La philosophie du porc et autres essais

La philosophie du porc et autres essais
La philosophie du porc et autres essais
Auteur Liu Xiaobo, Jean-Philippe Béja
Préface Václav Havel
Genre essai
Éditeur Gallimard
Collection Bleu de Chine
Date de parution 2011
ISBN 9782070132508

La philosophie du porc et autres essais est un ouvrage de Liu Xiaobo et Jean-Philippe Béja préfacé par Václav Havel.

Jean-Philippe Béja, qui connait Liu Xiaobo depuis 20 ans, a choisis à partir de plusieurs centaines d'articles, dont 3 avaient déjà été traduits en français, les articles qui constituent ce livre. Ces articles présentent un intérêt majeur pour ceux qui s’intéressent aux échanges d’idées en Chine[1]. L'ouvrage comporte également une biographie exhaustive et commentée de Liu Xiaobo.

Václav Havel, qui voit dans la Charte 08 des échos de sa propre Charte 77 de l'époque communiste, a composé la préface du livre[2].

Ce premier livre de Liu Xiaobo paru en français, est un témoignage de son courage et de son franc-parler. Ainsi, il critique ce qu'il qualifie de "philosophie du porc" : cette tendance des intellectuels chinois à se faire "acheter" par le parti communiste chinois[3].

Biographie de Liu Xiaobo

Né à Changchun, en 1955, Liu Xiaobo est fils de professeur de l'Université normale du Nord-Est. A 14 ans, comme nombre d'intellectuels durant la révolution culturelle, sa famille et lui sont envoyés dans les campagnes de Mongolie-Intérieure où il passe 4 ans de 1969 à 1973. Les écoles sont quasiment fermées et il lit tout ce qu'il peut trouver. En juillet 1973, diplômé de l'enseignement secondaire, il est envoyé comme de nombreux jeunes instruits dans un village, pour lui ce sera la commune de Sangang, district de Nongan. En novembre 1996, 2 mois après la mort de Mao Zedong, il est employé comme ouvrier au sein d'une équipe de construction à Changchun. En juillet 1977, il est admis à l'examen d'entrée rétabli de l'université. En 1982, il est diplômé en littérature chinoise à l'Université de Jilin et peut rejoindre l'Université normale de Pékin pour un master. Il y enseigne et soutiendra un doctorat en 1988. Son travaille porte sur l'étude de la littérature et de l'esthétique occidentales. Il apprécie particulièrement Franz Kafka. Au cours de son master, il se tourne vers la vie culturelle, écrivant des poèmes et fréquentant les cercles poétiques, où il fit la connaissance de Liu Xia qu’il épousera en secondes noces. En 1986, son article "Crise ! La littérature de la nouvelle époque est entrée en crise[4]" le rend célèbre. Il y critique l'absence de créativité des écrivains chinois, pourtant loués pour leur capacité à briser les tabous. Sa critique de l'école littéraire de la "recherche des racines", pour lui "retraite dangereuse et réactionnaire dans le traditionalisme" choque car l'école est alors très populaire. Il donne des conférences où il critique les tendances confucéennes d'écrivains totalement dépendant de l'État, rêvant de devenir les conseillers du prince. Selon lui, les intellectuels ont pour premiers devoir de conserver un esprit critique et de penser par eux même. Il se rattache ainsi à la tradition du mouvement du 4 mai 1919. Suite à son article, il est surnommé le « cheval noir » de la scène littéraire. Quand l'establishment culturel affirme que la littérature chinoise est en pleine renaissance, il déclare qu'elle est incapable d'innovation. Publié peu après la conférence internationale de septembre 1986 convoquée par le ministre de la culture Wang Meng visant à convaincre les spécialistes en littérature chinoise d'attribuer le prix Nobel à un écrivain chinois, l'article fait sensation. Liu est alors considéré comme un provocateur, et il acquiert immédiatement une notoriété, invité à donner des conférences dans toute la Chine, il attire un public important, notamment lors de la soutenance de sa thèse en 1988 à l'Université normale de Pékin. Sa critique de Li Zehou (en), maître à penser de l'esthétique chinoise rénovée, attire l'attention des intellectuels. A la suite de sa thèse, il est invité en Norvège et aux USA. Lors d'une escale à Hong Kong, interviewé par Jiefang (décembre 1988), il déclare : « pour pouvoir atteindre un développement satisfaisant, la Chine aurait besoin de 300 ans de colonisation. » Aujourd’hui, les autorités chinoises affirment y voir la preuve qu'il est vendu aux Occidentaux. Il convient cependant d'examiner le contexte de 1988. Les 20 dernières années du règne de Mao ont plongé la Chine dans une situation dramatique, et nombre de Chinois, même au sein du parti communiste chinois (PCC), sont en extase devant la réussite de la colonie de Hong Kong avec sa liberté et sa prospérité. La culture traditionnelle et le « féodalisme » maoïste apparaissent comme les obstacles majeurs de la modernisation. Ainsi, à la fin des années 1980, Liu n'est qu'un critique culturel, certes plus véhément et plus talentueux que bien d'autres de cette période d'anti-féodalisme et d'admiration de la démocratie occidentale. Il réside 3 mois en Norvège où il se sent isolé et déçu par les sinologues étrangers qui « ne parlent pas le Chinois ». Il est mal à l'aise aussi aux USA où passe quelques mois dans les universités américaines : « Face aux autres nations [les Occidentaux modernes] gardent toujours bien enracinés en eux un sentiment distinctif de supériorité[5] ». Il réalise qu'il n'y a pas de remède miraculeux aux difficultés de la civilisation moderne. Il faut penser par soi même et mettre en œuvre « une critique de la culture occidentale à partir de la force individuelle[6] ». Celui que le Global Times dénonce comme un adepte de l'occidentalisation totale est en réalité déçu par l'occident. Ainsi, quand éclate le mouvement pour la démocratie en Chine en 1989, Liu, que les Chinois envient, quitte New-York et l'Université Columbia et prend le premier avion pour Pékin. C'est le seul visiting professor chinois à avoir fait ce voyage, les autres préférant un soutien à distance du mouvement. Dès son arrivée à Pékin début mai, il va sur la place Tian'anmen et passe de longs moments avec les étudiants de l'Université normale de Pékin de ses études. Toujours sincère, dans des dazibao, il critiquera les leaders du mouvement pour leur incapacité à échapper à la pensée maoïste quand ils demandent la réhabilitation de leur mouvement au PCC. Malgré ses critiques, il est estimé des jeunes étudiants, lui même n'ayant que 34 ans, et restant à leurs côtés au cours du mouvement sur la place occupée. La loi martiale est proclamée le 20 mai. Il cherche alors à convaincre les étudiants de modérer l'action. Le 2 juin, devant la rumeur d'une intervention imminente de l'armée, il tente de mobiliser les intellectuels chinois et avec 3 camarades, il organise une grève de la faim. Liu Xia, qu'il n'a pas revu depuis son départ à l'étranger, viendra lui rendre visite juste avant. Il ne peut lui parler, mais il lui adresse un message enregistré « Liu Xia ne pleure pas. Mène une vie heureuse. Si l'armée vient, nous ne résisterons pas. Nous nous laisserons emmener ». Le lendemain soir, quand les chars entrent dans Pékin, le massacre commence. Après une longue hésitation, comme ses camarades grévistes de la faim, il pense qu'il faut évacuer la place et réussit à en convaincre les étudiants, évitant ainsi un nouveau bain de sang. Il négocie l'évacuation pacifique de Tian'anmen avec l'armée. En position d'éviter un conflit meurtrier, il choisit la modération : l'intellectuel radical sans compromission est devenu un responsable mûr, réussissant à convaincre les foules d'adopter une attitude rationnelle. Il évite la police dans un logement diplomatique où il ne reste que 2 jours, ne pouvant trouver le calme alors que ses camarades sont pourchassés. Ainsi, le 6 juin, alors qu'il circule à vélo dans Pékin, il est arrêté et incarcéré à la prison de Qincheng, accusé d'être l'une des « mains noirs » du mouvement. Avec une virulence sans précédent, la presse se déchaîne contre lui. Cependant, il accore au cours de son incarcération une interview à CCTV où il déclare qu'il n'y a pas eu de mort sur la place Tian'anmen. Il regrettera par la suite avoir produit cette autocritique. Est-ce ce qui lui a permis d'être relâché le 1er janvier 1991 sans procès ? Dans sa vie, « juin 1989 représente un tournant crucial[7] ». Alors qu'il est en prison, sa femme le convainc de demander le divorce, rappelant les périodes noires de la répression maoïste pendant le mouvement anti-droitier de 1957. En conséquence, il perd sa famille et le droit de résidence à Pékin, son hukou (livret de résidence) étant transféré à Dalian, lieu d'habitation de ses parents avec qui les liens sont distendus depuis longtemps, et il perd son emploi. Il est exclu de l'université et n'a plus le droit de publier. Il reste peu de temps à Dalian, et revient clandestinement à Pékin début 1991, dans la maison de Hou Dejian (chanteur taïwanais), puis d'autres amis. Si d'autres militants comme Zhou Duo (un organisateur de la grève de la faim) n'ont pas non plus été repris dans leur unité de travail, il est le seul à n'avoir pas le droit de résider à Pékin. Wang Shuo (écrivain), le convainc d'écrire sous un pseudonyme, sous lequel il ne publiera qu'un ouvrage relatant des entretiens avec des personnalités de la culture. Il écrira des articles pour des journaux d'outre mer, et est un collaborateur régulier des 2 revues indépendantes de Hong Kong, Zhengming et Kaifang. Il écrit aussi pour le quotidien de Hong Kong Ming bao et Xin bao (Hong Kong economic daily). Il publie aussi des livres à Taïwan. Auteur prolifique, le développement d'internet augmenta sa productivité, contribuant à des sites en chinois basé à l'étranger[8].

Références

  1. "La Philosophie du Porc et autres essais" de Liu Xiaobo
  2. Pierre Haski, La philosophie du porc, vision du Nobel en prison Liu Xiaobo, Rue89, 23/03/2011
  3. Un extrait de La philosophie du porc et autres essais par Liu Xiaobo, L'Express
  4. La philosophie du porc et autres essais, p. 57-87
  5. La philosophie du porc et autres essais, Réflexions d'un antitraditionaliste : la révélation new-yorkaise, p. 91
  6. Ibid
  7. La philosophie du porc et autres essais, « Je n'ai pas d'ennemie » p. 509
  8. La philosophie du porc et autres essais, p. 14 et suivantes.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article La philosophie du porc et autres essais de Wikipédia en français (auteurs)

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