La Crucifixion du Parlement de Paris

La Crucifixion du Parlement de Paris
La Crucifixion du Parlement de Paris, André d'Ypres (?), huile sur panneau de bois de chêne, 1,45 m x 2,70 m, (hauteur au centre 2,26 m), vers 1449

La Crucifixion du Parlement de Paris est un tableau peint vers 1449, exposé au Musée du Louvre depuis 1904. Ce tableau a été commandé pour le Parlement de Paris. L'auteur présumé serait André d'Ypres (de).

Sommaire

Histoire du tableau

Le tableau a été exécuté au milieu du XVe siècle, pour la Grande Chambre[1] du Parlement de Paris, où il est d'abord resté jusqu'à la Révolution. Après un premier passage au Muséum central des arts (le Louvre) de 1799 à 1808, les magistrats de la cour d'appel de Paris obtiennent le retour du tableau au palais de Justice. C'est avec les mesures de laïcisation, en 1904, prescrivant le retrait des emblèmes religieux des tribunaux, que le tableau rejoint à nouveau le Louvre.

La présence d'un Crucifixion dans une salle de Justice dépasse le rappel d'humilité et d'intégrité adressé aux juges ; il s'agit d'asseoir l'institution judiciaire et donc d'assurer une forme de continuité entre l'Eglise et l'institution.

L'auteur du tableau

Ce tableau a été réalisé pour Dreux Budé, haut fonctionnaire royal, dont la carrière culmine vers 1450 ; le Maître de Dreux Budé (de), ainsi baptisé du nom de son commanditaire, pourrait être identifié, selon une hypothèse récente, à André d'Ypres, installé à Paris à partir de 1444 ; il mourut à Mons (Hainaut) en 1450. La Crucifixion du Parlement de Paris aurait pu être achevée à cette date[2].

Description

Il s'agit d'une huile sur bois de chêne (dimensions : hauteur : 1,45 m ; longueur : 2,70 m ; hauteur du gâble central: 2,26 m).

Partie centrale

La partie centrale est surélevée pour mettre en valeur la croix. Le long de l'arc en accolade, on observe six anges sculptés. Le sommet de l'arc comporte un socle sur lequel devait se trouver une statuette aujourd'hui disparue. Sous l'arc en accolade, Dieu apparaît, entouré d'anges, dans un halo de lumière, accompagné d'une colombe représentant le Saint-Esprit. Ainsi, nous sommes également en présence d'une représentation de la Trinité.

Au pied de la croix, sont groupés la Vierge, entourée de deux autres femmes (peut-être Marie-Madeleine et Marie-Salomé[3]) , et saint Jean l'Evangéliste.

Parties latérales

De chaque côté de la partie centrale, quatre arceaux polylobés déterminent les emplacements respectifs, de quatre personnages importants :

- A la droite du Christ, on trouve saint Jean Baptiste et Saint-Louis ; représenté en ascète, vêtu d'une tunique en peau de chameau, saint Jean Baptiste désigne un agneau, symbole du Christ. Saint Jean Baptiste est en position de dialogue avec Saint-Louis dans un contexte où celui-ci a acquis un fragment de la tête de saint Jean, situé dans le trésor de la Sainte-Chapelle tout proche. Saint-Louis est vêtu d'un manteau d'apparat bleu, semé de fleurs de lis, et tient un sceptre dans sa main droite[4].

- A gauche du Christ, on trouve Charlemagne et saint Denis. Saint Denis, évêque de Paris, martyrisé vers le milieu du IIIe siècle, vient d'avoir la tête tranchée sur le mont des Martyrs (Montmartre) ; il tient sa tête entre les mains et se dirige vers l'emplacement de sa sépulture (à Saint-Denis). Derrière lui se place un groupe d'hommes où on distingue,à l'arrière plan, le juge (avec son bonnet pointu et son manteau rouge et or), et, au premier plan, le bourreau (avec son épée tachée de sang). Le bourreau va décapiter deux compagnons de saint Denis, le prêtre Rustique et le diacre Éleuthère, l'un d'eux étant sur la droite, en chemise blanche. Au premier plan de l'attroupement, le notable à la robe chamarrée est probablement le proconsul Fescennius, qui, du temps de Domitien, aurait fait arrêter et supplicier Denis et ses compagnons. Quant à Charlemagne, il tient une épée dans sa main droite et un orbe de cristal de roche dans sa main gauche (Ce dernier avait été canonisé en 1165, et son culte était très répandu dans le royaume de France).

Au bas du tableau, au pied de la croix, les ossements épars seraient ceux d'Adam[3].

L'arrière-plan

A l'arrière-plan, on peut voir certaines vues de Paris : à gauche on a une vue depuis la terrasse de l'hôtel de Nesles (avec sa tour) sur la Seine, la forteresse du Louvre (siège du pouvoir royal) et l'hôtel du Petit-Bourbon. A droite, on peut voir le Palais de justice dans l'Ile de la Cité. L'entrée du Palais, dénommée Porte du beau roi Philippe comporte, au niveau du trumeau, la statue de Philippe le Bel, et, à droite, la niche vide où se trouvait l'effigie d'Enguerrand de Marigny, abattue en 1315 (l'année où il fut condamné à être pendu). Au centre, derrière saint Denis, on aperçoit Montmartre, lieu de son supplice, qui symbolise le Golgotha, lieu du supplice du Christ[2].

Style

L'encadrement est de style gothique flamboyant. Sur le tableau, tous les personnages sont de style flamand. Ainsi, le visage de Marie, au pied droit de la croix, est d'un type semblable à celui de la femme soutenant Marie évanouie dans la Descente de Croix (vers 1430) de Roger Van der Weiden (Musée du Prado, Madrid). Le perizonium serait d'inspiration germanique[3]. Toujours dans la partie centrale, Saint Jean l'Evangéliste a une silhouette qui est tout à fait semblable à celle du même personnage sur le Calvaire, réalisé par Roger van der Weiden (visible au Monastero El Escorial[5])[6].

On notera également,dans la partie gauche du tableau, celle où on aperçoit le Louvre, la succession de plans qui évoque celle que Jan Van Eyck a réalisée dans la Vierge du chancelier Rolin (vers 1445), avec notamment la présence, dans ces deux tableaux, du motif de l'homme appuyé sur un parapet, penché en avant, invitant le spectateur à pénétrer dans le tableau[6].

Toujours à gauche du tableau, Saint Jean Baptiste fait penser à son homologue sur l'un des panneau du retable peint en 1438 par le Maître de Flemalle pour le Franciscain Heinrich Werl (Heinrich Werl présenté par Saint Jean Baptiste)[7],[6].

Notes et références

La version du 31 juillet 2001 de cet article est, sauf exceptions mentionnées, directement inspirée de l'article de Philippe Lorentz, La Crucifixion du Parlement de Paris, paru dans Grande Galerie - Le Journal du Louvre, n° 15, mars/avril/mai 2011.

  1. Salle située au coeur du Palais de la Cité, où le roi préside lui-même les séances solennelles, alors appelées "lits de justice"
  2. a et b Selon la notice consacrée à cette oeuvre sur le site du musée du Louvre.
  3. a, b et c Christian-Nils Robert, La justice dans ses décors (XVè-XVIè Siècles), éd.Droz, 2006, (ISBN 978-2- 6000-1053-5).
  4. Il est généralement admis qu'il avait les traits de Charles VII, contemporain du tableau, en contradiction, toutefois, avec le Portrait de Charles VII par Jean Fouquet (Musée du Louvre).
  5. Voir une image du tableau
  6. a, b et c Philippe Lorentz, La crucifixion du Parlement de Paris, éd. Réunion des musées nationaux, 2004, (ISBN 978-2-7118-4813-3).
  7. Voir une image du tableau sur l'article de wikipedia consacré au Maître de Flemalle.

Bibliographie

  • Philippe Lorentz, La crucifixion du Parlement de Paris, éd. Réunion des musées nationaux, 2004, (ISBN 978-2-7118-4813-3).
  • Philippe Lorentz, La crucifixion du Parlement de Paris, in Grande Galerie - Le Journal du Louvre, n° 15, mars/avril/mai 2011, pp. 100 - 103.
  • Christian-Nils Robert, La justice dans ses décors (XVè-XVIè Siècles), éd.Droz, 2006, (ISBN 978-2- 6000-1053-5).
  • Charles de Mérindol, Le Retable du Parlement de Paris, nouvelles lectures, Histoire de la Justice, 1992, n°5, pp. 19-34.



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article La Crucifixion du Parlement de Paris de Wikipédia en français (auteurs)

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