Histoire de Bordeaux

Histoire de Bordeaux

Cet article présente les faits saillants de l'histoire de la ville de Bordeaux en France.

Sommaire

L'Antiquité

Article détaillé : Burdigala.

Les dernières recherches en archéologie indiquent que la fondation de Bordeaux remonte au moins au Ve siècle av. J.‑C.. En effet, une première agglomération a été décelée dès cette époque au bord de la Garonne sur la rive gauche de la Devèze. Une hypothèse avance que la région aurait dépendu au Ier siècle av. J.‑C. de la tribu des Santons qui l'auraient accordée aux Helvètes lors de leur projet de migration. Cette migration fut le prétexte de la Guerre des Gaules. L'autorité romaine l'aurait donnée ensuite comme chef-lieu aux Bituriges Vivisques, fraction des Bituriges[N 1], qui se seraient donc installés sur le site[1] après la conquête de César. Mais l'autre hypothèse avancée est l'installation au IIIe siècle siècle avant Jésus-Christ d'un groupe de la puissante tribu gauloise des Bituriges venus contrôler le commerce de l'étain[2]. On est alors au IIIe siècle av. J.‑C. ; Burdigala[N 2],[N 3] en latin. Les Bituriges Vivisques (littéralement « Bituriges déplacés »)[réf. souhaitée][N 4], sont un peuple gaulois issu de la région de Bourges qui contrôlait, depuis le port intérieur, le trafic de l'étain amené d'Armorique et de Bretagne (Grande Bretagne). Ils plantent des vignes sur les bords de la Garonne et introduisent un cépage d’origine albanaise, résistant au climat océanique et aux conditions géologiques de la région, la « biturica ».
Le premier emplacement est situé à l'embouchure de la Devèze, un affluent de la Garonne, proche de la Gironde. La naissance de Bordeaux n'est pas liée aux qualités du site, car, ville d'embouchure située sur une avancée du plateau landais, elle est longtemps cernée de marais pestilentiels. C'est précisément ce sens de « marais boueux » que conserve encore de nos jours une rivière appelée Eau Bourde passant au sud de la ville.

En 56 av. J.-C., est accueilli à Bordeaux le lieutenant de César, Publius Crassus et, en 52 av. J.-C., Bordeaux accueille le premier urbanisme romain. Le cardo et le decumanus (aujourd'hui rue Sainte-Catherine et rues Porte Dijeaux et St Remy, et cours de l'Intendance) sont tracés et l'on construisit des aqueducs, des temples, un amphithéâtre et une curie. Bordeaux est à l'époque un emporium, c'est-à-dire un comptoir de commerce, contrôlant les routes de l'étain et du plomb entre les ports gaulois de la Loire et la République romaine.
Elle est érigée en civitas administrée par un collège de magistrats.

En 28 av. J.-C., la ville est l'une des quatorze cités de la Gaule aquitaine.

Burdigala se développe et finit par devenir une des villes les plus opulentes de la Gaule. Entre 40 et 60 sont implantés sur les coteaux nord de la rive gauche les premiers plants de vigne à l'origine du vignoble bordelais. Il semble que sous Vespasien elle passe du rang de cité pérégrine stipendiaire à celui de municipe de droit latin2. En 70, elle est déclarée par cet empereur capitale administrative de la province romaine d’Aquitaine qu'elle ravit à Mediolanum Santonum (Saintes). La ville est particulièrement prospère sous la dynastie des Sévères (193-235), elle englobe alors le mont Judaïque, actuel quartier Saint-Seurin. De cet âge d'or datent des monuments illustres dont le forum (Piliers de Tutelle) et le Palais Gallien (amphithéâtre pouvant contenir 15 000 personnes sur ses gradins en bois).

La ville est victime de la révolte de l'empereur des Gaules, Tetricus (271-273/274), puis des troubles des Bagaudes.

Durement frappée par les invasions barbares de 276 (la ville est pillée et incendiée), la cité édifie (selon le tracé actuel des cours d'Alsace-Lorraine, de la rue des Remparts et des cours du Chapeau Rouge et de l'Intendance) un castrum qui est construit en 286. Il s'agit d'une enceinte de 740 m sur 480 dont les murs ont une hauteur de 10 m et une largeur de 5 m.
On reconstruit également le port intérieur dans lequel s'écoule la Devèze par 26 bouches de bronze.
La ville continue à briller pendant près d'un siècle, grâce au commerce de suif, de cire, de poix et de papyrus.
Elle s'illustre par ses poètes chrétiens (Ausone, 309-394) et ses saints (saint Paulin de Nole, 353-431).

Le Moyen Âge

Au IVe siècle, la ville est christianisée par saint Hilaire et saint Martin[réf. nécessaire]. Elle devient la métropole de l’Aquitaine Seconde (370-508) et connaît les premières hérésies (priscillianisme). Cette période de prospérité de Burdigala est interrompue par différentes invasions : les Alains, les Suèves et les Vandales en 409, les Wisigoths d’Athaulf en 414 et les Francs en 498.

Le VIIe siècle marque un temps fort dans l’organisation paroissiale de Bordeaux avec la fondation des églises Saint-Rémy, Saint-Pierre et Saint-Siméon.

L’émir Abd al-Rahman remporte la bataille de Bordeaux et pille la ville en 731, puis Charles Martel la conquiert sur Eudes d'Aquitaine en 735[3].

Au Xe siècle, Ibrahim ibn Ya'qub marchand andalou envoyé par le Calife Omeyade de Cordoue décrit la ville en ces termes :

Burdhil[Bordeaux]. Ville du côté de la France, riche en eau, en fruits et en céréales. La plupart des habitants sont chrétiens. Elle a des bâtiments élevés construits sur d'énormes colonnes. Sur son rivage, on trouve de l'ambre de bonne qualité. On raconte que lorsque l'hiver est très rigoureux et leur interdit de naviguer, les gens se rendent dans une île proche, nommée Anwâtâ (l'île du Médoc), où il y a une espèce d'arbre appelée mâdiqa(medica). En cas de famine, ils écorcent cet arbre et trouvent entre le liber et le bois une substance blanche (l'aubier) dont ils se nourrissent pendant un mois, deux mois ou même plus, jusqu'à ce que le temps s'améliore. Il y a un mont dominant la ville et l'Océan, avec une statue au sommet, comme pour dire aux gens de ne plus s'aventurer sur l'Océan, afin que ceux qui quitteraient Burdhil pour prendre la mer y renoncent.[4].

À la fin du IXe siècle, la ville est pillée par les Normands : une bande menée par le chef viking Hasting[5] met le siège fin 847. Le roi d’Aquitaine Pépin II ne fait rien pour aider la ville, et c’est Charles le Chauve qui détruit une flottille de neuf drakkars sur la Dordogne, mais ne peut faire lever le siège. Bordeaux est prise en février 848 ; néanmoins, les Grands d’Aquitaine élisent Charles le Chauve roi d’Aquitaine le six juin[5].

La ville participe aux révoltes des ducs d’Aquitaine et est soumise par Pépin le Bref en 768, puis, en 778, par Charlemagne qui en fait la capitale du royaume d'Aquitaine et celle d’un comté rattaché d'abord au duché de Gascogne (de 852 à 1032), puis du duché d'Aquitaine sous les autorités successives des comtes de Poitiers, (de 1032 à 1137), et des Capétiens, (de 1137 à 1152).

La cathédrale Saint-André est consacrée en 1096.

Il faut attendre le XIIe siècle pour que Bordeaux retrouve sa splendeur. En effet, suite au mariage d’Aliénor d'Aquitaine, ancienne épouse de Louis VII, avec Henri II Plantagenêt en 1154, la ville est alors rattachée à la couronne anglaise. Elle le reste pendant trois siècles, tout comme l’Aquitaine qui, prononcée à l’anglaise, devient la Guyenne.

Bordeaux s’agrandit et de nouvelles enceintes sont édifiées : en 1227 au sud, pour protéger les quartiers neufs (rue Neuve, la Rousselle, ...) ; en 1327, pour intégrer les nouveaux faubourgs (Sainte-Croix, Sainte-Eulalie, Saint-Michel). Les paroisses de Saint-Michel et de Saint-Pierre se peuplent alors d’artisans (forgerons, charpentiers ou fustiers) laissant leur nom aux rues des Faures et de la Fusterie.

Au-delà des remparts, se développe le bourg de Saint-Seurin, et apparaît au nord, au bord de la rivière, le couvent des Chartrons. Durant cette période, de nombreuses congrégations religieuses se sont installées à l'abri de la nouvelle enceinte : les Carmes, les Menuts, les Augustins au sud, les Jacobins au nord.

Le roi d'Angleterre, Jean sans Terre, octroie la création de la Jurade de Bordeaux qui reçoit le monopole du pouvoir municipal.

En 1295, Philippe le Bel occupe temporairement la ville, mais Bordeaux reste hors de son autorité.

C'est au cours du XIIIe siècle que Bordeaux redevient prospère grâce au commerce du vin avec l’Angleterre. C'est à cette époque que la cathédrale Saint-André et la Grosse cloche sont construites. L’archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, devient pape sous le nom de Clément V en 1305. De 1362 à 1372, sous le règne du Prince Noir, vice-roi au nom de son père, Bordeaux devient capitale d’un état quasi-indépendant, mais le prince doit renoncer à son projet d'ériger la Guyenne en état souverain.

En 1403 la ville est partiellement incendiée par une escadre franco-espagnole.

Le 29 juin 1451, Charles VII occupe la ville qui est reprise par l'Anglais John Talbot en 1452.

En 1453, suite à la bataille de Castillon, la ville redevient une possession française et la guerre de Cent Ans s'achève. Mais la ville n’apprécie guère la tutelle du roi de France. Charles VII décide en 1495 de faire de Bordeaux, restée assez anglophile, une ville royale et d’y faire édifier plusieurs forteresses pour dissuader les bordelais de se révolter contre la monarchie : le fort Louis au sud, le fort du Hâ pour défendre la ville des attaques venant du sud et de l’ouest, et le château Trompette pour la protéger du côté de la Garonne. Le commerce du vin avec l’Angleterre s’arrête et la ville perd alors sa prospérité. En 1462, le roi Louis XI rend ses libertés à la ville en lui donnant un parlement.

L'époque moderne

Au XVIe et au XVIIe siècle : agitations et lente intégration au royaume de France

Le début de la période moderne coïncide pour la ville de Bordeaux au basculement de la domination anglaise vers la domination française (1453). C'est une époque de profonds bouleversements dans tous les domaines :

  • dans le domaine politique, les larges libertés obtenues par la municipalité lors de la période anglaise sont confrontées à la mise en place d'un État puissant dans le royaume de France
  • dans le domaine économique, les relations privilégiées avec l'Angleterre, notamment dans la vente du vin, sont fragilisées
  • dans le domaine culturel, la ville participe aux évolutions de la Renaissance avec le développement de l'humanisme (illustré par Montaigne et La Boétie) et la division du christianisme (importance des guerres de religion dans le sud-ouest de la France)

Cela explique l'agitation que connaît la cité bordelaise durant les deux premiers siècles de la période moderne :

  • Pendant les luttes de la Fronde entre la noblesse française et le roi, les bourgeois bordelais forment l'Assemblée de l'Ormée. Ce n'est qu'en 1653, que Bordeaux est soumise par les armes et que le jeune Louis XIV y fait une entrée solennelle.
  • En 1675, les parlementaires laissent se développer la révolte du papier timbré, provoquée par une hausse des impôts. Le Parlement est exilé plusieurs années à Condom, et la ville doit loger à ses frais plusieurs régiments. Alors que la fonction de commissaire de police est supprimée après cette révolte, progressivement, une « police de proximité » se met en place, comme à Paris et à Toulouse[8]. En effet, depuis le XVIe siècle à Bordeaux, les jurats ont créé la fonction de « dixainier », chargés de dénoncer au Jurat les contravention aux ordonnances de police (« pour le nettoiement des rues, le port d'armes, et tardivement la déclaration des étrangers » à la ville[9]). Depuis une ordonnance royale du 5 mai 1674, les dixainiers doivent veiller à ce que les habitants et hôteliers déclarent bien au Jurat les étrangers qu'ils hébergent[9].

Le XVIIIe siècle : siècle d'or et système colonial

Plan de Bordeaux et de ses environs, par Hippolyte Matis (1716-1717)

Bordeaux connaît son second apogée du milieu du XVIIe siècle jusqu'à la Révolution française. Cette prospérité provient à nouveau de son port, qui va devenir le premier port du royaume. Ainsi, la ville compte 40 000 habitants en 1700, ce qui en fait l'un des centres urbains les plus importants du royaume[8]. La ville commerce le vin, mais aussi le sucre colonial et les esclaves.

Article détaillé : Traite négrière à Bordeaux.

Au même titre que Nantes, La Rochelle, Lorient, Marseille et bien d'autres, elle devient en effet un centre négrier et permet à certaines grandes familles de négociants de s'enrichir grâce au commerce triangulaire. En 1571, le Parlement de Bordeaux s'était pourtant prononcé contre l'esclavage. Il existait une forte tradition humaniste à Bordeaux dont le plus célèbre représentant fut Montaigne. En 1548, Étienne de La Boétie, membre du Parlement de Bordeaux, avait rédigé un des premiers textes anti-esclavagistes européens, « Le discours de la servitude volontaire ». La traite des noirs, déjà initiée par les grandes compagnies portugaises ou anglaises notamment, va se développer peu à peu en France. La place privilégiée du port de Bordeaux va susciter la convoitise de riches familles de négociants qui vont vouloir s'enrichir grâce à la traite. Ainsi, nombreux vont être les aventuriers qui vont s'installer dans la ville de Bordeaux en ce sens. La plupart sont originaires du Portugal, d'Irlande ou de la région du Tarn. Les plantations esclavagistes de la partie française de Saint-Domingue appartiennent aussi en grande partie à ces riches nouveaux Bordelais. Bordeaux se hisse ainsi, en 1743, au rang de cinquième port [réf. nécessaire]négrier français à égalité avec Le Havre. Il est encore bien loin - avec moins de cinquante navires depuis le début du siècle - du colosse nantais, qui expédie cette année-là son cinq centième navire vers les côtes guinéennes [réf. nécessaire].

La peste de Marseille, en 1720, conduit Bordeaux à prendre des mesures de précaution, tandis que sa population élevée soulève des problèmes d'ordre public.

Les archevêques, les intendants et les gouverneurs installés par le roi, embellissent la ville, assèchent les faubourgs marécageux et insalubres et aménagent les anciens remparts. Les intendants Claude Boucher et Louis-Urbain-Aubert de Tourny font, à moindre échelle, ce que fit cent ans plus tard le baron Haussmann à Paris. L'architecte André Portier construit, à la place des portes fortifiées de la vieille ville, des arcs de triomphe majestueux comme la Porte d'Aquitaine (place de la Victoire), la porte Dijeaux (place Gambetta/ Rue Porte Dijeaux), la porte de la Monnaie (quai de la Monnaie) ou encore la porte de Bourgogne (place Bir-Hakeim). La ville se dote également d'un opéra construit par Victor Louis.

À la demande de Tourny, l'architecte de Louis XV, Ange-Jacques Gabriel, crée le Jardin public, voulu comme un espace vert et un haut lieu de promenade qui rencontre très vite la faveur des Bordelais. Gabriel construit aussi la vitrine de la ville : la place de la Bourse, alors appelée place Royale, magnifique ensemble XVIIIe siècle de type versaillais, qui donne sur les quais`. Elle sert dans un premier temps d'écrin à la statue équestre du roi Louis XV, statue fondue en 1792 et remplacée en 1869 par la fontaine des Trois Grâces, réalisée d'après des plans de Louis Visconti[10].

La flèche Saint-Michel est construite.

Commence à cette époque l'ascension du sieur Pufeder (possiblement de la même famille que François Pufeder, maréchal des logis de la ville à partir de 1617, puis commissaire de police en 1637), qui est chargé d'établir les certificats de santé pour les nouveaux venus. Celui-ci devient en 1724 « préposé à la déclaration des étrangers », nommé par l'intendant Claude Boucher[8]. Il est chargé de recevoir les déclarations des hôteliers, aubergistes ainsi que des dixainiers. Mais il occupe aussi d'autres fonctions : il accompagne ainsi des soldats à la recherche d'un déserteur dans la ville, afin d'éviter les heurts avec les habitants, ou rend la justice militaire en cas de « bavure » d'un garde[8]. En 1747, Pufeder fils, qui a hérité de la même charge, envoie un mémoire à l'intendant Tourny afin d'améliorer la qualité du recrutement de cette nouvelle institution policière[8]. Il projette de diviser Bordeaux en seize quartiers, d'instituer quatre cinquanteniers (ou « inspecteurs ») dans chaque quartier chargé de superviser l'action des dixainiers, dont le nombre serait réduit à 256[8]. Peu de temps auparavant, Tourny avait créé des commissaires de police, à Limoges, sur le modèle parisien[8]. Outre ce nouvel office, la police active est assurée, dans la première moitié du XVIIe, par la « milice bourgeoise » et par le guet, qui patrouillent la nuit ou gardent les portes de la ville lors de l'épidémie de Marseille[8]. La réforme de la police défendue par Pufeder n'a pas lieu, mais l'autorité de ce dernier sur les dixainiers grandit[8]. À partir de la moitié du XVIIIe siècle, les dixainiers sont remplacés par des commissaires de police, issus du monde des magistrats et d'officiers subalternes, qui tiennent des registres des habitants ainsi que des étrangers logeant dans les hôtels[8]. La police se professionnalise progressivement, processus qui arrive presque à terme en 1770[8]. La milice est écartée au profit du guet, une troupe soldée, vers la fin des années 1750, tandis qu'une forme de « militarisation » de celle-ci intervient (avoir servi dans les troupes devient une condition d'engagement)[8]. Le guet est au service des commissaires de police et du commis à la déclaration des étrangers, qui fait des descentes nocturnes dans les auberges à partir de 1750[8].

La ville devient une des capitales européennes des Lumières dont Montesquieu est le précurseur. La franc-maçonnerie bordelaise commence à se développer avec la création de la première loge anglaise en 1732. À la fin du XVIIIe siècle Bordeaux accueillait plus de 2 000 maçons. Bordeaux se rallie à la Révolution et devient le chef-lieu de la Gironde (1790). Un groupe politique, la Gironde, se forme.

Au lendemain de l'exécution des Girondins (le 2 juin 1793), Bordeaux se soulève contre la Commune de Paris. Tallien fait régner la Terreur et la commission militaire instituée le 23 octobre 1793, présidée par Lacombe, organise 304 exécutions – 58 hommes et 46 femmes – sur 845 personnes incriminées[11].

Ruinée par les guerres napoléoniennes, la cité se réveille à la Restauration avec la démolition du château Trompette, en 1816, remplacé par l'immense place des Quinconces (1818-1827), et la construction du premier pont sur la Garonne, le pont de pierre (1809-1821). Le faubourg rive droite de la Bastide connaît en conséquence ses premiers développements. La ville s'étend vers l'ouest avec la construction d'échoppes, maisons basses caractéristiques du paysage urbain bordelais.

Au total, environ 500 navires bordelais ont déporté environ 150 000 Africains vers les Antilles. Si Bordeaux a vécu du système esclavagiste, il n'en demeure pas moins qu'il ne représentait que 5 % de l'activité portuaire[12]. Aujourd'hui, de nombreuses rues, avenues, places et monuments de la ville portent le nom de négociants en esclaves : rue Pierre Baour (famille Tarnaise), place Johnson Guillaume (famille Irlandaise), rue David Gradis (famille originaire du Portugal), place John-Lewis Brown (famille Irlandaise), rue Pierre Desse, rue François Bonafé (1723-1809) (famille Tarnaise), du nom de l'associé de la firme négrière Romberg et Bapst, qui fut l'un des armateurs et trafiquants d'esclaves les plus puissants du royaume.

La colonne des Girondins, élevée en 1902 sur la place des Quinconces, rend hommage au mouvement politique initié par les députés de la Gironde, militants de la Société des amis des Noirs, dont les objectifs étaient de parvenir à la fin de la traite[13]...

L'époque contemporaine

Le XIXe siècle

Quand le Premier Empire s'effondre, la ville est la première à accueillir les princes de la maison de Bourbon.

Plan de la ville de Bordeaux en 1840

À partir de 1840, la ville redevient un grand port colonial et commerce à nouveau avec l’Afrique. À la fin du siècle, la ville s'industrialise avec des entreprises chimiques, métallurgiques, alimentaires et les huileries. Au même moment le phylloxéra touche le vignoble.

Le 7 mai 1841, la première ligne de chemin de fer est ouverte entre Bordeaux et la Teste. Les trains partent alors de la première gare de Bordeaux, la gare Bordeaux-Ségur située rive gauche. En 1852, la ligne entre Bordeaux et Angoulême est ouverte permettant de relier Bordeaux à Paris. Les trains à destination de la capitale partent de la gare de Bordeaux-Orléans située rive droite. En 1855, la gare Saint-Jean est construite, ainsi que la voie ferrée de ceinture et la gare du Médoc (plus tard gare Saint-Louis puis Gare de Ravezies).

Bordeaux poursuit sa modernisation (création des boulevards, démolition des vieux quartiers…). Elle continue son développement sur la rive droite (quartier de la Bastide) avec la construction du Pont de pierre par l’Empereur Napoléon Ier. Construit par le même architecte que ce dernier, l’Entrepôt Lainé est l’un des derniers témoignages de l’architecture portuaire du XIXe siècle en Europe.

En 1870, Léon Gambetta forme un gouvernement à Tours qui se replie à Bordeaux. Antoine Alfred Eugène Chanzy rejoint le gouvernement à Bordeaux où il prône la poursuite de la résistance.

Le XXe siècle

Le maire de Bordeaux Camille Cousteau inaugure en février 1900 la première ligne de tramway électrique[14].

Première Guerre mondiale

Pendant la Première Guerre mondiale, Paris étant menacée par l’avancée des armées allemandes, le gouvernement français (présidé par René Viviani) se replie vers Bordeaux. La ville connaît alors une certaine prospérité grâce aux usines d’armement. En 1917, la ville devient le point de passage des soldats des États-Unis d'Amérique. Elle est aussi à cet instant la ville de l’Action française et des ligues qui rendent le climat politique agité.

Dans l'entre-deux-guerres

Le maire Adrien Marquet imprimera à la ville ouvrière une politique de transformation sociale en construisant ou en modernisant les équipements. Ainsi la municipalité de Bordeaux adopte en 1930 un important programme d'urbanisme appelé Plan Marquet qui permettra le développement de la cité en utilisant un vocabulaire architectural commun. Ce plan a aussi pour objectif d'engager des grands travaux afin d'atténuer les conséquences de la crise de 1929[15]. La ville est alors créditée d'équipements publics d'une architecture Art-déco[16], comme la nouvelle Bourse du travail, la piscine Judaïque, le stade Lescure, les abattoirs.

Seconde Guerre mondiale

Animation musicale par la Wehrmacht en 1942 sur la Place de la Comédie

La Seconde Guerre mondiale, marque une nouvelle période de troubles pour Bordeaux.
Le 14 juin 1940, la ville accueille le gouvernement présidé par Paul Reynaud. C'est la troisième fois que cela se produit, de nouveau alors que la France est en danger, ce qui vaut à la ville le surnom de « capitale tragique ». Quelques jours plus tard, alors que le gouvernement français maintenant présidé par Philippe Pétain s’apprête à signer l'armistice, le consul du Portugal, Aristides de Sousa Mendes délivre près de 30 000 visas à des réfugiés fuyant l’avancée de l’armée allemande[17].

La ville est ensuite occupée par les Allemands le maire Adrien Marquet proche de Marcel Déat avec lequel il avait fondé avant-guerre le parti des néo-socialistes, proches des idées fascistes, restera en place et collaborera avec eux. Dans les années 1980 et 1990, la réévaluation du rôle de l'administration française sous l'Occupation a mis au premier plan le cas de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de Gironde à cette époque.

Le 21 octobre 1941, un officier allemand, le conseiller d'administration militaire (Kriegsverwaltungsrat) Hans Reimers est abattu à Bordeaux par un militant communiste, membre de l'OS, Pierre Rebière. En représailles, cinquante otages sont fusillés le 24 octobre au camp de Souge. Ces événements sont associés à ceux de Nantes : l'attentat contre le Feldkommandant Karl Hotz le 20 octobre et l'exécution de quarante-huit otages le 22 octobre à Châteaubriant, Nantes et Paris.

Le port de Bordeaux joue pendant la guerre un rôle majeur dans l’économie de guerre du Troisième Reich (voir Histoire du port de Bordeaux durant la Seconde Guerre mondiale). Une base sous-marine bétonnée est construite et des cargos forcent le blocus britannique pour approvisionner l’Allemagne en matières premières (caoutchouc naturel, notamment) venus d'Extrême-Orient.

Après avoir quitté Périgueux et Agen le 19 août 1944 et Pau le 20, les Allemands quittent Bordeaux le 28 août 1944 après avoir coulé de nombreux bateaux dans le fleuve pour empêcher toute remontée de la Garonne par les troupes Alliées. Le déblocage de l'accès prit plusieurs années et encore aujourd'hui, des restes d'épaves sont toujours visibles à marée basse, notamment depuis la place des Quinconces.

De Jacques Chaban-Delmas à Alain Juppé (1947-2009)

En 1947, Jacques Chaban-Delmas, général de la Résistance, devient maire. Il industrialise la ville, avec comme élément moteur le domaine aéronautique et spatial (comme à Toulouse), alors que le négoce s’effondre.

De 1960 à 1975, l'accélération de l'urbanisation (déploiement de l'habitat individuel et des échoppes et voiries correspondantes) a provoqué une consommation d'espace quasi-équivalente à celle du siècle et demi précédent (1810-1960) : plusieurs grands aménagements ont été réalisés : création de la Cité du Grand-parc et du quartier du Lac; rénovation du quartier Mériadeck; délimitation d'un vaste secteur sauvegardé de 150 hectares; transfert des universités en banlieue; franchissement de la Garonne par trois nouveaux ponts et ouverture d'une grande rocade; réaménagement du quartier de la Bastide.

Jacques Chaban-Delmas reste maire jusqu'en 1995, année où Alain Juppé lui succède à ce poste. Le nouveau maire donne à la ville un second souffle et pour ce faire engage une rénovation de la ville, une réhabilitation de certains quartiers, la construction d'un tramway. Suite à sa condamnation en 2004, Alain Juppé est remplacé par Hugues Martin, provisoirement. Le Conseil municipal démissionne alors le 28 août 2006, et des élections municipales anticipées sont organisées le 8 octobre. Alain Juppé, de retour d'un séjour d'un an au Canada où il a été enseignant à l'université, est ainsi réélu au premier tour, avec 56,24 % des suffrages exprimés (44 % de participation) . Le 9 mars 2008 a lieu le premier tour des élections municipales, durant lequel Alain Juppé est réélu avec 56,62 % des voix.

Pour approfondir

Bibliographie

  • Anne-Marie Cocula, Histoire de Bordeaux,, Le Pérégrinateur éditeur, 2010 
  • Vincent Denis, Une Histoire de l'identité. France 1715-1815,, Champs Vallon, 2008 
  • Michel Dillange, Les Comtes de Poitou, Ducs d'Aquitaine (778-1204), Geste éditions, 1995, 304 p. (ISBN 2-910919-09-9) 
  • Pierre Miquel, Les Guerres de religion, Club France Loisirs, 1980 (ISBN 2-7242-0785-8) 
  • Philippe Sénac, Histoire de l'Islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours : Les Musulmans en Provence au Xe siècle, Albin Michel, 2006 

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. C'est par une étude numismatique que cette hypothèse a vu le jour; les deux groupes de Bituriges seraient attestés dans le Berry avant la conquête des Gaules, in Jean Hiernard "Bituriges du Bordelais et Bituriges du Berry: l'apport de la numismatique - Revue archéologique de Bordeaux 1997 p.61 à 65 " - résumé par Christian Goudineau - Antiquités nationales - p.725 à 727
  2. Burdigala pourrait être un nom basco-aquitain. Burd signifierait marais et gala se traduirait par abri. Le nom aurait ensuite évolué en Bordigala, puis en Bordale en euskara (basque), Bordèu en gascon et finalement en « Bordeaux », graphié ainsi d'après l'ancien pluriel de bordel, au sens ancien de « maison isolée ». Cf. Bordeaux-Saint-Clair.
  3. "...l'étymologie de Burdigala, sujet de fastidieuses controverses et de puériles hypothèses". in Histoire de Bordeaux - Collectif sous la direction de Robert Etienne- Privat 1990 - p.16
  4. En 1901, Henri Gradis indiquait dans son "Histoire de Bordeaux" que l'on ne comprenait pas le sens de Vivisque (opus cité, Féret 1901, p.9) ; Charles Higounet, dans l'ouvrage collectif "Histoire de Bordeaux" (Privat 1990, p.16) donne le sens de rois du monde, sans l'expliquer, au nom Bituriges.

Références

  1. Dictionnaire de l'Antiquité, sous la direcction de Jean Leclant, Quadrige dico poche, puf, aris 3 octobre 2005, code isbn 2130550185
  2. Collectif - Histoire de Bordeaux - Privat 1990 - p.16
  3. Dillange 1995, p. 18
  4. Sénac 2006
  5. a et b Dillange 1995, p. 43
  6. Miquel 1980, p. 257
  7. Miquel 1980, p. 287-288
  8. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Denis 2008, p. 130-145
  9. a et b Denis 2008, p. 128-129
  10. Voir un historique de la fontaine des Trois Grâces sur le site de l'office de tourisme de Bordeaux.
  11. Henri Chauvot, Le Barreau de Bordeaux de 1775 à 1815, Auguste Durand, Paris, 1856, p. 275
  12. Nouvel espace permanent du Musée d'Aquitaine - Regarder l'histoire en face et valoriser ses héritages, article de Bordeaux Magazine, no 364 de mai 2009
  13. Voir le compte-rendu du livre de Françoise Thésée, Négociants bordelais et colons de Saint-Domingue, « Liaisons d'habitations ». La maison Henry Romberg, Bapst et Cie. 1783-1793, Paris, Société française d'histoire d'outre-mer, 1972, par Jean Mettas dans les Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 31e année, N. 5, 1976, pp. 1077-1078. Accessible en ligne sur Persée.
  14. [PDF] CGT : 120 ans de lutte dans les transports bordelais
  15. Source : Le Point octobre 2008
  16. Les équipements publics art déco de Bordeaux
  17. Bernard Lachaise, « L'éphémère "capitale tragique" » : le gouvernement à Bordeaux en juin 1940, in Histoire(s) de la Dernière Guerre, n° 5, mai 2010, pp. 78-81.



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire de Bordeaux de Wikipédia en français (auteurs)

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