Prostitution en France

Prostitution en France

La situation de la prostitution en France a pris un tournant décisif, en 1946, avec la loi « Marthe Richard » qui ferme les maisons de tolérance et prévoit la création des services de prévention et de réadaptation sociale (SPRS). Le racolage est également interdit par la loi qu’il soit actif ou passif.

Le statut du ou de la prostitué(e) est celui d’une profession libérale interdite de toute publicité, de démarchage et même de lieu d’exercice[1]. La loi interdit également à cette profession de bénéficier de toute communauté de moyens, solution fréquente chez des médecins, des avocats, etc, pour partager les frais inhérents à l’exercice de toute profession. Au premier rang de ces frais, le loyer : la loi punit non seulement le propriétaire du lieu où s'exercerait cette activité mais aussi le locataire qui songerait à sous-louer, il serait alors également passible de proxénétisme hôtelier.


Sommaire

Histoire de la prostitution en France

La prostitution a évolué en France en fonction de la perception qu'en a eu la population, entre tolérance, souvent accompagnée de stigmatisation vis-à-vis des personnes prostituées, dénonciation de la prostitution comme une atteinte à la dignité des personnes, ou interdiction générale. Ces changements de point de vue ont été concrétisés dans la loi et dans des réglementations qui eurent des effets directs sur la vie des personnes prostituées, mais aussi sur l'ampleur du phénomène prostitutionnel, du fait de la facilité plus ou moins grande d'être client ou proxénète. Voici quelques dates qui ont particulièrement marqués l'évolution de la prostitution en France:

  • 1254 : Ordonnance de Louis IX interdisant la prostitution, les personnes prostituées sont expulsées des villes et tous leurs biens sont saisis, jusqu'aux vêtements[2]; et les proxénètes sont punis par des amendes équivalentes à une année de loyer[3].
  • 1256 : Nouvelle ordonnance de Louis IX qui revient sur l'interdiction stricte de la prostitution. La personne prostituée n'est plus que reléguée hors des murs des cités et loin des lieux de culte.
  • 1561 : La prostitution est illicite, renforcement de la répression à l'encontre des personnes prostituées[4].
  • Fin du XVIIIe siècle : On évalue à 40 000 le nombre de personnes prostituées à Paris (13 % de la population féminine).
  • 1802 : Mise en place du "système français" de réglementation de la prostitution. Les personnes prostituées sont considérées comme un vecteur des maladies sexuellement transmissibles (surtout la syphilis), mais le phénomène prostitutionnel lui-même est considéré comme inévitable. Il est fait obligation d'inscription sur des registres et de visites médicales mensuelles pour les personnes prostituées. Répression pour les "insoumises". On parle pour tout le XIXe siècle en France de "l'âge d'or des maisons closes".
  • Fin du XIXe siècle : 15 5000 personnes prostituées déclarées; 72 5000 ont été arrêtées pour prostitution non déclarée. Un quart des hommes seraient des clients réguliers.
  • 6 avril 1912 : Approbation de la Convention internationale relative à la répression de la traite des blanches du 4 mai 1910[5].
  • 1935 : Premier projet de fermeture des maisons closes, adopté par l'Assemblée nationale, rejeté par le Sénat[5].
  • 1946 : Fermeture des maisons closes (Loi dite Marthe Richard).
  • 1949 : Adhésion à la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui des Nations unies, sans ratification car la prostitution continue à être réglementée hors métropole.
  • 1960 : Ratification de la convention de 1949.
  • 1975 : Mouvement de protestation des personnes prostituées contre certaines formes de harcélement policier (accumulation d'amende); occupation de plusieurs églises (église Saint-Nizier à Lyon, Les Réformés à Marseille, Chapelle Saint-Bernard-de-Montparnasse à Paris). Rédaction d'un rapport sur la prostitution par Guy Pinot à la demande du président Valéry Giscard d'Estaing. Le rapport ne sera jamais publié[5].
  • 1994 : Suppression de la pénalisation pour cohabitation avec personnes prostituées et suppression de la pénalisation pour "racolage passif".
  • 2003 : Loi sur la sécurité intérieure dite "Loi Sarkosy" qui rétablit la pénalisation du racolage passif.
  • 13 avril 2011 : Publication du rapport de la mission d'information sur la prostitution de l'assemblée nationale qui réaffirme l'engagement abolitionniste de la France. Il y est notamment proposé la pénalisation des clients de la prostitution, la mise en place d'alternative crédible à la prostitution et un renforcement de la lutte contre le proxénétisme[6].

Aspects légaux de la prostitution en France

Régime officiellement abolitionniste

La France est depuis 1946 et la fermeture des maisons closes un pays abolitionniste. En ratifiant en 1960 la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949, la France s'est engagé au niveau international à reconnaître que la prostitution est "incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine"[7]. Toute forme de proxénétisme est illégale et puni par la loi[8]. La convention engage les états signataires à mettre en place "les mesures propres à prévenir la prostitution et à assurer la rééducation et le reclassement des victimes de la prostitution"[9]. De plus il y est prévu d'abroger toute forme d'inscription des personnes prostituées dans des registres ou surveillance d'exception[10].

En accord avec la convention de 1949, le proxénétisme est donc illégal en France. Il est puni par une amende de 150000€ et de sept mois de prison[11]. Le fait de se prostituer n'est théoriquement pas poursuivi. Dans certains cas, les clients de la prostitution sont punis : s'il y a "recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables"[12]. Par personnes vulnérables est entendu les personnes handicapées et les femmes enceintes[13]. Depuis les lois d'extraterritorialité du 4 février 1994 et du 17 juin 1998, il est possible de poursuivre un client de la prostitution de mineur y compris si les faits ont eu lieu hors de France[13]. Pour les victimes de la traite, il est prévue une autorisation provisoire de séjour, mais à condition qu'elles dénoncent leur proxénète[14].

Imposition des revenus de la prostitution

Les revenus de la prostitution sont imposable au titre des bénéfices non commerciaux[13].

Persistance de formes de répression à l'égard des personnes prostituées

Malgré l'engagement abolitionniste de la France au niveau international, lequel suppose de ne pas inquiéter les personnes prostituées mais de les protéger, il reste en France des formes de fichage particulier et de répression des personnes prostituées. Notamment depuis la loi sur la sécurité intérieure de 2003 qui punit le racolage dit passif de deux mois d'emprisonnement et de 3750€ d'amende[15].

Ampleur du phénomène prostitutionnel en France

Nombre de personnes prostituées

En 2009, il y aurait entre 18 000 et 20 000 personnes prostituées en France[16]. Cependant ces chiffres sont difficiles à vérifier, ils sont certainement sous-évalués.

Les clients de la prostitution en France

En 2004, 12,6 % des hommes déclarent avoir été client au moins une fois, et 0,6 % des femmes[17]. En 2006, 3,1 % des hommes ont été client de la prostitution dans les cinq ans. Ils étaient 3,2 % en 1992 ce qui indique que leur nombre n'a pas évolué sur cette période[18].

Débat politique et sociétal à propos de la prostitution

La revendication d'un statut de la prostituée

Pour faire face aux diverses entraves à l’exercice de leur profession, en 1975, le premier mouvement de prostituées voit le jour avec l'occupation de l'église Saint-Nizier à Lyon et la Chapelle Saint-Bernard-de-Montparnasse à Paris. Grisélidis Réal fait partie des leaders de ce mouvement qui revendique un statut pour les prostituées, la sécurité sociale, la fin de la répression policière, et s'opposent à la réouverture des maisons.

Activiste des prostitués à Paris en France, octobre 2005

La loi pour la sécurité intérieure dite loi Sarkozy, dont l’article 225-10-1 vise le racolage passif, promulguée le 19 mars 2003, provoque l'apparition d'un second mouvement de prostituées en 2002. Depuis 2006, a lieu chaque année à Paris la « Pute Pride » une marche de fierté des travailleuses du sexe.

Certaines travailleuses du sexe en France ne sont pas en faveur de législations contraignantes telles les maisons de tolérance, qui ne leur permettent pas de conserver le choix de leurs clients, pratiques, horaires, prévention, etc. Les travailleuses du sexe, réunies en Assises le 16 mars 2007, ont conclu à l'unanimité qu'elles étaient contre le salariat[19].

En novembre 2007, des prostitué(e)s poursuivent leur contestation de la répression du racolage en se rassemblant devant le Sénat et interpellent les parlementaires[20].

Le racolage dans la rue étant de plus en plus réprimé et réputé dangereux, certaines prostituées préfèrent, nouer des contacts sur Internet. Une partie des prostituées françaises s'exile à l'étranger, notamment dans les zones frontalières et on relève, dans le domaine de la prostitution occasionnelle, l'apparition de l'échange de services sexuels contre un logement[21].

Le 20 mars 2009, à l'issue des Assises Européennes de la Prostitution qui ont eu lieu au théâtre de l'Odéon est né le Syndicat du travail sexuel[22] (ou STRASS). Dès sa création, ce syndicat a reçu l’adhésion d’au moins 200 membres et créé cinq fédérations au niveau national ainsi qu'une représentation en Grande-Bretagne.

Notes

  1. Si elle est exercée dans un lieu loué, le propriétaire peut dénoncer le bail, il est sinon soumis à de fortes amendes dans le cadre du proxénétisme hôtelier, sévèrement réprimé par la loi. Exercée dans un appartement possédé en propre, elle donne droit aux copropriétaires de faire interdire l’exercice de l’activité.
  2. "Item soient boutés hors communes ribaudes tant des champs comme des villes et faites monitions ou défenses, leurs biens soient pris par les juges des lieux ou par leur autorité et si soient dépouillées jusqu'à la cote ou au pélicon" in "Les chrétiens et la prostitution" Charles Chauvin. Cerf, 1983. p.31
  3. "Qui louera maison à ribaude ou recevra ribauderie en sa maison, il soit tenu de payer au bailli du lieu ou au prévôt ou au juge autant comme la pension vaut en un an." Charles Chauvin. Cerf, 1983. p.31
  4. Établie suite aux États généraux de 1560
  5. a, b et c http://www.mouvementdunid.org/Dates-cles-en-France "Dates clefs de la prostitution en France" sur le site du Mouvement du Nid
  6. http://www.prostitutionetsociete.fr/actualites/actualites-france/30-propositions-novatrices-pour Résumé du rapport de la mission d'information sur la prostitution de l'assemblée nationale du 13 avril 2011.
  7. http://untreaty.un.org/French/TreatyEvent2001/pdf/19f.pdf Préambule de la convention de 1949
  8. http://untreaty.un.org/French/TreatyEvent2001/pdf/19f.pdf Convention de 1949; articles 1 à 3
  9. http://untreaty.un.org/French/TreatyEvent2001/pdf/19f.pdf Art. 16 de la convention de 1949
  10. http://untreaty.un.org/French/TreatyEvent2001/pdf/19f.pdf Art.6 la convention de 1949
  11. Article 225-5 du code pénal
  12. article 225-12-1 du code pénal
  13. a, b et c http://www.mouvementdunid.org/La-loi-francaise Résumé des lois françaises sur la prostitution sur le site du Mouvement du Nid
  14. article L316-1 du code pénal
  15. article 225-10-1 du code pénal
  16. Rapport de l'OCRETH; cité par le rapport de rapport de la mission d'information de l'assemblée nationale du 13 avril 2011; p.21
  17. http://www.mouvementdunid.org/IMG/pdf/ClientQuestionOpPublique.pdf Enquête d'opinion sur les clients de la prostitution; Mouvement du Nid, p.16
  18. http://csf.kb.inserm.fr/csf/PDF/Prostitution.pdf Enquête de l'INSERM "Contexte de la sexualité en France" de 2006
  19. Droits et prostitution
  20. http://www.droitsetprostitution.org/lettreparlement.pdf
  21. http://www.liberation.fr/societe/010134035-loue-studette-contre-pipe Libération 05/02/2008 : loue studette contre pipe
  22. strass-syndicat.org

Voir aussi

Liens externes


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