Les domaines du moulinet

Les domaines du moulinet

Les domaines du Moulinet et du Pavillon sont les lieux d'extension de la commune. Ils appartiennent à l'histoire de la ville et des alentours de Troyes [1].

Sommaire

Le Moulinet

Le petit domaine connu sous le nom du Moulinet, qui lui vient probablement d'un petit moulin situé à proximité, se trouve sur le territoire de la commune de Pont-Sainte-Marie près Troyes, section du Pont-Hubert. II a son entrée, au Nord, par une longue allée aboutissant sur la route nationale n° 60, de Nancy à Orléans, et tient du nord à cette route et à divers, du midi à divers, du levant à la ferme du Moulinet, qui en dépend, et par elle au champ de manoeuvres qui en fut distrait il y a quarante ans [c'est-à-dire vers 1870], du couchant à des terres situées sur les finages de Creney, de Saint-Parres-aux-Tertres et du Pont-Hubert. Le canal d'Argentolles, qui le borde à l'Ouest et au Sud, alimente ses fossés, canaux et pièces d'eau.

Un site fort ancien

Son histoire, fort obscure, remplie de grandes lacunes, remonte à une très haute antiquité, attestée naguère encore par l'existence d'une motte, monument préhistorique dont voici la description empruntée à l'étude de monsieur Louis Le Clert sur Les mottes féodales et les mottes gauloises dans l'Aube : En janvier 1890, près Troyes, dans la commune de Pont-Sainte-Marie, le propriétaire d'une maison de campagne bâtie sur un terrain dépendant d'un ancien franc-alleu, connu sous le nom de fief du Moulinet, fit enlever de son jardin une butte en terre de forme conique, située à proximité de la rivière et sur laquelle on avait planté des arbres formant une sorte de labyrinthe. Dans le centre de cette butte, les ouvriers trouvèrent quelques pierres et des cendres, puis, sur son pourtour, ils mirent à découvert plusieurs squelettes rangés les uns près des autres, , ayant la tête vers le centre et les pieds sur le bord du fossé dont le tracé était encore reconnaissable. Les ossements, enterrés peu profondément dans la craie ayant servi à élever la butte, se trouvaient, paraît-il, en bon état de conservation. Près des restes d'une femme on trouva même, dit-on, une abondante chevelure n'ayant subi d'autre altération qu'une décoloration complète. Une partie des ornements en bronze, tels que des bagues et bracelets, i trouvés dans ces sépultures, est conservée 1 au Musée de Troyes, auquel elle a été donnée par monsieur Vachette (n"437 à 449 du Catalogue des bronzes). Mais, dira-t-on, si cette butte renfermait des squelettes, ce n'était pas la motte d'une maison gauloise, mais bien un tumulus, une butte funéraire. A cette objection, nous répondrons que la présence de sépultures dans un monument de ce genre n'entraîne pas avec elle la conséquence d'une destination purement funéraire et que, par conséquent, rien ne nous empêche de considérer la butte en question comme étant une motte sur laquelle s'élevait la demeure d'un chef gaulois. Les ossements rencontrés sur le bord du fossé sont ceux 1 de ce personnage et des membres de la famille qui, suivant la coutume, avaient été enterrés sous l'égout de leur toit. On sait, du reste, quel culte professèrent pour l'eau pure et fraîche de nos vallées les envahisseurs d'origine orientale lorsque, fuyant les plaines asiatiques assoiffées par un soleil brûlant et ravagées par le feu souterrain, ils vinrent s'établir sur notre territoire. L'opinion du rédacteur de cette notice est fort admissible, quant au rôle de support d'habitation joué par la motte du Moulinet avant la conquête romaine.

C'était l'usage alors, en effet, d'édifier ainsi, au bord des cours d'eau, des demeures élevées d'où la surveillance des alentours était plus facile, qu'il était aussi plus aisé de défendre, qui défiaient au besoin les inondations. Elles assuraient aux occupants la possession des rivières, en même temps qu'elles en mettaient les ressources à leur portée. De toute façon, elles constituaient une situation privilégiée en ces temps d'insécurité journalière. Quoi qu'il en soit, base de butte ou tumulus, la motte du Moulinet accuse la présence et l'habitat d'une famille, en ce lieu, il y a peut-être deux mille ans.

Une période inconnue

Que devint le Moulinet depuis cette époque reculée jusqu'à celle où les documents écrits parlent de lui, c'est-à-dire pendant quinze siècles ? C'est une question à laquelle il serait téméraire d'essayer de répondre. Sans doute, l'imagination aidant, avec quelques notions des événements qui se passèrent sur le sol de la Gaule, on pourrait échafauder toute une série d'hypothèses très intéressantes, très vraisemblables ; mais, ce ne seraient toujours que des hypothèses, sans espoir de preuve. Les guerres, les invasions durent faire maintes fois changer de maîtres cette propriété mal défendue contre un ennemi un peu fort ou hardi ; maintes fois l'incendie dut dévorer ses bâtiments faits de poutrelles et couverts de chaume, ruiner ses murs construits avec la glaise des marais voisins. Un jour, à l'époque carolingienne, vers les VIII°-X' siècles de notre ère, quelque souverain l'aura donnée à un soldat ou à l'un de ses serviteurs, et le fundus du Moulinet est devenu bien de franc-alleu : un héritage libre de tous devoirs féodaux, un franc-alleu roturier, n'ayant ni justice, ni fief, ni censive, mais exempt de toute redevance, de tout hommage et de toute charge militaire ; en un mot, une simple propriété rurale. La qualification de fief, qui lui est parfois appliquée, ne trouve nulle part de confirmation officielle, et pourtant Jean Rulland, en 1680, s'intitule seigneur en partie du Moulinet, et Edme Blampignon, en 1748, seigneur de la Motte, du Moulinet. Des francs-alleux pouvaient être soumis volontairement au cens afin de se rattacher à l'autorité royale ; mais alors il semble que le domaine devrait figurer dans les listes de convocation du ban et de l'arrière-ban dressées en 1674 et de 1689 à 1695, qui ont été publiées, et il ne s'y trouve pas. De plus, aucun des actes de vente ne fait état de cette seigneurie et ne lui assigne une mouvance quelconque. Les habitants de ce domaine, qu'entouraient peut-être quelques autres maisons, constituaient un hameau, et la rue principale du pays en prit le nom de rue du Moulinet, que portent aussi, mais bien sûr sans aucun rapport, une rue de Troyes et une cour de la rue Hennequin (n°9-11) .

Une connaissance plus précise à partir du XVI' siècle

Dans la première moitié du XVI' siècle, le Moulinet était entre les mains nobles de Jacques de Lantages, seigneur de Belan-sur-Ource (Côte-d'Or), époux de Jeanne de Mello ou Merlo. Ceux-ci l'échangèrent, le 27 avril 1544, avec Bernarde de Salezart, veuve de Mathieu de Villeynes (Côte-d'Or), seigneur de Mazingham (Pas-de-Calais), et dame de Latz ou Laz (Laas, Loiret), et de Chacenay (Aube), où elle demeurait, contre une partie de la seigneurie de Vitry-le-Croisé

(Aube). Le Moulinet est ainsi décrit dans l'acte d'échange : "Un gaignaige, terraige et labouraige vulgairement appelé Moullynet, assis au finage de Pont-Saincte-Marye près Troyes, consistant en maison, grange, foussez, rivyère, deux petits estangs, prez, terres labourables que aultres droicts dont les dictz seigneur et damoiselle de Belaon joyssent et usent de présent" L'absence de documents ne permet pas de connaître quels furent ensuite les maîtres du Moulinet pendant près d'un siècle encore [...].

La fin du silence : l'acquisition du domaine par Pierre Hocquet

Au XVII' siècle, le Moulinet appartint à un sieur et à une dame Léger, membres d'une famille de commerçants et d'industriels troyens qui, depuis longtemps, frisaient la noblesse. Après eux, il passa à leur fils François Léger, marchand drapier-chaussetier et bourgeois de Troyes, époux de Jeanne de la Huproye, qui le vendirent ensemble, le 16 juin 1640, pour 12 000 livres, à Pierre Hocquet, bourgeois de Paris, conseiller du roi, commissaire de la marine de 1634 à 1662, époux de Marie Corneille, laquelle décéda le 8 août 1649 et fut enterrée en l'église de Pont-Sainte-Marie. Sa tombe y existait naguère encore dans le collatéral méridional de l'église, près de la chapelle de la Vierge ; depuis elle a été mise dehors, devant la porte sud, et est maintenant tout à fait illisible.

Une propriété et une fonction bien définies

Pierre Hocquet prit pour armoiries un petit moulin à vent sur une terrasse, accompagné en chef d'un croissant. II les fit graver sur la tombe de son épouse. C'étaient des armes parlantes : le moulin rappelait la propriété du Moulinet ; le croissant, le Levant aux opérations maritimes duquel le propriétaire était attaché. Le Moulinet, était alors, on l'a vu, une simple ferme, un gagnage pourvu d'une "grosse maison" où logeaient souvent à la fois - et bien étroitement - le maître et le fermier. Ceci apparaît clairement par les actes de location qui se succèdent dans le dossier du domaine aux Archives départementales. Sa contenance, lors de la vente de 1640, était de 9 arpents environ pour les bâtiments, cours et clos, et 53 arpents 3 quartiers et demi de terres, soit en tout 26 hectares 52 ares environ. Le 13 décembre 1650, deux ménages de laboureurs de Pont-Sainte-Marie, Jean Petit et Agathe Dyé, avec Henri Lenoir et Simonne Barrois, prennent à loyer de Pierre Hocquet, bourgeois de Paris, conseiller du roi, garde des magasins et munitions de la marine de Levant et Ponant, gentilhomme ordinaire de la fauconnerie du roi, demeurant à Paris, rue des Quatre-Fils, la maison du Moulinet avec ses dépendances, consistant en deux chambres basses (rez-de-chaussée), deux chambres hautes (étage), grenier, galerie et montée hors œuvre (escalier extérieur), grande grange, deux écuries attenant, chambre sans cheminée sur le portail de la dite grange, geliniers (poulaillers) alentour, Bene à porcs avec auge en bois de chêne, grande cour où est une chapelle couverte d'ardoise, puits, deux grandes pierres à eau, sans doute pour faire boire le bétail, etc, tous les bâtiments couverts en tuiles et le terrain qui les contient entouré de grands fossés et à côté, deux grands vergers également entourés de fossés ; quantité d'arbres fruitiers, bois, 6 arpents de prés "entre lesquels preiz est un dédalle (ou labyrinthe) de bois d'aulne", plus 75 arpents de terre, tant autour du Moulinet qu'au Champ-Jacques. Les locataires, qui connaissaient bien la ferme puisque les Petit la faisaient valoir depuis deux ans, la prennent pour six ans et s'engagent à payer 500 livres par an. L'existence, dans le bâtiment principal, d'une galerie avec escalier extérieur indique que cette maison devait être de ce type curieux dont la fin du XVI° siècle ou le commencement du suivant avaient parsemé les environs de la ville et dont quelques spécimens, malgré les modifications qu'ils ont subies, nous ont assez bien conservé le souvenir. Quant à la chapelle, c'était un luxe et tout le monde n'obtenait pas de l'évêché la permission d'en élever dans sa demeure. Je n'ai pas trouvé la date de son érection. Bien que Laffilard indique Pierre Hocquet comme ayant exercé sa charge de 1634 à 1662, il était mort en 1658, puisque le 25 juin de cette année-là, un sieur Sémillard, marchand à Troyes, prit à bail pour neuf ans, à raison de 420 livres par an, de Claude Hocquet, conseiller du roi, receveur des consignations à Saint-Dizier et tuteur de Louis Hocquet, fils mineur et seul héritier de feu Pierre Hocquet, la maison, le bâtiment, etc., appelés le Moulinet, bail qu'il recéda le 10juin 1661 à Jean Hauvy et Michel Manchin, marchands à Troyes [...].

La division entre ferme et maison d'habitation

A ce moment, donc, la propriété est divisée : il y a la maison d'habitation avec ses dépendances, et, tout proche, la ferme, une petite ferme. Cette dernière, le 5 avril 1680, appartenait à Jean Rulland, bourgeois de Paris, "seigneur en partie du Moulinet", qui la donnait à loyer pour cinq ans, moyennant soixante livres par an, à Denis Devarcy, hôtelier à Pont-Hubert. Elle consistait en 14 arpents seulement de terre, lieu-dit le Champ-Jacques. 2 arpents avec partie d'accin dans celui du sieur Hocquet et un corps de bâtiment joignant le sien. Le "sieur Hocquet", c'était Louis Hocquet, sieur du Moulinet, fils de Pierre et devenu majeur, gentilhomme ordinaire de la fauconnerie du roi, et marié à Louise Hocquet, sans doute sa cousine. Louis Hocquet agrandit sa propriété en y réunissant des parties autrefois distraites. II est dit dans l'état conservé aux Archives que le fils Hocquet a acquis une partie du Moulinet pour 3 000 livres plus les frais, et aussi qu'il a acheté "le restant des bâtiments du Moulinet qu'on apeloit l'apartement de la dame, qui a été plus de 30 ans en baille judiciaire, avec les dépendances, qui a coutté au moins 1 000 livres" [...]. Louis Hocquet était mort dès 1697 au moins, laissant trois enfants : Louise Hocquet, épouse d'Antoine Blampignon, capitaine du régiment de Moulins (1702), puis au régiment de Grandpré (1703), demeurant ordinairement à Troyes (et au Moulinet à partir de l'année suivante) ; Louis-Nicolas Hocquet et Marie-Agnès Hocquet, émancipés par justice à la curatelle de Claude Hocquet, leur oncle, avocat au Parlement, demeurant au château de Saint-Dizier. L'aînée, le 8 août 1697, prit à loyer de ses frère et sœur les deux tiers leur appartenant de la propriété paternelle, pour neuf ans [...]. Blampignon, l'époux de Louise, reloua à son tour. Le 20 janvier 1701, c'était à André Barbier et Nicolas Manchin, laboureurs à Culoison, qui prirent pour six ans, à raison de 450 livres en argent, 15 paires de pigeonneaux, 4 boisseaux de noix et 1 boisseau de pommes, le "dit lieu du Moulinet", à la réserve de la salle du côté de la ville et cabinet attenant, qui servaient d'habitation aux Blampignon, ainsi que le grand jardin hors de l'enclos et à gauche en sortant du Moulinet, la maison et bâtiment du "pavillon", qui répond au pavé du Pont-Hubert, et la cour jusque et y compris le puits [...]. Un partage ayant eu lieu, je ne sais à quelle date, entre Jean Fenard, époux de Marie-Agnès Hocquet, Antoine Blampignon et Louis-Nicolas Hocquet (Edmée Blampignon et sa mère étant morts sans doute), les tronçons de la propriété subirent des sorts divers. Le 29 juin 1713, par acte sous seing privé, Antoine Blampignon, alors ancien capitaine, donne à bail à Louis Philebert, laboureur à la Vallotte, "le tiers au total d'une ferme seize en la paroisse du Pont-Sainte-Marie appelée le Moulinet, acquis (le tiers) nouvellement par le dit sieur Blampignon du sieur Fenard, consistant en la moitié en (pour du) gros corps de logis et environ trente-cinq à quarante arpens de terres labourables, enclos et vergers plus ou moins sy plus ou moins y a..., ainsy que le tout est spécifié et exprimé au premier lot échu au dit sieur Fenard dans le dit partage fait entre luy, le sieur Hocquet et le dit sieur Blampignon, à la réserve seulement du petit jardin, de la petite sale basse et de la chambre au-dessus et le droit de pêcher dans les fossez... ° Ce bail est fait pour six ans, à raison de 135 livres par an. Antoine Blampignon mourut à Troyes, sur la paroisse Saint-Pantaléon, et fut inhumé le 4 mars 1718, à l'âge de 58 ans [...].

Claude Roy, seigneur de Barberey

André Le Roy était, avec Claude-Hugues Le Roy, l'un des deux fils de Claude Le Roy, écuyer, décédé à 8arberey-Saint-Sulpice, près Troyes, le 26 septembre 1732, et d'Elisabeth-Aymée Aumont, morte avant 1760 et après laquelle ils devinrent seigneurs de la terre de Barberey, que leur père avait achetée en 1720 de Ch.-Simon Feydeau. Il épousa Louise-Mâthie Blampignon en l'église Saint-Nicolas de Troyes, le 14 janvier 1733, après contrat passé la veille devant M' Jean Maslot, notaire. Suivant "l'Etat de mes affaires" rédigé par François Janson, son gendre, "laditte dame Louise-Matie Blampignon, ma belle-mère, a apporté en mariage le tiers du Moulinet dont l'usufruit étoit réservé à madame sa mère, qui étoit estimé trois mil livres, lequel est entré par le dit contrat en la communauté pour y estre ameubli ; ayant renoncé pour le surplus 6 la succession de sa ditte mère, le total du dit Moulinet n'en peut donc sortir qu'en nature de conquêt" Par conquêt ou par héritage, André Le Roy semble avoir réuni en ses mains la totalité de la terre du Moulinet. A la date du 1" janvier 1754, il habitait le château de Barberey, avec sa belle-mère, et donnait à bail pour trois ans la ferme "appelée vulgairement le Moulinet" à Pierre Charton fils et Marie-Jeanne Hérard, sa femme qui y demeuraient déjà. Comme Blampignon, il faisait réserve "de la sale de la dite maison qui me sert de vinée et le surplus du logement non occupé et loué par les dits fermiers et occupé par moi et de la cuizine que je me rézerve et la liberté de cuire et de me servir du fourny quen j'en aurés bezoin, en outre je me rézerve tous les fruits du petit jardin sans en rien excepter qui est du costé de Troyes, à la rézerve seulement que le dit fermier poura faire seullement des lesgumes et faire un petit potager du tairain du petit jardin'. Passons sur d'autres petites réserves et sujétions, comme le droit de pêche au profit du bailleur, pour arriver au prix de location, 250 livres par an et de menues denrées : foin, paille, fourrage, beurre, chanvre, noix, fagots, etc. Ce bail fut renouvelé, aux mêmes clauses et conditions, pour trois années, le 1" janvier 1757, puis sans doute encore le 1" janvier 1760 [...].

Drame de famille et Révolution : des Leroy aux Janson

Sa fille unique, Elisabeth-Edmée Le Roy, avait épousé, le 18 octobre 1763, à Barberey, François Janson, né à Troyes le 28 octobre 1733 (actes de Saint-Etienne), fils de Nicolas Janson, capitaine major de la milice de Champagne, puis capitaine au régiment de Lorraine-Infanterie, et d'Anne Rivot. L'époux, seigneur de Saint-Parres-aux-Tertres et de Baires, était lui-même capitaine aide-major au régiment de Dauphiné-Infanterie et devint seigneur de Barberey à la mort de son oncle Claude-Hugues, le 12 janvier 1773. Retiré du service en 1769, il acquit une charge de conseiller secrétaire du roi au grand collège, afin de procurer à ses enfants, le titre de noblesse qu'ils avaient déjà du côté de leur mère, et y fut reçu par lettres patentes du 10 mars 1773. Ces enfants étaient : André-François Janson, né le 18 août 1764 ; Elisabeth-Louise Janson, née le 12 octobre 1766, baptisés tous deux à Barberey. François Janson mourut le 3 décembre 1792 ; sa veuve, le 24 juillet 1793, âgée de 60 ans comme lui ; et leur fille, le 18 septembre de la même année, tous à Barberey. Quant à leur fils, il était alors absent et prévenu d'émigration. Ce fils, André-François Janson, "né avec une tête mal organisée ", n'avait, paraît-il, jamais été bien vu par son père, qui n'avait de complaisances que pour sa fille, aussi son éducation était-elle restée à l'abandon. Pour comble, envoyé à l'âge de vingt-quatre ans à Sézanne, il y avait contracté une union qui acheva de lui aliéner ses parents. Aussi, quand il revint à Barberey, lui fit-on la vie tellement dure qu'il s'enfuit et se réfugia à Troyes. Là, un parent "intéressé à lui nuire", neveu de son père et par conséquent son cousin germain, officier de la maréchaussée, abusa de sa situation pour le faire emprisonner, avec l'autorisation du lieutenant général de police, M. Sourdat, en décembre 1789, sans que son nom fût inscrit sur le registre d'écrou. Après un séjour de cinq à six mois dans un "sombre cachot", on l'en tira en juin 1790 pour le faire engager dans un régiment colonial ; au préalable, le prévoyant cousin lui avait fait signer une procuration par laquelle il le chargeait de ses intérêts. Affecté au bataillon auxiliaire colonial, Janson demeura deux ans à Port-Louis (Morbihan), sa bonne conduite au corps lui ayant épargné l'envoi dans une colonie. Revenu en permission en 1792, il se présenta à la maison paternelle ; mais on ne l'y reçut qu'avec peine et son père l'en chassa au bout de quelques jours. D'abord, il lui intima l'ordre de rejoindre son corps avant l'expiration de son congé ; puis, se ravisant, il le fit conduire à la frontière, "sur les terres de l'Empire", par un loueur de chevaux de Troyes, nommé Joseph Rillot, qui avait ordre de lui brûler la cervelle s'il faisait quelque résistance et qui l'eût certainement fait sans hésitation, car peu de mois plus tard il assassinait à Villery un de ses camarades pour le voler, et fut guillotiné à Ervy le 6 mars 1793. Remis à Coblentz entre les mains de l'émigré Lamotte, ancien officier réformé d'infanterie, et sollicité de s'engager dans l'armée des princes, Janson résista, s'enfuit au bout de six semaines à Malmédy, puis voyagea en Allemagne, alla à Liège, en Suisse, en Hollande, vivant d'un petit commerce ambulant. II se fixa enfin à Saint-Imier (canton de Berne en Suisse), où il vécut quatorze mois et épousa Suzanne-Catherine Pierrot, née le 16 avril 1773, à Roches (Doubs). Ayant appris au début de l'an VI seulement, que ses parents et sa sœur étaient morts, il osa revenir en France et le 9 nivôse se présenta de lui-même à la police de Troyes, pour demander sa radiation de la liste des émigrés, offrant de se constituer prisonnier en attendant. Mais, malgré ses efforts et son évidente bonne foi dans l'exposé des circonstances qui l'avaient fait considérer comme émigré , malgré les dépositions favorables d'habitants de Barberey et de Saint-Imier, d'anciens serviteurs de sa famille, même du gardien de la maison d'arrêt de Troyes ; malgré le dévouement de son ancienne nourrice, Marie-Anne Berthier, épouse de Louis Raguin, manouvrier à Barberey-aux-Moines, qui le soutint de ses démarches et de ses deniers dans les procédures et la détention auxquelles il fut soumis, il ne put obtenir la reconnaissance de son droit. Et s'il échappa à la condamnation à mort que lui réservait la commission militaire de Dijon, ce fut pour être envoyé, par jugement du 6 pluviôse an VI, devant le Directoire du département de l'Aube qui, par arrêté du 7 messidor, le maintint sur la liste des émigrés et le fit reconduire à la frontière. Sa femme resta en France ou y revint avant lui. Rentré en l'an IX (il était à Fays-Billot [Haute-Marne] le 19 brumaire), inquiété de nouveau, il dut renoncer à recouvrer ses biens et vécut du travail de ses main [...]. II mourut quelque temps après, cartonnier, le 27 mai 1812.

Le Moulinet vendu comme bien national à plus de 400 acquéreurs

Retournons maintenant de quelque vingt ans en arrière et revenons au début de la Révolution. Janson fils ayant été porté comme déserteur, malgré une timide protestation de sa mère, déclarant qu'il était reparti pour l'armée, les biens de la famille furent saisis et bientôt confisqués au profit de la République, la disparition successive du père, de la mère et de la sœur de Janson l'en ayant laissé seul héritier. Par une dérision du sort, il en était privé au moment de rentrer en maître dans la maison paternelle d'où il avait été chassé. Le Moulinet, comme Barberey, Baires, Saint-Parres et le reste, devint donc bien national. II était alors habité par Martin Babeau et sa femme, son père et une vachère, qui en cultivaient les terres [...]. Menacé dans son gagne-pain, Babeau s'adressa au Directoire du département pour obtenir d'en louer une partie, afin de pouvoir subsister avec sa famille. J'ignore quelle réponse fut faite à sa démarche ; mais le domaine, divisé en plusieurs lots, fut mis en vente peu après. C'était son sort d'être morcelé chaque fois que de patients efforts étaient parvenus à l' "arrondir" quelque peu. Quand la Nation mit le Moulinet en vente, il comprenait : "Premier lot. Un bâtiment situé ou dit Pont-Sainte-Marie, consistant en deux chambres basses à feu, une vinée au bout de la dite maison au levant, grenier, dessus et four, le tout bâti en pierre et carreaux de terre, couvert en tuiles, et un puits au devant de la dite maison ; une grange... Un volet au devant du dit bâtiment, bâti en pierres et carreaux de terre et couvert en tuiles; une petite serre séparée de la dite maison, couverte en paille ; le tout en bon état ; quinze arpents quatre-vingt-douze cordes ou environ, y compris l'emplacement des bâtiments, savoir environ dix arpents de terre labourable compris le jardin potager... ; bois, arbres fruitiers et saules, anciens fossés servant de prés ; tenant du levant et du couchant â Cadot, du midi à des fossés, nouvellement faits dans le milieu des anciens canaux qui entouraient l'ancien bâtiment, qui sont mitoyens...': La "grosse maison" n'existe déjà plus. L'ensemble de ces biens fut adjugé, le 4 ventôse an II (22 février 1794), pour 18 800 livres, au citoyen Nicolas-Remy Boulier dit Laprairie, maître de poste à Troyes, rue Jargondis, à l'auberge de la Tête-Rouge, l'un des notables de la ville en 1792, époux de Marie-Jeanne Tissier, tant pour lui que pour le citoyen Jean Boyau, entrepreneur des convois militaires, demeurant aussi à Troyes. Les acquéreurs, le même jour, furent déclarés adjudicataires du deuxième lot, comprenant 3 arpents 92 cordes de bois d'aulnes, saussaies et prés, tenant à Cadot et au premier lot, moyennant la somme de 2 325 livres. Le 2 thermidor an IV, ils acquirent 7 arpents 34 cordes de pré, lieu dit le Moulinet, provenant de Janson, pour 7 296 francs 30, outre les charges. Les autres biens de Janson furent divisés, paraît-il, entre plus de 400 acquéreurs [...]. [Au XIX siècle, le domaine du Moulinet change de multiples fois de mains. La maison principale disparaît et laisse la place à une ferme. L'un des propriétaire, M. Pillard construira une maison centrée sur le pavillon].

La propriété de M. Lebocey

Le domaine bourgeois du Moulinet alors estimé à 24 000 francs, fut attribué à madame veuve Perrier, qui le céda pour le même prix, le 15 avril 1885, à monsieur Georges Mary, négociant en métaux à Troyes, époux de madame Marie-Emélie-Prudence Chemin, qui surhaussa la toiture centrale de la maison et la flanqua de deux pavillons à rez-de-chaussée. Monsieur et madame Mary-Chemin le revendirent ensuite, le 3 avril 1905, pour 40 000 francs, à monsieur Louis-Pierre Bonbon-Lebocey, industriel à Troyes, qui en était locataire depuis le 21 mars 1903. Voici la description sommaire du domaine au moment de sa dernière vente : "une grande propriété bourgeoise, appelée château du Moulinet, sise au Pont-Hubert,... consistant en une maison de maître comportant rez-de-chaussée, premier étage et grenier ; une maison de concierge, dépendances, avenues, contenant en totalité 6 hectares 75 ares 33 centiares, et tenant des deux côtés à la rivière et des autres à madame Chambron ou à ses représentants. Quant à la ferme, séparée du château en 1883, elle fut conservée quelques années par madame Chambron-Perrier, dont les légataires universels, madame Fanny-Henriette Briançon, épouse de monsieur Ch.-Alphonse Léonard, et monsieur Vincent Briançon-Constans, sa nièce et son neveu, la vendirent, le 24 septembre 1901, à monsieur Jean-Marie-Augustin Bardet-Michaut, marchand boucher au Pont-Hubert, moyennant 23 000 francs, pour 20 hectares 37 ares 82 centiares. Monsieur Bonbon l'a rachetée le 8 avril 1913, pour 30 000 francs, elle était alors de 20 hectares 55 ares 16 centiares. II semble, à lire l'acte de vente de 1901, que monsieur et madame Pillard avaient pris les terrains de la ferme à peu près nus et avaient fait construire. Elle avait peut-être été démolie à la Révolution ou était tombée faute d'entretien': Aujourd'hui [en 1915] la propriété du Moulinet forme un ensemble d'environ 30 hectares d'un seul tenant, traversé de canaux et de cours d'eau et partagé en jardins, parc, bois, terre, etc. Elle entoure un véritable château, celui-là, construit de 1909 à 1911 à la place de la maison de 1839, et qui élève ses tourelles et ses pignons ornés à la moderne par-dessus les futaies environnantes. La salle et la chambre à coucher de style gothique, garnies de meubles et d'objets anciens, donnent à penser que les recherches qui précèdent seront bien accueillies des hôtes de cette demeure où l'on a su faire sa place au passé. A côté, de coquets communs abritent le jardinier, sa famille et son matériel, tandis qu'un peu plus loin la ferme étale ses bâtiments sans cachet et sans âge, que relève le petit colombier du XVII' siècle, seul témoin de tant de choses disparues.

Le Pavillon

Le Pavillon [...], était une partie du domaine du Moulinet, ou plutôt d'un domaine contigu auquel il donnait son nom conservé par la contrée, et qui en fut séparé dans la seconde moitié du XVIII° siècle. Cette propriété est représentée aujourd'hui [en 1915] par celle de monsieur Adenet-Collot, sur la route de Creney, à 125-150 mètres de l'origine de cette route, et dont un pavillon, datant incontestablement du XVII' siècle, signale encore le caractère ; les autres bâtiments ont été modernisés depuis peu ; cependant, le pigeonnier, en tourelle carrée, conserve ses pots de céramique engagés dans la maçonnerie. Au cours des travaux, le propriétaire actuel a trouvé dans le sol diverses monnaies dont un Germanicus (I"siècle), un petit chapiteau à trois faces, de 14 x 11 cm, écussonné aux armes de Troyes. II a aussi rencontré quatre branches de souterrains voûtés, en craie, conduisant vers diverses directions, avec des niches disposées comme pour recevoir des appareils d'éclairage. II est probable qu'à l'origine, le Pavillon, c'est-à-dire l'ensemble des bâtiments désignés sous ce nom, était isolé au bord de la route ou pavé royal. Mais dés 1697, quand fut dressé le plan de Troyes de Parizot, réédité par Desbois en 1747, il est entouré d'autres constructions dont il ne se détache pas.

Tableau des propriétaires successifs du Pavillon (1712-1915)

Succession Janson-Thoralier-Cadot-Corlieu

Nicolas I Janson ép. Louise Thoralier (1712) (bourgeois de Troyes)

François Janson Nicolas II Janson Marie-Anne-Edmée (Moulinet) seigneur de Saint-Parres ép. Jean-Yves Cadot mort en 1741

                                                  Marie-Anne Louis Cadot
                                                  ép. Pierre-Guillaume Corlieu

Yves-Hippolyte Corlieu (indivision, 1839) Francis-Charles Corlieu

Propriétaires à partir de 1841 : • Etienne-Denis Gauthier (1841) • Jean-Baptiste Edouard Guélon (1852) • François Déguilly (1855) • M. Adenet-Collot (1888). Pour la généalogie détaillée de cette famille,

                                                   se repor¬ter à l'article complet de L. Morin
                                                   dans l'Annuaire de l'Aube (1915)

Le pont Hubert

Depuis fort longtemps, le hameau du Pont-Hubert a probablement été, avec la traversée de la Seine, un lieu de passage très fréquenté et très important pour le transport des marchandises et des personnes. Deux voies romaines se rejoignaient en cet endroit pour se diriger vers Troyes. L'une partait vers l'Est. Le tracé de la deuxième, qui se dirigeait vers Reims, reste nettement visible : il suit l'actuelle rue Anatole-France, se continue vers le Nord et figure encore aux territoires de Lavau, Sainte-Maure, Vannes, Saint Benoit-sur-Seine, etc., sous le nom de chemin des Chapelles. Nous vous proposons, dans ce qui suit, d'après les documents d'archives que nous avons consultés, de vous raconter une courte histoire du pont Hubert, lieu de traversée de la Seine.

Le chapitre Saint-Etienne propriétaire du pont

Le comte de Champagne Henri 1"le Libéral, fonda en 1157 l'église Saint-Etienne pour lui servir de chapelle. Cette église collégiale fut construite auprès de son château et l'ensemble occupait une partie de l'actuelle place du Préau à Troyes. En fondant l'église, Henri le Libéral dota le chapitre Saint-Etienne de ses possessions dans quelques localités et en particulier au Pont-Sainte-Marie et au Pont-Hubert, hameau du Pont-Sainte-Marie. Sous l'Ancien Régime tout comme aujourd'hui, le Pont-Hubert et le Pont-Sainte-Marie ne formaient qu'une seule communauté d'habitants. Le chapitre Saint-Etienne devint alors seigneur de cette communauté d'habitants et avait par conséquent toute justice, haute, moyenne et basse en ces deux lieux, avec la police sur tous ceux qui y demeuraient. II y avait aussi droit de justice foncière, en conséquence de quoi il était tenu de l'entretien du grand pont sur la Seine, appelé pont Hubert ou parfois pont Humbert. Ce pont était un lieu de passage très fréquenté pour le charroi des marchandises et de tout ce qui était nécessaire à la subsistance de la ville de Troyes. En échange de cette obligation d'entretien du pont, le chapitre obtient le droit de percevoir un péage sur différentes marchandises transportées sur les véhicules, les animaux et même à dos d'homme, dans les deux sens de traversée du pont. Un péage était également perçu sur les troupeaux qui traversaient le pont. Une ordonnance de Louis Largentier, bailli de Troyes, qui rappelle la fondation de l'église Saint-Etienne, indique en 1648 les différents tarifs à appliquer. La dotation consentie par le comte Henri le Libéral fut confirmée par lettres patentes du roi Charles VII en août 1448. La redevance à verser pour l'usage du pont Hubert n'était pas perçue directement par les chanoines du chapitre Saint-Etienne. En effet, le droit de percevoir le péage était affermé à des particuliers. Par exemple, le 15 septembre 1652, il est passé un bail entre le chapitre Saint-Etienne et un nommé Hubert moyennant 92 livres par an. Le sieur Hubert devait alors verser au chapitre, annuellement à une date fixée dans le contrat par les deux parties, la somme de 92 livres en échange de la perception du péage, quel que soit le montant total des sommes perçues par le fermier. Un arrêt du Conseil d'Etat du roi, en 1728, confirme le chapitre Saint-Etienne dans ses droits de perception du péage au pont Hubert au même tarif que celui fixé dans les années antérieures, en particulier celui de 1648. En cette même année 1728, il est constaté que le pont vient d'être rétabli à neuf. Sa restauration a coûté plus de 6 000 livres au chapitre Saint-Etienne qui commence à assurer que le droit de péage ne lui est plus profitable à cause de l'inflation et des frais importants occasionnés par l'entretien du pont.

Transfert de propriété

A la suite de l'établissement d'une commission de révision des titres de péages, les doyens et chanoines du chapitre Saint-Etienne furent confirmés en 1728 dans le droit de perception d'un péage sur le pont Hubert. Mais en 1750, ce droit fut fort diminué, si bien qu'il ne suffit plus du tout à subvenir aux frais de réparations et d'entretien du pont. Dans les documents d'archives qui ont pu être consultés, il n'a pas été possible de trouver une indication de l'ordre de grandeur de cette diminution. Dans ces circonstances, après avoir encore une fois remis le pont en bon état, le chapitre désire abandonner au pouvoir royal leur droit de perception du péage en échange d'une décharge de toutes réparations et entretien du pont. Après diverses démarches administratives, et surtout, après que l'ingénieur des Ponts et Chaussées de la généralité de Châlons eut constaté que le pont était effectivement remis en état et sur avis de l'intendant de la généralité de Châlons, le roi en son Conseil, ordonna la suppression du péage à compter du 2 octobre 1755 en échange d'un transfert de propriété du pont. A cette époque, la suppression du péage entrait bien dans les vues de la Monarchie. En effet, les nombreux péages et les frais énormes de transport ne favorisaient pas la circulation intérieure des marchandises qui était souvent impossible et celles-ci ne pouvaient servir souvent qu'à une consommation locale. C'est ainsi que le pont Hubert devint propriété royale et que son entretien devait être assuré à compter de cette date par les services des Ponts et Chaussées de la généralité de Châlons (province de Champagne).

Réparations de 1779

Sous la responsabilité de l'intendant de la généralité de Châlons, Rouillé d'Orfeuil, furent entrepris en 1779 des travaux de restauration du pont Hubert. La lecture du cahier des charges imposé lors de l'appel d'offres lancé aux entrepreneurs nous renseigne sur la structure du pont. Ce pont en bois, avait 15 toises 4 pieds de longueur (30,53 mètres), mesurée de culée à culée et 3 toises de largeur hors tout (5,85 mètres). II était composé de deux culées avec leurs ailes et de huit palées formant neuf travées inégales dont la plus grande avait 12 pieds d'ouverture (3,90 mètres) et la plus petite 4 pieds 6 pouces (2,45 mètres). Sept pieux constituaient chaque palée. Les garde-fous avaient 3 pieds de hauteur (0,97 mètre) depuis le dessus de la chaussée. Tout était à restaurer : les palées, les culées, les garde-fous, le tablier supportant la chaussée et la chaussée elle-même. Tous les bois employés aux réparations devaient être neufs, de chêne

de bonne qualité, bien sains, sans nœud vicieux, sans aubier. Ces bois devaient être pris aux carrières de Ferreux (aujourd'hui Ferreux-Quincey) et reposaient sur un couchis de grève. Les pavés eux-mêmes étaient recouverts de sable bien tassé à la hie (lourde masse munie d'un manche). Le devis des réparations s'élevait à 3 044 livres 6 sols 3 deniers sans compter le salaire de l'entrepreneur qui se montait au dixième soit 304 livres 8 sols 7,5 deniers. L'adjudicataire des travaux à réaliser fut le sieur Besnard, entrepreneur des ouvrages du roi, demeurant à Sézanne, qui présenta pour caution solidaire la personne de Pierre Frérot, entrepreneur à Sézanne et pour certificateur la personne de Jean Prignot, entrepreneur à Châlons. La lecture du devis estimatif des réparations à effectuer est intéressante à plus d'un titre. Le devis nous indique en effet le prix des diverses pièces de charpente, des pièces métalliques utilisées pour armer la pointe des pieux et de bien d'autres éléments. Nous prenons aussi connaissance du prix de la journée d'un manoeuvre (1 livre), d'un charpentier (1,5 livre), d'un maître charpentier (2 livres), d'un paveur (2 livres).

Reconstruction en 1814

Pendant la Campagne de France en 1814, le pont et des habitations environnantes furent détruits. Etant donné l'importance de ce passage au transport des marchandises et des personnes, sa reconstruction fut rapidement décidée et effectuée. Dès juillet 1814, les plans d'un nouveau pont furent établis. Le devis estimatif de reconstruction s'élevait à 16 547 francs. Le soumissionnaire qui fit le plus fort rabais fut connu le 15 novembre suivant. C'est l'entrepreneur en bâtiments Leblanc-Richier, demeurant rue de la Grande-Tannerie à Troyes (actuelle rue Raymond-Poincaré), qui s'engagea à reconstruire le pont et de fournir tous les matériaux nécessaires. Il s'engagea à travailler sans discontinuer jusqu'à ce que les grandes eaux de l'hiver arrêtassent les travaux et de les terminer fin juin 1815 moyennant la somme de 16 180 francs, non compris les imprévus. Nous avons fort peu de renseignements sur ses dimensions. Celles-ci ne devaient pas être bien différentes de celles qui précèdent. II remplissait encore sa fonction en 1905 et des cartes postales de cette époque nous font entrevoir sa structure : quatre puissantes palées et cinq travées qui semblent toutes de mêmes dimensions.

Le pont de fer

Bien que restauré à diverses reprises, en particulier en 1836 pour la somme de 13 756 francs, il est constaté que le pont établi sur la Seine au passage de la route nationale n° 60 dans la traverse du Pont-Hubert est en mauvais état. II est vrai qu'il est bientôt centenaire et, malgré quelques travaux d'entretien, cet ouvrage en bois n'est pas éternel : les pieux sont notablement diminués par la pourriture. Un projet de reconstruction du pont est alors adressé à l'administration supérieure par les services départementaux des Ponts et Chaussées le 4 décembre 1908. II convient, en attendant sa reconstruction, d'interdire la circulation des très lourdes charges qu'il faudrait limiter à 2 500 kilogrammes pour un essieu et à 5 000 kilogrammes pour deux essieux. La proposition est acceptée et un arrêté préfectoral de limitation de circulation est alors pris en ce sens. En outre, cet endroit est très fréquenté, tant pour le passage des marchandises que pour le passage des personnes, les travaux de reconstruction ne pourront être entrepris que si un passage provisoire est établi à proximité, afin de pallier le mieux possible la gêne passagère occasionnée par ces travaux. En juillet 1909, la décision ministérielle qui autorise l'exécution d'un passage et de deux ponts provisoires aux abords du pont projeté est prise. C'est M. Ferdinand Pauvre, demeurant à la Chapelle-Saint-Luc, qui s'engage à exécuter les travaux nécessaires pour la réalisation de deux ponts provisoires en bois pour la somme globale de 9 000 francs. Le premier ouvrage construit sur la Seine a 33 mètres de longueur (6 travées de 5,5 mètres), le second, construit sur le bras du Moulin aujourd'hui comblé, a 11 mètres de longueur (2 travées de 5,5 mètres). Les travaux provisoires étant terminés en avril 1910, seul le passage des voitures légères, des voyageurs et des voitures vides est provisoirement toléré sur le pont à reconstruire à compter de cette date. Le décret autorisant les travaux de reconstruction d'un nouveau pont est pris le 16 mars 1911 conformément au projet dressé par les services des Ponts et Chaussées de l'Aube. Le pont Hubert dont le tablier a 6,43 mètres de longueur, est notoirement insuffisant en 1911 pour assurer l'écoulement rapide des nombreux piétons de la banlieue de Troyes, surtout aux heures d'entrée et de sortie des usines et aussi les dimanches et jours de fêtes où la population urbaine se porte de ce côté vers le terrain du Moulinet. Les ingénieurs pensent qu'il convient de porter de 6,43 mètres à 9 mètres la largeur utilisable du tablier du pont Hubert comprenant une chaussée de 5 mètres de largeur et deux trottoirs de 2 mètres de largeur chacun. La dépense totale est évaluée à près de 98 000 francs. Une subvention est demandée aux communes de Troyes, Pont-Sainte-Marie et Lavau. Les conseils municipaux de Pont-Sainte-Marie et Lavau sont d'avis de refuser toute subvention. Seule, la ville de Troyes fait l'effort d'en accorder une de 5 000 francs. Le 27 avril 1912, il est procédé à l'adjudication au rabais, sur soumissions cachetées, des travaux de terrassements, de maçonnerie et de béton armé pour la reconstruction du pont Hubert. Les travaux de maçonnerie traînent en longueur, semble-t-il, selon la presse locale et ne sont terminés complètement que fin août 1913 et livrés à cette date pour le montage du tablier métallique et les travaux accessoires de raccordement des abords. Fin octobre 1913, le pont peut enfin être réceptionné et livré à la circulation, il est alors possible de démonter les ponts provisoires. Il aura fallu attendre près de cinq longues années entre l'élaboration du projet de reconstruction du pont Hubert et sa mise en service.

Les ouvrages provisoires construits en 1944 et 1945

Les 25 et 26 août 1944, pour retarder la progression des armées alliées, l'armée allemande fit sauter la plupart des ponts de Troyes et de son agglomération. Le pont Hubert avait échappé miraculeusement aux bombardements de juin 1940 qui détruisirent une grande partie des habitations environnantes. Mais le 26 août 1944, après seulement une trentaine d'années de bons et loyaux services, ce majestueux pont n'échappa pas à la destruction. Il fut coupé en deux parties et s'effondra par son milieu dans la Seine. Le Génie américain mit alors en place, en quelques heures seulement, à quelques mètres en aval du pont détruit, un pont de bois composé d'éléments préfabriqués. II fallait faire vite. En effet, les armées alliées devaient progresser vers l'Est le plus rapidement possible en évitant de longs détours. Ce pont n'étant pas solide, il fut emporté par les eaux. Ses débris arrivèrent avec force contre le pont situé près de l'église qui fut à son tour emporté. Cette double destruction eut de fâcheuses conséquences puisqu'en effet, l'accès aux routes de Nancy, Châlons et Méry-sur

Le 25 février 1945, après la baisse du niveau des eaux, le service des Ponts et Chaussées de Troyes, aidé par le Génie américain qui lui apportait non seulement un matériel perfectionné, mais aussi une main-d'œuvre appréciable, édifiait la première palée du nouveau pont de bois long de 36 mètres et capable de supporter des charges de 30 à 40 tonnes. Dix jours plus tard, le nouveau s'ouvrait à la circulation. Son accès, côté Troyes se faisait à proximité de l'ancien pont de fer, alors que son accès, coté route de Nancy, se faisait à peu près en face de celle-ci. Le 6 mars 1945, dans l'après-midi, eut lieu l'inauguration officielle de l'ouvrage. Entouré d'officiers américains et français, de M. Clément ingénieur des Ponts et chaussées, de M. Mouillefarine premier adjoint, représentant M. Petitjean maire de Pont-Sainte-Marie, M. Petitbon préfet de l'Aube enfonçait d'un geste symbolique et d'une main experte le dernier clou du garde-fou du pont.

Notes et références

  1. Notes au lecteur : les extraits qui suivent sont tirés de l'article de M. Louis Morin, paru dans l'Annuaire de l'Aube en 1915. Celui-ci est abondamment pourvu de notes complémentaires et de références bibliographiques et archivistiques. Le lecteur intéressé pourra le consulter aux Archives départementales de l'Aube ou à la Médiathèque de l'Agglomération troyenne.

Sources

  • Roserot (Alphonse), Dictionnaire historique de la Champagne méridionale, Ltffite, Reprints, Marseille, 1947
  • Archives départementales de l'Aube
  • Série C : Administrations provinciales. Ponts et Chaussées
  • Série G : Clergé séculier. Sous-série 6G : chapitre Saint-Etienne de Troyes
  • Série S :Travaux publics. Ponts
  • Quotidiens locaux : Le Petit Troyen, La Tribune de l'Aube, L'Aube libre et Libération Champagne
  • Les documents d'archives nous ont manqué pour être à même de raconter l'histoire de l'actuel pont en pierre et en béton armé qui remplaça, au début des années 1950, le pont provisoire en bois.

Liens divers concernant Pont-Sainte-Marie: http://infopsm.over-blog.com/ http://www.pont-sainte-marie.com/


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Les domaines du moulinet de Wikipédia en français (auteurs)

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