ciel n’est pas vide d’avions français, comme il a souvent été dit, même si les chasseurs français vraiment capables de rivaliser avec leurs homologues allemands sont encore trop peu nombreux au sein des unités, comme le Dewoitine D520, avec seulement 1 escadrille dotée de 36 de ces appareils le 10 mai 40. La production massive du D.520 ayant commencé trop tard, l'aviation française en pâtira grandement lors de l'attaque allemande, malgré les records de production atteints entre le 15 mai et le 22 juin 40. Au 10 mai 1940, l'aviation française est surtout équipée d'avions déjà dépassés à l'époque, tel le Morane-Saulnier MS.406, beaucoup plus lent et moins bien armé que le Me109 allemand, bien que très maniable. Les aviateurs et la défense anti-aérienne parviennent tout de même à des résultats : 20 % des Messerschmitt-109 alignés en avril 1940 ont été abattus. Les pertes en mai-juin de la Luftwaffe (1 300 appareils) sont comparables à celles de la bataille d'Angleterre[50]. La chasse et la DCA française peuvent se vanter d'un nombre de victoires homologuées compris entre 400 et 500.

La dotation en DCA dans l'armée française est globalement insuffisante, l'effort industriel en vue de la production de canons anti-aériens ayant été encore une fois trop tardif dans les années précédant l'entrée en guerre. Beaucoup d'unités en seront réduites à utiliser leurs mitrailleuses comme défense anti-aérienne. L'un des principaux problèmes de l'aviation de chasse française vient du fait que ses unités sont éparpillées sur l'ensemble du territoire, et de ce fait souvent indisponibles dans la zone des combats, mais aussi de l'absence de coordination avec les autres armes, alors que la tactique allemande implique une collaboration très étroite entre les troupes au sol et les unités aériennes, ces dernières se tenant à disposition des chars et de l'infanterie dans des délais le plus souvent très brefs. Le Haut Commandement français ne semble pas avoir réussi à préciser de doctrine d'emploi claire pour l'aviation dans les années 1930. Pour ces raisons, beaucoup de chars français ou S35 sont détruits par les Stukas allemands et non par les chars. Beaucoup d'avions français, ainsi que la plupart des avions belges et hollandais, sont détruits au sol, le 10 mai, par des attaques surprises en piqué d'avions allemands, principalement les Stukas qui avaient été conçus dans ce but. Cela sans une défense suffisante de DCA chez les alliés. C'est encore l'aviation d'assaut allemande qui fait vaciller la résistance des pauvres réservistes tenant le front à Sedan.

Le 10 mai, l'artillerie antiaérienne belge, pourtant constituée d'excellents canons de marque Bofors (de conception suédoise), est surprise dans plusieurs cas, puis se reprend en se révélant une des armes les plus efficaces de la campagne de Belgique. Parvenant à soustraire la majeure partie de leurs batteries à la capture, les artilleurs les laissent aux Anglais qui les récupèrent le 28 mai. L'aviation belge rescapée des attaques du 10 mai peut intervenir pour des bombardements de ponts, mais avec de grosses pertes, parfois pour des attaques en rase motte contre des pointes avancées d'infanterie allemande et pour l'observation et le réglage de tirs de l'artillerie terrestre. Les derniers appareils rescapés sont sabotés le 28 mai.

Au sol, l'artillerie française, contrairement au premier conflit mondial et à la guerre de 1870-1871, n'a rien à envier à son homologue allemande. Les archives allemandes témoignent largement de l'efficacité et de la précision des artilleurs français. La guerre de mouvement rapide imposée par les allemands leur rendra cependant les choses difficiles, compte tenu que cette discipline demande un minimum de temps de préparation pour être efficace. Les batteries françaises seront souvent confrontées à des attaques directes de chars allemands et en seront réduites à utiliser leurs 75 mm comme antichar en tir tendu!

Quant à l'aviation, la doctrine d'emploi française privilégie les chasseurs aux bombardiers ou à l'aviation d'assaut, symbolisée par le Stuka, à la différence des Allemands. En y regardant de près, on pourrait conclure que c'est la supériorité tactique et partiellement technique de la Luftwaffe qui a rendu la victoire allemande possible en mai-juin 1940.

Blindés

Malgré un mythe répandu, les panzers de la Wehrmacht n'ont rien d'invincibles en eux-mêmes, bien au contraire. La France dispose des SOMUA S35 et les B1/B1 bis qui sont à priori les plus puissants chars au monde de l'époque. Leur blindage résiste à tous les canons antichars allemands de l'époque, ainsi qu'aux canons des panzer II, III et panzers IV, et leur armement surpasse celui de tous les panzers, y compris le PzIV (ce dernier étant efficace seulement à moins de 500m). S'il est vrai que la majorité des chars en service sont des blindés légers (Renault R35, R39, Hotchkiss H35, H39, sans compter un grand nombre de FT17/18 datant de la Première Guerre mondiale totalement dépassés), c'est également le cas dans les divisions blindées allemandes, où le char le plus puissant, le panzer IV, seul capable de rivaliser avec les chars Somua S-35 et B1 bis français, ne représente qu'environ 10 % des blindés en service. Les blindés légers français, bien qu'ayant un armement inefficace en combat anti-char contre les PzIII et PzIV, disposent cependant d'un bien meilleur blindage que les PzI et PzII allemands. Lors de la première bataille de chars de l’histoire (la bataille de Hannut), les chars français font jeu égal avec les panzers, ces derniers conservant l'avantage uniquement grâce à leur couverture aérienne efficace et parfaitement coordonnée.

Article détaillé : Bataille de Hannut.

Un des plus gros défauts des chars français était leur tourelle à un seul homme: le chef de char, seul dans sa tourelle, était comme l'homme-orchestre, à la fois viseur, tireur et devant recharger son canon, en somme submergé par les tâches à accomplir, alors que la conception des chars allemands (5 hommes dans les chars lourds)permettait une meilleure répartition des tâches et donc une meilleure efficacité du char en combat. La plupart des chars français n'étaient pas équipés de radio. Ceux qui l'étaient ne pouvaient en tirer grand avantage du fait de leur faible portée et de leur mauvaise fiabilité. On doit s'imaginer des chefs de bataillon de char obligés de communiquer leurs ordres par fanion depuis leur tourelle, certains ayant été surpris la tête hors de leur char par une attaque allemande! La radio étant généralisée dans l'armée allemande, il était extrêmement facile pour elle de guider ses unités, de faire passer des ordres rapidement, et ainsi d'obtenir un mouvement coordonné et immédiat des unités engagées. Un autre aspect essentiel des chars français vient de leur conception en tant que soutien d'infanterie, conformément à la doctrine en vigueur dans l'armée française (et britannique) de l'époque. Leur vitesse moyenne et leur autonomie inférieures à celle des chars allemands (a l'exception du S35), en particulier celles des B1bis, feront qu'un grand nombre de ces excellents chars finiront en panne de carburant au milieu des champs de bataille, sabordés par leurs équipages, détruits par les Stukas ou récupérés par les allemands.

Stratégie et tactique

C’est principalement aux niveaux stratégique et tactique, soit la doctrine d'emploi des armes, en particulier des blindés, et de la liaison chars-avions, que l’armée française se révèle inférieure. Alors que les 2 592 panzers allemands sont regroupés au sein de dix divisions très autonomes et cohérentes, d'environ 250 blindés soutenus par de l’infanterie, du génie, de l’artillerie motorisés, un système logistique performant et surtout par l'aviation d'assaut, plus des deux tiers des 4 002 chars français sont éparpillés en « groupements de bataillons de chars » d'une centaine d'engins aux diverses armées, sans aucune autonomie opérationnelle ni appui suffisant d'infanterie, d'artillerie, et surtout, ce qui sera le plus grave défaut de la tactique française, sans soutien d'aviation ni logistique adapté. Pour l’état-major français de l'époque, le blindé reste principalement, comme en 1918, un élément d'accompagnement et de soutien de l'infanterie.

Les chars français sont donc conçus en conséquence et, en dépit de leur blindage et de leur armement supérieur, souffrent de nombreuses lacunes par rapport à leurs rivaux allemands : absence quasi-totale de système de communications radiophoniques, et souvent peu fiables. En comparaison, tous les chars allemands disposent de radios modernes et fiables. Leur autonomie est réduite toujours du fait de leur conception en tant que soutien d'infanterie, qui se combine avec la lenteur et la lourdeur du système de ravitaillement en carburant par camion citerne, alors que les Allemands utilisent des jerrycans qui permettent un approvisionnement bien plus rapide. On note aussi la prédominance de tourelles monoplaces où le chef de véhicule est surchargé par les tâches à accomplir. D'une certaine façon, le pire côtoie le meilleur. On voit néanmoins des succès francs, comme à Stonne, avec plus de 100 chars allemands détruits, dont douze par un seul char B1 bis[réf. nécessaire], ou encore à Hannut et à Montcornet (offensive de De Gaulle). Mais les chars français ont cependant peu d'opportunités de montrer leur supériorité et ne peuvent influer sur le cours des événements, car la guerre menée par les Allemands va plus vite qu'eux. À signaler également la première attaque de nuit de l'histoire par des chars lors de la bataille d'Abbeville, un succès français[réf. insuffisante][51]

Si l'emploi combiné de l'aviation et des blindés explique en partie la défaite française, elle est insuffisante à elle seule. Élaborée et mise en pratique sur le plan tactique par les Allemands lors de la campagne en Pologne en 1939, son efficacité contre l’armée française était encore sujette à caution au sein du commandement allemand avant le déclenchement des opérations. Même si elle y reçoit un écho peu favorable, en raison du conservatisme idéologique de l’état-major, elle est prônée aussi en France et pourrait être appliquée, par certains de ses théoriciens, comme le colonel Charles de Gaulle. Mais il se heurtera au conservatisme borné des chefs de l'armée française des années 1930. De Gaulle disaient à ce propos avant la guerre que, sans soutien adéquat d'infanterie et d'aviation « nos chars seront couillonnés! »[réf. nécessaire] La France dispose en mai de sept divisions blindées : les 1re, 2e et 3e divisions légères mécaniques et 1re, 2e, 3e et 4e divisions cuirassées. Certes, les deux dernières ont été constituées à la hâte après le début du conflit, mais la plupart sont plus puissantes que leurs équivalentes allemandes, même si elles sont moins bien organisées.

L'état major de l'armée française

Des le début, les erreurs et les effets d'un dogme rigide et sans imagination s'accumulent. Les déficiences du système de communication se font cruellement sentir: ordres reçus trop tard, contre-ordres envoyés trop tard, lenteur générale de la circulation des informations. Les meilleures unités blindées seront baladées et souvent éparpillées inutilement entre les différents points du front puis utilisées en missions sacrifice de retardement. Certains généraux d'armées verront arriver des unités sans même être au courant qu'elles étaient placées sous leurs ordres. L'état major sera rapidement débordé par l'avance fulgurante des armées allemandes, et sera presque toujours incapable de réagir à temps, ne sachant parfois même pas où se trouvaient leurs propres unités, et encore moins ou se trouvait l'ennemi! Des parlementaires et des militaires ont, avant la guerre, tout de même alerté le gouvernement et l'état major sur l'insuffisance des défenses de la région de Sedan, sans succès face à l'aveuglement idéologique des responsables militaires, persuadés que les Allemands agiraient conformément à leurs prévisions, et que les Ardennes étaient impénétrables par des chars, et ce, malgré le fait qu'un Kriegspiel, organisé quelques mois avant l'attaque allemande, avait montré qu'elles ne l'étaient pas. Les chefs français avaient visiblement oublié les enseignements de Napoléon, pour qui le plan de bataille considéré comme parfait, préparé jusque dans ses moindres détails était voué à l'échec s'il ne prenait pas en compte l'imprévu... Et les Allemands n'ont pas « joué » selon les règles prévues par l'état major français...

Défaitisme des classes dirigeantes

Cette idée d'une tactique allemande irrésistible, la Blitzkrieg (le mot a été inventé par la presse Britannique de l'époque), a été mise en avant après la défaite par les chefs militaires français, pour minimiser leur responsabilité dans la débâcle française, leurs erreurs sur le plan stratégique ayant été nombreuses et graves ; dès le procès de Riom, les autorités vichystes qui font juger les « fautifs » de la grande débâcle du printemps 1940 vont jusqu'à avancer les chiffres (pour le moins fantaisistes) de 7 500 chars et de plus de 5 000 avions mis en ligne par la Wehrmacht. Des historiens, tels Annie Lacroix-Riz, Kenneth Macksey ou John Keegan, portent aujourd'hui un regard neuf sur cet épisode historique, et remettent de plus en plus en question la supériorité supposée de l'armée allemande, ou les causes purement militaires et le défaitisme ambiant ayant conduit au désastre, et mettent au jour des responsabilités insoupçonnées jusqu'alors. Les historiens allemands font de même, comme Karl-Heinz Frieser qui, quand il rend compte du transfert quelques mois avant 1940 des moyens motorisés de très nombreuses divisions allemandes aux seules divisions chargées d'appliquer le plan d'Hitler, use de cette métaphore : « L'armée allemande ressemblait à une lance avec une pointe d'acier trempé, dont le manche, en bois, paraissait d'autant plus pourri qu'il était long [...] Pourtant cette pointe d'acier porta un coup mortel aux Alliés[52]. »

Quelle était la possibilité la France pour continuer la lutte ? Les forces allemandes ont subi en juin des pertes journalières (4 500 morts/ jour) supérieures à celles observées dans l'opération Barbarossa, et elles étaient dans une situation périlleuse sur le plan logistique lors de l'armistice.

Un rapport de Guderian transmis à l’état-major de l’armée de terre (OKH) début octobre 1940 indique que les forces allemandes engagées en France avaient besoin de 4 à 6 semaines d'arrêt avant de reprendre l'avancée vers le sud :

  • état du carburant : 15 % des besoins ;
  • état des munitions : 17 % des besoins ;
  • état des transports par camions : 25 % à 30 % du nombre requis.

Dans ces conditions, plusieurs historiens, comme Jacques Belle[53], estiment que l'on aurait pu ralentir l'avance allemande suffisamment longtemps pour que les forces françaises puissent se replier en Afrique du Nord avec une marine intacte. C’est aussi le thème du site uchronique rédigé par des historiens et des militaires[54].

Succès français

Lors de la retraite au mois de mai, puis de la débâcle en juin, l’armée française a quand même connu des succès. On a déjà signalé la bataille de Hannut et la bataille de Stonne où les chars français dirigés par le capitaine Billotte reprirent dix-sept fois le village aux mains des Allemands sur une période de quatre jours. La ligne Weygand de résistance sur la Somme et l'Aisne fut l'objet de combats partout très durs et de succès défensifs locaux.
Il faut aussi mentionner le combat pour l'honneur des Cadets de Saumur, moins de 5000 hommes soutenant de choc de 30000 à 40000 soldats allemands pendant plusieurs jours. L’armée des Alpes a également tenu les Italiens en échec jusqu'au bout, avant que les Allemands n’attaquent à revers.

Par ailleurs, le 15 mai 1940 le Général De Gaulle reçoit la mission de retarder l'ennemi dans la région de Laon. Sa division blindée n'est pas encore totalement opérationnelle. Malgré cela sa contre-attaque vers Montcornet, au nord-est de Laon est l'une des seules qui parvient à enfoncer de plusieurs dizaines de kilomètres les lignes Allemandes.

On peut aussi noter que, même après la signature de l'armistice, des unités françaises continuèrent à se battre, refusant de se rendre malgré la démission des chefs. De plus, il a fallu de nombreuses injonctions du nouveau gouvernement, menacé par les Allemands de représailles et de l'annulation de l’armistice, pour qu'ils déposent les armes seulement après le 10 juillet. L'armée française de 1940 n'a pas été vaincue sans combattre. Les hommes ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens qui leur ont été fournis et les exemples de courage et de sacrifice n'ont pas manqué.

Chronologie

  • 9 mai 1940 : la Wehrmacht envahit le Luxembourg.
  • 10 mai : l'armée allemande lance une offensive à travers la Belgique et les Pays-Bas, avec 141 divisions, 2 flottes aériennes comprenant presque 4 020 avions et 1 corps de blindés.
  • 10 mai : capitulation du Luxembourg ; puis occupation totale du pays le 11 mai.
  • 15 mai : les Pays-Bas capitulent.
  • 17 mai : entrée des troupes allemandes à Bruxelles.
  • 18 mai : entrée des troupes allemandes à Anvers.
  • du 20 au 27 mai : front de l'Escaut (Nord) entre Wavrechain-sous-Faulx et Bruille-Saint-Amand
  • 20 mai : les blindés allemands approchent d'Abbeville.
  • 28 mai : capitulation de l'armée belge.
  • 14 juin : entrée des blindés allemands à Paris.
  • 22 juin : signature de l’armistice franco-allemand.
  • 24 juin : signature de l’armistice franco-italien.
  • 25 juillet : annexion de facto par l'Allemagne des départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.

Notes et références

  1. Service historique de la Défense, « Les pertes de la campagne de France, 10 mai - 22 juin 1940 » sur defense.gouv.fr
  2. « France 1940 – Autopsie d'une défaite », in L'Histoire, april 2010, n°352, p.59.
  3. Dominique Lormier, Histoire de la France militaire et résistante 1939-1942, Éditions du Rocher, Paris, 2000 (ISBN 2268034216), p. 131, citant des chiffres des Bundesarchiv, Coblence et la Bildarchiv, Berlin.
  4. 18 juillet 1936 au 1er avril 1939.
  5. Accords de Munich.
  6. « Munich, 1938 », d'après un article d'Élisabeth du Réau dans L'Histoire, no 218, février 1998.
  7. Invasion de la Tchécoslovaquie.
  8. Invasion de la Pologne.
  9. « La Bataille de France », sur le site batailles-1939-1940.historyboard.net, consulté le 20 mai 2010.
  10. a, b, c, d, e, f et g Pierre Miquel La Seconde Guerre mondiale, éd. Fayard, 1986, Paris (ISBN 2-7242-3370-0) ; rééd. Club France Loisirs, Paris, 1987, p. 62.
  11. Max Gallo, 1940 – De l'abîme à l'espérance, XO Éditions, Paris, 2010, 383 p. (ISBN 978-2-84563-453-4), p. 47-50.
  12. a, b, c et d Ian Kershaw (traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat), Choix fatidiques – Dix décisions qui ont changé le monde, 1940-1941, Éditions de Seuil, Paris, 2009, 813 p. (ISBN 978-2-02-080325-0), p. 97-99.
  13. Ian Kershaw, Choix fatidiques – Dix décisions..., op. cit., p. 106.
  14. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Ian Kershaw, Choix fatidiques – Dix décisions..., op. cit., p. 108-110.
  15. Max Gallo, 1940 – De l'abîme à l'espérance, op. cit., p. 52.
  16. « Plan jaune », sur le site maginot.org, consulté le 20 mai 2010.
  17. a et b Archives 39-45 « Dunkerque 1940, Calais, boulogne, Watten, le canal de l'Aa », Historica, no 80, septembre 2004.
  18. Gén. Gamelin, Servir, Paris 194?.
  19. Pierre Miquel, La Seconde Guerre mondiale, Fayard, Paris, 1986, p. 41.
  20. Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République : Destinées des députés et sénateurs français (1940-1945), Seuil, 2 mars 2001, 460 p. (ISBN 2-02-034036-4) 
  21. Mémoires de l'amiral anglais Roger Keyes, vol. 1, page 328 : « Nous nous fichons complètement de ce qui peut arriver aux Belges », cit. Général Pownall
  22. Le livre « Le 18e jour » du « colonel Rémy », page 349. Témoignage du colonel Thierry, chargé de la centrale de réception des messages radio, qui enregistra les communications du roi Léopold III avec le général Blanchard.
  23. Henry Amouroux, Le peuple du Désastre, 1976 (ISBN 2-7242-2109-5), p. 91.
  24. Expression utilisée à l'époque par Franklin Delano Roosevelt pour qualifier la démarche de Mussolini, et depuis couramment utilisée cf : « La campagne italienne de juin 1940 dans les Alpes occidentales », Revue historique des armées
  25. Dominique Auzias, Pascaline Ferlin et Jean-Paul Labourdette, Guide des lieux de mémoire: champs de bataille, cimetières militaires..., Petit Futé, 2005, p. 35
  26. a et b La convention d'armistice, sur le site de l'Université de Perpignan, mjp.univ-perp.fr, consulté le 29 novembre 2008.
  27. Voir l'article 23 de la Convention d'armistice.
  28. Jean-Baptiste Duroselle, Politique étrangère de la France. L’abîme 1939-1944, Imprimerie nationale, première publication 1982 ; réed. 1986, 811 p. (ISBN 2-02-012413-0), p. 258.
  29. Voir la carte.
  30. Voir l'article 3 de la Convention d'armistice.
  31. voir Seconde Guerre mondiale : juin 1940
  32. Jean-Jacques Arzalier, « La campagne de mai-juin 1940. Les pertes ? », in Christine Levisse-Touré (directeur de publication), La campagne de 1940, Actes du colloque du 16 au 18 novembre 2000, Tallandier, Paris, 2001, p. 428-430.
  33. a, b et c « France 1940 – Autopsie d'une défaite », dans L'Histoire, avril 2010, no 352, p. 59.
  34. a et b (de) Karl-Heinz Frieser, Blitzkrieg-Legende, Munich, 1996, 2e éd., p. 57 
  35. J.-J. Arzalier, op. cit., p. 428.
  36. a et b J.-J. Arzalier, op. cit., p. 439.
  37. J.-J. Arzalier, op. cit., p. 437.
  38. Ainsi, Henri Amouroux, dans son livre La vie des Français sous l’Occupation, éd. Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », Paris, 1961, p. 264, commente ainsi :
    « [...] il circule des mots atroces sur cette armée battue [...] sans même savoir qu'elle a largement payé le prix du sang et que ses pertes au combat devraient la protéger des injures. » Pour les pertes au combat, il indique : « En soixante jours, 92 000 morts, 120 000 blessés, c'est une « cadence » qui rappelle des grandes tragédies de la guerre victorieuse : l'autre. » en notant que : « du 16 au 30 avril 1917, lors de l'offensive Nivelle, l'armée française perdit un peu plus de 30 000 morts ».
  39. J.-J. Arzalier, op. cit., p. 438.
  40. Paul-Marie de La Gorce, L'Empire écartelé, 1936-1946, Denoël, 1988, p. 496.
  41. J.-J. Arzalier, op. cit., p. 442.
  42. Yves Durand, Les Prisonniers de guerre dans les Stalags, les Oflags et les Kommandos, 1939-1945, Paris, Hachette, 1994.
  43. a et b J.-J. Arzalier, op. cit., p. 429.
  44. J.-J. Arzalier, op. cit., p. 433.
  45. Philippe Lasterle, « Autopsie d’un exode maritime : l’évacuation des ports par la marine », in Christine Levisse-Touré (directeur de publication), La campagne de 1940, Actes du colloque du 16 au 18 novembre 2000, Tallandier, Paris, 2001, p. 271.
  46. Philippe Lasterle, op. cit., p. 277.
  47. Philippe Lasterle, op. cit., p. 281.
  48. Philippe Lasterle, op. cit., p. 273.
  49. Philippe Lasterle, op. cit., p. 283.
  50. J.-J. Arzalier, op. cit., p. 430.
  51. Dominique Lormier, Comme des Lions - mai-juin 1940 - Le Sacrifice héroïque de l'armée Française
  52. Karl-Heinz Frieser, Le Mythe de la guerre-éclair – La Campagne de l’Ouest en 1940 [détail des éditions] p. 47-48.
  53. La défaite française, un désastre évitable série de deux livres : (ISBN 978-2717854275) La défaite française, un désastre évitable : Tome 1, Le 16 mai 1940, il fallait rester en Belgique par Jacques Belle et (ISBN 978-2717856934) La défaite française, un désastre évitable : Tome 2, Le 16 juin 1940, non à l'armistice ! par Jacques Belle avec une préface de Philippe Séguin
  54. 1940 : la France continue le combat

Annexes

Bibliographie

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