Proclamation de la République Portugaise

Proclamation de la République Portugaise
Estremoz13.jpg
Histoire du Portugal
Civilisations pré-ibériques
Préhistoire de la péninsule Ibérique

Protohistoire ibérique et celtique
GallaeciLusitaniens • Celtiques • Coniens
Hispanie
Conquête romaine de la péninsule Ibérique
LusitanieGallaecia
Invasions barbares de la péninsule Ibérique

WisigothsSuèves
Civilisation islamique en al-Andalus
Al-AndalusReconquista
Conquête musulmane de la péninsule Ibérique
Formation du Royaume de Portugal
Royaume des AsturiesRoyaume de León
Comté de PortugalComté de CoimbraRoyaume de Galice
Royaume de Portugal
Indépendance du PortugalRoyaume de Portugal

Crise portugaise de 1383-1385Dynastie d'AvizDynastie de Bragance
Guerre de Restauration (Portugal)Guerre péninsulaire
Tremblement de terre de LisbonneGuerre civile portugaise
Monarchie constitutionnelle (1834-1910)
VilafrancadaAbriladaAccords d'Evora-Monte

Révolte des MaréchauxRévolte de Maria da FontePatuleia
Empire colonial portugais
Découvertes portugaises

Empire colonial portugais

Crise de Succession de 1580 • Union ibériqueGuerre de Restauration
République portugaise
Révolution du 5 octobre 1910 • Proclamation de la République Portugaise

Première République portugaise
1re Guerre mondiale au Portugal Dictature Nationale (1926-33)Estado Novo (Portugal)Guerres coloniales portugaises

Troisième République portugaiseRévolution des Œillets
Histoire par thème
1777-1834 • Militaire • Diplomatique • Culturelle • Économique • Démographie • Linguistique • Sportive • Artistique • Coloniale
Chronologie du Portugal
Portail du Portugal

La Proclamation de la République Portugaise est le résultat du coup d'état organisé par le Parti républicain portugais. Plus connue sous le nom de Révolution du 5 octobre 1910, elle met fin à la monarchie constitutionnelle au Portugal.

La soumission du pays aux intérêts coloniaux britanniques, les dépenses de la famille royale, la puissance de l'Église, l'instabilité politique et sociale, le système d'alternance des deux partis au pouvoir (progressistes et régénérateurs), la dictature de João Franco, l'apparente incapacité à accompagner le progrès - tout cela contribua à l'inexorable processus d'érosion de la monarchie portugaise dont les partisans républicains savent tirer parti. En contrepoint, le Parti républicain se présente comme le seul parti avec un programme capable de rendre au pays tout son prestige et a le conduire sur la voie du progrès.

L'infanterie répugnant à combattre les presque 2 000 soldats et marins révoltés entre le 3 et le 4 octobre 1910, la République est proclamée à 9 heures du matin le jour suivant depuis le balcon de la mairie de Lisbonne.

Après la révolution, Teófilo Braga prend la tête d'un gouvernement provisoire jusqu'à l'adoption de la Constitution de 1911 qui marque le début de la première République. Parmi les autres changements nés de cette proclamation, il faut souligner le remplacement des symboles nationaux tels que l'hymne national et le drapeau, toujours en vigueur actuellement.

Sommaire

Antécédents

L'ultimatum britannique et le 31 janvier 1891

La carte rose à l'origine de l'ultimatum britannique de 1890.

Le 11 janvier 1890, le gouvernement britannique de Lord Salisbury envoie au gouvernement portugais un ultimatum sous la forme d'un mémorandum, exigeant le retrait des forces militaires portugaises commandées par le major Serpa Pinto du territoire compris entre les colonies d'Angola et du Mozambique (actuels Zimbabwe et Zambie), zone revendiquée par le Portugal comme le révèle la carte rose.

La promptitude portugaise à répondre aux exigences britanniques est vécue comme une humiliation nationale par une grande partie de la population et des élites. Cet événement déclenche une profonde vague de mécontentement envers le nouveau roi, Charles Ier de Portugal, la famille royale et les institutions monarchiques, considérés comme responsables de la décadence que vivrait le pays.

La situation s'aggrave avec la sévère crise financière intervenue entre 1890 et 1891, lorsque les versements des émigrants du Brésil chutent de 80% suite à la proclamation de la première république au Brésil. Cet événement est suivi attentivement par le gouvernement monarchique et avec enthousiasme par les partisans de la république au Portugal. Les républicains ont su capitaliser sur ce mécontentement; non seulement le nombre de leurs partisans augmentent mais ils élargissent également leur base sociale.

Le 14 janvier, le gouvernement progressiste tombe et le leader du parti régénérateur António de Serpa Pimentel est nommé pour former un nouveau gouvernement. Le parti progressiste, contestant l'accord colonial passé avec les Britanniques, se lance dans une attaque contre le roi, votant même en faveur des candidats républicains lors de l'élection de mars 1890.

Alimentant une ambiance quasi insurrectionnelle, António José de Almeida, futur Président de la République, alors étudiant de l'université de Coimbra, publie un article le 23 mars 1890, intitulé Bragance, le dernier (en référence à la dynastie royale) qui sera jugé calomnieux envers le roi et lui vaudra une peine de prison.

Plaque commémorative du mouvement du 31 janvier 1891 à Porto.

Le 1er avril 1890, le vieil explorateur Silva Porto, figure historique de l'exploration africaine, s'immole par le feu enveloppé dans un drapeau portugais dans la région de Kuito en Angola, après l'échec des négociations entre les locaux et les troupes portugaises de Paiva Couceiro; celles-ci stationnaient dans la région malgré les promesses de Silva Porto. Paiva Couceiro attribuera sa mort à l'ultimatum. Celle-ci provoque un émoi national; une foule immense assiste à ses funérailles à Porto. Le 11 avril est mis en vente le Finis Patiae de Guerra Junqueiro, ridiculisant la figure du roi.

Le 31 janvier 1891, la ville de Porto assiste à un soulèvement militaire contre la monarchie constitutionnelle déclenché en grande partie par des militaires. Les révoltés, qui ont pour hymne une chanson à caractère patriotique composée en réaction à l'ultimatum britannique, "A Portuguesa", s'emparent du Palais du Conseil au balcon duquel le journaliste et homme politique républicain Augusto Manuel Alves de Veiga proclame l'implantation de la République au Portugal et hisse un drapeau rouge et vert, appartenant au Centre Démocratique Fédéral. Le mouvement est étouffé peu après par une la Garde Municipale qui reste fidèle au gouvernement. On comptera 12 morts et 40 blessés. Les révoltés capturés sont jugés, 250 seront condamnés à des peines allant de 18 mois à 15 ans de déportation en Afrique. La chanson "A Portuguesa" est interdite.

Malgré cet échec, la révolte du 31 janvier 1891 est la première vraie menace vécue par le régime monarchique et l'annonce de ce qui finirait par arriver presque deux décennies plus tard.

Le Parti Républicain Portugais

Le mouvement révolutionnaire du 5 octobre 1910 fait suite à l'intense activité doctrinaire et politique menée par le Parti Républicain Portugais (PRP) depuis sa création en 1876. Celui-ci affiche depuis le début sa volonté claire de renverser le régime. En faisant de la fin de la monarchie le préalable à la renaissance nationale, le PRP met la question du régime au-dessus de toutes les autres, concentrant toute son action politique vers cet objectif. Il a le mérite d'afficher un message clair et de se démarquer ainsi du Parti Socialiste, qui défend l'idée d'une collaboration avec le régime en échange de mesures en faveur de la classe ouvrière, dont les conditions de travail en usine sont terribles; d'une manière générale, son discours lui permet de fédérer autour de lui tous les mécontents.

Teófilo Braga

Le parti acquiert une grande cohésion interne, toute divergence idéologique entre ses membres étant mise de côté. Celles qui existent sont plutôt d'ordre stratégiques qu'idéologiques. Les principes politiques des républicains portugais ont depuis longtemps été fixés avec José Félix Henriques Nogueira et ils subissent peu de changements au fil des ans si ce n'est pour s'adapter aux réalités du pays; Teófilo Braga y contribue en tentant de concrétiser les idées de décentralisation et de fédéralisme, abandonnant le caractère socialiste au profit des aspects démocratiques. Ces changements visent à éviter les antagonismes entre la petite et la moyenne bourgeoisie amenée à fournir le gros des militants républicains. Lors des élections du 13 octobre 1878, le PRP parvient à faire élire son premier député pour Porto, José Joaquim Rodrigues de Freitas. Cependant, l'abandon des intérêts du prolétariat sera à l'origine de nombreuses désillusions concernant la Première République Portugaise.

Les républicains portugais prétendent aussi faire de la chute de la monarchie une mystique messianique, unificatrice, nationale et au-dessus des classes. Cette panacée sensée guérir d'un coup tous les maux de la société portugaise, ramener la Nation sur les chemins de la gloire, ne fait qu'accentuer deux de ses aspects fondamentaux: le nationalisme et le colonialisme.

Le résultat de cette combinaison sera l'abandon de l'ibérisme patent dans les premières thèses républicaines de José Félix Henriques Nogueira, au profit d'une identification de la monarchie et des monarchistes à l'antipatriotisme et aux concessions faites aux intérêts étrangers.

L'autre composante très forte de l'idéologie républicaine est l'anticléricalisme, théorisé par Teófilo Braga : leurs discours associent religion avec retard scientifique et opposition au progrès, alors que la république est associée avec science et progrès. La prise de position anticléricale, provoquant un clivage avec les milieux les plus conservateurs finira par être une entrave à l'installation de la République.

Comme on peut le voir, les questions idéologiques ne sont pas fondamentales dans la stratégie des républicains : pour la majorité de leurs sympathisants, qui ne connaissent pas forcément les textes des principaux manifestes, seul compte le fait d'être contre la monarchie, contre l'Église et contre la corruption politique des partis traditionnels. Ce manque de préoccupation idéologique ne signifie pas que le parti n'ait pas cherché à divulguer ses principes. En octobre 1910, il existe 167 associations de caractères variés affiliés au PRP. Mais cette divulgation se fait principalement à travers leurs journaux ("A Voz Pública" et "O Mundo", à partir de 1900, pour Porto, "A Luta" à Lisbonne à partir de 1906) et l'organisation de manifestations populaires, de comices, etc...

La propagande républicaine sait tirer parti de certains événements de l'actualité qui vont avoir beaucoup d'impact dans la population : les commémorations du troisième centenaire de la mort de Camões, en 1880, ou encore l'ultimatum anglais de 1890, sont utilisés par les partisans républicains pour mettre en avant leur patriotisme et leur proximité avec les aspirations populaires.

Le troisième centenaire de la mort de Camões est commémoré de manière grandiose : un immense cortège civique parcourt les rues de Lisbonne dans l'enthousiasme général; même chose lors du transfert des dépouilles mortuaires de Camões et de Vasco da Gama vers le Panteão Nacional. Les illuminations et l'ambiance de fête nationale de ces commémorations contribuent à en faire un moment d'exaltation patriotique. Bien que l'idée de commémorer l'écrivain Camões soit partie de la Société de Géographie de Lisbonne, c'est une commission de représentants de la presse de Lisbonne qui se charge de son organisation. Cette commission est composée par le Vicomte de Jorumenha, Teófilo Braga, Ramalho Ortigão, Batalha Reis, Magalhães Lima et Pinheiro Chagas. Le Parti Républicain, auquel appartiennent les principales figures de la commission exécutive des commémorations du tricentenaire de Camões, en retire une grande popularité.

Outre Rodrigues de Freitas, d'autres députés seront élus pour le PRP entre 1884 et 1894: Manuel de Arriaga, José Elias Garcia, Zófimo Consiglieri Pedroso, José Maria Latino Coelho, Bernardino Pereira Pinheiro, Eduardo de Abreu, Francisco Teixeira de Queirós, José Jacinto Nunes e Francisco Gomes da Silva. Entre 1894 et 1900, il n'y aura pas de représentant républicain au parlement. Durant cette phase le parti se concentrera sur son organisation interne. C'est une période de répression contre le PRP, après laquelle il pourra de nouveau participer aux élections législatives. En 1900, il aura quatre députés élus : Afonso Costa, Alexandre Braga, António José de Almeida e João de Meneses.

Le régicide de 1908

Reconstitution anonyme du régicide de 1908 publié dans le journal "Folha Volante".

Le 1er février 1908, rentrant à Lisbonne, après un séjour à Vila Viçosa, dans l'Alentejo, après une saison de chasse, le roi Charles Ier et le prince héritier Louis Philippe sont assassinés au milieu de la Place du Commerce.

L'usure du régime est en grande partie à l'origine de cet attentat, usure provoquée par l'alternance sans réelle portée de deux partis aux pouvoirs, le Parti progressiste (Portugal) et le Parti Régénérateur, et ce depuis la Régénération.

Le roi, en tant qu'arbitre du système politique, rôle attribué par la Constitution portugaise de 1838, venait de désigner João Franco au poste de Président du Conseil des Ministres. Celui-ci, dissident du Parti Régénérateur, était parvenu à convaincre le roi de fermer le parlement afin de prendre une série de mesures visant la moralisation de la vie politique. Cette décision lui vaut la colère de toute l'opposition, aussi bien républicaine que monarchique, qui l'accuse de se comporter en dictateur.

Les événements se précipitent avec l'affaire des dettes de la famille royale et la signature du décret du 30 janvier 1908 qui prévoit la déportation vers les colonies, sans jugement, pour les individus impliqués dans la tentative de complot républicain intervenu deux jours plus tôt (connu comme le Coup d'État de l'Ascenseur de la Bibliothèque.

La famille royale se trouve au palais ducal de Vila Viçosa, mais les événements conduisent le roi à précipiter leur retour à Lisbonne; au matin du 1er février, ils prennent le train à Vila Viçosa. La suite royale atteint Barreiro en fin d'après-midi; là, elle embarque à bord du vapeur Dom Luis afin de traverser le Tage et débarque sur le Terreiro do Paço à Lisbonne vers 17 heures. Malgré le climat de grande tension, le roi décide de poursuivre son voyage à bord d'une voiture décapotée, avec une escorte réduite, afin de jouer la normalité. Tandis qu'ils saluent la foule présente sur la place, la voiture est atteinte par plusieurs coups de feu. Un tir de carabine traverse le cou du roi, le tuant sur le coup. Plusieurs coups de feu suivent, alors que le prince qui parvient encore à toucher un des tireurs, est atteint à son tour au visage. La reine, debout, se défend avec le bouquet de fleur qui lui a été offert, flagellant l'un des agresseurs qui était grimpé sur le repose-pied de la voiture, et criant "Infames! Infames!". L'infant Manuel est atteint également au bras. Deux des régicides, Manuel Buíça, instituteur, et Alfredo Costa, employé de commerce et éditeur, sont tués sur place. Les autres fuient. La voiture entre dans l'Arsenal de la Marine, où sera constaté la mort du roi et de l'héritier du trône.

Après l'attentat, le gouvernement de João Franco est destitué et une enquête rigoureuse est lancée qui, après deux longues années, pointera du doigt les Carbonaristes. Le processus d'investigation est déjà conclu la veille du 5 octobre 1910. Entretemps, d'autres suspects directement mêlés ont été découverts, dont certains ont trouvé refuge au Brésil ou en France, alors que deux d'entre eux, pour le moins, ont été assassinés par les propres carbonaristes.

L'Europe est choquée par cet attentat, Charles Ier étant très estimé par les autres chefs d'État européens. Le régicide de 1908 précipitera la fin de la monarchie en plaçant sur le trône le jeune Manuel II et en lançant les partis monarchiques les uns contre les autres.

L'agonie de la monarchie

De par son jeune âge (18 ans) et des événements tragiques et sanglants qui l'ont porté sur le trône, Manuel II bénéficie au début d'un grand élan de sympathie. Le jeune roi commence par nommer un gouvernement de consensus, présidé par Francisco Joaquim Ferreira do Amaral. Ce gouvernement d'apaisement, comme on a pu le désigner, bien qu'il réussisse à ramener le calme momentanément, sera de courte durée. La situation politique se dégrade à nouveau rapidement; sept gouvernements vont se succéder en deux ans. Les partis monarchiques replongent dans leur divisions, tandis que le Parti Républicain continue à gagner du terrain. Lors des élections du 5 avril 1908, les dernières législatives sous la monarchie, sept députés sont élus parmi lesquels Estêvão de Vasconcelos, Feio Terenas et Manuel de Brito Camacho. Aux élections du 28 août 1910, le parti remporte une grande victoire, élisant 14 députés dont 10 pour Lisbonne.

Cette visibilité est pourtant jugée insuffisante par les membres les plus radicaux du parti, qui défendent la lutte armée afin de prendre le pouvoir dans les plus brefs délais. Cette fraction remporte le Congrès du parti à Setúbal en avril 1909. La nouvelle direction (composée de personnalités plus mesurées comme Teófilo Braga, Basílio Teles, Eusébio Leão, Cupertino Ribeiro ou José Relvas), reçoit du congrès un mandat qui lui impose de faire la révolution. Les plus radicaux sont chargés de la logistique dans la préparation de cette révolution. Le comité civil est formé par Afonso Costa, João Chagas et António José de Almeida. À la tête du comité militaire on place l'amiral Cândido dos Reis.

Le gouvernement provisoire de 1910 après la proclamation de la République

António José de Almeida est chargé de l'organisation des sociétés secrètes telles que la Charbonnerie (dont l'un des chefs était le commissaire naval António Maria Machado Santos), la Franc-maçonnerie, bien qu'étant indépendante des organes du parti, et la Junte Libérale dirigée par le Dr. Miguel Bombarda. L'action de propagande de cet éminent médecin dans les milieux bourgeois est très importante et attire de nombreux sympathisants.

Les républicains recrutent de nombreux adeptes parmi les membres des forces armées grâce à leur tendance révolutionnaire assumée. Même s'il existe déjà un noyau républicain au sein de l'armée, le mouvement manque d'officiers quand débutent les préparatifs de la révolution en 1909. Ce manque est compensé par l'action conjointe de la franc-maçonnerie, de l'amiral Cândido dos Reis au sein du Comité Militaire Républicain (qui recrute la majorité des officiers) et de Machado dos Santos à la Charbonnerie.

La période qui sépare le congrès du début de la révolution est de grande instabilité : menaces de soulèvements, agitations sociales... Le mouvement est plusieurs fois mis en péril par l'impatience du secteur de la Marine, commandé par Machado Santos, disposé à prendre tous les risques. Malgré l'agitation républicaine, le gouvernement ne semble pas prendre la mesure de la menace. La reine Amélie a bien conscience du large soutien dont bénéficient les républicains : Leurs démonstrations de forces dans les rues de Lisbonne, comme celle du 2 août 1909, réunissant 50 000 personnes dans un ordre impressionnant, font écho aux tumultes organisés à l'Assemblée par certains députés républicains. C'est dans la nuit du 2 août que j'ai compris que la couronne était menacée: lorsque le roi est contesté ou rejeté par une partie de l'opinion, avec raisons ou non, il ne peut plus jouer son rôle d'unificateur[1].

Le drapeau portugais après la proclamation de la République

La révolte

Le 3 octobre 1910, la révolution républicaine annoncée éclate. Malgré l'absence de nombreux protagonistes républicains, laissant penser un moment que le mouvement avait échoué, elle finit par éclater grâce notamment à l'incapacité du gouvernement à répliquer. En effet, il ne parvient pas à réunir des troupes suffisantes pour venir à bout des quelque 200 révolutionnaires qui tiennent la place Rotunda les armes à la main.

Les premières actions des révolutionnaires

Durant l'été 1910, Lisbonne fourmille de rumeurs; le Président du Conseil Teixeira de Sousa est prévenu du coup de force imminent. Celui-ci n'échappe pas à la règle : il était attendu par le gouvernement qui, le 3 octobre, donne l'ordre à toutes les troupes de la garnison de se tenir prêtes. Après le dîner offert en l'honneur de Manuel II par le président brésilien Hermes da Fonseca, en visite d'état au Portugal, le monarque retourne au Palacio das Necessidades, tandis que que son oncle et héritier de la couronne, l'infant Alphonse de Bragance, se rend à la citadelle de Cascais.

Après l'assassinat de Miguel Bombarda par l'un de ses patients, les chefs républicains se réunissent en urgence dans la nuit du 3 octobre. Certains officiers s'opposent à l'intervention compte tenu de l'alerte des forces militaires. Mais l'amiral Cândido dos Reis insiste pour aller de l'avant; il aurait alors proféré cette phrase : "La révolution ne sera pas ajournée: suivez-moi si vous voulez. Si un seul d'entre nous doit accomplir son devoir que ce soit moi."

Machado Santos, lui, n'attend pas la réunion pour passer à l'action. Il se rend au quartier-général du régiment d'infanterie 16, où un caporal révolutionnaire avait provoqué le soulèvement d'une majorité de la garnison : un commandant et un capitaine ayant tenté de s'opposer sont tués. Après avoir pénétré dans la caserne avec une dizaine de Charbonniers, le commissaire naval se dirige vers le régiment d'artillerie devant une centaine de militaires. Il y retrouve le capitaine Afonso Palla et quelques sergents, qui occupent déjà les lieux, après avoir laissé entrer quelques civils et emprisonné des officiers récalcitrants. A son arrivée, on forme deux colonnes que l'on place sous le commandement des capitaines Sá Cardoso et Palla. La première marche au devant de régiments d'infanterie, qui doivent s'être soulevés avant de poursuivre vers Alcântara où ils doivent apporter leur soutien à la caserne des marins. En chemin, ils tombent sur un détachement de la Garde municipale, ce qui les oblige à se dévier. Après quelques affrontements avec la police et des civils, ils tombent sur la colonne commandée par Palla et ils avancent vers la place Rotunda. Ils s'y retranchent vers 5 heures du matin. Ils sont alors entre 200 et 300 soldats de l'artillerie, 50 à 60 soldats de l'infanterie et 200 civils. Les Capitaines Sá Cardoso et Palla, ainsi que le commissaire naval Machado Santos, font partie des 9 officiers présents.

Pendant ce temps, le lieutenant Ladislau Parreira accompagné de quelques officiers et de civils s'introduisent dans la caserne du Corps de Marins d'Alcântara à une heure du matin et parviennent à s'armer, à soulever la garnison et à emprisonner les commandants, dont l'un d'eux est blessé. Ils parviennent ainsi à empêcher la sortie de l'escadron de cavalerie de la Garde Municipale. Pour ce faire, l'appui en hommes et en armes des 3 navires ancrés dans sur le Tage est nécessaire. À bord, le lieutenant Mendes Cabeçadas avait pris le commandement de l'équipage soulevé de l'Adamastor, tandis que la équipage révoltée du "São Rafael" attendait un officier pour le commander.

Autour de 7 heures du matin, Ladislau Parreira, informé par des civils de la situation, prend la place du sous-lieutenant Tito de Morais aux commandes du "São Rafael", donnant l'ordre aux navires de soutenir la garnison de la caserne. En apprenant que l'équipage du "D. Carlos I" s'est soulevé, alors que les officiers se sont barricadés, le lieutenant Carlos da Maia suivi de marins et de civils, sortent du "São Rafael". Après quelques échanges de tirs, qui blessent le commandant du navire et un lieutenant, les officiers se rendent et le "D. Carlos I" tombe aux mains des républicains.

C'est la dernière unité à se joindre aux insurgés qui rassemblent ainsi une partie du régiment de l'artillerie, du corps de marins et les 3 navires cités. La Marine adhère en masse comme prévue, alors que d'autres casernes considérées comme sympathisantes ne bougent pas. Les républicains rassemblent ainsi 400 hommes sur la place de la Rotunda, entre 1000 et 1500 à Alcântara, dont l'équipage des navires, sans compter l'artillerie de la ville et des navires ainsi que la majeure partie des munitions. Rotunda et Alcântara sont occupées, mais la situation reste fragile et les principaux dirigeants ne sont pas encore intervenus.

Les débuts ne sont pas en faveur des insurgés. Les trois coups de canon qui devaient donner le signal d'avancer aux civils et aux militaires ont échoué. Un seul tir a été entendu et l'amiral Cândido dos Reis, qui attend le signal pour s'emparer des navires est finalement informé par des officiers de l'échec de l'opération. Il se réfugie chez sa sœur. Au petit matin, on le retrouve mort dans une ruelle d'Arroios. Désepéré, il se tire une balle dans la tête.

Pendant ce temps, à la Rotunda, les insurgés découragés par le calme apparent de Lisbonne décident d'abandonner. Sá Cardoso, Palla et les autres officiers se retirent. Machado Santos reste et prend le commandement. Cette décision va être décisive pour le succès de la révolution.

Les forces gouvernementales

La garnison militaire de Lisbonne était constituée par quatre régiments d'infanterie, deux de cavalerie et deux bataillons de chasseurs; 6982 hommes au total. Mais en réalité, des détachements ont été envoyés en mission de surveillance et de police dans les usines de Barreiro, à cause des grèves et de l'agitation syndicale qui durent depuis septembre.

Les forces gouvernementales disposent en fait d'un plan d'action depuis un an déjà, élaboré par ordre du commandement militaire de Lisbonne, le général Manuel Rafael Gorjão Henriques. Lorsque, dans la soirée du 3, le Président du Conseil Teixeira de Sousa l'informe de l'imminence d'une révolution, l'alerte est immédiatement donnée dans les casernes de la ville. Les unités de Santarém et de Tomar sont appelées à la rescousse.

Dès le début de la révolte, le plan est lancé : les régiments d'infanterie, de chasseurs et de cavalerie ainsi que l'artillerie de Queluz se dirigent vers le Palacio das Necessidades afin de protéger le roi, tandis qu'une unité d'infanterie et de chasseurs marche sur le Rossio afin de protéger le quartier général.

Lorsque les forces policières de la Garde Municipale sont réparties, comme prévu, à travers la ville, afin de protéger les points stratégiques : la gare du Rossio, la Fabrique de Gaz, la Maison de la Monnaie, la gare postale du Rossio, la caserne du Carmo, le dépôt de munitions de Beirolas et la résidence du Président du Conseil au moment où se réunit le gouvernement. Il existe peu d'informations sur la police des douanes (1397 hommes) si ce n'est que certains se trouvent au Rossio. La police civile (1200 hommes) reste dans ses quartiers. Cette inaction prive le gouvernement de 2600 hommes.

Les combats

Le fait d'avoir aligné, côté monarchiques, certaines unités dont les sympathies allaient vers les républicains (à tel point qu'on craignait qu'ils ne se soulèvent à leur tour), conjugué avec l'abandon, côté révoltés, du plan d'intervention original, au profit d'un retranchement à Rotunda et Alcântara, fait que la journée du 4 se déroule dans le calme, la ville bruissant de milles rumeurs de victoires et de défaites.

En apprenant la nouvelle de la concentration des révoltés à Rotunda, le commandement militaire de la ville envoie un détachement les attaquer. La colonne, sous le commandement du colonel Alfredo Albuquerque, est formée d'unités normalement affectées à la protection du Palacio das Necessidades. Un des héros des guerres coloniales, Henrique Mitchell de Paiva Couceiro, fait partie de ce détachement. La colonne avance jusqu'au pied de la Prison, où elle se prépare au combat. Avant même d'avoir pu se mettre en position, elle est attaquée par des insurgés. L'attque est repoussée mais provoque quelques blessés, la perte d'animaux de charges et surtout la fuite de près de la moitié de l'infanterie. Paiva Couceiro réplique par le canon et l'envoi du reste de l'infanterie pendant trois quarts d'heure, ordonnant une attaque emmenée par près de 30 soldats, mais repoussée avec certaines pertes. Maintenant le feu, il ordonne une nouvelle attaque, mais ne réussit qu'à réunir 20 soldats. Pensant le moment venu de prendre d'assaut la caserne de la 1° Artillerie, Paiva Couceiro demande des renforts. Il obtient pour seule réponse l'ordre de se retirer.

Faisant escale à Lisbonne, le président brésilien, Hermes da Fonseca, assiste à la révolte à bor du cuirassé "São Paulo".

Pendant ce temps, une autre colonne s'est formée afin d'attaquer également les révoltés de Rotunda; l'ordre de se retirer viendra les arrêter avant. La colonne arrive au Rossio, en fin d'après-midi, sans même avoir combattu. Personne n'osera blâmer le général António Carvalhal de cet échec; d'ailleurs celui-ci sera nommé chef de la Division Militaire par le gouvernement républicain.

Les renforts venant de province, attendus par le gouvernement toute la journée du 4, n'arriveront jamais. Seules les unités déjà citées, appelées en prévention à l'époque, reçurent l'ordre de marche. Dès le début de la révolte, les Carbonari ont coupé les fils du télégraphe empêchant les messages de parvenir aux unités de province. En outre, en possession d'information sur les unités alertées, les révolutionnaires avaient également coupées les voies ferrées, retardant d'autant leur arrivée. L'arrivée de renforts venant de la rive sud du Tage, plus proche, était improbable, les navires des révoltés dominant le fleuve.

En fin de journée, la situation était difficile pour les forces monarchiques: les navires des révoltés stationnaient près du Terreiro do Paço et le croiseur "São Rafael" avait même fait feu sur les édifices des ministères, sous les yeux ébahis du corps diplomatique brésilien, à bord du cuirassé "São Paulo" dans lequel voyage le président Hermes da Fonseca.

Ce bombardement mine le moral des forces du Rossio, qui se croyaient pris entre deux feux, à Rotunda et Alcântara.

Références

  1. Bern, Stéphane, 1999, "Moi, Amélie, Dernière reine de Portugal", DENOËL, p. 172.

Référence de traduction


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Proclamation de la République Portugaise de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • République portugaise — Portugal 38°42′N 9°11′W / 38.7, 9.183 …   Wikipédia en Français

  • Première République portugaise — République portugaise República Portuguesa (pt) 1911 – 1926 …   Wikipédia en Français

  • Troisième République portugaise — Histoire du Portugal Civilisations pré ibériques Préhistoire de la péninsule Ibérique Protohistoire ibérique et celtique Gallaeci • Lusitaniens • Celtiques • Coniens Hispanie Conquête romaine de la péninsule Ibérique Lusitanie • Gallaecia… …   Wikipédia en Français

  • République d'Afrique du Sud — Afrique du Sud Pour les articles homonymes, voir RSA. Republic of South Africa (en) …   Wikipédia en Français

  • Crise portugaise de 1383-1385 — Histoire du Portugal Civilisations pré ibériques Préhistoire de la péninsule Ibérique Protohistoire ibérique et celtique Gallaeci • Lusitaniens • Celtiques • Coniens Hispanie Conquête romaine de la péninsule Ibérique Lusitanie • Gallaecia… …   Wikipédia en Français

  • République du Kosovo — Kosovo Republika e Kosovës (sq) Republika Kosova (sr) Република Косово …   Wikipédia en Français

  • République du Paraguay — Paraguay  Pour l’article homonyme, voir Río Paraguay.  República del Paraguay …   Wikipédia en Français

  • République Algérienne — Algérie الجمهورية الجزائرية الديمقراطية الشعبية …   Wikipédia en Français

  • République Algérienne Démocratique et Populaire — Algérie الجمهورية الجزائرية الديمقراطية الشعبية …   Wikipédia en Français

  • République algérienne — Algérie الجمهورية الجزائرية الديمقراطية الشعبية …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”