Littérature néerlandaise aux XVIIe et XVIIIe siècles

Littérature néerlandaise aux XVIIe et XVIIIe siècles

La littérature néerlandaise aux XVIIe et au XVIIIe siècles comprend l'ensemble des œuvres écrites au XVIIe et au XVIIIe siècle par des auteurs des anciens Pays-Bas ou de langue néerlandaise.

Gerrit van Honthorst, Granida en Daifilo, tableau inspiré par la pièce de Pieter Corneliszoon Hooft, 1625, Centraal Museum, Utrecht

Sommaire

Introduction

Portrait gravé de Pieter Corneliszoon Hooft, de 1642, d’après un tableau de Joachim von Sandrart, gravé par Reinier van Persijn, publié par Peeter Danckerts de Rij
Reproduction d’après une gravure, représentant Gerbrand Adriaenszoon Bredero
Portrait de Joost van den Vondel, de 1665, par Philips Koninck, Amstelkring Museum, Amsterdam

Alors que les chambres de rhétorique des Pays-Bas méridionaux menaient une existence languissante, et que l'intérêt des masses se limitait presque exclusivement à la littérature populaire spirituelle et profane, la République aux Pays-Bas septentrionaux connut une vie littéraire variée, mais de courte durée pour ce qui concerne la qualité.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, l’activité littéraire se concentrait dans différentes villes, en particulier à La Haye (Huygens, Westerbaen), à Leyde (Daniel Heinsius), en Zélande (Philibert van Borsselen, le jeune Cats et Simon van Beaumont), à Dordrecht (Cats, alors âgé) et à Rotterdam (Oudaen, Antonides van der Goes et Dullaert). Pourtant, on peut dire que la vie littéraire s’est concentrée, en premier lieu, à Amsterdam. À la fin du XVIe siècle, la « vieille » chambre de rhétorique (De Egelantier, dont la devise est In Liefde Bloeyende) attira les notables de la ville. Coornhert, Spiegel, Roemer Visscher, C.P. Hooft, y donnèrent le ton. Autour de 1585, les réfugiés des Pays-Bas méridionaux, fondent la chambre de Brabant (Het Wit Lavendel, dont la devise est : Wt levender Jonste), laquelle comptait parmi ses membres Zacharias Heyns, Abraham de Koning et le jeune Vondel.

En partie à cause de discordes au sein de cette société (en particulier au sujet des conceptions de Coster et du romantique Rodenburgh sur l’art dramatique), en partie pour, à Amsterdam, faire concurrence à l'Université de Leyde, le dr. Samuel Coster fonda, en 1617, la première académie néerlandaise (Eerste Nederduytsche Academie), populairement appelée : l’Académie de Coster. Cette institution, à laquelle C.P. Hooft, Bredero et Vondel s’étaient associés, aurait dû se développer en une université complète ayant le néerlandais comme langue d’enseignement, mais l'action des prédicateurs empêcha l’élaboration de ce plan libertaire, ce qui fit qu’elle dut limiter ses activités à des représentations dramatiques. Fusionnée avec la vieille chambre, elle devint, en 1635, la chambre d'Amsterdam (Amsterdamsche Camer). Deux ans plus tard, un premier théâtre est construit et inauguré par la représentation du Gysbregt van Aemstel de Vondel. Lorsque, en 1664, ce théâtre est rénové et agrandi, le populaire Jan Vos reçut l’honneur d’y voir jouer une de ses pièces. Cette évolution est caractéristique du goût populaire changé.

En dehors des activités formelles de ce type d’associations, des écrivains et des artistes se réunissaient à la maison de campagne de Spiegel, Meethuyzen, dans la maison de Roemer Visscher ou chez Hooft, au Muiderslot (surtout dès 1627). À ce dernier cercle informel appartenaient, parmi d’autres, Huygens, Vondel, Reael, les savants Gerard Vossius et Caspar van Baerle, la chanteuse Francisca Duarte, Maria Tesselschade, le secrétaire de la ville d'Amsterdam Daniel Mostaert et le beau-frère de Hooft Laurens Baeck.

Le cercle poétique Nil Volentibus Arduum (« à coeur vaillant, rien d'impossible »), fondé en 1669, se tourna vers le classicisme français, mais son formalisme était peu propice à stimuler l'originalité de ses adeptes. Ce n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle, cependant, que les sociétés littéraires commencent à prospérer. C'était aussi l'époque des écrits « spectatorials » ; des revues s’inspirant du modèle rationaliste anglais.

En fait, le prédicat Siècle d'or n’est qu’applicable à la période entre 1610 et 1666. Cette qualification, par laquelle on a voulu souligner l’essor de l’économie et des arts dans les Pays-Bas septentrionaux, ne désigne aucunement un style unitaire en littérature. Les écrits exposent un certain nombre de caractéristiques différentes, parfois diamétralement opposées.

Les grands courants trouvent un écho

La Renaissance

L'attitude de l'homme et de l'artiste a changé : il se rend bien conscient de sa propre valeur. L'individu vient donc au premier plan. Ainsi, la lyrique interprète des sentiments très personnels (comme les poèmes d'amour de De Harduwijn, Hooft, Bredero et Luyken), et cela sous une forme artistique (comme le sonnet). On glorifie les grandes personnalités (Vondel : Johannes, de boetgezant ; G. Brandt : Vondel, Hooft et De Ruyter). La conscience nationale se manifeste dans des poèmes lyriques (Vondel, Huygens), ainsi que dans des drames (Hooft : Geeraerdt van Velsen et Baeto, Vondel : Gysbreght et De Leeuwendalers).

Les auteurs puisent l'inspiration dans l'Antiquité classique (Hooft : Achilles en Polyxenia, Vondel : Palamedes). On traduit la littérature grecque et latine (Vondel), l'imagerie regorge d'éléments mythologiques, la prose est modelée sur celle des grands exemples, comme Cicéron et Tacite (Hooft). Les règles apprises, principalement de Sénèque, s'appliquent aux spectacles : l'unité de lieu, de temps et d'action, les danses appelées reien, la prédilection pour l'action racontée plutôt que représentée, les apparitions d’esprits ; en général, on préfère versifier en alexandrins. Les jouissances de la vie sont glorifiées (Bredero, Hooft). Néanmoins, les conceptions plutôt païennes sont compensées par un sentiment religieux. De nouveaux genres trouvent des suiveurs enthousiastes : le livre d'emblèmes, la correspondance en prose littéraire (Hooft), les biographies (Brandt), l'historiographie (Hooft), les réflexions théoriques sur la langue et les lettres (Vondel) et l’essai (R. Verstegen), la poésie arcadique et les romans (Johan van Heemskerck), les pastorales (Hooft : Granida, et Vondel : De Leeuwendalers) ...

Baroque

Article principal : Littérature baroque.

Le Baroque est d’abord un courant dans les arts visuels, une poursuite et, en même temps, une réaction contre la Renaissance. En partie, on retrouve ses caractéristiques également dans la littérature : l'émotion puissante, le pompeux et la surcharge, l'éclat obtenu grâce à l’emploi de tous les moyens de la langue, les conflits violents entre le bien et le mal. Le baroque est l'art de la Contre-Réforme. Il n’est, et par conséquence, pas étonnant de voir le converti Vondel devenir le poète néerlandais le plus dynamique du style baroque. Pourtant, parfois les poètes protestants, eux aussi, déploient les émotions dans un langage baroque (D. Heinsius, Revius, Dullaert, J. de Decker et Antonides van der Goes).

L’inspiration romantique

L’inspiration puisée dans la matière et les formes de l’Antiquité classique, qui mènera la Renaissance à la rigidité du classicisme, ne plait pas à tous les artistes désirant plus de liberté. Ils trouvent les intrigues de leurs pièces dans des romans et des récits populaires, comme ceux écrits par les auteurs espagnols. Ils n’admirent pas moins les drames élisabéthains, importés aux Pays-Bas par les acteurs itinérants anglais. Ils ne dissimulent nullement leurs sentiments, et laissent libre cours à leur inspiration. Ils respectent moins les règles classiques, et cherchent des effets, répondant au goût populaire (Bredero, Rodenburgh, Jan Vos).

Les vestiges du Moyen Âge

La plupart des auteurs restent attachés à la tradition : au début, ils appartiennent aux chambres de rhétorique, ne se détachant que peu à peu des conceptions anciennes. Comme à l’époque des rhétoriciens, le drame est le genre littéraire qu’on estime le plus. La moralité est remplacée par la tragédie. La chanson n’est pas moins pratiquée que dans les siècles précédents : la plus grande partie des œuvres lyriques du XVIIe siècle conservées étaient destinées à être chantées. Le genre médiéval de la farce existe toujours, et, même si la comédie sera vêtue d’un habit classique, par l’élaboration populaire et par les différentes scènes, elle se souvient de son passé (Coster, Bredero, Hooft, Huygens, Ogier, De Swaen). Même dans les tragédies, on retrouve des éléments médiévaux (Lucifer de Vondel suit, dans l'acte final, la conception des jeux de mystères). Trop souvent, la didactique, qui avait envahi, à la fin du Moyen Âge, la beauté, produit un effet inhibiteur (Cats, Huygens, Poirters).

L’expérience religieuse

Plus que jamais, la Réforme et la Contre-Réforme ont promu la théologie biblique et l'expérience religieuse personnelle au rang de thèmes littéraires (Vondel, De Harduwijn, Camphuysen, Revius, Stalpart van der Wielen, Dullaert et Luyken).

Les Pays-Bas septentrionaux

La classification, en quatre sections ci-dessous, suit le développement dans les Pays-Bas septentrionaux, après quoi, on aborde les Pays-Bas méridionaux.

Précurseurs : Hooft, Bredero, Vondel, Cats & Huygens

Cinq poètes dépassent, de loin, leur époque : Hooft, Bredero, Vondel, Cats et Huygens. Les trois premiers étaient de véritables artistes. Les deux derniers ont été appréciés autant qu’eux ; ils ont parfaitement maîtrisé la technique de versification, mais, en général, la poésie ne représentait pour eux pas plus que l’occasion de se détendre, sinon un instrument d'apprentissage et de moralisation. Ils montrent clairement que le jugement d’une certaine époque, ne reste pas valable pour l’éternité. L'activité littéraire s’est déployée entre 1610 et 1625. Dans ce contexte, il est frappant de constater que Vondel comptait pour peu à cette époque, son art n’ayant atteint la maturité que très tard.

Contemporains et disciples des précurseurs

Le théâtre à Amsterdam

Gravure de 1658 par Salomon Savery, représentant l’intérieur du théâtre d’Amsterdam, construit par Jacob van Campen en 1637

Dans le développement du théâtre à Amsterdam, un rôle majeur a été joué par Rodenburgh, Coster et Vos.

Rodenburgh, un diplomate et homme d'affaires, pour les opinions, plus libres, qu’il s’est fait en Angleterre et en Espagne au sujet de l’art dramatique, est entré en conflit avec les Amstellodamois qui juraient par Sénèque. Contre Coster et les siens et, en même temps, en défense de la « vieille chambre », il écrivit Eglentiers-Poëtens-Borstweringh (1619), une adaptation de la Defence of Poesy de Philip Sidney. Il a écrit des pastorales, entre autres Den trouwen Batavier (probablement écrite en 1601 et imprimée en 1617), d’après le Pastor Fido de Guarini. En outre, on connaît de lui des pièces romantiques selon des modèles étrangers, notamment Cassandra (1617), d’après Lope de Vega, Wraeckgierigers treur-spel (1618), Vrou Jacoba (1638). S’il réussissait à charmer le public par une action vive et variée, il lui manquait, toutefois, l’équilibre du grand artiste.

Coster était le fondateur de la « première académie néerlandaise » (Eerste Duytche Academie, 1617). Il était à son mieux dans les comédies, Teeuwis de Boer (représentée en 1612, imprimée en 1627), les jeux Tiisken van der Schilden (1613) et Van de Rijckeman (1615). Ses tragédies ont été influencées par Sénèque : Ithys (1615), Iphigenia (1617), Isabella (1619) et Polyxena (1619). Bien qu'aspirant au classique, il ne put échapper à la superficialité, et il avait recours à des effets bon marché, employant plein d’éléments horribles. Dans Iphigenia, il critique les prédicateurs contre-remonstrants. Dans ces dernières années, il ne se préoccupa presque plus de la littérature.

Vos récoltait de grands succès au milieu du siècle ; en 1647, il devint même régent du théâtre d'Amsterdam. Il devait sa célébrité à Aran en Titus (1641), une pièce dans laquelle il traitait le même sujet que Shakespeare dans son Titus Andronicus. Une autre tragédie est Medea (1665). Il n’obtint pas moins d’applaudissements pour la comédie Oene (1642). Passionnément, il dépeint des scènes horribles : meurtres, agressions, etc. Ses effets spéciaux scéniques (Konst en vliegwercken) posaient des exigences techniques élevées.

Contemporains

Portrait gravé de Daniel Heinsius

Quelques auteurs restés dans l’ombre, c’est-à-dire Stalpart van der Wielen, Camphuysen et Revius, méritent qu’on s’attarde sur les vers purs avec lesquels ils écrivirent sur des sujets religieux.

Appartenant à la même génération :

  • Simon van Beaumont (1574-1664) a écrit de belles histoires d'amour pour l'anthologie De Zeeuwsche Nachtegael (1623), par lesquelles il voulut, avec Cats et d’autres poètes de Zélande, prouver son talent à la Hollande.
  • Daniel Heinsius (1580-1655), un savant philologue et professeur célèbre de Leyde, a pratiqué le genre du livre d'emblèmes. Ses Nederduytsche Poemata (1616) le font connaître comme un poète de la Renaissance, inspiré par l’exemple des auteurs classiques. Par son éloge de Jésus-Christ (Lof-Sanck van Jesus Christus, 1616), il introduit la poésie baroque dans les Pays-Bas. Les œuvres en latin et en grec de Heinsius étaient reconnues à l'étranger.
  • Jan Jansz. Starter (1593-1626), un esprit inquiet comme Bredero, est devenu célèbre par plusieurs pièces de théâtre et un recueil de poèmes dans la veine de Bredero et Hooft : De Friesche Lusthof (1621)
  • Jacob Westerbaen (1599-1670), un protestant fervent, devint connu, comme Huygens, en tant que poète par des œuvres moralisantes : Noodsaeckelyck Mal (1624) en Ockenburg (1653).
  • Johan Van Heemskerk (1597-1656) écrivit un roman pastoral particulier : Batavische Arcadia (1647).

Mi-XVIIe siècle

Les auteurs du milieu du XVIIe siècle subirent encore plus directement l'influence des poètes de premier ordre, en particulier de Vondel, Hooft et Huygens. Le disciple le plus aimé de Vondel était Antonides van der Goes (1647-1684). Il a imité le style poétique de son maître, mais il lui manque son éclat. On connaît de lui Ijstroom (1671), une ode emphatique à Amsterdam et l'IJ. Dans le même esprit, baroque, nous situons : Reyer Anslo, Joannes Vollenhove, Jeremias de Decker, Joachim Oudaen et Geeraert Brandt. Ce dernier a aussi une valeur exceptionnelle en tant que prosateur. Johan Six van Chandelier, Jan Six et Mattheus Tengnagel, pratiquaient une poésie plus réaliste et plus moraliste, comme le fit Huygens. La poésie d'amour ludique de Hooft a été suivie par Daniel Jonctijs et Johan van Broekhuyzen. Le plus grand artiste de cette génération a été le pieux Herman Dullaert, qui, en son temps, était presque inconnu. Il est remarquable que la plupart de ces poètes ont été attirés par des thèmes religieux et par une splendeur baroque qui tournait facilement en exagération emphatique.

Autour de 1700

Luyken conclut le siècle avec des poèmes raffinés dans deux grands genres : la poésie d'amour et la littérature pieuse.

Au début du siècle suivant, il n'y avait que Hubert Poot à produire des vers vifs et naturels, dans lesquels ne manquent pas les réminiscences classiques à la Renaissance.

Les sociétés littéraires et le développement ultérieur de l’art dramatique

En 1660 le dr. Lodewijk Meijer, Andries Pels et d’autres créent la première société poétique : Nil Volentibus Arduum (« à coeur vaillant, rien d'impossible », 1669-1679). Il est évident que l'accent y fut mis sur la volonté d'écrire, sur la compétence et le travail. La finition, le polissage des vers, l'apparence étaient l’essentiel. L'artiste était lié par des règles fixes. On admirait le classicisme français. L’Art poétique de Boileau a été étudié diligemment, et on traduisit les drames de Racine, Corneille et Molière. Des pièces, déjà traduites, furent « améliorées », parce que les vers devaient être aussi polis que possible. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, des sociétés littéraires se sont constituées dans de nombreux endroits, par exemple : Crescunt Minima à Leyde (1759), devenue en 1766 la Société de la littérature néerlandaise. Ces sociétés s’occupaient moins de la scène que de la poésie.

Pas tout le monde acceptait les diktats esthétiques à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Tout comme au début et au milieu du XVIIe siècle (voir Rodenburg et Jan Vos), Thomas Asselijn (1620-1701) ne put se conformer aux normes établies par Nil Volentibus Arduum. D'abord, il écrit plusieurs tragédies de moindre importance, mais après cela quelques comédies et farces populaires quoiqu’osées, qui n’étaient pas sans rappeler Bredero, comme Jan Klaasz, of gewaande Dienstmaagd (1682) et Kraam-bed of kandeel-maal van Saartje Jans, vrouw van Jan Klaasz (1684).

Pieter Bernagie (1656-1699), auteur de farces et comédies moralisantes, entre autres De belachelijke Joncker (1684), Het studente-leven (1684), en Het huwelijk sluyten (1685), et plusieurs tragédies, y compris Arminius (1686), obtint beaucoup de succès. Bernagie et le jeune Pieter Langendijk, non à l'abri des exemples français et des règles classiques, ont pourtant réussi à conférer à leurs pièces un ton propre, poursuivant ainsi, avec succès, la tradition de qualité de la scène hollandaise. Le second était plus artiste que le premier. Après lui, le théâtre d'origine néerlandaise ne produisit plus rien de pareil pour de nombreuses années à venir.

Les écrits spectatorials et le rationalisme

Au XVIIIe siècle, hormis le travail acharné des membres de sociétés poétiques, la littérature ne se pratiquait que peu. Peu d'écrivains ont prit connaissance des nouvelles formes littéraires et écoles de pensée en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne.

La littérature spectatoriale »

Double portrait des écrivaines Elizabeth Wolff et Agatha Deken, par A. Cardon, en 1784

Au début du XVIIIe siècle, dans la République des Sept Pays-Bas-Unis, on se familiarisait avec la littérature anglaise. Ce sont surtout Pope, Defoe, Swift, Addison et Steele qui ont fait impression sur beaucoup de littérateurs. Justus van Effen est parmi ceux qui les ont suivis, et c’est lui aussi qui introduisit dans les Pays-Bas septentrionaux un genre journalistique singulier, caractérisé par une vision lucide de la société, la morale et la religion. Son De Hollandsche spectator (1731-1735) avait de nombreux imitateurs, y compris De algemeene spectator (1742-1746), De Philantrope (1756-1762), De Grijsaard (1767-1769), auquel à coopéré Betje Wolff, De Borger (1778-1779).

Le rationalisme

Tandis que la foi faiblissait, l'autorité de ce qui devait passer pour la raison augmentait. Ce qui était saisi par l’esprit humain devint le fondement de la conception du monde (déisme). L'Anglais Locke et le Français Voltaire étaient les grands précurseurs des idées nouvelles. Au lieu des vertus religieuses, on allait priser celles, civiles, comme le sacrifice et la simplicité. La littérature spectatoriale était imprégnée d’idées rationalistes.

De grands admirateurs de Voltaire étaient les frères Van Haren. Willem van Haren (1710-1768) occupait le poste de représentant de la Frise au sein du Conseil d'Etat. Ensuite, devant faire face à beaucoup d'adversité, il s’est finalement suicidé. De Gevallen van Friso (1741) est une épopée nationale et, en même temps, un miroir des princes. Une œuvre allégorique est Leonidas (1742). Dans l'ode Het menselijk Leven (1760), il survole la vie de l'homme et sa propre existence malheureuse. La carrière de son frère, Onno Zwier van Haren (1713-1729) a été tout aussi désastreuse. Après un bon départ qu’il devait, comme son frère, en grande partie à sa fortune, il dut se retirer en raison d'un scandale familial, se révélant par la suite comme un poète.

C’est en appliquant les conceptions françaises sur la tragédie, qu'il écrivit Agon (1769), traitant d'abus en Inde. Son poème le plus célèbre, De geuzen (1776), une révision d’une œuvre antérieure, Aan het Vaderland, est une glorification de la révolte contre l'Espagne. Par Pietje, en Agnietje of de Doos van Pandora (1778), également une œuvre scénique à l’instar du théâtre français, il défend la position que seul un retour aux us et coutumes puisse sauver la patrie de cette ère insignifiante. Un autre drame est Willem I (1779). Ces poètes furent très admirés par leurs contemporains, ce qui semble pouvoir s’expliquer plus par leur patriotisme que par leur mérite littéraire. Ils étaient tellement francisés que le néerlandais de leurs premiers ouvrages a l’air assez maladroit.

Les Pays-Bas méridionaux

XVIIe siècle

Portrait de Guilielmus Ogier, eau-forte de Gaspar Bouttats pour la publication des "Seven hooft-sonden" en 1682, d’après un tableau de Peeter Thys de 1660

La pauvreté de la littérature, comparée à la riche floraison des autres arts, est frappante dans les Pays-Bas méridionaux. La domination étrangère et la vigilance de la Contre-Réforme n’ont aucunement favorisées la création artistique. Il y avait encore un assez grand nombre d'écrivains, mais peu de personnalités remarquables. Leur art a rarement été considéré comme plus que de l’art populaire.

Le poète de style Renaissance Justus de Harduwijn, dont les vers font la transition de la poésie d’amour profane à celle plus spirituelle, se rattache encore au siècle précédent.

La religion domine en tant que motif littéraire, sans doute sous l'influence de la Contre-Réforme. De nombreux prêtres et, en particulier, des jésuites, veulent promouvoir la foi catholique par leurs écrits polémiques et par la poésie. Beaucoup de recueils de chansons spirituelles du premier quart du XVIIe siècle se distinguent par l’écho retentissant de l'époque médiévale et des techniques des rhétoriciens. Une place à part est occupée par Richard Verstegen (vers 1550-1640) et Adrianus Poirters. Le premier est connu pour sa prose polémique contre les protestants, pour un recueil d'épigrammes, et d’étranges portraits de caractère : Characteren oft scherpsinnighe Beschrijvinghe van de Proprietijten oft Eigendommen van verscheyden Personen (1619). Le second était un écrivain populaire, plein d’esprit, qui voulut édifier ses lecteurs.

Le drame est encore pratiqué fréquemment. Bien que, en 1584, les chambres de rhétorique aient été officiellement abolies, un certain nombre de celles-ci continuaient à travailler dans le silence. Après 1600, elles ont progressivement été reconstituées. Un exemple de la vie renouvelée de ces sociétés est le concours organisé à Malines en 1620, par la chambre de Peoene. Le théâtre latin, introduit à l'école, prospérait également dans les Pays-Bas espagnols.

Les pièces du XVIIe siècle sont un méli-mélo de styles. Joan Ysermans (1590 - après 1631) et Sebastiaen Vranckx (1573-1647) écrivirent, entre autres, des pastorales. Joncker F.C. de Coninck (1606-1649) suivit Lope de Vega. Le notaire de Lierre Cornelis de Bie (1627- après 1711) écrivit des farces, des drames romantiques selon le modèle espagnol, dépeignant abondamment toutes sortes d’atrocités. Il composait également des morceaux spirituels, dans lesquels la tradition médiévale est encore très présente, ce qui s’applique également aux jeux religieux du prémontré de Louvain Guilielmus Zeebots (1625-1690). Le théâtre comique est dominé par le Bruxellois Joan de Grieck (1628-1699) et l’Anversois Guillielmus Ogier.

Guilliam van Nieuwelandt (1584-1635) se rapproche le plus des grands dramaturges des Pays-Bas septentrionaux. Ayant travaillé pour les chambres de rhétorique De Olijftak et De Violieren à Anvers, il passa les dernières années de sa vie à Amsterdam. Ses tragédies, dont les sujets sont empruntés à l'histoire romaine et à la Bible (par exemple : Livia, Saül, Claudius Domitius Nero, Ægyptica, Sophonisba Aphricana), suivent les principes de Sénèque. Un personnage surprenant et exceptionnel, qui a subi à la fois l'influence des écrivains des Pays-Bas septentrionaux et celle du classicisme français, est Michiel de Swaen de Dunkerque.

XVIIIe siècle

Portrait de Willem Verhoeven

Durant l’occupation autrichienne, peu d’œuvres originales ont été publiées. Cette époque en était une de réimpressions de, avant tout, des livres populaires aux sujets profanes et spirituels. Une marée de francisation prit possession des Pays-Bas autrichiens. On observe, dans le courant de la seconde moitié du siècle, quelques signes d’une plus grande conscience flamande, indubitablement sous l’influence des idées des Lumières et du romantisme. Les auteurs les plus notables sont des défenseurs de la langue maternelle. Ainsi, Jan Des Roches (1740-1787), originaire de la République au nord, publia une grammaire néerlandaise, Nederduytsche Spraek-Konst (1761). Ensuite, il y a les premiers flamingants : le marchand Willem Verhoeven (1738-1809), qui publia son Oordeelkundige Verhandeling op de noodzaekelijkheijd van het behouden der Nederduijtsche taele, en de noodige Hervormingen in de Schoolen (1780), une forte plaidoirie pour la langue maternelle (Verhoeven écrivit aussi une grande épopée ; le Belgiade ofte Mannus), et l’avocat Verlooy.

Durant l’occupation française, la situation ne s’est point améliorée. Ce ne sont que les basses couches sociales qui s’intéressent encore à la littérature néerlandaise. En 1796 les occupants français abolirent les chambres de rhétorique ; sous l’Empire, au prix de nombreuses difficultés, ils purent reprendre leurs activités. D'intérêt sont les concours de poésie organisés par les chambres. Ainsi, Jan Frans Willems, alors âgé de dix-neuf ans, remporte un premier prix à Gand en 1812. Dans le genre spectatorial, Karel Broeckaert (1767-1826) produit des œuvres de grande mérite : Dagelyks Nieuws van Vader Roeland (1792-1793) et le De Sysse-panne oft den estaminet der ouderlingen (1795-1798) : ils contiennent des idées rationalistes et libérales. Sa nouvelle de mœurs Jellen en Mietje (1811) est également attirante.

Articles connexes

Source principale

  • (nl)Dr. L. Debaene, Lic. F. J.-B. Janssens, Lic. T.Verbiest, Nederlandse bloemlezing met literatuurgeschiedenis, De Nederlandsche Boekhandel, Anvers, 1962 (4e éd.), pp. 135-238

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