Flétrissure

Flétrissure

La flétrissure est un peine afflictive et infamante d’Ancien Régime, consistant en une marque au fer rouge sur le condamné. Le caractère infamant tenait en partie au marquage en place publique. La flétrissure était plus grave que le blâme, l’amende honorable, l’exposition publique et le fouet, mais se situait en-dessous de la mutilation, des galères, du bannissement et de la question. Son caractère permanent lui donnait un caractère stigmatisant recherché par les juridictions[1].

Le fer servant à marquer les condamnés prenait la forme d’une fleur de lys en France.

L'identification des criminels a toujours été une préoccupation des services de police. Bien avant les fiches signalétiques modernes, les moyens de répertorier les marginaux, hors-la-loi et d'une manière générale toute personne mise au ban de la société, que cette exclusion soit une volonté de l'individu lui-même ou le fait d'une condition particulière, un code de marques extrêmement recherché, sorte de crécelles visuelles, fut mis en place dès l’Antiquité[réf. nécessaire].

Sommaire

Prostitution

Fleurdelysage

L'exemple le plus parlant, à ce titre, est celui des prostituées, dont le statut n'a cessé de glisser entre des frontières incertaines, du légal au toléré, du toléré au réprouvé et du réprouvé à l'illégal. Très tôt, au Moyen Âge et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, la répression s'abat sur la prostitution. Poursuivies, condamnées puis marquées, au nom de considérations religieuses, les femmes convaincues de « crime de putanisme » se voient affligées, non seulement d'une pièce de vêtement rayée jaune et rouge en bordure de leur robe, dénotant le déshonneur légal (rayure insultante qui fut, au reste, tout aussi valable pour tous les métiers et conditions considérés comme infamants : acteurs, saltimbanques, bouffons, idiots du village,etc) que de flétrissure corporelle.

En 1485, les filles publiques ont le nez coupé et sont marquées d'un P sur le front, le bras ou la fesse. Leurs maquerelles subissent le même supplice et sont identifiées de la lettre "M" aux mêmes endroits, assortie d'une fleur de lys [note 1] Le roi français Charles IX les met hors-la-loi par édit royal : « Que toutes filles de joie et femmes publiques deslogent de nostre dite cour, dans ledit temps, sous peine de fouet et de la marque (...) » A la mutilation s'ajoute l'humiliation publique : sous Louis XIV, filles à soldats et maquerelles sont promenées à travers la ville sur un âne et fustigées publiquement, parfois portant un écriteau dénonçant leur condition en termes rien moins que châtiés (ainsi le cas de Marie-Jeanne Deduyer condamnée à Brest en 1713[2] ).

Marque de propriété

La marque qui punit et condamne à l'opprobre n'est certes pas l'apanage du pouvoir officiel. Les lois du Milieu sont tout aussi dures à l'égard de celles que les criminels veulent humilier, châtier mais principalement identifier de façon indélébile. Les souteneurs ont fréquemment immatriculé les femmes qu'ils prostituaient du nom de leurs maîtres, et ce dans les bas-fonds de l'Europe entière.

Consulat

La flétrissure est abolie par le Code pénal de 1791, puis rétablie en 1801 sous le Consulat pour les cas de récidive des faussaires et pour les menaces d’incendie. Consacrée dans le Code pénal de 1810, elle sera systématiquement appliquée, associée aux peines perpétuelles et aux travaux forcés.

Arméniennes réfugiées en Syrie

Un article de 1930 dénonce cette pratique subie par des Arméniennes réfugiées en Syrie, afin de les reconnaître rapidement et de les empêcher de reprendre leur liberté[réf. nécessaire].

« Elles sont vendues de traitant à traitant et marquées par leurs maîtres successifs. Les marques changent selon le désir du maître ou suivant son origine kurde ou arabe. Tantôt le tatoueur dessine des losanges, tantôt des croix, des points, des étoiles, des quartiers de lune. Les endroits tatoués sont en général les plus visibles (mains, front, joues, cou ou lèvres) mais les seins, le ventre sont aussi touchés ».

Que ce soit en Syrie ou ailleurs, les prostituées désireuses de se libérer du joug de leur « protecteur » risquent de subir des représailles : la célèbre « croix des vaches » punit celles qui ont « manqué » à la loi du Milieu, autrement dit qui ont trahi. Cette Croix-des-vaches, tracée sur les joues au couteau, au rasoir et même à l'aide d'un morceau de sucre (pour retarder la cicatrisation) est conçue pour défigurer celle qui la porte, mais plus encore l'exclut en la désignant comme traître[3].

Seconde guerre mondiale

Pire encore que la « justice » légale ou celle en cours dans le Milieu, le jugement populaire est impitoyable, rapide et même expéditif, notamment lors de l'épuration qui eut lieu en France en 1944. S'éloignant du milieu de la prostitution, toutes les femmes suspectées d'avoir eu des relations coupables avec l'occupant – et d'une manière générale, tous ceux, hommes compris, accusés de collaboration – sont tatoués, scarifiés, brûlés au fer suivant le gré de l'imagination des justiciers improvisés. Nombre sont tondu(e)s devant la foule en colère. Un témoin de Sarlat note que « Nues jusqu'à la ceinture, une croix gammée douloureusement tatouée sur la poitrine, elles sont promenée à travers la ville ».

Autre flétrissure de sinistre mémoire, les Feld-Hure (littéralement, putains pour officiers), la Division de la joie destinée au repos des officiers nazis en camps de concentration. Ces femmes, outre le traumatisme du numéro tatoué sur l'avant-bras et du crâne rasé, sont marquées à vie, sur la poitrine, de cette appellation.

Articles connexes

Bibliographie

  • Caruchet William, Bas-fonds du crime et tatouages', Monaco, Éditions du Rocher, 1981


Notes et références

  1. le " fleurdelysage " était également appliqué aux galériens, en tant "qu'esclaves du roi"
  1. Jean-Sébastien Jolin Gignac, Les peines et les châtiments, mis en ligne le 20 septembre 2005, consulté le 15 juillet 2010
  2. Caruchet William, Bas-fonds du crime et tatouages, Monaco, Éditions du Rocher, 1981
  3. 'croix-des-vaches, définition


Liens externes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Flétrissure de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • flêtrissure — 2. (flé tri su r ) s. f. 1°   Terme de justice criminelle. La marque d un fer chaud. 2°   Fig. Grave atteinte à la réputation, à l honneur. Un pareil soupçon est une flétrissure morale. •   Une longue préface où je marque en détail toutes les… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • flétrissure — 1. (flé tri su r ) s. f. Altération de la fraîcheur et de l éclat des fleurs, des couleurs, du teint, de la beauté, etc. HISTORIQUE    XVIe s. •   ....Et sans sejourner, de peur de la flestrisseure, jetterés vos neffles dans l eau bouillante, O.… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • flétrissure — 1. flétrissure [ fletrisyr ] n. f. • XVe; de 1. flétrir 1 ♦ État d une plante flétrie. 2 ♦ Littér. Altération de la fraîcheur, de l éclat (du teint, de la beauté). Les flétrissures de l âge. ⇒ flétrissement. ♢ Fig. « un chant si pathétique et si… …   Encyclopédie Universelle

  • FLÉTRISSURE — s. f. L altération qui arrive à la fraîcheur et à la vivacité des fleurs et des couleurs, ou à la beauté et à la délicatesse du teint, de la peau. La flétrissure des fleurs, des fruits. Le temps n a pas causé la moindre flétrissure à la beauté de …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • FLÉTRISSURE — n. f. Altération que subissent la fraîcheur et l’éclat des fleurs. La flétrissure des fleurs. Par analogie, il se dit de l’Altération que peuvent subir certaines parties du corps humain. La fraîcheur de son teint n’a subi nulle flétrissure …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • Majorité sexuelle sur le continent européen — Carte montrant l âge de la majorité sexuelle dans le monde. La majorité sexuelle est l âge à partir duquel un mineur civil peut entretenir une relation sexuelle avec un adulte sans que cet adulte commette une infraction pénalement réprimée. Les… …   Wikipédia en Français

  • infamie — [ ɛ̃fami ] n. f. • mil. XIVe; lat. infamia → infâme 1 ♦ Vx ou dr. Flétrissure sociale ou légale faite à la réputation de qqn. ⇒ déshonneur, honte. Couvrir qqn d infamie. « N ai je donc tant vécu que pour cette infamie ? » (P. Corneille). « Je… …   Encyclopédie Universelle

  • souillure — [ sujyr ] n. f. • 1630; soilleüre v. 1280; de souiller 1 ♦ Rare Marque laissée par ce qui souille (1o); saleté, tache. Les Grecs « se purifiaient tous, et ils jetaient leurs souillures dans la mer » (Leconte de Lisle). 2 ♦ Fig. et littér.… …   Encyclopédie Universelle

  • infâme — [ ɛ̃fam ] adj. • 1335; lat. infamis, de fama « renommée » 1 ♦ Vx Qui est bas et vil. « Qui m aima généreux me haïrait infâme » (P. Corneille). N. m. Allus. littér. « Écrasez l infâme » (Voltaire), la superstition, l intolérance. ♢ Littér.… …   Encyclopédie Universelle

  • Bagne De Toulon — Le bagne de Toulon fut un établissement pénitentiaire, aujourd’hui disparu, situé à Toulon (Var). Pouvant loger plus de 4000 forçats, il fut le bagne le plus grand, et aussi le plus longtemps ouvert, de 1748 à 1873, cessant d exister avec la… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”