Influence de Byzance en Occident

Influence de Byzance en Occident
Bessarion, le plus célèbre représentant de l'humanisme byzantin, et relais vers le Quattrocento italien

Cet article concerne les domaines suivants :

  • Afrique byzantine
  • Espagne wisigothique
  • Confrontation avec les Croisés (découverte de l'hygiène, du savon, du pluralisme religieux, du dialogue idéologique ; philosophie)

Sommaire

Influence byzantine en Espagne et Italie

Hippocrate: fresque byzantine du XIVème siècle.

Au VIe siècle, l'Empire byzantin, qui entoure la Méditerranée orientale, s'étend en Afrique du Nord, en Espagne du sud-est et en Italie. Le royaume wisigoth d'Espagne et les Lombards en Italie sont au contact direct de la civilisation byzantine, et leurs monastères renferment encore des œuvres antiques[1]. Au VIIe siècle, les Arabes mettent fin à la puissance militaire et politique de Byzance en Syrie, Palestine, Égypte, Afrique du Nord et Espagne, mais héritent ainsi à leur tour de la civilisation byzantine, elle-même "gardienne" des œuvres de l'Antiquité gréco-romaine.

Grande mosquée de Cordoue: architecture d'inspiration byzantine

Les empereurs de Constantinople ne se montrèrent guère rancuniers, car il leur faut maintenir leur prestige et adoucir le sort des populations chrétiennes soumises (Roumis pour les Arabes, dérivé de Romaioi (Ρωμαιoι) c'est-à-dire ressortissants de la Romania (Ρωμανια): nom officiel et endonyme de l'empire byzantin). Ainsi, l'empereur Romain Ier Lécapène (Ρωμανός Α' ο Λεκαπηνός) envoie bibliothèques et traducteurs en Espagne musulmane, à Hasday ibn-Chaprut (Xe siècle), ministre du calife de Cordoue, Abd al-Rahman III[2]).

En Italie, Ravenne, Venise, Gênes, Pise et la Sicile (Palerme) gardaient des contacts étroits avec l'Empire byzantin, dont elles firent longtemps partie (jusque vers l'an 1000 pour Venise).

Diffusion de l'influence byzantine vers le monde carolingien

À partir des premières décennies du IXe siècle, les premiers contacts de l'empire carolingien avec l'Espagne musulmane et l'Italie lombarde, ainsi que l'afflux de nombreux juifs et mozarabes fuyant l'Al-Andalus vers les États de la marche d'Espagne, amènent vers le monde carolingien un afflux de connaissances scientifiques et techniques jusque-là limité à la Catalogne et à l'Italie.

L'ecclésiastique Gerbert d'Aurillac, futur Sylvestre II (pape de l'an mille) avait une culture exceptionnelle pour son époque. Il était non seulement mathématicien, mais avait une grande connaissance des auteurs antiques, acquise en grande partie des contacts qu'il eut en Espagne, en Catalogne. Gerbert d'Aurillac fut le premier à introduire les œuvres d'Aristote en Occident. Comme écolâtre de Reims, il réintroduisit les arts libéraux, et particulièrement le quadrivium, qui n'était presque plus enseigné dans les monastères.

C'est par ces contacts entre la civilisation grecque médiévale, la civilisation islamique et l'occident, que ce dernier redécouvrit la philosophie et les sciences grecques, notamment Aristote, mais aussi d'autres auteurs, soit des philosophes, soit des scientifiques, que la civilisation musulmane s'était appropriée (avec les connaissances issues de l'Inde et de Babylone) avant de développer son propre savoir.

Les premières traductions des traités scientifiques d'Al-Khwarizmi furent effectuées par deux Anglais : Adélard de Bath qui traduisit les tables astronomiques (1120), et Robert de Chester auquel l'on doit des traités d'arithmétique et d'algèbre fruste (1145). À partir de 1085, mais surtout de 1140, aux ateliers de Tolède traduisant de l'arabe, s'ajoutent des équipes d'italo-grecs qui traduisent des ouvrages directement du grec en latin. Cela concerna des œuvres d'auteurs grecs : la philosophie de Platon, Galien et Hippocrate en médecine, ainsi que des auteurs byzantins comme Grégoire de Nysse, Saint Jean Chrysostome et Jean Damascène. En philosophie, cela concerne notamment tout l'Organon, puis la Physique d'Aristote ; en géométrie, les travaux d'Euclide, et en géographie et cartographie, l'œuvre de Ptolémée, celle d'Almageste, en particulier en ce qui concerne le planisphère, mais aussi l'optique.

Les principaux traducteurs furent Gérard de Crémone (qui traduisit en latin le Canon de la médecine d'Avicenne à Tolède), Alfan de Salerne, Henri AristippeCatane), Burgondio de Pise, au XIIe siècle et Guillaume de Moerbeke au XIIIe siècle.

Les deux grands savants musulmans que sont Avicenne (Ibn Sina, 980-1037), et Averroès, ont beaucoup transmis sur ce point à la civilisation occidentale, ainsi que Maïmonide (dont Thomas d'Aquin s'est fortement inspiré quelques décennies plus tard). En fait, tous les occidentaux n'acceptèrent pas facilement cette philosophie : Bernard de Clairvaux eut des accrochages avec Averroès.

Ce fut Albert le Grand, au XIIIe siècle, qui introduisit les œuvres d'Aristote dans les universités européennes. Les grands principes de cette philosophie sont alors structurés en plusieurs grandes branches, notamment : la logique (Organon), la métaphysique et l'éthique (éthique à Nicomaque).

Thomas d'Aquin, élève d'Albert le Grand, fit une synthèse des textes du christianisme et de la philosophie d'Aristote dans la somme théologique, qui constitue l'une des bases de la théologie chrétienne, encore de nos jours. Les enseignements de cette philosophie furent donnés dans l'école scolastique à partir du XIIIe siècle. Les nouvelles sciences ainsi acquises prirent place à côté des sept arts libéraux. La rhétorique, dans le trivium, conserva une place importante.

Contacts par les croisades

Article détaillé : Croisade.

L'expansion musulmane conduisit les Arabes à conquérir Jérusalem, qui faisait partie de longue date de l'Empire romain d'Orient à partir de Théodose Ier, puis l'Empire byzantin.

Le pape Urbain II, lors du concile tenu à Clermont-Ferrand en novembre 1095 lance un appel à la "croisade" en Terre sainte pour combattre les infidèles. La première croisade se déroule de 1095 à 1099. Jérusalem est prise par les croisés en 1099 dans des conditions atroces. Une deuxième croisade a lieu de 1147 à 1149, à l'instigation de Bernard de Clairvaux qui prêche à Vézelay. Lors de la Quatrième croisade (en 1202), les Croisés sont choqués de trouver dans Constantinople des synagogues ayant pignon sur rue, ainsi que des Juifs se promenant librement et parfois en armes, comme les chrétiens. Au cours d'une attaque des Croisés sur l'une de ces synagogues, un quartier de Constantinople est brulé[3].
À la suite de ces incidents, la guerre éclate entre Croisés et Byzantins. Lorsque les premiers s'emparent de Constantinople pour 58 ans, ils pillent la ville, et parquent les juifs dans des quartiers isolés.

Malgré la nature guerrière et violente des croisades, ces contacts ont commencé à faire prendre conscience de l'existence de la science byzantine et science musulmane. On commença d'utiliser les techniques de la médecine hippocratique pour soigner les blessés. Il faut noter l'attitude de tolérance de François d'Assise, qui s'opposa à la violence des croisés envers les orthodoxes, les juifs et les musulmans.

Contacts par les Romaniotes

Avec l'avènement de l'Empire romain d'orient, les juifs romains, appelées Romaniotes deviennent citoyens de l'Empire byzantin. Une partie des communautés romaniotes essaime en Europe occidentale: on y trouve des patronymes d'origine romaniote (Kalonymos, Chryssologos, Mellinis, Nassis...) à Narbonne, Mayence et Venise dès le XIe siècle. Les Romaniotes diffusent la culture et l'art byzantin au sein des communautés ashkénazes ("allemandes" en hébreu) et séfarades ("espagnoles" en hébreu) d'Occident.

Benjamin de Tudèle (XIIe siècle) rapporte l'arrivée de Juifs de Corfou, d'Arta, d'Aphilon, de Patras (dont est originaire la famille de Sabbataï Tsevi), de Corinthe, de Thèbes, de Chalcis, de Salonique et de Drama. La plus grande communauté, celle venue de Thèbes, comporte près de 2000 Juifs, exerçant pour la plupart la profession de teinturiers ou de confectionneurs d'habits de soie.

Les communautés romaniotes s'intègrent parmi les Séfarades en Espagne : après leur expulsion de ce pays en 1492, c'est tous ensemble qu'ils émigreront vers les territoires anciennement byzantins, devenus ottomans, où beaucoup de Romaniotes avaient gardé des liens. Ces Juifs devenus ottomans, forment un millet au sein du système turc.

Conséquences

L'école scolastique sous la forme qu'elle avait au XIIIe siècle, eut du mal, dans les siècles suivants (au XVIIe siècle notamment, avec l'affaire Galilée) à se renouveler. En effet, Aristote (IVe siècle av. J.‑C.) adoptait une représentation géocentrique de l'Univers, comme Ptolémée au IIe siècle. À partir du XVIIe siècle, Descartes combattit la philosophie scolastique, parce qu'elle retenait la théorie du géocentrisme via Aristote.

Pour cette raison encore, la philosophie d'Aristote, avec la métaphysique, fut décriée jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Le géocentrisme n'est pourtant qu'une petite partie du système philosophique d'Aristote.

Notes

  1. Bernard Germain É. de La Ville, Histoire générale, physique et civile de l'Europe, Volume 3, p. 45
  2. Cet héritage byzantin est le plus souvent occulté dans l'historiographie occidentale moderne : à titre d'exemple, la publication Science et Avenir a publié en janvier 2010 un numéro spécial n° 114 dédié aux Sciences et techniques au Moyen Âge sans la moindre référence au monde byzantin.
  3. Robert de Cléry, La conquête de Constantinople, XIV, éd. Honoré Champion, Paris 2004, ISBN 2745311352

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