Éric Geoffroy

Éric Geoffroy
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Éric Geoffroy
Eric Geoffroy.jpeg

Naissance 1956 à Belfort, France
Nationalité Drapeau de France France
Principaux intérêts soufisme, mystique comparée, spiritualité dans le monde contemporain
Œuvres principales L'islam sera spirituel ou ne sera plus; Le soufisme, voie intérieure de l'islam

Éric Geoffroy, né à Belfort en 1956, est un islamologue arabisant et un écrivain français.

Enseignant l’islamologie à l’Université de Strasbourg et dans d’autres institutions (l’Université Ouverte de la Catalogne, l’Université catholique de Louvain, etc.), il est un spécialiste académique du soufisme, et également un de ses représentants majeurs en France. Il travaille aussi sur les enjeux de la spiritualité dans le monde contemporain (la mondialisation, la postmodernité, l’écologie), et la mystique comparée.

Sommaire

Biographie

Né à Belfort en 1956, Éric Geoffroy pratique diverses disciplines universitaires (histoire de l'art, ethnologie, histoire) avant de se consacrer à l'étude de la langue arabe et de l'islam. Il effectue dès lors de nombreux séjours en pays arabe. A l’issue d’une longue quête spirituelle qui l’amène à explorer diverses traditions spirituelles, le soufisme devient sa porte d'entrée en islam à partir de 1984. Il élabore sa thèse sur Le soufisme en Égypte et en Syrie[1]. durant un séjour de trois ans à l'Institut Français d'Etudes Arabes de Damas, puis soutient celle-ci à l'Université de Provence Aix-Marseille I en 1993. En 1997, il soutient dans la même université son habilitation à diriger des recherches (HDR). Depuis 1995, il enseigne la langue arabe et l’islamologie à l'Université de Strasbourg.

Parallèlement à ses recherches académiques, il intervient comme auteur et comme conférencier dans le domaine de la culture et de la spiritualité islamiques (Europe, monde arabe, USA, Indonésie, Afrique noire…). Ayant organisé plusieurs colloques internationaux (notamment à la Bibliotheca Alexandrina d’Alexandrie), il a rédigé une vingtaine d’articles dans l’Encyclopédie de l'Islam 2 et 3, et est à ce jour l’auteur de sept ouvrages. Longtemps conseiller "islam" pour Le Petit Larousse, il fait l’objet d’interviews dans diverses émissions télévisées et radiodiffusées d’Europe, du monde arabe et des États-Unis. Ses articles se trouvent sur divers sites Internet, et certains, traduits par des professionnels, sont publiés dans des journaux ou revues arabes (Al-Hayat, al-Watan, al-Râya, al-Nour, Majallat al-‘Arab al-dawliyya…).

Orientation générale des travaux

À partir de ses recherches sur le soufisme à l’époque mamelouke[2], Éric Geoffroy a mis en exergue, dans ses travaux, les liens dynamiques unissant soufisme et islam[3]. Il a particulièrement étudié la voie initiatique Shâdhiliyya, école spirituelle qui a eu un fort impact jusqu'en Occident contemporain (René Guénon était shâdhilî)[4]. Il n’a pas délaissé les modalités de l'inscription du soufisme dans le monde contemporain[5], ni ses relations avec les autres courants de l'islam[6].

Il travaille également sur les rapports entre physique et métaphysique en islam, au sein d'un groupe de recherches international financé par l'Université Interdisciplinaire de Paris, et a produit à ce titre un long article intitulé « Les voies d’accès à la Réalité dans le soufisme  ». Il y montre notamment que toute approche doctrinaire, qu’elle soit scientifique ou religieuse, est incomplète en ce qu’elle ne capture qu’une phase de la Réalité.

De nouvelles sollicitations l'amènent à traiter de plus en plus la dimension éthique et écologique de l'islam[7].

Pensée

Les éléments qui suivent sont principalement issus de l'ouvrage d'Éric Geoffroy, L’islam sera spirituel ou ne sera plus.

Pour une méthodologie intégrale, pluridimensionnelle

La Réalité ultime, au sens soufi, est pluridimensionnelle, et chaque dimension de l’être (par exemple : l’esprit, l’âme, le corps) a droit à s’exprimer. Se dégage ainsi un « principe de relativité » en métaphysique comme en physique quantique. Éric Geoffroy prône une vision polysémique du monde, et en particulier du fait religieux, islamique ou autre. Il nous prévient de toute tentation à céder à une pensée linéaire, réifiée : par son caractère ‘‘vertical’’, seule la spiritualité traverse tous les niveaux de l’être et de la conscience[8]. En réalité, il n’y a pas d’objectivité ni de neutralité absolues dans quelque étude des phénomènes de la vie, et ce contrairement à ce que prétendent encore maints praticiens des sciences humaines ou sociales. Cela impose de confronter les divers modes et niveaux de lecture d’un même fait. La démarche « historico-critique » n’est, à ce titre, qu’une des composantes de cette lecture ouverte[9]. La méthodologie intégrative de Geoffroy confronte donc l’observation extérieure et l’approche intérieure, l’histoire et la métahistoire, etc. Elle ‘‘milite’’ pour la reconsidération de la hiérarchie des valeurs dans le monde contemporain : l’approche métaphysique doit prévaloir sur la dimension physique, quantifiable, du monde phénoménal, y compris du champ religieux.

La réforme de l’islam par la spiritualité

Selon Éric Geoffroy, la ré-forme ne peut qu’opposer une forme à une autre, car elle est tributaire de la dualité dans laquelle nous enferme le monde phénoménal ; elle conduit donc fatalement à des blocages, à des fractures. Elle ne saurait produire suffisamment de sens pour être pertinente. Le « sens », en tant que réalité intérieure, invisible d’une chose, vit indépendamment du support que constitue la forme apparente de cette chose : il peut être manifesté ou non, mais c’est toujours lui qui porte la vie. La forme, quant à elle, si elle est privée de son ‘‘sens’’, se dessèche et meurt en se raidissant, comme on peut l’observer notamment dans les intégrismes religieux[10]. Il ne sert donc à rien, selon Geoffroy, de changer l’écorce par une autre écorce : le fruit doit être [régénéré] de l’intérieur, à partir de son « cœur ». La spiritualité est tel un noyau toujours en fusion qui vivifie et modèle l’écorce de la forme religieuse. Elle seule permet de rééquilibrer les rapports entre raison et supra-raison, entre la Loi et l’esprit de la Loi[11]. Elle engage une ‘‘révolution’’ permanente chez l’être humain, car rien n’est acquis une fois pour toutes dans le rapport de celui-ci au Texte révélé, à la religion, au monde, à soi-même… L’œuvre d’Éric Geoffroy tend donc à mettre en relief les valeurs spirituelles de l'islam, travesties par les uns ou par les autres. Telle est le sens de la relecture du jihâd formulée dans son ouvrage Jihad et contemplation[12].

Le soufisme comme antidote au nihilisme

L’absence de sens, soit le nihilisme, atteint de nos jours l’Occident comme l’Orient, en manifestant des symptômes contradictoires mais en fait solidaires. En Occident, elle a produit l’instrumentalisation de la raison par le positivisme technologique, en pays musulman celle de la religion par l’idéologie ; ici l’errance morale, là le complexe de l’humilié et la culture du ressentiment. Dans les deux cas, le ciel de la spiritualité s’est refermé. Mais Éric Geoffroy pense que de nouveaux paradigmes font désormais converger raison et réenchantement, convergence qui paraît être la seule [alternative] aux scléroses scientiste d’un côté, religieuse de l’autre. L’instant-même de la prise de conscience du nihilisme provoquerait le retour du balancier, c'est-à-dire la réémergence de la spiritualité sous des formes renouvelées[13].

Les apports symboliques du soufisme au réenchantement du monde

Éric Geoffroy constate que, à une époque où l’homme doute de lui-même et de la pertinence de son existence sur cette planète, où s’imposent la massification et l’uniformisation de l’humanité, le soufisme vient nous rappeler que l’homme est la théophanie suprême de Dieu sur terre, le reflet privilégié du Réel/Dieu, et que le projet divin à son égard a du sens - même s’il nous échappe souvent. Le soufisme peut également vivifier l’enseignement islamique selon lequel la sacralité ne réside pas dans un temple, mais en l’homme : dans notre contexte de désagrégation des repères et d’émancipation vis-à-vis des églises, les repères seront intérieurs ou ne seront pas. La méthode soufie intègre également le principe du paradoxe, selon lequel la vie se conçoit en termes d’oppositions que l’on doit sans cesse travailler à résoudre et à harmoniser. De la même façon, la méthode apophatique qui consiste à approcher Dieu par ce qu’Il n’est pas plutôt que par ce qu’Il serait, concourt à ouvrir prodigieusement les horizons de la conscience[14]. Elle induit une psychologie humaine dynamique, fluide, qui amène à adorer Dieu mais à ne pas l’idolâtrer et, par voie de conséquence, à ne pas idolâtrer sa religion, sa culture ou son pays… Cette démarche de [déconditionnement] dégage une grande liberté intérieure. Un autre apport de la pensée soufie est qu’elle explore le principe islamique de l’[interdépendance] qui régit l’univers. Pour le soufi Ibn ‘Arabî, le monde n’est pas constitué d’objets ou d’atomes isolés, mais d’un réseau complexe de « relations ». Ce réseau, conclut Éric Geoffroy, tisse en quelque sorte une trame de solidarité entre Dieu et le cosmos, mais aussi entre les divers règnes de la création[15]. D’où l’écologie de l’islam, qui demande à être redécouverte.

Bibliographie

  • 2010 : Abd el-kader : un spirituel dans la modernité (direction), Albouraq, Paris.
  • 2009 : L’islam sera spirituel ou ne sera plus, Seuil, Paris.
  • 2009 : Le soufisme, voie intérieure de l’islam, Seuil (coll. Points-Sagesses) : version poche de Initiation au soufisme, éd. Fayard, 2003.
  • 2009 : Le grand livre des prénoms arabes, Albouraq / Albin Michel, Paris (en collaboration avec Néfissa Geoffroy).
  • 2005 : Une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya. actes du colloque organisé par E. Geoffroy à la Bibliotheca Alexandrina en avril 03. Paris, Maisonneuve & Larose, 30 contributeurs, 550 p.
  • 2003 : Initiation au soufisme, éd. Fayard, Paris. Réédité en 2004 et en 2007. Traductions en arabe (chez Kalima Translation, Abou Dhabi – Beyrouth, 2010) et en anglais (World Wisdom, USA, 2010).
  • 2000 : L’instant soufi, Actes Sud.
  • 1998 : La sagesse des maîtres soufis, éditions Grasset, Paris : présentation et traduction des Latâ'if al-minan d'Ibn ‘Atâ' Allâh. Traduit en espagnol (Mandala Ediciones, Madrid, 2008).
  • 1997 : Jihâd et contemplation - Vie et enseignement d'un soufi au temps des croisades, éditions Dervy, Paris. (réédition corrigée chez Albouraq en 2003).
  • 1995 : Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans : orientations spirituelles et enjeux culturels, thèse publiée par l’Institut Français d'Etudes Arabes de Damas, Damas-Paris, 595 p. (disponible à la librairie de l’Institut du Monde Arabe, et bientôt on line sur le site de l’IFPO).

Notes et références

  1. Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans : orientations spirituelles et enjeux culturels
  2. Voir l’« esquisse d’une typologie spirituelle » dans Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans, p. 283-360, et également : « La voie du blâme : une modalité majeure de la sainteté en islam, d’après l’exemple du cheikh ‘Alî Ibn Maymûn al-Fâsî (m. 917/1511) », Saint et sainteté dans le christianisme et en islam – Le regard des sciences de l’homme (N. Amri et D. Gril dir.), Maisonneuve & Larose, Paris, 2007, p. 139-149 ; « Une grande figure de saint ummî : le cheikh ‘Alî al-Khawwâs (m. 939/1532) », dans Le développement du soufisme en Egypte à l’époque mamelouke, Le Caire, IFAO, 2006, p. 169-176.
  3. Voir son ouvrage de synthèse intitulé Initiation au soufisme (Fayard, 2003), paru en poche sous le titre Le soufisme, voie intérieure de l'islam (Seuil, 2009), et également « Le soufisme au verdict de la fatwâ, selon les Fatâwâ hadîthiyya d’Ibn Hajar al-Haytamî (m. 974/1567) », Le soufisme en Egypte et dans le monde musulman à l’époque ottomane, IFAO, Le Caire, 2010.
  4. Éric Geoffroy a organisé en ce sens un colloque international à la Bibliotheca Alexandrina (Alexandrie) en avril 2003 ; voir Une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya.
  5. Notamment Le soufisme, voie intérieure de l’islam, p. 295-309, ou encore : “ Le rayonnement spirituel du cheikh Al-Alawi en Occident ”, dans Al-tarbiya wa l-ma‘rifa fî maâthir al-shaykh Ahmad ben Mustafâ al-‘Alâwî, Mostaganem (Algérie), 2002, p.358-372 ; « L’attraction du soufisme », dans Histoire de l’islam et des musulmans en France, du Moyen Âge à nos jours, sous la dir. de M. Arkoun, Albin Michel, Paris, 2006, p. 827-836.
  6. “ Soufisme, réformisme et pouvoir en Syrie contemporaine ”, revue Egypte/Monde arabe (CEDEJ - Le Caire) n° 29, oct. 1997, p.11-21 ; « Jamā‘at al-‘adl wa l-ihsān of Abdessalam Yassine between Morocco and France», Islamic Fundamentalism and Sufism, issu d’un colloque à l’université de Haïfa (Israël), 2006.
  7. Cette orientation était déjà annoncée par l’article « Sîdî al-Qabbârî (m. 662/1263), ou l’écologie de la sainteté », paru dans Alexandrie Médiévale 3, Centre d’Etudes Alexandrines et IFAO, Le Caire, 2008, p. 183-190.
  8. L’islam sera spirituel ou ne sera plus, Seuil, Paris, 2009, p. 174.
  9. Ibid., p. 76-77, 93-94.
  10. Ibid., p. 86.
  11. Ibid., p. 87.
  12. Jihâd et contemplation - Vie et enseignement d'un soufi au temps des croisades, Albouraq, Paris, 2003.
  13. L’islam sera spirituel ou ne sera plus, op. cit., p. 156.
  14. Voir notamment, d'Éric Geoffroy, « L'apophatisme en islam », Revue des sciences religieuses 72, n°4 (Faculté de Théologie Catholique de Strasbourg), 1998, p. 394-402.
  15. L’islam sera spirituel ou ne sera plus, op. cit., p. 176-181.

Article connexe

Liens externes


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