Inondation de Johnstown de 1889

Inondation de Johnstown de 1889

40°20′25″N 78°46′15″O / 40.34028, -78.77083

Inondation de Johnstown de 1889
Image illustrative de l'article Inondation de Johnstown de 1889
Débris en aval du pont de chemin de fer de la compagnie Pennsylvania Railroad

Type Bris catastrophique d'un barrage
Début 31 mai 1889
Fin 31 mai 1889
Dommages matériels 17 millions $US de 1889
Mortalité 2 200
Régions affectées Bassins des rivières South Fork et de la East Conemaugh, ainsi que Johnstown (Pennsylvanie)

Géolocalisation sur la carte : États-Unis

(Voir situation sur carte : États-Unis)
Inondation de Johnstown de 1889

L’inondation de Johnstown de 1889 (connu localement comme Great Flood of 1889) est un événement marquant de l'histoire des États-Unis qui s'est passé le 31 mai 1889[1]. L'inondation fut le résultat de la rupture catastrophique d'un barrage sur la rivière South Fork à 23 kilomètres en amont de la ville de Johnstown (Pennsylvanie), États-Unis après plusieurs jours de pluies abondantes. Plus de 18,2 millions de m3 d'eau furent alors relaché, formant un raz-de-marée de plus de 10 mètres de hauteurs qui rasa la ville, tua plus de 2 200 personnes et causa pour plus de 17 millions $US de 1889[2].

Ce fut l'un des premiers désastres majeurs de l'histoire de la Croix-rouge américaine, alors sous la direction de Clara Barton. L'aide aux victimes est venu de partout à travers les États-Unis et de dix-huit autres pays. Bien que l'une des causes majeures de la catastrophe fut la mauvais entretien de la digue par ses propriétaires, les survivants ne purent obtenir réparation devant la cour. Devant le tollé public, les lois sur la responsabilité civile furent changées pour passer d'un système où la victime doit faire la preuve de la négligeance du défendant à celui de responsabilité extra contractuelle.

Sommaire

Prémisses au désastre

De 1834 à 1854, la ville de Johnstown se développa en un port important du système de train-canal en Pennsylvanie qui fut créé pour traverser les Appalaches et relier la côte est américaine aux Grandes Plaines. Les chalands ayant traversé les montagnes sur les trains du Allegheny Portage Railroad, étaient remis à l'eau à Johnstown, pour ensuite se diriger vers Pittsburgh et la vallée de l'Ohio. En 1854, le parachèvement du chemin de fer Pennsylvania Railroad rendit désuet le système de canal qui fut bientôt abandonné[3]. La ville se tourna alors vers l'exploitation des mines de fer et de charbon, ainsi que la fabrication d'acier.

Bien que le canal fut abandonné après 1854, le réservoir qui servait à l'alimenter demeura en place à 22,53 km en amont de la ville. Le territoire où il se trouvait fut racheté par des spéculateurs pour en faire un club privé pour les gens fortunés de Pittsburgh et le réservoir servait à la pêche sportive. Le club compta bientôt de grands noms de l'industrie comme Andrew Carnegie, Andrew Mellon, Henry Clay Frick, Philander Knox et Robert Pitcairn. Pour accommoder les membres, les promoteurs abaissèrent le sommet du barrage (le South Fork Dam) afin d'y faire passer une route, mirent une grille dans l'évacuateur de crue afin de retenir les poissons et élevèrent le niveau du réservoir. Ces modifications rendirent le barrage vulnérable à une crue subite des eaux. De plus, l'entretien de l'ouvrage fut négligé et les réparations faites par du personnel méconnaissant ce domaine[2].

Événement

Le 28 mai 1889, une importante dépression s'est formée sur le Nebraska et le Kansas. Elle s'est ensuite déplacée vers l'est pour frapper la Pennsylvanie deux jours plus tard. Les pluies intenses qui tombèrent alors sont les pires jamais enregistrées dans la région. Les stations de l’U.S. Army Signal Corps enregistrèrent de 150 à 250 mm de précipitations en vingt-quatre heures. La région étant très montagneuse, l'eau a dévalé les pentes et s'est retrouvée rapidement dans les ruisseaux et rivières. Durant la nuit ces cours d'eau sont devenus des torrents plein de débris dont des poteaux télégraphiques et des sections de voie ferrée.

Le matin du 31 mai 1889, la rivière Conemaugh passant à Johnstown était à la limite du débordement, ce qu'elle fit un peu plus tard. Le barrage South Fork montrait des signes de défaillance alors que le réservoir était rempli et que l'évacuateur ne réussissait pas à évacuer la crue car il était bouché par les débris. Elias Unger, le président du club privé qui résidait juste près du barrage, inspecta la structure et vit que l'eau arrivait au sommet de la digue. Il assembla les hommes disponibles pour essayer d'enlever les débris de l'évacuateur, de creuser une brèche de surface pour servir d'évacuateur de secours et de consolider le reste du barrage.

John Parke, un ingénieur du club considéra brièvement de créer une profonde brèche à une extrémité du barrage, là où la pression était moindre, pour essayer de vider le lac mais y renonça devant les risques d, affaissement de l'ouvrage. Unger envoya deux fois à Parke à Johnstown afin d'avertir par télégraphe la population du grand danger mais les avertissements ne furent pas disséminés par les autorités à cause de fausses alertes antérieures[2]. Unger, Parke et leurs hommes continuèrent leur efforts jusqu'à 13 h 30 avant de se retirer en hauteur, épuisés, lorsque le bris fut devenu inévitable.

Pendant ce temps, le niveau d’eau monta de 3 mètres dans les rues de Johnstown[4]. À 15 h 10, le barrage fut emporté par la pression. La masse d'eau libérée, environ vingt millions de tonnes, forma une vague qui déferla dans la vallée encaissée vers la ville de Johnstown en emportant tout sur son passage. Le premier village frappé fut celui de South Fork où de 20 à 30 maisons furent emportées par les eaux. Seulement quatre personnes se noyèrent car les habitants purent se réfugier en hauteur ayant put voir le barrage s'effondrer. Le long du trajet de la vague, les débris charriés par la vague formèrent des embâcles temporaires dans les resserrements de la vallée qui permirent de renforcer la vague à chaque fois qu'ils cédaient. L’inondation a ainsi gardé sa puissance jusqu'à Johnstown[2]. Avant d'arriver à Johnstown, le raz-de-marée frappa la petite ville de Mineral Point, faisant seize morts, puis East Conemaugh où elle fit cinquante noyés. À ce dernier endroit, le conducteur de train John Hess entendit la vague approcher et activa son sifflet tout en se dirigeant vers le village pour avertir la population du danger ce qui sauva plusieurs vies. La locomotive de Hess fut renversée par les flots mais il put s'en tirer.

Peinture du désastre à Stone Bridge

Juste avant son arrivée en ville, la vague frappa l'aciérie Cambria Iron Works, emportant des wagons de chemins de fer et du fil barbelé. À 16 h 7, la masse d'eau et de débris traversa la ville le long de la rivière Conemaugh à la vitesse estimée de 64 km/h, ne laissant aucun temps de réaction aux habitants. Elle recouvrit la ville de 18 mètres d'eau et détruisit la plupart des bâtiments. Peu de gens purent se réfugier en hauteur ou sur le toit des édifices épargnés. Les débris s'agglutinèrent ensuite sur le côté du pont de pierre (Stoney Bridge) de la Pennsylvania Railroad ce qui créa un barrage au travers de la rivière Conemaugh et l'eau refoula vers la rivière Stoney Creek qui rejoint la Conemaugh. La gravité ramena finalement l'eau depuis cette vallée vers la ville. Des feux se déclarèrent également dans les débris accrochés au pont causant quatre-vingt morts[5]. Ce feu dura trois jours mais ne détruisit pas le pont qui existe toujours en 2011. Il fallut trois mois pour enlever les débris enchevêtrés d'acier et de la dynamite a dû être employées[6].

Au moins 2 209 personnes perdirent la vie, noyés, écrasées par les débris, prises dans les fils barbelés ou brûlés tout au long de la course des eaux.

Dommages et secours

Maison rasée par l'inondation
Maison de John Schultz à Johnstown qui fut emportée par les eaux avec son propriétaire et six autres personnes lors de l'inondation. Tous survécurent.
Arrestation des pillards

Ce fut la pire inondation de l'histoire américaine au XIXe siècle. On estime à 1 600 le nombre de maisons détruites sur les 10 km² de la ville. Les dégâts se sont élevés à 17 millions $US (1889) et la ville mit des années à s'en relever. Les 2 209 décès en firent la catastrophe civile la plus meurtrière aux États-Unis jusqu'à l'ouragan de Galveston en 1900. Parmi ces victimes, 99 familles furent entièrement décidés, incluant 396 enfants, 124 femmes et 198 hommes perdirent leurs conjoints et 98 enfants devinrent orphelins. Un tiers des corps retrouvés, soit 777, ne purent être identifiés et furent enterrés dans une fosse commune du cimetière Grandview à Westmont.

Des ouvriers travaillèrent sept jours et nuits pour rebâtir le viaduc pour que le train puisse les relier à Pittsburgh, à 89 km de là, et que les provisions, médicaments et l’assistance puissent enfin arriver. Le service reprit sur la ligne de la Pennsylvania Railroad le 2 juin. Les cercueils firent partie des premières livraisons. Près de 7 000 volontaires, dont Clara Barton présidente de la Croix-Rouge américaine, se rendirent à la ville pour nettoyer les débris et aider les survivants. Les dons recueillis, à travers les États-Unis et 18 autre pays, totalisèrent 3 742 818,78 $US.

La reconstruction de la ville pris des années. La fonderie Cambria Iron and Steel fut gravement endommagée mais retourna en production après un an et demi. Frank Shomo, le dernier survivant de la tragédie, mourut le 20 mars 1997 à l'âge de 108 ans[7]

Procès des responsables

Durant les années suivantes, la population tint le club pour responsable d'avoir causé le désastre mais aucun membre ou personnel de l'établissement ne fut jamais reconnu coupable de négligence. Le procès qui leur fut intenté se termina par un non-lieu, malgré les preuves présentées. La catastrophe fut déclarée comme un cas de force majeure (Act of God en droit anglophone) et aucune compensation ne fut versée aux sinistrés. Cependant plusieurs riches membres du club contribuèrent à l'aide, par exemple, Henry Clay Frick donna plusieurs milliers de dollars et Andrew Carnegie construisit une nouvelle librairie.

La difficulté résida en deux points : le club était une entité légale indépendante, séparée des avoirs de ses membres, et ses riches membres ne pouvaient être tenus responsables de négligence individuelle. Bien que la seconde fut primordiale en cour, le première souleva un tollé dans la presse nationale. Cela eut pour conséquence que durant les années 1890, les différents États modifièrent la loi à partir d'un précédent de la Common law britannique (cas Rylands v. Fletcher) jusque là ignoré aux États-Unis. Ce changement spécifie qu'un défendant reconnu ou non négligeant est quand même responsable pour les dommages causés par un usage abusif de la terre. Cela amènera à l'adoption du principe de responsabilité extra contractuelle au XXe siècle[8].

Souvenirs du drame

Monuments

Sur les terrains du club fut établi le Mémorial national de l'inondation de Johnstown en 1964. On y retrouve entre autres les restants du barrage qui s'est rompu. Une flamme éternelle brûle au parc Point Park de Johnstown en mémoire des victimes.

Dans la culture populaire

Plusieurs romans et nouvelles mentionnent l'inondation ou se sont inspirées des événements de Johnstown. Parmi ceux-ci :

  • Dans Captains Courageous, Rudyard Kipling mentionne que la famille de son personnage Pennsylvania Pratt a été entièrement tuée dans l'inondation ;
  • Le gagnant du prix Pulitzer David McCullough consacre un volume entier à l'inondation de Johnstown[9] ;
  • Dans un épisode de la série télévisée Au cœur du temps, et la nouvelle de 1966 de Murray Leinster, deux voyageurs du temps aboutissent à Johnstown juste avant l'inondation mais ne peuvent convaincre les habitants du dangers ;
  • l'inondation est le sujet du poème The Pennsylvania Disaster de William McGonagall[4]
  • Dans sa série Chronique de la famille Kent de John Jakes, le chapitre final de The Americans parle des personnages Elenor et Leo qui se retrouvent en plein dans les événements. Jakes y décrit les 24 heures entourant le drame ;
  • Un épisode des dessins animés Mighty Mouse des années 1940 utilise l'histoire de l'inondation de Johnston ;
  • Dans les romans Star Trek: New Earth tirées de la série origine de Patrouille du cosmos, la nouvelle Rough Trails, de L.A. Graf, recrée les événements sur une autre planète[10].

Les événements sont également mentionnés dans certaines chansons :

  • Dans la chanson Highway Patrolman de Bruce Springsteen, de l'album Nebraska (1982), le narrateur et son frère dans avec Maria au son de la chanson Night of the Johnstown Flood ;
  • L'inondation fut une inspiration de l'album Jonstown de la musicienne canadienne Oh Susanna (Suzie Ungerleider)[11].

Références

  1. (en) Parcs nationaux des États-Unis, « Nature & Science », Johnstown Flood National Memorial, Gouvernement des États-Unis, 8 juillet 2008. Consulté le 2011-05-15
  2. a, b, c et d (en) Christine Gibson, « Our 10 Greatest Natural Disasters », dans American Heritage, vol. 57, no 4, Août/septembre 2006, p. 5-6 [texte intégral (page consultée le 2011-05-15)] 
  3. (en) Parcs nationaux des États-Unis, « Places », Johnstown Flood National Memorial, Gouvernement des États-Unis, 8 juillet 2008. Consulté le 2011-05-15
  4. a et b (en) F.W. Lane, The Elements Rage, David & Charles, 1966,  p. (ISBN 978-0-8019-5088-9 et 978-0801950889), p. 129 
  5. (en) Willis Fletcher Johnson, History of the Johnstown Flood, 1889, p. 61-64 
  6. Lane, F.W. The Elements Rage (David & Charles 1966), p.131
  7. (en) Eric Pace, « Frank Shomo, Infant Survivor Of Johnstown Flood, Dies at 108 », dans The New York Times, 24 mars 1997 [texte intégral (page consultée le 2011-05-15)] 
  8. (en) Jed Handelsman Shugerman, « The Floodgates of Strict Liability », dans The Yale Journal, Yale L.J., vol. 110, no 333, 8 novembre 2000 [texte intégral [PDF] (page consultée le 2011-05-15)] 
  9. (en) David McCullough, The Johnstown Flood, New York, Simon & Schuster, 1968, 2e éd., poche,  p. (ISBN 978-0-671-20714-4) [présentation en ligne] 
  10. (en) Jeff Ayers, Voyages of Imagination, Pocket Books, 2006,  p. (ISBN 978-1-4165-0349-1) 
  11. (en) Oh Susanna - Johnstown sur Fish Records. Consulté le 2011-05-23

Voir aussi

Bibliographie

Source

Liens externes

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