Évolution de l'usage des navigateurs Web

Évolution de l'usage des navigateurs Web
Une grossière estimation de la part de marché des principaux navigateurs web en fonction du temps.
Chronologie des navigateurs Web
Part de marché des principaux navigateurs web en fonction du temps depuis 2002.

L'évolution de l'usage des navigateurs internet est l'évolution de l'usage du logiciel de navigation web que les internautes ont observée à travers le temps. Elle est souvent la conséquence d'une compétition entre les compagnies développant ces logiciels pour la domination du marché. Cette évolution a surtout été marquée par le combat entre Internet Explorer et Netscape Navigator (en particulier sur la plate-forme Windows) à la fin des années 1990. Durant les années 2000, le combat marquant a été celui qui oppose Internet Explorer à Mozilla Firefox. L'arrivée récente de Google Chrome a changé la donne et celui-ci est en passe de ravir la seconde place à Firefox.

Sommaire

Historique

L'ère Mosaic

Le World Wide Web a commencé à croître exponentiellement avec l'apparition du navigateur web NCSA Mosaic en 1993. Ce navigateur était gratuit et développé par le National Center for Supercomputing Applications. Il fut le plus utilisé durant un an, jusqu'à fin 1994, avec l'apparition de Netscape Navigator, développé par Netscape Communications Corporation qui a débauché la plupart des développeurs de NCSA Mosaic. Mosaic fut supplanté par Netscape Navigator en quelques mois.

L'ère Netscape

En 1995, alors qu'Internet commence à être connu du grand public grâce au Web et au courriel, Microsoft préparait la sortie de Windows 95 en pensant que l'offre d'Internet était d'une qualité trop inégale pour le grand public. C'est ainsi que Microsoft lança Windows 95 avec The Microsoft Network, un réseau censé concurrencer Internet.

Pendant ce temps, suite notamment à la sortie du langage Java et à son intégration par plugin dans Netscape Navigator, le monde informatique commençait à sérieusement spéculer sur la possibilité de voir le web devenir une plate-forme de développement qui rende la plate-forme sous-jacente, soit le système d'exploitation, donc notamment Microsoft Windows, interchangeable. Cela signifierait que le monopole de fait détenu par Microsoft se transformerait en monopole de fait de Netscape Communications Corporation. En août 1995 Netscape rentra en bourse à 28 dollars et l'action fut immédiatement sujette à une très forte spéculation.

Microsoft, au vu du succès d'Internet et de Netscape, prit conscience du danger et du potentiel du web et créa Internet Explorer 1.0 grâce à l'acquisition d'une licence de Spyglass Mosaic (à ne pas confondre avec NCSA Mosaic).

Internet Explorer 1.0 fut alors inclus dans le Pack Plus Windows 95 en août 1995. La sortie d'Internet Explorer 2.0 trois mois plus tard marqua le début de la guerre. The Microsoft Network fut également pleinement intégré au web.

Netscape contre Internet Explorer

Les versions de Netscape Navigator (Netscape Communicator plus tard) et d'Internet Explorer se succédèrent rapidement durant les quelques années qui suivirent. L'ajout précipité de fonctionnalités prit le pas sur le développement de spécifications techniques concertées, et cette guerre eut comme conséquences des navigateurs instables, de faible respect des standards alors naissants, de plantages fréquents, de failles de sécurité et de beaucoup d'autres problèmes pour les utilisateurs. Internet Explorer ne fut pas compétitif avant la version 3.0 (1996) qui incluait le support de scripts et les premières implémentations commerciales des feuilles de style en cascade.

Internet Explorer 4.0 sortit en octobre 1997. Un logo géant de trois mètres représentant la lettre « e » fut créé à l'occasion de la cérémonie de lancement à San Francisco. Les employés de Netscape découvrirent ce logo géant sur la pelouse de leur lieu de travail le lendemain matin, avec un écriteau « de la part de l'équipe d'IE ». Les employés de Netscape réagirent rapidement et posèrent dessus une maquette géante de leur mascotte, un dragon, tenant une pancarte déclarant « Netscape 72, Microsoft 18 » (pour illustrer les parts de marché).

IE 4 fut un tournant de la guerre des navigateurs. Il était plus rapide et supportait mieux les spécifications du W3C que Netscape Navigator 4.0. Installer Internet Explorer 4.0 était considéré comme une évolution qui permettait par exemple de jouer des fichiers MP3 en arrière-plan.

Durant cette période, il était très fréquent pour les concepteurs de sites web d'afficher des logos « optimisé pour Netscape » ou « optimisé pour Internet Explorer ». Ces logos identifiaient souvent une version précise et proposaient un lien pour télécharger le navigateur « préféré ». D'une certaine façon, ces logos reflétaient une différence entre les « standards » supportés par les navigateurs et précisaient quel navigateur avait été utilisé pour tester les pages. Des défenseurs de la notion selon laquelle les sites web devraient être visibles avec n'importe quel navigateur entamèrent la campagne « visible avec n'importe quel navigateur ».

Microsoft disposait de deux gros avantages dans cette guerre. Le premier était tout simplement lié aux ressources : Netscape a débuté avec 90 % de parts de marché et une bonne dose de bienveillance de la part du public, mais c'était une société relativement petite dont la majeure partie des revenus étaient issue d'un seul produit (Navigator et ses dérivés) ; elle était donc vulnérable financièrement. Le produit financier total de Netscape n'a jamais dépassé les intérêts créditeurs générés par les fonds de caisse de Microsoft.

L'autre avantage de Microsoft, le plus important, était le quasi monopole qu'il détenait sur le marché des systèmes d'exploitation et qu'il put utiliser comme levier afin d'établir IE dans une position dominante. IE était incorporé à chaque copie de Windows ; Microsoft a ainsi été capable d'augmenter ses parts de marché bien que les premières versions de IE aient été sensiblement moins performantes que Netscape. De plus, IE restait gratuit tout en profitant des énormes recettes de Windows pour son développement et son marketing. IE a ainsi pu se développer rapidement jusqu'à être équivalent à Netscape, ce qui a alors incité à l'utiliser directement au lieu de télécharger et installer Netscape.

D'autres actions de Microsoft ont aussi été préjudiciables à Netscape, par exemple :

  • Le modèle économique de Netscape consistait à offrir le navigateur, mais à vendre des applications serveur. Microsoft, ayant compris cela, attaqua Netscape sur ce terrain en fournissant le serveur web de Microsoft Internet Information Services « gratuitement » avec les versions serveur de Windows, et en offrant à ses clients des clones des serveurs proxy de Netscape, des serveurs de courriel, des serveurs de nouvelles et d'autres applications gratuites ou à prix cassés. Cela eut peu d'effet au début, car la plupart des recettes de Netscape venaient de la clientèle des serveurs de Sun Microsystems, mais popularisa progressivement Windows NT comme serveur Internet ou Intranet, supprimant ainsi les revenus de Netscape. En outre, Microsoft interdit d'utiliser une version personnelle de Windows pour servir un nombre non négligeable de postes clients, ce qui revient à interdire l'usage des serveurs HTTP concurrents sur une version de Windows moins chère que la version serveur qui contient IIS.
  • Microsoft créa des contrats de licence avec les fabricants d'ordinateurs, exigeant qu'ils placent une icône sur le bureau pour IE, et les pénalisant s'ils préinstallaient Netscape sur leurs ordinateurs.
  • Microsoft facilita pour les petits et moyens fournisseurs d'accès Internet la réalisation de versions personnalisées d'Internet Explorer, ce qu'ils firent, sauf rares exceptions ; les utilisateurs étaient ainsi encouragés à utiliser IE et pas Netscape.
  • Microsoft créa un contrat de licence avec AOL pour baser l'interface principale d'AOL sur IE plutôt que sur Netscape.
  • Microsoft acquit et sortit un éditeur WYSIWYG de sites web, Microsoft FrontPage, qui avait tendance à créer des pages ayant une meilleure apparence sous IE.
  • Microsoft incorpora dans IE le support des CSS et rendit IE plus tolérant que Netscape au mauvais HTML (comme celui généré par les éditeurs WYSIWYG). Certains concepteurs trouvaient plus simple d'écrire leur pages uniquement pour IE que de corriger le mauvais HTML ou de supporter la couche d'extensions de Netscape.
  • Ces actions eurent pour effet de « couper l'alimentation d'air de Netscape », comme l'a déclaré un cadre de Microsoft durant le procès antitrust de Microsoft (qui aboutit à la condamnation de Microsoft pour avoir utilisé sa position monopolistique en vue de manipuler le marché). Combiné à plusieurs mauvaises décisions commerciales de Netscape, cela provoqua la chute de son navigateur fin 1998, après quoi la société fut rachetée par America Online pour 4,2 milliards de dollars US. Internet Explorer devint le nouveau navigateur dominant — plus que Netscape à son apogée — puisqu'il atteignait à cette époque 96 % du marché des navigateurs.

L'ère Internet Explorer

La guerre des navigateurs prit fin lorsque IE cessa d'avoir des concurrents sérieux. Cela entraîna également la fin des innovations dans le navigateur web dominant : il n'y eut pas de nouvelle version d'Internet Explorer entre 2001 (version 6.0) et 2006 (version 7).

Une seconde guerre des navigateurs ?

Fin 2004, la guerre a été relancée suite à la sortie du navigateur Firefox qui est basé sur le moteur Gecko du navigateur de Netscape, projet lancé par des anciens employés de Netscape, rejoints par une communauté de développeurs code source libre se structurant autour de la Fondation Mozilla. En septembre 2007, après plus de 400 millions de téléchargements, Firefox a augmenté ses parts d'utilisation par rapport à IE. En Europe ce chiffre est de près de 27,7 % (le plus fort taux est de 45,4 % en Finlande) et en Océanie il a passé les 30 %[1].

En 2006, Microsoft n'ayant toujours pas mis à jour IE et son obsolescence commençant à agacer les développeurs web et les responsables de sécurité, des navigateurs alternatifs modernes, respectueux des standards et sécurisés tels que Firefox, Konqueror, Safari et Opera font leur apparition dans les statistiques des sites web.

Alternatives

Du côté de Konqueror et Safari, l'épisode des contributions de code par Apple à KHTML semble se diriger vers une convergence avec WebKit, utilisé également par le navigateur mobile de Nokia.

Dans le marché des mobiles et assistants, Opera semble se tailler la part du lion. D'autres initiatives existent dont Firefox Mobile de la Fondation Mozilla.

La réponse de Microsoft

Microsoft riposte en annonçant qu'Internet Explorer 7, qui initialement ne devait être qu'une version renommée de la version 6 pour Windows Vista, fonctionnerait également sur Windows XP et serait une évolution majeure.

IE7, sorti en octobre 2006 intègre donc beaucoup de fonctions jugées essentielles, comme la navigation par onglets ou un moteur de recherche à droite de la barre de navigation. Il ne comble qu'une partie des retards acquis au cours des années précédentes, mais bénéficie toujours de son monopole sur le poste de travail.

Entrée de Google

En 2008, Google présente Google Chrome, qui selon AT Internet Institute (anciennement XiTiMonitor)[2] atteindra une part de marché, en Europe, proche de 2 % le jour de sortie, puis descendra et se stabilisera les jours suivants autour de 1 %. Google propose ainsi un navigateur qui tranche radicalement par rapport aux existants, présentant une interface dépouillée et une meilleure rapidité. Chrome possède désormais 12,2 % de parts de marché, se plaçant devant Safari (4,56 %), atteignant ainsi la troisième place, derrière IE (49,37 %) et Mozilla Firefox (31,27 %).

Le rythme soutenu de la croissance des parts de marché de Google Chrome obligea Microsoft à revoir sa copie et à annoncer IE9, qui a une interface copiée sur Google Chrome, ainsi que Mozilla avec Mozilla Firefox 4.

Selon Statcounter, Mozilla Firefox serait en décembre 2010 le navigateur le plus populaire en Europe (38,1 % des utilisateurs), devançant désormais Internet Explorer (37,5 %) et Google Chrome (14,6 %)[3].

Les parts de marché des navigateurs Web (septembre 2011 - mettre à jour)
Source Internet Explorer
Microsoft
Firefox
Mozilla
Chrome
Google
Safari
Apple
Opera
Opera Software
Autres
Statcounter (Monde) 41,66 % 26,79 % 23,61 % 5,60 % 1,72 % 0,62 %
Statcounter (Europe) 34,87 % 33,04 % 22,10 % 5,56 % 3,78 % 0,66 %
Statcounter (France) 39,64 % 32,70 % 19,01 % 7,07 % 0,98 % 0,60 %
AT internet institute (Europe - Août 2011) 44,8 % 28,1 % 15,1 % 9,1 % 2,2 % 0,7 %
Net Applications (Monde) 54,39 % 22,48 % 16,20 % 5,02 % 1,67 % 0,24 %
W3Counter (Monde) 35,1 % 26,1 % 20,9 % 6,0 % 2,4 % 9,5 %

Conséquences

La guerre des navigateurs a encouragé deux attitudes spécifiques parmi ses protagonistes.

  1. Fonctionnalités contre bogues : Un navigateur Web se doit d'avoir plus de fonctionnalités que la concurrence, ou alors il sera considéré comme « dépassé ». Du fait d'effectifs souvent limités, les programmes étaient souvent livrés dans le passé avec des bogues importants.
  2. Respecter les standards contre en créer d'autres : Un navigateur était supposé suivre les standards fixés par les comités indépendants (par exemple en adhérant aux spécifications du HTML). Mais la compétition et l'innovation ont amené à ce que les navigateurs étendent ces standards, sans attendre l'approbation des comités, comme par exemple l'ajout du VBScript ou de balises <MARQUEE>. Ce genre de nouvelles balises ne fonctionnent qu'avec le navigateur qui les implémente, et peuvent donc ne pas fonctionner avec tous les navigateurs.

Les standards du Web ont par la suite été affaiblis à cause de la domination d'une seule société sur le marché des navigateurs. Plusieurs standards ne sont pas bien supportés par Internet Explorer, comme les évolutions des feuilles de style en cascade (CSS), le format d'image PNG, et le XHTML. Cela a pour effet une stagnation du développement du Web et l'utilisation de techniques inutilement complexes (comme l'abus des tableaux pour la mise en page, alors qu'il est préférable d'utiliser les feuilles de style). Beaucoup de développeurs Web écrivent également leurs pages afin qu'elles fonctionnent avec les idiosyncrasies d'Internet Explorer plutôt que de coller aux standards, et cela signifie que les pages ne peuvent être vues correctement qu'avec IE.

En plus de cela, IE a implémenté plusieurs extensions propriétaires, rendant beaucoup de pages incompatibles avec les autres navigateurs ou plates-formes (le VBScript et les ActiveX en sont des exemples, ainsi que les techniques DHTML spécifiques à Microsoft (qui sont clairement antérieures au standard DOM officiel, mais restent néanmoins utilisées). L'adoption quasi-universelle d'Internet Explorer a également été facteur du succès massif des vers informatiques, qui exploitent ses failles logicielles pour se propager, car plus il y a de machines exposées, plus le ver aura de facilité à infecter des machines. Un logiciel utilisé par beaucoup est plus fréquemment cible de pirates informatiques, qu'il s'agisse d'IE ou, à moindre échelle, de Firefox.

Enfin, comme le nom Internet Explorer comporte le mot « Internet », beaucoup d'utilisateurs inexpérimentés peuvent être trompés et assimiler le navigateur à Internet lui-même, ce qui rend difficile l'idée de changement de navigateur. À ce titre, la version d'Internet Explorer incorporée à Windows 95 se lançait du « bureau » par une icône intitulée « Internet ». Or, Internet est un réseau de réseaux d'ordinateurs, alors que les navigateurs ne sont que des clients pouvant accéder à un aspect particulier d'Internet, le World Wide Web.

La compétition à l'heure actuelle

Navigateur le plus utilisé par pays, en septembre 2011 :
     Internet Explorer      Firefox      Google Chrome      Operaselon Statcounter.

En 1998, les développeurs de Netscape ont libéré le code source de Navigator, en le renommant « Mozilla ». Mozilla a par la suite été réécrit entièrement et amélioré sous plusieurs angles. En 2002, Mozilla a atteint la version 1.0 et est devenu populaire dans la communauté du logiciel libre. Plusieurs produits dérivés ont été créés, parmi lesquels Firefox, le navigateur multi-plateforme allégé de Mozilla. Mozilla et les navigateurs issus de Mozilla ont créé une niche en expansion dans le marché des navigateurs.

Le navigateur du monde Unix Konqueror fait partie du projet KDE et est en concurrence avec Mozilla sur les systèmes Unix. KHTML, le moteur de Konqueror a également été utilisé par Apple pour son navigateur Safari, qui est maintenant le navigateur par défaut sur Macintosh. Prévu pour Konqueror, KHTML permet à toutes les autres applications KDE d'afficher une page HTML voire d'embarquer un mini navigateur en quelques lignes de code, et plusieurs applications qui ne sont pas des navigateurs à la base s'en servent. Le lecteur de musique Amarok affiche par exemple la biographie présente sur Wikipédia de l'artiste ou du compositeur du morceau écouté. Cette idée a été reprise par Apple, et exploitée par des navigateurs concurrents de Safari (OmniWeb) ou d'autres programmes Macintosh.

En 2003, Microsoft annonçait qu'Internet Explorer 6.0 SP1 serait la dernière version indépendante de son navigateur et que les améliorations futures dépendraient de la prochaine version de Windows, dont le nom fut Microsoft Windows Vista. Windows Vista inclut de nouveaux outils comme Windows Presentation Foundation et le XAML (un langage XML propriétaire) qui permettra aux développeurs de créer des applications web extensibles, et que l'on peut approximativement comparer au concept multiplate-forme de Mozilla, le XUL (XML-based user interface language).

Opera dispose d'une petite part sur le marché des micro-ordinateurs, mais est un navigateur populaire sur les appareils mobiles, comme les smartphones, et les consoles de jeu Nintendo (comme la Wii ou la Nintendo DS ou encore la Nintendo DSi). Initialement payante sous la forme d'un partagiciel, puis financée par un bandeau publicitaire ou l'achat d'une licence, sa version PC est devenue totalement gratuite et sans publicités en septembre 2005.

Notes et références

Annexes

Articles connexes

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Évolution de l'usage des navigateurs Web de Wikipédia en français (auteurs)

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