Bertha Pappenheim

Bertha Pappenheim
Bertha Pappenheim
Bertha Pappenheim en 1882.
Bertha Pappenheim en 1882.

Nom de naissance Bertha Pappenheim
Naissance 27 février 1856
Drapeau d'Autriche Autriche, Vienne
Décès 28 mai 1936 (à 80 ans)
Neu-Isenburg
Nationalité autrichienne

Bertha Pappenheim, née à Vienne le 27 février 1859 et morte à Neu-Isenburg le 28 mai 1936, est considérée comme la fondatrice du travail social en Allemagne. Militante féministe, elle fonda la Ligue des femmes juives et lutta contre la prostitution. Elle est connue dans l'histoire de la psychanalyse sous le nom d'« Anna O. ».

Sommaire

Biographie

Issue du milieu de la bourgeoisie juive orthodoxe, elle est élevée par une mère rigide et conformiste[1]. Selon Breuer, elle est « complètement non religieuse », possède un puissant intellect avec des grands dons poétiques et imaginatifs. Elle parle l'anglais, le français et l'italien, ainsi que l'hébreu et le yiddish.

Elle tombe malade à l'âge de 21 ans. Après sa sortie du sanatorium Bellevue de Kreuzlingen, elle séjourna pendant quelques mois chez des membres de sa famille en Allemagne et suivit des cours d'infirmière à Karlsruhe. De retour à Vienne en 1883, elle rechuta et fit trois longs séjours au sanatorium Inzerdorf. En 1888, elle était rétablie et déménagea avec sa mère à Francfort-sur-le-Main, où sa carrière dans le domaine social commença.

Elle fonda un orphelinat pour jeunes filles juives à Francfort-sur-le-Main et le dirigea pendant douze ans. Après la mort de sa mère en 1905, elle vécut à l'orphelinat. En 1904, elle fonda la Ligue des femmes juives, puis en 1907 une institution d'enseignement affiliée à cette organisation. Elle dirigea une campagne internationale contre la prostitution, décrite comme un « esclavage blanc » ou traite des blanches, impliquant des jeunes femmes juives d'Europe de l'Est et du Proche-Orient. Elle parcourut l'Europe orientale et le Moyen Orient, tout en subissant de dures et parfois dangereuses épreuves lorsqu'il s'agissait d'inspecter les maisons closes. Elle fit également des visites en Palestine, Londres, Paris et New York pour attirer l'attention sur sa campagne.

Son travail, bien que non dénué de controverses, fut considéré comme un signal pour d'autres. Son dévouement fut légendaire et elle est considérée comme la fondatrice du travail social en Allemagne.

Elle écrivit beaucoup, sous le pseudonyme de « Paul Berthold » (ses initiales inversées BP/PB) : contes de fées, prières juives et une pièce de théâtre décrivant des personnages féminins exploités par des hommes. Elle tint une large correspondance, dont la plupart fut détruite pendant la guerre, y compris des échanges avec le philosophe Martin Buber.

Bertha était charismatique et pleine de vie, libérée de problèmes psychologiques[réf. nécessaire]. Elle vécut seule et ne se maria jamais. Elle avait un bon sens de l'humour, aimait la bonne chère et avait une jolie collection de verres, porcelaines et tapisseries[réf. nécessaire].

Bertha retourna à Vienne en 1935, où elle mourut d'un cancer le 28 mai 1936, opprimée par le pressentiment de la tragédie qu'elle avait prédite pour les juifs européens. Sa tombe est située au vieux cimetière juif de Francfort (Rat-Beil-Strasse). Sa mort fut commémorée par une édition spéciale de 40 pages du journal qu'elle avait fondée.

En 1954, Bertha Pappenheim fut honorée comme une pionnière du travail social avec l'émission d'un timbre par la République fédérale d'Allemagne.

Arrière-plan familial

Bertha Poppenheim en costume de Glückel von Hameln.

Le grand-père paternel de Bertha Pappenheim, Wolf Pappenheim, un descendant de Rabbi Nathan, venait de la ville de Pappenheim en Bavière ; le nom de famille en est dérivé. Plus tard, il hérita de la fortune de sa femme (née Calman) et s'installa dans le ghetto de Pressbourg. Il eut deux fils, Kalman et Siegmund, le père de Bertha.

Siegmund Pressbourg s'établit à Vienne et devint un marchand de grains opulent. Juif orthodoxe pratiquant, il contribua au fonds pour la construction de la synagogue de Schiffshul. Après la mort de sa mère en 1879, il fut désigné comme tuteur de la future femme de Freud, Martha Bernays, qui eut des liens amicaux avec Bertha.

Recha Goldschmidt, la mère de Bertha, est née à Francfort-sur-le-Main. Son père, Benedikt Salomon Goldschmidt, un marchand de denrées, se maria d'abord avec Bella Braunschweig, et après sa mort avec sa sœur Sprinze (Sabina). La famille était influente et entretenait des relations avec beaucoup de familles juives connues, telles que les Homberger, les Warburg et les Rothschild. Parmi ses ancêtres se trouvent Heinrich Heine et la diariste Glückel von Hameln.

Le mariage de Pappenheim en 1848 fut arrangé selon les coutumes de l'époque. La famille vécut dans le quartier juif de Leipoldstadt avant de s'installer en 1880 dans la Lichtensteinstrasse (proche de l'endroit où vivait Freud). Recha Pappenheim n'apprécia jamais de vivre à Vienne loin de sa famille. On a prétendu que cette relation aurait été malheureuse et que Siegmund Pappenheim aurait fréquenté les maisons closes, mais aucune preuve n'étaye ces spéculations.

Elle perdit deux filles ; Flora mourut trois ans avant la naissance de Bertha, et Henriette mourut de méningite tuberculeuse quand Bertha avait huit ans.

Le frère de Bertha, Wilhelm, exerça le droit à Vienne. On le décrit comme un « gentleman accompli » possédant la librairie la plus complète en Europe sur le socialisme. Le frère et la sœur étaient brouillés, Bertha affirmant qu'il la tyrannisait sans merci durant son enfance.

Psychanalyse

Anna O. est le premier cas d'hystérie exposé en 1895 dans les Études sur l'hystérie de Sigmund Freud et Joseph Breuer. Un récit de la prise en charge de Bertha Pappenheim fut publié en 1895 dans les Études sur l'hystérie, ouvrage écrit par Breuer et Sigmund Freud et où Bertha est désignée sous le pseudonyme d’Anna O. (formé à partir de la lettre précédant ses initiales: BP/AO).

Souffrant de divers maux jusqu'en 1888, Bertha Pappenheim connut plusieurs séjours en milieu hospitalier et fut également, entre 1880 et 1882, la patiente de Joseph Breuer. Ce dernier expérimenta sur elle ce qui prit plus tard le nom de “méthode cathartique”, inspirée des enseignements de Jean-Martin Charcot. Son cas éveilla l'intérêt de Sigmund Freud, qui élabora la cure psychanalytique à partir de la méthode de Breuer. Breuer décrivit Bertha Pappenheim comme « très sérieuse » ; Jones, moins respectueusement, comme « une espèce de dragon ».

Lorsque Breuer l'hypnotisait, Anna O. « se trouvait délivrée et ramenée à une vie psychique normale »[2]. Néanmoins ces rémissions ne duraient que quelques heures. Freud explique que les symptômes n'ont disparu qu'une fois qu'Anna O. s'était rappelé sous hypnose la première occurrence de leurs apparitions : par exemple elle avoua sous hypnose qu'un jour, elle avait vu « sa dame de compagnie anglaise qu'elle n'aimait pas […] faire boire son petit chien, une sale bête, dans un verre » [3]. Quand elle se réveilla, Anna O. n'était plus hydrophobe.

Freud n'a pas lui-même suivi cette patiente ; elle fut de 1880 à 1882 une patiente de Breuer. Celui-ci conta sa cure à son collègue et ami Freud, qui conceptualisa alors ce qui devient un cas princeps de la psychanalyse. Freud en parle dans les conférences données en septembre 1909 à la Clark University[2].

Elle est présentée par Freud comme une personne « très intelligente », présentant une anesthésie des membres, des troubles de la vision, une difficulté à tenir la tête droite, une toux intense, un dégout pour la nourriture et une hydrophobie, l'impossibilité de comprendre et parler sa langue maternelle (l'allemand ; de ce fait elle s'exprimait en anglais), des « absences », de la confusion, des délires, et une altération de la personnalité[2]. Ces symptômes ont conduit Breuer a diagnostiquer une hystérie.

Ce que Bertha Pappenheim pensait à propos d'« Anna O. » n'est pas connu, car elle aurait détruit tous les documents ayant trait à son enfance ou à sa maladie durant sa jeunesse[réf. nécessaire]. Dora Edinger, sa biographe, révéla qu'alors elle ne discutait pas de sa maladie avec ses proches, elle fut critique à propos de la psychanalyse.

Certaines indications sur son attitude furent glanées par l'un de ses médecins du Sanatorium Bellevue, qui nota ses « jugements méprisants contre l'inefficacité de la science au regard de ses souffrances »[réf. nécessaire]. Dans les années suivantes, elle s'exclama : « Aussi longtemps que je vivrai, jamais la psychanalyse ne pénétrera mes établissements. »[réf. nécessaire]

Inefficacité thérapeutique

Ce compte rendu fait figure de référence, notamment comme révélateur des bienfaits de l'expression orale, bien que Bertha Pappenheim l'ait elle-même trouvée inefficace pour soigner ses maux. Anna O. qualifia ces séances d'hypnose de « ramonage de cheminée » (chimney sweeping). Elle inventa le terme talking cure[4].

En réalité cette cure n'aboutit à aucun soulagement d'Anna O. Depuis le récit de Freud et Breuer, celui d'Ernest Jones, puis ceux de Albrecht Hirschmüller et d'Henri F. Ellenberger ont donné lieu à multiples polémiques.

En effet, Henri Ellenberger a montré qu'après sa « guérison » Anna O. a passé plusieurs mois au sanatorium Bellevue de Kreuzlingen en Suisse. Elle y était traitée pour des symptômes d'hystérie (dont elle était censée être guérie, si l'on en croit le discours de Breuer) ainsi qu'une dépendance à la morphine due aux fortes doses administrées par Breuer[réf. nécessaire]. Par la suite, l'historien Albrecht Hirschmüller établit que les séjours au sanatorium durèrent de 1883 à 1887 ; que le premier internement fut préparé quelques jours à peine après la « guérison » ; que cet internement fut préparé par Breuer lui-même avec un diagnostic de « légère folie hystérique » ; et qu'elle ne commença véritablement à se rétablir que vers la fin des années 1890[5].

Freud était au courant de l'inefficacité de la thérapie, puisqu'il en parle dans sa correspondance avec Breuer[réf. nécessaire].

Certains auteurs comme l'historien Mikkel Borch-Jacobsen ont qualifié ce cas de mystification. L'échec lui fait dire que le cas « Anna O » est le « premier mensonge freudien »[6].

Commémoration

Timbre allemand émis en 1954

En 1954, la République fédérale d'Allemagne produisit un timbre à son effigie.

Notes et références

  1. Dictionnaire de la psychanalyse, E. Roudinesco et M. Plon, page 774 (2006)
  2. a, b et c référence, Freud, S. (1966) « Cinq leçons sur la psychanalyse suivi de Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique » Paris : Petite Bibliothèque Payot
  3. Breuer, J., Freud, S. (1895) Études sur l'Hystérie.p. 25. Paris: PUF
  4. Terme originellement en anglais.
  5. Meyer, C. (2005), Le livre noir de la psychanalyse, Editions Les Arènes
  6. « Le Livre noir de la psychanalyse. » Paris, Les Arènes, 2005, article "Anna O. une mystification centenaire." de Mikkel Borch-Jacobsen

Annexes

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Bibliographie de...

  • Bertha Pappenheim avec une préface de Yolande Tisserond : Le Travail de Sisyphe, Ed.: Editions Des Femmes, 1986, ISBN 2721003038

Bibliographie sur...


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