Histoire de Marseille de sa fondation au Ve siècle

Histoire de Marseille de sa fondation au Ve siècle

L'Histoire de Marseille de sa fondation au Ve siècle retrace l'évolution de la cité phocéenne lors de son premier millénaire.

Massalia est une colonie grecque fondée en 600 avant notre ère par des phocéens. Dès le Ve siècle av. J.‑C., elle devient, avec la phénicienne Carthage, l'un des principaux ports maritimes de la Méditerranée occidentale. Pendant toute la période hellénistique, elle est une alliée fidèle de Rome.

Devenue Massilia, cité romaine, au début de notre ère, elle conserve son rôle de creuset culturel et de port commercial sur les rives du Sud de la Gaule, bien que, ayant préféré Pompée à César, elle ait perdu son indépendance et sa suprématie marchande, notamment au profit d'Arelate (Arles) et d'autres ports romains plus à l'orient tels Forum Julii (Fréjus). Mais les Romains n'ont jamais entamé son prestige culturel : il était bien plus facile d'y apprendre le grec que d'entreprendre un long et coûteux voyage vers la Méditerranée orientale.

À la fin du Bas-Empire romain, soumise aux Wisigoths puis aux Ostrogoths, elle donne jour à une fondation chrétienne, l'Abbaye Saint-Victor de Marseille, appelée à un rôle majeur dans tout le sud-est de la France jusqu'au XIIe siècle.

Sommaire

Marseille avant Massalia

Les traces d'un peuplement néolithique

Panorama de la calanque de Morgiou, site de la grotte sous-marine Cosquer.

L'espace côtier de Marseille est occupé dès le Paléolithique supérieur par les hommes ainsi qu'en témoigne la découverte en 1991 de la grotte Cosquer, dans l'une des calanques de Marseille, à environ six kilomètres au sud de l'actuel site de la ville. L'occupation de ce qui pourrait être, selon Jean Clottes, un « sanctuaire » a eu lieu à deux périodes : vers -27 000 et de -19 000 à -17 000, comme l'atteste la datation des peintures pariétales[1]. D'autres vestiges du néolitique furent retrouvés aux XIXe et XXe siècles dans les grottes Riaux 1 et Riaux 2 du quartier de L'Estaque au nord de Marseille : des silex taillés (lames, grattoirs), des ossements d'animaux (bouquetins, lynx, ours, loup) et un collier en coquillages perforés[2].

Article détaillé : Grotte Cosquer.

Pour la période plus récente, et quant au site proprement dit de Marseille, des fouilles ont mis au jour des vestiges d'une implantation néolithique qui remonte à -6 000, près de la gare Saint-Charles, autour de la rue Bernard-Dubois[3].

En 2007, les archéologues ont dégagé ce qui pourrait être des murs en terre crue, des trous de poteaux, ainsi que des outils en silex et des objets en coquillages. Sur la colline Saint-Charles, les groupes néolithiques ont construit leurs habitations en briques crues ou en pains de terre modelée. La découverte d'une telle architecture de terre constitue un élément capital pour l'histoire de l'architecture de l'Ouest méditerranéen et une première en France[4]. Ces méthodes de construction pourraient confirmer les thèses de Jean Guilaine sur la diffusion de la culture néolithique par des populations migrant depuis le Proche-Orient à travers la Méditerranée[5].

D'autres vestiges datant du néolithique (période d'agriculture et élevage) ont été retrouvées par Max Escalon de Fonton dans les grottes de L'Estaque durant les années 1940 : une céramique décorée (datée de -6 000) ainsi que la sépulture d'un adolescent en position repliée[2]. À proximité, dans la grotte Crispine du quartier Les Riaux furent retrouvés un foyer, des poteries mésolithiques en terre noire, des petits grattoirs et de nombreux coprolithes de canidés (excréments fossiles)[6].

Les Ségobriges

Implantation des Ségobriges au début de l'époque romaine.

Toute la région était occupée par les Ligures, peuple autochtone[Note 1] qui pourraient avoir connu des invasions celtes, dans le dernier millénaire avant notre ère. De même, les habitants de cette côte purent entrer en contacts avec des commerçants Phéniciens, Étrusques notamment, mais aussi ibères[8].

D'après les auteurs anciens, le terroir marseillais aurait été occupé par une tribu du peuple Ligure, celle des Ségobriges, qui se serait implantée dans les collines autour du site de Marseille[Note 2]. Si l'on n'a pas retrouvé de traces d'occupation permanentes ligures sur le site de Marseille, les fouilles sédimentaires ont montré que les rives du Lacydon (calanque qui se confond au début du XXIe siècle avec le Vieux-Port de Marseille) ont été utilisées à partir du IIe millénaire avant notre ère pour des activités saisonnières liées à la mer (consommation de fruits de mer) mais sans que l'on puisse détecter d'exploitation des sols (déforestation, cultures, décapages) avant la fondation de la ville grecque[9].

Massalia, cité grecque

La fondation de la cité proprement dite remonte à 600 avant J.-C., elle est le fait de colons grecs venus de Phocée en Asie mineure. La date de fondation est donnée par différents auteurs antiques : Aristote dans sa Constitution des Marseillais (vers -350), et Justin dans une œuvre, l'Abrégé des Histoire philippiques de Trogue Pompée, rédigée sans doute au IIIe siècle; les découvertes archéologiques ne s'opposent pas à cette datation.

La colonisation phocéenne

Site de l'ancienne Phocée et village actuel.

Les textes anciens donnent peu d'indications sur l'origine, les institutions et les cultes de Phocée, l'actuelle Foça, proche d'Ismir (Smyrne) en Turquie. Sa population aurait été composée d'Athéniens et de Phocidiens (habitants de Phocide, territoire sacré de la Grèce antique). Elle est membre de la Confédération ionienne, dodécapole de douze cités grecques d'Asie Mineure, cités prospères, dont la richesse augmenta avec le développement des relations avec les colonies qu'elles avaient créées autour de la Méditerranée.

La création des colonies

L'historien romain Justin décrit ainsi l'action des Phocéens :

« À l'époque du roi Tarquin, des jeunes gens phocéens, venant d'Asie, arrivèrent à l'embouchure du Tibre et conclurent un traité d'amitié avec les Romains ; puis ils s'embarquèrent pour les golfes les plus lointains de Gaule et fondèrent Marseille, entre les Ligures et les peuplades sauvages de Gaulois (...). Et en effet, les Phocéens, contraints par l'exiguïté et la maigreur de leur terre, pratiquèrent avec plus d'ardeur la mer que les terres : ils gagnaient leur vie en pêchant, en commerçant, souvent même par la piraterie, qui était à l'honneur en ces temps-là. C'est pourquoi, ayant osé s'avancer en direction du rivage ultime de l'Océan, ils arrivèrent dans le golfe gaulois à l'embouchure du Rhône. »

— Justin, Abrégé des Histoires Philippiques, Livre XLIII, 3-6

Ainsi, au VIe siècle av. J.‑C., Phocée devint la « métropole » (cité-mère) de la colonisation grecque en Méditerranée nord-occidentale. Les Phocéens fondent successivement Massalia (Marseille), Agathe Tychée (Agde), de part et d'autre du Rhône, Olbia (Hyères), Antipolis (Antibes) ou encore Nikaïa (Nice). Puis sont établies Alalia (actuelle Aléria), un comptoir sur la côte orientale de la Corse, face à l'Étrurie et Élée dans le Golfe de Salerne, ainsi que de puissantes colonies en Espagne, comme Emporion[Note 3] (Empúries).

La légende de Gyptis et Protis

« Colonie grecque à Marseille » - Peinture de Pierre Puvis de Chavannes de 1868

Les conditions exactes de la fondation font défaut à l'histoire de la ville, on ne retient aujourd'hui qu'une légende, reprise par Justin et par Athénée de Naucratis, qui dans le Livre XIII des Deipnosophistes, œuvre rédigée au début du IIIe siècle et citant Aristote, en donne le récit[Note 4].

Les Phocéens recherchaient des emplacements susceptibles de devenir des emporia ou comptoirs sur la côte. Cette activité correspond à un effort de création d'un réseau commercial, bâti par des marins et servi par des bateaux rapides à rames, les pentécontères et non une colonisation de peuplement, ce qui facilitait les implantations, les « colonies » ne requérant que peu de terres. En naviguant par cabotage, ils auraient découvert la baie du Lacydon (l'actuel Vieux-Port de Marseille), une calanque profonde, large et bien orientée (est-ouest), abritée du vent dominant - le mistral - par des collines élevées, propice à un établissement commercial.

Justin poursuit son récit :

« Les commandants de la flotte furent Simos et Protis. Ils vont ainsi trouver le roi des Ségobriges, appelé Nanus, sur les territoires duquel ils projetaient de fonder une ville. Il se trouva que ce jour-là le roi était occupé aux préparatifs des noces de sa fille Gyptis, qu'il se préparait à donner en mariage à un gendre choisi pendant le banquet, selon la coutume nationale. Et ainsi, alors que tous les prétendants avaient été invités aux noces, les hôtes grecs sont aussi conviés au festin. Ensuite, alors que la jeune fille, à son arrivée, était priée par son père d'offrir de l'eau à celui qu'elle choisissait pour époux, elle se tourna vers les Grecs sans tenir compte de tous les prétendants et offrit de l'eau à Protis qui, d'hôte devenu gendre, reçut de son beau-père un emplacement pour fonder la ville. Donc, Marseille fut fondée près de l'embouchure du Rhône, dans un golfe isolé, comme dans un recoin de la mer. »

— Justin, Abrégé des Histoires Philippiques, Livre XLIII, 8-10

Sur les rives du Lacydon, rivière qui débouchait au nord-est de la calanque[10], les Phocéens posent les fondations d'une ville qu'ils appelèrent Massalia (en grec ancien Μασσαλί). De nombreuses hypothèses sur l’origine de ce nom ont été formulées (bien que considérées comme fantaisistes par certains auteurs, comme Paul Mariéton[11]) une qui reflète l'opinion courante donne Mas-Salia, la résidence des Salyens. Mais, si le premier mot est provençal, le second est latin, ce qui semble écarter cette proposition.

Aussi, certains ont penché pour l'utilisation du mot grec Mασσα (Massa). En effet, les Phocéens avaient conservé la tradition d'Asie Mineure d'apposer le nom de Massa à des villes, à des châteaux, à des rivières, etc. On trouve par exemple plus de trente Massa en Italie ; sachant que les mots Mαζα ou Mασα correspondent au latin Libum, une offrande de gâteaux sacrés. Quant à la finale λεις, il s'agirait d'un formatif des adjectifs, les Marseillais étant des sacrificateurs ; la ville, celle des sacrifices.

Massalia, nouvelle Phocée

Le site primitif de la ville

La topographie première du site de Marseille grecque est encore largement perceptible de nos jours, malgré les importantes modifications du XIXe siècle. Promontoire environné par la mer, il est dominé par trois buttes successives : la butte Saint-Laurent (26 mètres d'altitude en 1840), la butte des Moulins (42 mètres, associée à la butte de la Roquette, 38 mètres), et enfin la butte des Carmes (environ 40 mètres). Les cols entre ces hauteurs recueillaient les écoulements d'eau.

Dernier élément de topographie naturelle, la zone du Fort Saint-Jean présentait, jusqu'au remblaiement volontaire pour la construction du fort, une pente vers la mer au nord qui n'est plus perceptible maintenant[12].

Plusieurs talwegs se déversaient dans le port : l'un entre la butte des Carmes et la colline Saint-Charles, un second beaucoup plus important dans l'axe de la Canebière actuelle et enfin un troisième au sud (axe de la rue Breteuil, appelée vallée Fogaresse au Moyen Âge).

L'évolution de la cité grecque

Le jardin des Vestiges, emplacement du premier port de la cité phocéenne, découvert en 1967.

Les fouilles archéologiques ont révélé les vestiges des premières traces de l'habitat grec directement au contact d'un sol vierge sur la partie la plus occidentale du site (butte Saint-Laurent). Dans l'état actuel de nos connaissances, la ville grecque ne semble pas avoir succédé à une occupation plus sommaire indigène. Très vite la ville s'agrandit et s'étend jusqu'au versant oriental de la butte des Moulins. Enfin, elle englobe la troisième butte (dite des Carmes) avant la fin du VIe siècle av. J.‑C. Une dernière extension à l'époque hellénistique lui permet d'atteindre une surface d'environ 50 hectares, que la ville ne dépassera pas avant le XVIIe siècle

La fortification grecque de la fin du VIe siècle av. J.‑C. a été retrouvée en deux points de la ville : au Jardin des Vestiges et sur la butte des Carmes, lors de fouilles d'urgence dans les années 1980. Une reconstruction a lieu à l'époque grecque classique, dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.‑C.. Enfin, vers le milieu du IIe siècle av. J.‑C., l'ensemble de la fortification est reconstruite en grand appareil de calcaire rose. Ce rempart est encore visible sur le Jardin des Vestiges (tour penchée et mur dit de Crinas)[13]. L'intérieur de la ville est découpé en îlots, avec des rues à angle droit qui constituent des ensembles cohérents, adaptés à la topographie naturelle du site. Ainsi le long du rivage les voies ont-elles des axes changeants, tandis que les pentes de buttes sont quadrillées de façon régulière[14].

Peu de monuments sont connus ; Strabon (Géographie IV, 1, 4) signale l'Ephésion (consacré à Artémis) et le sanctuaire d'Apollon Delphinios. Quelques découvertes archéologiques se rapportent à des édifices religieux : un chapiteau de la fin du VIe siècle av. J.‑C. trouvé en remploi dans un mur moderne et des stèles avec déesses assises (provenant peut-être d'un sanctuaire à Cybèle)[15].

Jardin des Vestiges, plan des vestiges grecs avec les rives du port en jaune et les fortifications en rose.
Plans des rives du Vieux-Port de Marseille vers le Ier siècle av. J.‑C.

Au pied de la place de Lenche, les caves de Saint-Sauveur sont le seul édifice conservé depuis l'antiquité dont la connaissance avait été gardée ; certains y voient une fontaine antique (F. Salviat), mais plus récemment on a proposé la fonction de grenier à blé ou d'arsenal (H. Tréziny). Dégagé par F. Benoit après la Seconde Guerre mondiale, ce monument n'a pas été gardé intact depuis et est aujourd'hui inaccessible. Cet édifice marquait la limite topographique entre une partie basse (au sud), proche du port et le col entre les buttes Saint-Laurent et des Moulins (au nord, matérialisé actuellement par la place de Lenche). On suppose que l'agora grecque se situait à l'emplacement du forum romain, soit au sud des Caves de Saint-Sauveur[16].

Les fouilles ont révélé par ailleurs un établissement thermal du IVe siècle av. J.‑C. à la rue Leca[17] et de nombreux vestiges d'habitat et de rues (en particulier rue des Pistoles ou près de la cathédrale de la Major).

À l'extérieur des murs, les fouilles récentes ont mis en évidence une cadastration établie dès la fin du VIe siècle av. J.‑C., ainsi que l'exploitation de carrières d'argile qui se trouvait abondamment dans le substrat géologique (site de l'Alcazar) ; par la suite se développe au même emplacement une culture de la vigne et probablement d'autres plantations[18]. Les nécropoles nous sont connues soit par des découvertes anciennes soit par la fouille, en 1990, du Parc Sainte-Barbe[19]. Ainsi se dessine un paysage suburbain varié, où le domaine des morts alternait avec celui des vivants.

Massalia et sa chora

Les relations ne furent sans doute pas si harmonieuses entre les deux populations comme Justin l'indique, dans un autre passage de son Abrégé des histoires philippiques, narrant les tentatives des Ségobriges de conquérir la ville, sous la conduite du fils du Roi Nann, Comannus. Leur défaite permet aux Massaliotes[Note 5] d'agrandir leur terroir (la chora). Ils dominent la basse-vallée de l’Huveaune et jusqu’au massif de Marseilleveyre. Rapidement, vignes et oliviers sont plantés pour développer une production locale de ces produits de base et en développer l’exportation. En parallèle, les premières fabrications d’amphores de Massalia apparaissent.

Un demi-siècle après la fondation, fuyant les invasions de l'Asie mineure par les perses conduits par Cyrus II en 546 av. J.-C. et la destruction de leur ville, de nombreux Phocéens rejoignirent leurs colonies dont Massalia, accentuant son caractère de cité grecque et lui donnant une nouvelle impulsion, ce que certains historiens ont appelé la « seconde fondation » de Marseille[20].

Massalia devient alors la principale ville grecque de la région et prend dans sa dépendance les autres colonies établies sur la côte. La fin du VIe siècle et le Ve siècle marquent le succès de l’expansion commerciale de Marseille sur le littoral et dans l’arrière-pays marseillais, puisque la domination semble aller jusqu’au pourtour de l’étang de Berre, au delta du Rhône, avec la création de places fortes comme Théliné (Arles) et Aoueniotès (Avignon).

La recherche de routes commerciales en Méditerranée occidentale

Aires d'influence en Méditerranée occidentale en 509 av. J.-C.      Carthaginois     Étrusques     Grecs     Romains

Le surgissement de Massalia et des colonies rattachées, cité puissante pouvant mettre en cause la domination de Carthage et des Phéniciens ainsi que des Étrusques sur les routes maritimes et commerciales conduit les Phocéens à l'affrontement avec les Phénico-puniques dont l'expansion est continue aux VIIIe ‑ VIe siècles[21].

Article détaillé : Bataille d'Alalia.

La bataille d'Alalia s'insère dans la série de conflits impliquant Étrusques, Carthaginois et Grecs pour la délimitation des domaines d'influence en Méditerranée occidentale. Étrusques et Phéniciens puis Carthaginois avaient installé des colonies en Corse, Sardaigne et Espagne pour les premiers, en Sicile, en Afrique, en Sardaigne et en Espagne pour les seconds et pratiqué le commerce le long des côtes (par exemple, des céramiques étrusques datant de la première moitié du VIe siècle ont été retrouvées en Provence sur le site dit des Tamaris[22]). L'arrivée des Grecs, à partir de 750 av. J.-C., et le début de la colonisation avait bouleversé le statu quo. L'implantation simultanée de plusieurs colonies issues de différentes métropoles grecques inquiéta les Étrusques, mais ils ne purent les repousser. Jusque vers 650 av. J.-C., les Phéniciens ne s'opposèrent pas à cette implantation mais leur attitude changea quand les Phocéens atteignirent l'Espagne. Dès ce moment, Carthage assura l'essentiel de la résistance et commença à unifier les cités phéniciennes sous sa direction (ce qui fut terminé vers 540 av. J.-C.) et devint ainsi l'une des principales puissances méditerranéennes occidentales.

Une nouvelle vague de Phocéens étant arrivée après 546 av. J.-C. à Alalia, cela accrut son potentiel de centre commercial d'importance qui pouvait exercer une menace éventuelle sur les colonies étrusques voire carthaginoises[23]. La piraterie pratiquée par les Phocéens fut, d'après Hérodote, le prétexte qui déclencha une réaction de Carthage. Celle-ci s'allia pour la circonstance aux Étrusques pour affronter les Phocéens lors d'une bataille navale au large d'Alalia, vers -540[24].

Les Phocéens de Massalia armèrent 40 navires qui vinrent renforcer ceux d'Alalia et livrèrent bataille à la flotte carthagino-étrusque. Ils furent défaits et Alalia passa aux Carthaginois. Cependant, les Massaliotes se sentirent vainqueurs en ce qu'ils se virent reconnaitre de facto le contrôle de la côte ligure de l'Est avec des places fortes comme Olbia (Hyères) ou des comptoirs comme Antipolis (Antibes), jusqu'à l'ouest avec Emporion. Ils bâtirent le Trésor des Marseillais à Delphes pour célébrer cette victoire. Les conflits de Massalia avec les Carthaginois vont durer tout au long du Ve siècle. Ils consolident l'alliance de Marseille avec Rome contre l'ennemi commun.

Massalia et la Gaule

Un carrefour commercial majeur

Statue de Pythéas, explorateur originaire de Massalia, sur une façade du Palais de la Bourse à Marseille. Oeuvre de Auguste Ottin.
Statue d'Euthymènes, sur une façade du Palais de la Bourse à Marseille. Oeuvre de Auguste Ottin.

Grand port maritime ouvert sur toute la Méditerranée, Marseille abrita de nombreux marins et explorateurs renommés.

Au Ve siècle, le Massaliote Euthymènes quitte la cité pour explorer au-delà des colonnes d'Hercules, les côtes de l’Afrique jusqu'à l'embouchure du fleuve Sénégal. Il a constaté et fait connaître aux Grecs l'existence des marées. Un siècle plus tard, vers 340-325 avant J.-C., l’explorateur et géographe Pythéas effectue un voyage dans les mers du nord de l'Europe et atteint l’Islande et le Groenland et approche du cercle polaire. Longtemps considéré comme un affabulateur, en particulier selon l'opinion du géographe grec Strabon, la véracité de son périple est aujourd'hui reconnue.

Marseille, comme le retracent les découvertes archéologiques, connaît une forte croissance et devient une cité prospère, vivant des relations commerciales fortes avec la Grèce, l'Asie Mineure puis Rome. À cette époque, Massalia compte entre 30 000 et 40 000 habitants, ce qui en fait le plus grand centre urbain de Gaule. Sa prospérité est entièrement fondée sur le commerce.

Sachant que les principales routes commerciales entre le Nord et l'Ouest de l’Europe et l’Orient empruntent les fleuves (en particulier Rhône et Saône) de ce que Strabon nomme « l’isthme gaulois », Massalia occupe une place stratégique. L’ambre, l’étain descendent le Rhône quand remontent le vin et les articles de luxe comme céramique, vaisselle. On a pu dire que le renommé cratère de Vix était une manifestation du rôle de Massalia dans le trafic de transit et peut-être un don des marchands massaliotes au prince gaulois qui contrôle le seuil de Bourgogne[25].

C'est aussi probablement par la cité phocéenne que furent introduits en Gaule les premiers vignobles[26]. Les fouilles de 2006 et 2007 sur la colline Saint-Charles ont ainsi mis au jour les vignobles les plus anciens de France. Pas moins de trois niveaux de traces agraires liées à l'exploitation de la vigne à partir du IVe siècle avant notre ère y ont été découverts[4]. Un vin renommé est produit sur place qui rend nécessaire la fourniture de nombreuses amphores.

Loin de se limiter à l’import-export des biens d’origine grecque, la ville développe les productions locales, et surtout la céramique et les amphores. L’étude des céramiques a permis d’établir que jusqu’en 535 av. J.-C., Massalia importe la vaisselle courante de Phocée et jusqu’à 500 av. J.-C., la céramique de luxe d’Athènes. Après ces dates, les produits locaux se substituent aux importations[27].

Enfin, Massalia fut à l’origine de la monnaie dans la région en émettant des pièces pour le commerce local dès 490 av. J.-C., puis des oboles d’argent vers 450 av. J.-C., enfin des drachmes d’argent au début du IVe siècle av. J.‑C., ces monnaies portant le nom de la ville.

Massalia, interface culturelle entre la Gaule et le monde grec

Colonie grecque rayonnante, Marseille fut le point de départ de la diffusion de l'écriture chez les peuples gaulois, qui ont appris à transcrire leur propre langue en caractères grecs.

La Constitution de Marseille

La ville jalouse de son indépendance s'administre librement. La constitution marseillaise se référait à celles des cités ioniennes. Elle est citée par Aristote comme un exemple d'oligarchie modérée et de régime stable :

« Quant aux causes extérieures qui renversent l'oligarchie, elles peuvent être fort diverses. Parfois, les oligarques eux-mêmes, mais non pas ceux qui sont au pouvoir, poussent au changement, lorsque la direction des affaires est concentrée dans un très petit nombre de mains, comme à Marseille, à Istros, à Héraclée et dans plusieurs autres États. Ceux qui étaient exclus du gouvernement s'agitèrent jusqu'à ce qu'ils obtinssent la jouissance simultanée du pouvoir, d'abord pour le père et l'aîné des frères, ensuite pour tous les frères plus jeunes. Dans quelques États, en effet, la loi défend au père et aux fils d'être en même temps magistrats; ailleurs, les deux frères, l'un plus jeune, l'autre plus âgé, sont soumis à la même exclusion. À Marseille, l'oligarchie devint plus républicaine ; à Istros, elle finit par se changer en démocratie. »

— Aristote, Politique, Livre VIII, chapitre 5-2

La ville était gouvernée par un directoire de 15 « premiers » choisis parmi 600 sénateurs. Trois d’entre eux avaient la prééminence et l’essentiel du pouvoir exécutif. Aristote avait également analysé la Constitution de Marseille, comme en témoigne Athénée[28], et, citant l'ouvrage d'Aristote, il évoque une famille aristocratique, les Protiades, descendant des premiers fondateurs, qui possédait une influence souveraine. Le gouvernement de Marseille était encore oligarchique au temps où Strabon écrivait, au début du Ier siècle[29].

« Les Massaliotes ont un gouvernement aristocratique, et il n'y en a pas dont les lois soient meilleures : ils ont établi un conseil de six cents membres qui gardent cette dignité toute leur vie ; et qu'on appelle timouques. Ce conseil est présidé par quinze membres à qui est attribuée l'administration des affaires courantes : les Quinze sont à leur tour présidés par trois d'entre eux qui ont la plus grande puissance, sous la direction d'Un seul. Nul ne peut être timouque s'il n'a pas d'enfants, et si le titre de citoyen n'est pas dans sa famille depuis trois générations. Les lois sont celles de l’Ionie : elles sont exposées en public. »

— Strabon, Géographie, Livre IV, 1,5

Massalia, alliée de Rome

Les relations de Rome avec les « États indépendants » sont relativement complexes. Rome a eu des relations amicales avec Massilia depuis au moins le Ve siècle av. J.‑C.[30].

En -396, après leur victoire contre Véies, les Romains déposent un cratère d’or dans le Trésor des Marseillais à Delphes. En -389, récompense de sa participation à la rançon versée aux Gaulois lors de la prise de la ville par Brennus l'année précédente, un traité « sur pied d'égalité », foedus aequo jure percussum, comme le précise Justin, est signé entre les deux cités qui nouent une alliance formelle. Les visiteurs massaliotes à Rome se voient reconnaitre certains privilèges, comme le droit à l'hospitalité publique, un privilège honorifique (un emplacement pour assister aux spectacles parmi les sénateurs) et l'immunitas (la possibilité de commercer à Rome sans payer de taxes).

Ainsi, pendant des centaines d'années, Marseille conserve son indépendance nominale, bien que vivant sous une sorte de protection. L'alliance formelle dure de -389 à -49, avec le début de la guerre civile de César.

Des relations tumultueuses avec les peuples celto-ligures

La croissance forte de Marseille et du réseau des colonies massaliotes est citée comme l'une des raisons qui provoque la création de la fédération des Salyens à la fin du IIIe siècle av. J.‑C., à partir de la réunion des « Celto-ligures » de Provence, entre le Var et le Rhône, autour de centres proto-urbains. Les voisins les plus proches des Salyens, en effet, étaient les Massaliotes au sud (les Cavares[Note 6] et les Albiques[Note 7] occupaient quant à eux les territoires situés au nord des Salyens).

La fédération salyenne s'avéra être un voisin « encombrant » pour les Massaliotes, ce qui avait provoqué de nombreuses tensions économiques et sans doute culturelles, dont rendent compte les auteurs antiques (notamment Tite-Live et Strabon). Dans un premier temps, de telles tensions avec les indigènes avaient entraîné plusieurs interventions militaires des Grecs dans l'arrière-pays marseillais : celles-ci sont attestées par l'archéologie, notamment à travers la destruction violente de sites comme l'oppidum de L'Arquet.

À partir de -181, Marseille commence à faire appel aux armées de Rome, devenue la grande puissance méditerranéenne, pour l'aider à mettre fin aux pillages des celto-ligures et à défendre ses colonies.

Massilia et la Gaule transalpine

Avide d'affirmer son emprise dans la région pour des raisons économiques et stratégiques, Rome prétend répondre à l'appel de Massalia et accapare presqu'intégralement le vaste arrière-pays massaliote, après quelques campagnes menées entre -125 et -121, notamment par le consul puis pronconsul Sextius Calvinus et les consuls Gnaeus Domitius Ahenobarbus et Fabius Maximus Allobrogicus. Aquae Sextiae (Aix-en-Provence) est une colonie fondée en -122 par les légionnaires commandés par Sextius Calvinus, elle succéde à l'ancienne capitale voisine des Salyens Entremont, détruite l'année précédente.

La région conquise porte le nom de Gaule transalpine. Cnaeus Domitius, qui y est nommé proconsul, s'efforce de -120 à -117 de créer une liaison terrestre, la Via Domitia entre les territoires ibériques, c'est-à-dire l'Espagne actuelle et la Gaule cisalpine. Il fonde une colonie romaine à Narbonne en -118[Note 8].

La colonie grecque de Massalia, alliée, et son arrière-pays réduit forment une enclave libre au sein de la Gaule transalpine.

En -109, les Gaules cisalpine et transalpine sont ravagées par les Cimbres, les Teutons, les Ambrons durant l'épisode de la guerre des Cimbres, jusqu'à leur écrasement en -102 par Caius Marius à la bataille d'Aix.

Massilia, ville romaine

La fin de l'indépendance

Cliente de Rome, Marseille refuse de prendre parti entre Pompée et de Jules César en -49, mais accueillant les émissaires de Pompée, elle affiche sa préférence. Assiégée par trois légions pendant deux mois par César puis par son légat Trebonius, elle est prise[31] après deux batailles navales qui s'achèvent par la destruction de sa flotte de guerre. Elle est privée ensuite de ses colonies et doit se soumettre à Rome. Les Romains la rattachent à la province Narbonnaise. Arles, colonie fondée à la suite de cette crise, devient la principale ville romaine de la région.

L'influence romaine sur la ville

Prestigieuse époque du Haut Empire

À l'époque d'Auguste, la ville connaît une nouvelle grande phase de construction. L'agora-forum est reconstruit comme en témoignent les fragments de dallages découverts par F. Benoit au sud des Caves de Saint-Sauveur. Le forum était bordé à l'ouest par un autre grand édifice, le théâtre, dont quelques gradins ont été conservés jusqu'à nos jours dans l'enceinte du collège du Vieux-Port[32].

Des thermes sont installés le long du port également à la même époque. Les vestiges, remontés sur la place Villeneuve-Bargemon, sont visibles quasiment à leur emplacement d'origine derrière la Mairie.

Dalles de la voie romaine dans le jardin des Vestiges

Pendant le Haut Empire romain, la zone portuaire est considérable[33]. Elle s'étend sur la rive nord du port, suit la corne du port (Jardin des Vestiges) dont le quai est reconstruit à l'époque flavienne, et se prolonge au fond du Vieux-Port actuel. Dans cette zone, les fouilles de la place Général-de-Gaulle ont dégagé une grande esplanade empierrée qui peut correspondre à des salines aménagées. De nombreux entrepôts à dolia sont connus. Une partie de l'un d'entre eux est exposé au rez-de-chaussée du Musée des docks romains[34].

Des fouilles archéologiques menées entre 1995 et 2010 ont montré la vitalité de la ville. Cependant, contrairement à bien des cités de Narbonnaise comme Arles, Vaison-la-Romaine ou Nimes, aucun monument romain d'envergure ne subsiste aujourd'hui.

Déclin au Bas-Empire

Durant le Bas-Empire romain, la ville semble décliner au profit d'Arles.

En 310, Maximien se révolte contre l'Empereur Constantin pendant qu'il est en campagne contre les Francs. Il a été dépêché au sud d'Arles avec une partie de l'armée de Constantin pour contrer les attaques de Maxence dans le sud de la Gaule. À Arles, il annonce la mort de Constantin et prend le pourpre impérial. En dépit des pots-de-vin qu'il offre à tous ceux qui voudraient le soutenir en tant qu'empereur, la majeure partie de l'armée de Constantin lui demeure fidèle, et Maximien est contraint de partir.

Constantin reçoit bientôt la nouvelle de cette révolte, abandonne ses actions militaires contre les tribus franques, et progresse rapidement vers le sud de la Gaule, où il affronte un Maximien fuyant à Massilia. La ville est plus adaptée pour résister à un long siège qu'Arles, mais cela joue peu en sa faveur car des citoyens demeurés loyaux à Constantin lui ouvrent les portes. Maximien est fait prisonnier, puni pour ses crimes et dépouillé de son titre pour la troisième et dernière fois[35],[36],[37],[38],[39],[40].

La christianisation de Marseille

Les signes d'un culte chrétien dès le IIIe siècle

D'après Grégoire de Tours, les débuts de la mission chrétienne en Gaule remontent au milieu du IIIe siècle. Les travaux les plus récents des historiens confirment cette présence active des chrétiens à partir du IVe siècle à Marseille, et placent les citations de la venue de Marie-Madeleine, de Lazare ou des martyrs des premier et deuxième siècles au rang des légendes[41],[42].

Les martyrs de Marseille

À l'époque grecque puis romaine, sur la rive sud du Vieux-Port, s'est établi un lieu de sépultures s'étendant sur une zone assez vaste et devient le troisième lieu de sépultures de la ville[43]. Le nom de la rue Sainte conserve le souvenir de cette implantation[44]. Sur cette vaste nécropole est établie une fondation paléochrétienne en partie rupestre qui aurait pu recevoir les corps de martyrs[45].

L'épitaphe de Volusianus et Fortunatus se trouve dans les cryptes de l'Abbaye Saint-Victor de Marseille.

Le dépôt lapidaire dans la crypte de l'Abbaye Saint-Victor contient une plaque de marbre retrouvée en 1839[46] sur laquelle figure une inscription renommée. Incomplète sur ses deux bords, celle-ci fait l’objet d'une controverse depuis de nombreuses années, car elle peut, selon l'interprétation qu'on lui donne, démontrer l'ancienneté du martyrologe marseillais.

Article détaillé : Victor de Marseille.

Dans ce cimetière paléochrétien aurait aussi pu être enterré saint Victor. Ce personnage, aussi notable que mal connu, serait un officier chrétien mis à mort vers 290 sur ordre de l'empereur Maximien[46]. Certains repoussent la date de son martyre au 21 juillet 303 ou 304[47].

Structuration de l'Église à Marseille

L'Église marseillaise se structure au tout début du IVe siècle ainsi qu'en témoigne la présence d'un évêque de Marseille, Oresius, au Concile d'Arles en mars 314.

Premier évêque connu de Marseille, nous ne connaissons ni ses prédécesseurs ni ses successeurs immédiats. On sait seulement qu'il assiste au grand concile convoqué par l'empereur Constantin pour examiner la cause des donatistes. De nombreux représentants d'églises y assistent, ainsi que quatre clercs envoyés par le pape Sylvestre Ier et l'évêque de Marseille Oresius accompagné du lecteur Nazareus[48]. Il est cité dans le document qui nous est parvenu en tête de la liste des évêques de Gaule[49].

Cette première attestation d'une communauté chrétienne laisse penser qu'elle est à cette date déjà bien organisée.

Fondation de l'abbaye Saint-Victor

Article détaillé : Abbaye Saint-Victor de Marseille.

L'un de ses successeurs, Proculus ou Procule (380-430), construit un bâtiment constitué par l'actuelle chapelle Notre-Dame de la Confession et l'Atrium et qui sera transformé au XIe siècle en crypte par l'édification de l’église abbatiale. L'axe général de cette construction est nord-sud, donc perpendiculaire à l'orientation est-ouest de l'église supérieure actuelle[50].

Proculus veut ainsi affirmer le rôle prééminent de Marseille face à Arles pourtant principale place religieuse de la province Viennoise, au sein du duché de Bourgogne. Cette rivalité religieuse et politique entre Marseille et Arles va marquer l'histoire de Saint-Victor jusqu'à l'intégration de la Provence dans le royaume de France au XVe siècle, à la mort du roi René.

Selon la tradition, le monastère est fondé par Jean Cassien. Après un long séjour auprès des moines anachorètes d'Égypte, il débarque à Marseille en 416, amené par Lazare, évêque d'Aix qu'il aurait rencontré l'année précédente en Palestine au concile de Diospolis.

Cassien reste à Marseille jusqu'à sa mort entre 433 et 435. Il rassemble des disciples et écrit d'importants ouvrages qui servent de règle de vie et de base de réflexion à ceux qu'attire le monachisme. Ainsi les Instructions cénobitiques ou les Conférences des pères[51]. Ses œuvres connaissent un fort retentissement et ont été recommandées par saint Benoît à ses disciples[Note 9].

Articles détaillés : Jean Cassien et semi-pélagianisme.

Il aurait fondé à Marseille deux monastères : un pour les femmes, l’abbaye Saint-Sauveur qui se situait au sud de la place de Lenche, l'autre pour les hommes au sud du Vieux-Port, l’abbaye Saint-Victor[52]. Pour certains historiens, l'emplacement exact de ces monastères n'est pas connu[53] ; ces installations sont possibles mais pas prouvées. En revanche, ce qui est certain, c'est l'élévation au Ve siècle sur le site de Saint-Victor d'un bâtiment de pèlerinage[54].

Leur vocation urbaine, leur visibilité, en ont rapidement fait des lieux de formation importants et prestigieux, contribuant à la renommée de la vie spirituelle de Marseille au Ve siècle. Les positions doctrinales, inspirées par le semi-pélagianisme, ont contribué à créer une véritable école des prêtres de Marseille et susciter de nombreux débats théologiques[55]. La richesse spirituelle de la ville, le retentissement de ses débats qui après les discussions soulevées par Cassien, portent sur les doctrines de Salvien de Marseille.

Ceci se produit au cœur d'une cité qui continue à se développer au temps des barbares, tout au long du VIe siècle.

Historiographie

Marseille n'a conservé pratiquement aucun monument de sa longue histoire antique. Ainsi, l'histoire de ses premiers temps a relevé pendant de long siècles des seuls extraits de rares sources d’auteurs antiques. Les premières Histoires de Marseille se fondaient quasi exclusivement sur les sources littéraires, comme l'Histoire de la ville de Marseille d'Antoine de Ruffi, publiée en 1642. Avec le développement de l'archéologie aux XIXe et XXe siècles ont profondément renouvelé la connaissance du premier millénaire de la ville.

La publication de Massalia, histoire de Marseille dans l'Antiquité par Michel Clerc en 1929 fait le point sur un siècle de découvertes occasionnées par les fouilles entreprises pendant les travaux de rénovation urbaine entre 1850 et 1910. Une synthèse actualisée des découvertes sera réalisée par Fernand Benoit dans le fascicule V de la Carte archéologique de la Gaule romaine, éditée en 1936. Puis, celui-ci se consacrera à des fouilles de la nécropole chrétienne sur le site de Saint-Victor avant de fouiller sur l'emplacement des immeubles dynamités par l'armée allemande sur la rive nord du Vieux-Port, mettant à jour les docks romains, ce qui lui donnera l’occasion de créer le Musée des docks romains.

La dernière période prolifique en matière archéologique sera ouverte par la restructuration du centre et en particulier la mise à jour du port grec sur l'emplacement de la Bourse.[Quand ?]

Notes et références

Notes

  1. En 1999, Danièle et Yves Roman défendent le principe d'incursions celtes en Gaule méridionale au moins dès le VIe siècle av. J.‑C. et considèrent les Ligures comme un peuple autochtone dans leur ouvrage Histoire de la Gaule[7].
  2. Sont cités le village de Saint-Marcel où se trouvent les traces d'un oppidum gaulois, les collines de Marseilleveyre et vers le village actuel d'Allauch.
  3. En grec, le mot « emporion » désignait une place de commerce maritime.
  4. Aristote raconte une aventure similaire dans sa Constitution de Marseille :

    « Les Phocéens, qui fondèrent Marseille, étaient des commerçants venus d’Ionie. Un jour, le roi Nannos – tel était son nom – accueillit Euxène de Phocée. Or, le jour même de l’arrivée de ce dernier, Nannos célébrait les noces de sa fille : de fait, Euxène fut invité à participer au banquet nuptial.

    Le mariage devait se dérouler de la façon suivante : après le repas, la jeune fille devait entrer dans la salle des cérémonies et offrir une coupe de vin mélangé à celui qui deviendrait son époux.

    Quand la jeune fille entra, elle donna la coupe, soit par hasard, soit pour une raison qui ne tient qu’à elle, à Euxène. La jeune fille se nommait Petta.

    La chose une fois faite, le père, croyant que cette offrande correspondait à la volonté divine, consentit à cette union. Euxène prit donc pour femme Petta et vécut avec elle, non sans avoir changé son nom contre celui d’Aristoxène.

    Il existe encore à Marseille une famille qui descend de cette femme : il s’agit des Protiades, Protis étant le fils d'Euxène et d'Aristoxèné. »

  5. C'est le nom des habitants grecs de Marseille (Massalia).
  6. C'était probablement une autre fédération de peuples gaulois établie dans la plaine de la Durance.
  7. C'était une fédération de peuples établie dans le pays d'Apt (nord-Luberon) qui a donné son nom au plateau d'Albion.
  8. Narbonne, colonie romaine intégrale avec son capitole, son forum, son port et ses horrea ou entrepôts, atteindra 50 000 habitants. La région aggrandie par César au dépens de la Gaule chevelue conquise en -51, puis dénommée Narbonnaise par Auguste, s'étendra de Tolosa (Toulouse) à Vienne, des lacs des Pyrénées jusqu'au Lac Léman.
  9. Saint Benoît y fait allusion dans le dernier chapitre de sa règle : « … quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? Et de même, les Conférences des Pères, leurs Institutions et leurs Vies… ». (Règle de saint Benoît, ch.73, v. 4 & 5)

Références

  1. J. Clottes, J. Courtin, H. Valladas, H. Cachier, N. Mercier et M. Arnold, « La Grotte Cosquer datée », dans Bulletin de la Société Préhistorique Française, vol. 89, no 8, 1992, p. 230-234 
  2. a et b Max Escalon de Fonton, « Les Grottes de Riaux, massif de la Nerthe-Marseille », dans Bulletin du Musée d'histoire naturelle de Marseille, vol. IX, no 1, 1949, p. 21-62 
  3. J. Buisson-Catil et I. Sénépart, « Marseille avant Marseille. La fréquentation préhistorique du site », dans Archéologia, no 435, juillet-août 2006, p. 28-31 
  4. a et b INRAP, « Marseille avant Massalia, la première architecture de terre néolithique en France », INRAP, août 2009. Consulté le 30 juillet 2011 (communiqué officiel de l'INRAP)
  5. Jean Guilaine, La Mer partagée : La Méditerranée avant l'écriture 7000-2000 avant Jésus-Christ, Hachette, 2005, 910 p. (ISBN 9782012792487) 
  6. Henri Carvin, Entre mer et colline : un avenir se dessine... L'histoire du Nord de Marseille, DAC, coll. « 15-16e », 1994, p. 51-53 
  7. Roman et Roman 1997
  8. Dominique Garcia, Les Celtes de Gaule méditerranéenne, définition et caractérisation ([lire en ligne]) dans M. Szabo (dir.), Celtes et Gaulois, l’Archéologie face à l’Histoire, 3 : les Civilisés et les Barbares (du ve au iie siècle avant J.-C.), Glux-en-Glenne, Bibracte, Centre archéologique européen, 2006, p. 63-76.
    Actes de la table ronde de Budapest, 17-18 juin 2005
     
  9. Antoinette Hesnard, Mireille Provansal, Michel Bourcier, Pierre Carbonel, Pierre Weydert et Christophe Morhange, « Morphogenèse et impacts anthropiques sur les rives du Lacydon à Marseille (6000 av. J.-C. - 500 ap. J.-C.) », dans Annales de géographie, vol. 105, no 587, 1996, p. 32-46 
  10. Hermary, Hesnard et Tréziny 1999, p. 37-39
  11. Paul Mariéton, La Terre provençale, journal de route, Paris, Alphonse Lemerre, 1894  disponible sur Gallica
  12. M. Bouiron et L.-F. Gantès, « La Topographie initiale de Marseille » dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 23-34
  13. H. Tréziny, « Les Fortifications de Marseille dans l'Antiquité » dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 45-57
  14. H. Tréziny, « Trames et orientations dans la ville antique : lots et îlots » dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 137-145
  15. H. Tréziny, « Les Lieux de culte dans Marseille grecque » dans Hermary et Tréziny 2000, p. 81-99
  16. H. Tréziny, « Les Caves Saint-Sauveur et les forums de Marseille » dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 213-223
  17. Fr. Conche, « Les Fouilles du 9, rue Jean-François Leca » dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 131-136
  18. M. Bouiron, « Le Site de l'Alcazar de la fondation à nos jours », dans Archéologia, no 435, juillet-août 2006, p. 41 
  19. Manuel Moliner, Philippe Mellinand, Laurence Naggiar, Anne Richier et Isabelle Villemeur, La Nécropole de Sainte-Barbe à Marseille (IVe siècle av. J.‑C.-IIe siècle apr. J.-C.), Aix-en-Provence, Edisud, coll. « Études Massaliètes » (no 8), 2003 (ISBN 2-7449-0370-1) 
  20. Duchêne et Contrucci 1998, p. 31
  21. Michel Gras, « Marseille, la bataille d'Alalia et Delphes », dans Dialogues d'histoire ancienne, vol. 13, no 1, 1987, p. 161-181 
  22. Sandrine Duval, « L'Habitat côtier de Tamaris (B.-du-Rh.): Bilan des recherches et étude du mobilier des fouilles de Ch. Lagrand », dans Documents d'archéologie méridionale, 1998 [résumé] 
  23. Véronique Krings, Carthage et les Grecs c. 580-480 av. J.-C.: textes et histoire, Brill Academic Publishers, 1998, 480 p. (ISBN 978-9004108813) 
  24. E. Lipinski, « Alalia » dans Collectif, Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, Brepols, 1992, 502 p. (ISBN 978-2503500331), p. 14 
  25. Duchêne et Contrucci 1998, p. 50
  26. (en) Nicholas Ostler, Empires of the Word, Londres, Harper Collins, 2005 (ISBN 0-00-711870-8) 
  27. F. Villard, La Céramique grecque de Marseille (Vie-Ive siècle), essai d'histoire économique, Paris, E. de Boccard, coll. « Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes » (no 195), 1960, 58 planches + 177 p. [présentation en ligne] 
  28. Athénée, Deipnosophistes, livre VIII, p. 516
  29. Strabon, Géographie, livre IV, chapitre a, § 5, édition Firmin Didot, p. 149.
  30. Comme en témoignent Strabon dans sa Géographie, Livre 5.1.4 et [[Justin (historien)|]] dans Abrégé des histoires philippiques, 43.5
  31. Bellum Civile, livre I, 34-36
  32. Une fouille menée en 2009 et liée à l'agrandissement du collège du Vieux-Port en a retrouvé des traces, voir INRAP, « Collège du Vieux-Port », dans Sites archéologiques, INRAP, 5 octobre 2009 [texte intégral] 
  33. A. Hesnard, P. Bernardi et C. Maurel, La Topographie du port de Marseille de la fondation de la cité à la fin du Moyen Âge dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 159-202
  34. Ville de Marseille, « Musée des Docks Romains », Ville de Marseille, 2011. Consulté le 17 août 2011
  35. (en) Timothy D. Barnes, Constantine and Eusebius, Harvard University Press, 1984 (ISBN 978-0674165311), p. 34–35 
  36. Elliott 1996, p. 43
  37. Lenski 2006, p. 65–66
  38. Odahl 2004, p. 93
  39. (en) Hans A. Pohlsander, Emperor Constantine, Routledge (ISBN 978-0-415-13178-0), p. 17 
  40. Potter 2005, p. 352
  41. Duchêne et Contrucci 1998, p. 100
  42. Édouard Baratier, Histoire de Marseille, Toulouse, Privat, 1990, p. 47 
  43. Manuel Molinier, « Les Nécropoles grecques et romaines de Marseille » dans Bouiron et Tréziny 2001, p. 338
  44. Duchêne et Contrucci 1998, p. 105
  45. Régis Bertrand, Le Patrimoine de Marseille, Marseille, édition Jeanne Laffitte, 2001 (ISBN 2-86276-367-5), p. 38 
  46. a et b Seinturier 1994, p. 35
  47. Jean-Claude Moulinier, Autour de la tombe de Saint Victor de Marseille, Marseille, édition Tacussel, 2000, p. 187 
  48. Bertrand 2008, p. 12
  49. Seinturier 1994, p. 43
  50. Michel Fixot et Jean-Pierre Pelletier, Saint-Victor de Marseille, de la basilique paléochrétienne à l’abbatiale médiévale, Marseille, Images en manœuvres éditions, 2004 (ISBN 9782849950319), p. 64 
  51. Jean Rémy Palanque, Le Diocèse de Marseille, Paris, Letouzey & Ané, 1967, p. 22-23 
  52. Georges Duby, Édouard Baratier et Ernest Hildesheimer, Atlas historique, Provence, Comtat, Orange, Nice, Monaco, Paris, Armand Colin, 1969, p. 96 
  53. Paul-Albert Février, Michel Bats, Babriel Camps, Michel Fixot, Jean Guton et Jean Riser, La Provence des origines à l’an mil, éditions ouest-France, 1989, p. 398 
  54. Bertrand 2008, p. 20-21
  55. Duchêne et Contrucci 1998, p. 109

Annexes

Sources antiques

Bibliographie

  • « Marseille, de la grotte Cosquer à la grande peste, 27 000 ans d'histoire », dans Archéologia, no 435, juillet-août 2006, p. 18-75
    Dossier spécial dans Archéologia.
     
  • Michel Armand Edgar Anatole Clerc, Massalia: histoire de Marseille dans l'antiquité des origines à la fin de l'Empire romain d'occident (476 ap. J.-C.), Éd. A. Tacussel, 1927 
  • Marc Bouiron (dir.) et Henri Tréziny (dir.), Marseille : trames et paysages urbains de Gyptis au Roi René, Marseille, Édisud, coll. « Études massaliètes » (no 7), 2001 (ISBN 2-7449-0250-1).
    Actes du colloque international d'archéologie tenu à Marseille les 3-5 novembre 1999
     
  • Sophie Collin-Bouffier, « Marseille et la Gaule méditerranéenne avant la conquête romaine », dans Pallas, no 80, 2009 
  • Dominique Garcia, La Celtique méditerranéenne, Paris, Errance, 2004 (ISBN 2-87772-286-4) 
  • François Herbaux, Nos ancêtres du Midi, Marseille, Éditions Jeanne-Laffitte, 2005 
  • Antoine Hermary, Antoinette Hesnard et Henri Tréziny, Marseille grecque. la cité phocéenne (600-49 av. J.-C.), Paris, Errance, 1999 (ISBN 2-8777-2178-7) 
  • Antoine Hermary (dir.) et Henri Tréziny (dir.), Les Cultes des cités phocéennes, Marseille, Édisud, coll. « Études massaliètes » (no 6), 2000 (ISBN 2-7449-0229-2).
    Actes du colloque international Aix-en-Provence/Marseille
     
  • (en) T. G. Elliott, The Christianity of Constantine the Great, Scranton, Pensylvania, University of Scranton Press, 1996 (ISBN 0-940866-59-5) 
  • Danièle Roman et Yves Roman, Histoire de la Gaule, Fayard, 1997, 791 p. (ISBN 978-2213598697) 
  • Charles Seinturier, Marseille chrétienne dans l’histoire, son Église dans un cheminement vingt fois séculaire, Marseille, éditions Jeanne Laffitte, 1994 
  • Luc Poussel, Malheur aux vaincus! Marseille ennemie de l'Europe 600 à 49 av J.-C., Marseille, éditions Cheminements, 2004 

Articles connexes

Liens externes


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