Eresoinka

Eresoinka

Eresoinka est un ensemble vocal et chorégraphique mixte, formé lors de la Guerre civile espagnole à l’initiative du gouvernement basque de Bilbao en 1937. Entre 1937 et 1939, cet ensemble composé de 101 Basques fera découvrir la culture musicale traditionnelle basque lors de tournées internationales qui les mèneront jusqu'à Paris, Bruxelles, Amsterdam et Londres[1]. Le chœur, placé sous la direction du compositeur Gabriel Olaizola, comptera dans ses rangs Pepita Embil, future mère de Placido Domingo, et Mariano Gonzalez Garcia, futur Luis Mariano.

Sommaire

Genèse

En 1937, José Antonio Aguirre, président du premier gouvernement basque, quelques jours avant la chute de Bilbao, confiera à un musicien basque : « Il est possible que nous ne puissions sortir d'ici. Il ne faut pas en conclure que la lutte ne pourra pas aussi continuer sur le plan artistique... Pourquoi ne pas porter de par le monde, au travers de nos plus belles mélodies, le souvenir d'un peuple mourant pour la liberté [2]? »

Deux jours avant son exil, il écrira à Rafael Pikabea et Felipe Urkiola, représentants du gouvernement basque à Paris : Mes chers amis, le porteur de cette lettre, Gabriel Olaizola, que vous connaissez bien, est chargé d'une importante mission artistique : celle de créer le Chœur national basque, sur la base de voix triées sur le volet, et un ensemble musical tellement parfait qu'il se doit d'être un modèle pour les plus grands théâtres d'Europe et d'Amérique. Je veux que dans ce grand œuvre, vous aidiez Gabriel Olaizola pour que notre chœur soit le meilleur que n'aient jamais écouté les publics d'Europe et d'Amérique.[2]

Choristes

La chorale Eresoinka sera le résultat du choix des meilleures voix des provinces basques de Biscaye, Guipuscoa et Alava. Ce choix sera organisé pendant la guerre par le gouvernement basque à Bilbao. La chorale comptera 63 choristes, la plupart amateurs. On trouvera parmi eux des industriels, des paysans, des ouvriers, des avocats, des instituteurs, des employés de bureau, un médecin, un architecte, un vétérinaire, un dentiste et un prêtre (l'abbé Laborda).

  • Parmi les soprani : Matilde Zabalbeascoa, soliste à l'Orfeon Donostiarra et Pepita Embil, future mère de Placindo Domingo.
  • Parmi les alti : Karmele Urresti et Trini Ibargüen, ancienne employée au conseil de défense du gouvernement basque
  • Parmi les ténors : Mariano Eusebio Gonzalez Garcia, ténor 2, soliste à l'Orfeon Donostiarra, futur Luis Mariano ; Pablito Garmendia, ténor 2 ; Hernandorena, ténor 2 ; l'abbé Laborda
  • Parmi les basses : Gil Iturrioz, basse de l'Orfeon Donostiarra

Les archives mentionnent d'autres noms comme les chanteuses Miren Derteano, Margarita Trueba et Miren Orrantia et les chanteurs J. Thalamas, Gotzon Olalde, Txomin Sagazazu, T. Emandorena, T. Yarza, J.L. Arriola, Pablo Garmendia

Danseurs

Parmi les membres de la troupe de danse on trouvera les danseuses Miren Abrisqueta, Margarita Uzelai et Trini Ibargüen (également chanteuse au pupitre d'alto) et les danseurs Migel Saseta, Jose-Mari Arregui et Perico Mungia.

Musiciens

Parmi les txistulari : Antton Bastida et Jesus Elosegui, archéologue et ethnologue qui créera plus tard la Société des sciences Aranzadi

Décors

Les différents tableaux du spectacle chorégraphique évoqueront des scènes de la vie du Pays Basque comme une partie de pelote, la fête du village, etc. Les talents des meilleurs peintres basques du moment, José Maria Uzelai, Antonio Guezala, Tellaeche, les frères Arrue, Aranoa, etc. seront requis pour dessiner les costumes et les décors. De grands couturiers parisiens apporteront leur concours à l'entreprise : Chanel, Pierre Cardin, etc.

Direction artistique

Les directeurs artistiques seront Gabriel de Olaizola, compositeur de la célèbre Berceuse basque, Txomin Olano, ancien pianiste d'Eusko Abesbatza, Jose Etxabe, ancien avocat, ancien secrétaire de la mairie de Zumaia et futur directeur du chœur Oldarra. Le directeur chorégraphique sera Jesus Luisa Esnaola qui au début des années 1970 créera le groupe Elgar Oinka à Hasparren (où lui succédera Jose-Mari Arregui, danseur à Eresoinka).

Compositeurs

Les compositeurs basques désignés pour préparer les programmes sont les meilleurs et les plus connus de l'époque : Olaizola, Uruñuela, Valdes-Goicoechea, Gallastegui.

Direction générale

La direction générale d'Eresoinka sera confiée à Manuel de la Sota, fils de Sir Ramon de la Sota, grand industriel, exploitant de mines de fer et armateur basque. Il sera en charge de la promotion du groupe auprès des exploitants de salles de spectacles. Dès la fin de 1937, alors qu'aucune représentation ne sera encore donnée, le calendrier d'Eresoinka sera plein.

Résidence à Sare

Tous les éléments sélectionnés seront rassemblés fin août début septembre 1937 à Sare, dans les Pyrénées-Atlantiques. Paul Dutournier, propriétaire de l'Hôtel de la Poste, accueillera les premiers arrivés. D'autres seront reçus dans la famille Garipuy, propriétaire de la maison Prefetenea. L'hôtel Eskualduna, près du fronton, hébergera également des éléments du groupe. Les membres de cette communauté deviendront « les enfants chéris du village »[2]. Les danseurs et txistulari vivront à Prefetenea et prendront leurs repas aux restaurants Maitagarria et Laztiry. Les répétitions auront lieu dans une salle de la maison Ihartze artea où une fresque murale datant de cette époque, attribuée au peintre Montes Iturrioz, témoigne encore de leur passage. Régulièrement la chorale se produira au trinquet Pleka et sur la place du village[3]

Résidence à Saint-Germain-en-Laye

Au début du printemps 1938, du fait du succès d'Eresoinka, le gouvernement basque choisira un endroit plus stratégique comme base pour la troupe. Le château de Belloy sera loué près de Paris, à Saint-Germain-en-Laye. C'est désormais là que tous se retrouveront entre les tournées.

Tournées internationales

Parmi les nombreuses étapes des tournées d'Eresoinka, en voici quelques-unes :

  • 1937
    • décembre : Église Saint-Pierre de Chaillot, Paris
    • 20 décembre : Salle Pleyel, Paris, en présence des personnalités suivantes : le président du gouvernement basque, José Antonio Aguirre accompagné de membres de son gouvernement et de Manuel de Irujo, ministre de la République espagnole ; les représentants des corps diplomatiques d'Argentine et du Chili ; les représentants de la Generalitat de Catalunya ; le danseur Serge Lifar qui se déclare prêt à présenter ceux qu'il considère comme des danseurs exceptionnels ; l'écrivain Jacques Maritain qui, comme François Mauriac et Bernanos, a pris fait et cause pour le peuple basque. Avant le spectacle, le public a pu à loisir feuilleter le catalogue illustré par les photos de Boris Lipnitzky venu assister aux répétitions.

États-Unis

En 1939 Eresoinka sera engagé pour de multiples dates en Amérique du Nord, mais la déclaration de la guerre obligera le transatlantique qui les transportait à faire demi-tour vers la France. C'est là que prendra fin l'aventure d'Eresoinka.

Critique

  • André Warnod, du Figaro : Nous avons assisté l'autre après-midi à une répétition du spectacle que Eresoinka va présenter prochainement à Paris... Les artistes qui n'étaient pas sur la scène s'étaient installés dans les fauteuils. Nous les entendions rire et chuchoter dans leur langue sonore et musicale... Sur la scène cependant, les chanteurs se groupaient, serrés les uns contre les autres, pour devenir un véritable orgue humain. Les voix de basse aux résonances profondes s'amplifiaient, étrangement puissantes, tandis que s'élevaient, aiguës et bouleversantes, des voix de séraphins d'une pureté céleste. (Le Figaro, décembre 1937)[4]
  • Un journaliste du Times après avoir assisté à la première représentation à l'Aldwych Théâtre de Londres : Les Basques sont célèbres pour leur folklore, tellement riche qu'il a survécu jusqu'ici, qu'il a perduré plus longtemps que dans les autres pays de l'Europe de l'Ouest... Ce chœur chante avec une virtuosité qui n'a rien à voir avec nos meilleurs groupes. Ils nous ont rappelé les plus grands chœurs russes d'avant-guerre. (Times, juin 1938)[5]
  • Le compositeur Florent Schmitt écrira dans Le Temps : Je ne me souviens pas d'avoir ouï depuis les chœurs russes d'Avranek, un ensemble plus homogène et musical, des voix plus limpides... L'assistance semblait transportée d'un enthousiasme très profond et j'ai rarement vu une unanimité si parfaite des éloges... Ces simples et naturelles images basques nous ravissent et nous rafraîchissent dans leur perfection de sobriété : de la pure, de l'authentique beauté sans alliage superflu, unie, comme la précision d'allure de cette race si douée... [6]
  • Le compositeur Stan Golestan écrira dans Le Figaro : Jamais répertoire populaire ne fut plus heureusement harmonisé et traduit... Ce fut un enchantement sans réserve d'un bout à l'autre des exécutions.[6]

Bibliographie

  • José Antonio Arana Martija, Eresoinka, embajada cultural vasca, 1937-1939, Servicio Central de Publicaciones, Gobierno Vasco (Vitoria), 1986, 269 pages, LCCN : 87149526
  • Philippe Oyhamburu, De Tbilissi à Getaria, en passant par New York, Suite (1995-2007) des Chroniques saltimbanques (1942-1994), 2008, voir p. 120
  • Txomin Laxalt, Eresoinka, le chœur d'un peuple libre, Pays Basque Magazine n° 57 (2009), p. 66-69

Discographie

  • Titre : Chorale Erresoinka, Bakearen Ikurra ; Éditeur : Agorila ; Référence : AG CD 556 ; Support : CD ; Plages : 18

Filmographie

  • Euzko Deya, Eresoinka y la Selección de Euskadi de Fútbol, Séquence vidéo de 6 minutes commentée en espagnol, dont une partie est consacrée à Eresoinka (longtemps disponible sur YouTube puis retiré)

Articles connexes

Notes et références

  1. Chorale mythique Eresoinka sur Categorynet.com
  2. a, b et c Txomin Laxalt, Eresoinka, le chœur d'un peuple libre, Pays Basque Magazine n° 57, p. 67
  3. Philippe Salquain, Luis Mariano, la légende basque, Hors-Série de l'hebdomadaire La Semaine du Pays Basque, 2010, p. 18
  4. Txomin Laxalt, Eresoinka, le chœur d'un peuple libre, Pays Basque Magazine n° 57, p. 68
  5. Txomin Laxalt, Eresoinka, le chœur d'un peuple libre, Pays Basque Magazine n° 57, p. 69
  6. a et b Philippe Salquain, Luis Mariano, la légende basque, Hors-Série de l'hebdomadaire La Semaine du Pays Basque, 2010, p. 19

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Eresoinka de Wikipédia en français (auteurs)

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