Ethiopianisme

Ethiopianisme

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Rappel historique

L'éthiopianisme est la sacralisation de l'Éthiopie et des Éthiopiens. Il est apparu à la fin du XVIIIe siècle, avec la diffusion de la King James Version de la Bible. Dans cette version, les Noirs étaient désignés comme Éthiopiens et l'Éthiopie, nouvelle Sion, était citée à de nombreuses reprises : «Des princes sortiront d'Egypte, l'Éthiopie bientôt tendra ses mains vers Dieu», psaume LXVIII, 31[1]. C'est cette version de la Bible qui a été diffusée dans les colonies britanniques dont les futurs États-Unis et la Jamaïque. De plus, dans sa dimension mystico-religieuse, la dynastie salomonide, qui revendique de descendre de Salomon et de la reine de Saba, est évocatrice pour un chrétien.

En 1896, la victoire d'Adwa fait de Menelik II une figure majeure et de l'Éthiopie un pays indépendant au milieu de l'Afrique colonisée. Au début du XXe siècle, l'Éthiopie jouit d'une aura mystique et puissante pour les populations noires du monde entier, et plus précisément de Jamaïque et de New-York, lieux d'échanges culturels et surtout intellectuels. L'éthiopianisme, avec le sacre d'Haile Selassie, prend une nouvelle forme, une forme humaine. L'anthropomorphisme du pouvoir divin suit un processus classique : le pouvoir est rapproché des dieux et l'assimilation des deux figures commence quelques années après le faste des cérémonies de novembre 1930. Il était ras Tafari Makonnen, il devient Haile Selassie (Pouvoir de la Trinité).

Les changements du début des années 1930

Dès 1933, le Jamaïcain Leonard P. Howell commence à diffuser des photos de l'empereur [2]. C'est à cette date que nous pouvons dater le début du culte associé à Haile Selassie. Leonard P. Howell est souvent considéré comme le premier rasta, il peut être présenté comme tel puisque qu'il est le premier (connu) à avoir divinisé le nouvel empereur, et que c'est cette sacralisation de l'empereur qui fait que les Rastas se considèrent comme tels. Howell sera d'ailleurs arrêté pour discours "séditieux et blasphématoires" et condamné par le pouvoir colonial en 1935 pour avoir «annoncé le retour du Messie».

Après la conquête de l'Éthiopie par l'Italie en 1936, les réactions de la communauté noire mondiale ne se font pas attendre. George Padmore, célèbre intellectuel trinidadien écrit : «La prise brutale de l'Éthiopie, jointe à l'attitude cynique des grandes puissances, convainquit les Africains et les peuples d'ascendance africaine du monde entier que les Noirs n'avaient pas de droits que les Blancs se croiraient obligés de respecter, si ces droits gênaient leurs intérêts impérialistes (...) En constatant ainsi leur manque total de défense contre la nouvelle agression perpétrée en Afrique par des Européens, les Noirs ont jugé nécessaire de s'occuper d'eux mêmes» [3]. Nous retrouvons dans les années 1935-1936 certains des thèmes évoqués au début des années 1920 par l'UNIA (Universal Negro Improvement Association) de Marcus Garvey : séparation raciale forte, retour en Afrique et l'unité des populations noires du monde entier. Garvey a été vu comme un précurseur, mais un précurseur radical.

C'est à Harlem que la communauté noire, caribéenne et issue des États du sud, se mélange et prépare ses réponses à l'agression italienne. Des associations sont créées pour soutenir la cause éthiopienne et défendre la race noire notamment le « Provisionnal Comitee for the Defense of Ethiopia » [4]. C'est logiquement à Harlem que les communautés noire et italienne s'affrontent à l'occasion du match de boxe entre Joe Luis et l'Italien Primo Carnero.


L'EWF, de Bath à New-York

Il est possible de voir dans la création de l'Ethiopian World Federation, l'aboutissement de la politique New-New-yorkaise de rapprochement avec l’Éthiopie et son leader exilé. En effet, c'est le premier pas du gouvernement éthiopien en faveur des populations noires d'outre atlantique. Qu'est ce qui se cache derrière la création de cette association? Encore active aujourd'hui, bien que fragile, cette association est née d'une initiative populaire en 1936 par un ensemble de d'associations noires américaines. Trois délégués furent envoyés à la rencontre de l'empereur à Bath. En réponse, Haïlé Sélassié chargea Melaku Beyen de fonder l'EWF. Ce dernier était l'un des premiers éthiopiens parti faire des études en Amérique, il était donc lui-même un point de liaison entre les deux continents puisqu'il possédait l'apport des deux cultures. On pourrait même parler de trois continents puisque l'Europe avait sa place, en tant qu'agresseur pour l'Italie et acteur pour l'Angleterre. Comme l'indique Joseph Harris, c'était un moment historique, le premier résultat d'une mission entièrement destinée et conduite par des Afro-Américains dans l'objectif de s'opposer à l'agression conduite par une nation européenne sur le sol africain. Melaku créa son propre organe de presse Voice of Ethiopia dont le premier numero sortir en 1937. L'EWF avait inscrit dans sa constitution de Promouvoir l'amour et la bonne volonté entre les Éthiopiens qu'ils soient chez eux ou à l'étranger afin de maintenir l'intégrité et la souveraineté de l'Éthiopie. Impossible de ne pas y avoir un rapport un rapport avec le slogan de Garvey Africans at home and abroad. Le but était clairement de regrouper l'ensemble des forces vives de la planète qui était prête à œuvrer pour l’Éthiopie. Il fallait trouver une aide désintéressée par une autre population qu'européenne. L'objectif de Sélassié et Melaku était de réussir à convaincre des techniciens noirs d'agir en faveur de leur parents noirs africains. L'association a réussi à s'implanter un peu partout En 1940 on trouvait 22 branches actives de l'EWF, dont un certain nombre en Amérique Latine et dans les Caraïbes (Bonacci).

On peut voir dans la création et la réussite de l'EWF la prise de conscience par Sélassié qu'il n'était pas possible de compter uniquement sur les Européens. L'implantation du premier groupe à New-York est symbolique, non pas d'un basculement (le terme est fort) mais d'un léger déplacement des intérêts éthiopiens.


C'est donc le mouvement rasta, à travers la formidable aventure de la musique reggae et du succès planétaire de Bob Marley, qui a popularisé l'Éthiopie en en faisant la nouvelle Sion devenue Zion. Le pays devient idéalisé pour les rastas et il devient la représentation de l'Afrique dans son ensemble... L'importance du reggae dans la diffusion des icônes rasta est primordiale.

Notes et références

  1. Bonacci J. Exodus, l'histoire du retour des Rastafariens en Éthiopie, Scali, Paris, 2008, p. 96
  2. Bureau J. Éthiopie, Un drame impérial et rouge, Ramsay, Paris, 1987. p. 205
  3. Bonacci J., op. cit., p. 165
  4. Provisional Committee for the defense of Ethiopia, p.656



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ethiopianisme de Wikipédia en français (auteurs)

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