Monnaie commune

Monnaie commune

Le terme "monnaie commune" désigne, pour certains économistes et hommes politiques, le concept d'une monnaie partagée par plusieurs pays, mais qui n'y remplace pas les monnaies nationales. Il s'oppose à "monnaie unique" qui ne désignerait pas, selon ces mêmes économistes et hommes politiques, une monnaie commune.

Il est aussi utilisé, comme d'ailleurs le terme "monnaie unique", dans le cadre de certains projets de monnaie mondiale.

Sommaire

Définitions

Concept

Le terme de monnaie commune est utilisé en 1990 lors de la réunification allemande, puis à partir des années 2000 dans l'espace francophone pour désigner une monnaie commune à plusieurs Etats, en principe indépendants.

Une ambigüité non résolue

Le terme est utilisé par les mouvements d'inspiration souverainiste, à la fois à gauche[1] et à droite[2], pour désigner une situation où les monnaies nationales sont conservées ou recréées, et où une monnaie partagée est utilisée pour certaines transactions internes et externes, ou dépenses communes.

Le même terme est utilisé par les mouvements d'inspiration fédéraliste pour désigner la monnaie remplaçant les monnaies nationales, notamment en Europe, l'Euro. Le terme de monnaie commune est aussi utilisé en Afrique pour le projet de monnaie, baptisé Eco, soutenu par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et qui fusionnerait le Franc CFA avec les monnaies des autres pays de la Cedeao.

Fonctionnement, selon le côté souverainiste

Précédents


Point de vue souverainiste

Objectif et champ d'action

L'instabilité des taux perturbe les échanges commerciaux et favorise les spéculations. L'impact de ces perturbations croît avec le volume des échanges entre les pays concernés, jusqu'à possiblement affecter leurs équilibres économiques intérieurs. L'instauration d'une monnaie unique résout ces problèmes, mais, selon la théorie de la zone monétaire optimale ( Robert Mundell et al.), correspond à des conditions strictes. La monnaie commune est moins ambitieuse mais les conditions pour la mettre en place avec succès sont moins fortes.

L'objectif d'une monnaie commune est seulement d'assurer la stabilité des taux de change entre les pays concernés.

L'instauration d'une monnaie commune a pour objectif la stabilité des taux de change. Elle peut aussi représenter une étape dans un processus de rapprochement économique ( Union économique et monétaire ). Elle peut s'appliquer à un groupe de pays ou concerner les échanges monétaires mondiaux. Dans ce dernier cas l'objectif est de stabiliser le système monétaire mondial.

Parité des monnaies nationales

Lors de la création d'une monnaie commune la valeur respective des monnaies nationales est fixée de façon qu'aucune des monnaies ne soit surévaluée ou sous-évaluée par rapport aux autres. Les parités doivent pouvoir être modifiées. Avec le temps les valeurs relatives des monnaies nationales changent compte tenu des différentiels d'inflation. D'autres raisons existent qui peuvent justifier une modification des parités. Un pays peut avoir besoin de sous-estimer provisoirement sa monnaie pour retrouver sa compétitivité, notamment s'il est soumis à des chocs asymétriques, c'est-à-dire à un choc qui ne touche pas les autres pays.

La modification des parités se fait par consensus lorsque le besoin s'en fait ressentir. Elle peut aussi s'effectuer automatiquement pour tenir compte des différentiels d'inflation. Jacques Riboud en décrit le mécanisme[3]. Dans ce dernier cas la parité dans le pouvoir d'achat des monnaies est sauvegardée.

Rôle des banques centrales

Le cas de l'Union économique et monétaire (UEM)

Au moment de la création de l'Euro certains économistes tel François Bilger avaient suggéré la création d'une monnaie commune et non d'une monnaie unique. Cependant l'Union européenne est passée d'emblée à la monnaie unique.

Une monnaie unique implique une politique monétaire unifiée. Les taux d'intérêt fixés s'appliquent à toute la zone sans tenir compte de la situation économique des différents pays. Or l'hétérogénéité des formes institutionnelles et des modes d'organisation d'une part[4], et les disparités structurelles d'autre part[5], font que leurs besoins sont divergents[6]. La fusion en un seul numéraire de monnaie n'a de chance de réussite que si les institutions et les mentalités ont été au préalable adaptées[7].

Les astreintes dans la gestion économique liées à la monnaie unique sont telles que l'éclatement de la zone euro ou, à tout le moins, la sortie d'un ou plusieurs pays est devenu envisageable[8]. Le passage de l'euro à une monnaie commune et non unique représenterait un compromis laissant l'avenir ouvert[9]. La monnaie commune permettrait d'organiser progressivement les convergences en donnant aux gouvernements les instruments adéquats pour mettre en œuvre les politiques nécessaires[10].

La proposition d'une monnaie commune aux pays d'Europe qui ne soit pas unique a été émise par des économistes, (François Bilger par exemple), bien avant la décision d'une monnaie unique. Celle-ci a été prise en 1992 à Maastricht. Dans les années 1970 Jacques Riboud prônait la création d'une monnaie commune, l'Eurostable[11]. Cette thèse a reçu l'approbation d'un certain nombre d'économistes de renom[12]. André Grjébine[13] préconisait des ajustements de taux de change entre les monnaies européennes plutôt qu'une monnaie unique. Alain Grandjean, dans le cadre de l'association Chômage et Monnaie, dès 1993[14] défendait la création d'une monnaie commune européenne à la place d'une monnaie unique. Actuellement Jacques Sapir précise les modalités envisageables pour faire passer l'euro de monnaie unique à une monnaie commune[15].

Il semble que les instances dirigeantes n'aient pas considéré l'hypothèse de la monnaie commune. Lors du Colloque du 29 novembre au 1er décembre 1989 organisé par la Banque de France, Robert Raymond, alors Directeur Général des Etudes à la Banque de France, déclarait: "On pourrait se contenter de geler les taux de change déflatés. On aboutirait à des "crawling pegs", technique qui neutralise le mieux économiquement le taux de change. Toutefois, les pays qui l'ont adoptée y ont vu le moyen de mener des politiques permissives. Mieux vaut abandonner cette idée et caractériser la zone monétaire par une fixité des taux de change nominaux"[16]. Le même précisait plus tard : "Faut-il ou non faire une zone monétaire avec des taux de change fixes en Europe ? Même s'il existe des réserves théoriques, c'est bien sur cette hypothèse que l'on se penche dans la Communauté"[17]. Le débat sur l'opportunité d'une monnaie commune, mais non unique, n'a pas eu lieu. Charles de Boissieu cadrait le débat : "Je constate aujourd'hui que dans le débat européen coexistent d'un côté les approches en termes d'efficience économique, comme le rapport Cecchini, de l'autre des considérations macroéconomiques qui sont centrées sur des problèmes d'instabilité ou de stabilisation économique"[18]. Le rapport Cecchini a conclu à des gains économiques pour l'ensemble de la Communauté de 3 à 7 pour cent de PIB[19]. Les préconisations macroéconomiques ont abouti au traité de Maastricht.

Point de vue fédéraliste

Une monnaie commune mondiale

Une monnaie commune mondiale permettrait de stabiliser les taux de change au niveau mondial et d'échapper aux crises monétaires et économiques les plus ravageuses. Cette monnaie ne saurait être une monnaie nationale qui donnerait au pays qui la possède des avantages économiques exorbitants. Elle ne circulerait qu'entre Etats et non au sein des Etats[20].J.M.Keynes la préconisait lors des négociations de Bretton Woods en 1944. Gabriel Galand, sur la base d'une proposition de P. Davidson (1994), propose un Système Monétaire International fondé sur une monnaie commune internationale dans un article du 1 juillet 2002 intitulé "Système financier international et liberté des nations"[21] .

Notes et références

  1. Chevènement prédit la mutation de l'euro vers le statut de monnaie commune
  2. L'euro : de la monnaie unique à la monnaie commune Blog de Nicolas Dupont-Aignan, mars 2010
  3. Jacques Riboud, Controverse sur la banque et la monnaie, Collection de la Revue politique et parlementaire, 1996
  4. Jacques Sapir, La fin de l'eurolibéralisme, Seuil 2006, p.121
  5. M. Aglietta et L. Berrebi, Désordres dans le capitalisme mondial, Odile Jacob, 2007, p.205
  6. La lettre du CEPII, décembre 2008
  7. Jacques Riboud, Un mécanisme monétaire avec l'euro constant"", Centre Jouffroy, collection de la R.P.P., PIF diffusion, 1996, p.16
  8. Alternatives économiques, H.S., 4ème trimestre 2011, p.42
  9. Sapir, 2006, op. cité, p.161
  10. Sapir, 2006, p.162
  11. Jacques Riboud, Une monnaie pour l'Europe : l'Eurostable, éditions de la R.P.P., 1975
  12. Présentation de l'Eurostable à l'Université de Colombia, septembre 1977
  13. André Grjébine, La politique économique, Seuil, 1991
  14. www.chomage-et-monnaie.org/archives/1993
  15. Jacques Sapir, La Démondialisation, Seuil, 2011
  16. Cahiers économiques et monétaires de la Banque de France, n°36, p.121
  17. ibid., p.132
  18. ibid., p.126
  19. www.oecd.org/dataoecd/46/25/33765152.pdf
  20. Jacques Riboud, Mécanique des monnaies, Editions de la R.P.P., 1980, p.346
  21. www.chomage-et-monnaie.org/archives/2002

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