Quartier des Poètes (Pierrefitte-sur-Seine)

Quartier des Poètes (Pierrefitte-sur-Seine)

48° 58′ 19″ N 2° 22′ 08″ E / 48.972034, 2.368863

Le quartier des Poètes à Pierrefitte-sur-Seine est un ensemble d’habitat social. La partie ouest, réalisée entre 1973 et 1994 dans le cadre de la ZAC du Barrage est l’œuvre des architectes Yves et Luc Euvremer (1978–1983 en collaboration avec Jean Renaudie) et Mila et Geronimo Padron-Lopez. Cet urbanisme rejetant les archétypes des grands ensembles bâtis depuis la Reconstruction prend la forme d’une architecture novatrice et écologique dans la lignée de l’« école gradins-jardins ». L’ensemble Desnos a été démoli en 2009 dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine.

Sommaire

Localisation

Le quartier des Poêtes est un ensemble d’immeubles situé au nord de la commune de Pierrefitte-sur-Seine en Seine-Saint-Denis, jouxtant la commune de Sarcelles sur la limite du département du Val-d’Oise. Il est bordé à l’ouest par le boulevard Jean-Mermoz (RN 1).

Architecture

Le quartier des Poètes regroupe environ 900 logements sociaux réalisés entre 1973 et 1994 dans le cadre de la ZAC du Barrage dont les premières études remontent à 1963[1].

Ensembles George-Brassens et Robert-Desnos

Dans la partie ouest de l’opération de la ZAC du Barrage, les architectes Yves et Luc Euvremer conçoivent l’ensemble Georges-Brassens entre 1978 et 1983 en collaboration avec Jean Renaudie, et les architectes Mila et Geronimo Padron-Lopez, l’ensemble Robert-Desnos. Leur projet commun réalise 440 logements.

Un urbanisme en rupture avec les grands ensembles

Leur conception, aux antipodes des archétypes des grands ensembles bâtis depuis la Reconstruction (tours et immeubles répétitifs selon un plan de chemin de grue, zoning, etc.) présente une architecture novatrice qui s’inscrit dans la lignée de l’« école gradins-jardins »[2]. Les logements en duplex et triplex étagés à l’intérieur d’une structure pyramidale disposent chacun d’une terrasse cultivable avec un traitement naturel de l’eau de pluie, restituant ainsi le sol naturel aux habitants. L’espace se veut propice à la convivialité, au niveau de la desserte des logements, avec une grande halle couverte par une verrière ; l’aménagement extérieur s’effectue autour de deux cours piétonnes où sont installés quelques commerces ou des équipements de proximité. Les habitants disposent d’un accès direct vers le garage souterrain. Au cœur de cet urbanisme de relations, le centre social George-Brassens est un lieu de rencontre et d’activités. Les logements sont mis à l’abri des nuisances sonores de la bruyante route nationale 1 grâce à la halle. Ceux-ci font l’objet d’un traitement acoustique approprié[3]. Le béton polychrome proche de l’esthétique souvent qualifiée de brutaliste est associé à une abondante présence de la végétation, au niveau du sol et des terrasses; bien que des végétaux adaptés eussent été distribués aux locataires selon leur propre choix, les terrasses ne seront plantées que partiellement par les habitants .

De multiples obstacles

La construction de l’ensemble Robert-Desnos subit de multiples atermoiements comme l’échelonnement des financements de la Datar. Le chantier est suspendu pendant un an avant 1981 et sa livraison ne se fera qu’en 1994. Avant même l’achèvement de la construction, l’état de l’édifice souffre de dégradations[réf. souhaitée].

Vie sociale du quartier

La mixité sociale particulièrement faible dès l’attribution des logements, s’est encore amoindrie au cours des deux décennies suivantes, Les Poètes concentrant une population de plus en plus pauvre, très touchée par le chômage avec une composante d’immigration très forte[4].

Pour Maryse Vaillant de la Protection judiciaire de la jeunesse[réf. nécessaire], « le centre social George-Brassens représente un îlot d’intelligence, d’humanisme et de citoyenneté, dans un tissu social riche et douloureux. » À partir de l’année 1992, l’action des travailleurs sociaux, de leur directeur Hibat Tabib, avec la participation des familles, porte ses fruits ; la vie du quartier s’est améliorée au point de servir d’exemple[précision nécessaire]. Cette expérience reste sans suite lorsqu’en 2000, le centre est fermé et ses agents sont licenciés (par mesure d’économie[réf. nécessaire]), entraînant une dégradation de la vie sociale du quartier.

Tandis que l’état des bâtiments se dégrade, l’entretien est très insuffisant. Le quartier fait l’objet de plusieurs études de requalification urbaines, en vain. La démolition est même envisagée. Cependant, les habitants expriment en 2004 leur contestation face à cette perspective de démolition, à travers une pétition signée par 811 locataires, soit la quasi-totalité d’entre eux avant leur dispersion qui sera préalable aux travaux.

Projets de rénovation du quartier et démolition

Une convention PRU (programme de rénovation urbaine) est signée le 3 juillet 2007, en partenariat entre la Ville de Pierrefitte-sur-Seine, l’ANRU, l’État, la communauté d'agglomération Plaine Commune et les quatre bailleurs sociaux[5],[6] : la décision est prise de démolir 442 logements sociaux hors site, ainsi que la destruction-reconstruction des équipements publics existants (gymnase, groupe scolaire Varlin). 450 nouveaux logements sociaux sont programmés en application de la charte de l’ANRU imposant la création d’autant de logements neufs que de logements détruits. Seuls 133 logements sociaux sont reconstruits sur place (les 317 restants devant l’être au centre-ville, ou dans le secteur des Tartres, etc.), au motif de la diversification du site. Le coût global du projet, (toutes les démolitions de logements et d’équipements publics, et les constructions neuves sur et hors site), la réalisation de tous les aménagements (espaces publics, espaces verts, etc.) est estimée à 156 millions d’euros[7]. En novembre 2009, environ 220 ménages de l’ensemble Desnos ont ainsi été relogés, lorsque débutent finalement les travaux de démolition.

Échec du sauvetage patrimonial

Des architectes, émus par le sort promis à cet habitat social des années 1980 qu’ils considèrent comme une œuvre architecturale et urbaine majeure, prennent publiquement position contre cette démolition, dès 2009[8]. « Malgré l’intérêt architectural que peuvent présenter certains ensembles de logements, la démolition de ceux-ci est nécessaire », déclare le 3 mars 2009, l’instance de Plaine-Commune[9]. Un collectif constitué de l’association Docomomo France de l’architecte Padron Lopez et deux riveraines, saisit la Justice et soutient une procédure de protection auprès de la direction de l’Architecture et du Patrimoine[10],[11]. Cette association estime la réhabilitation complète des 440 logements à moins de 40 millions d’euros[12]. Le 30 novembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil rend une décision qui suspend en urgence le permis de démolir, reconnaissant aux bâtiments « leur intérêt architectural et leurs qualités techniques qui constituent un témoignage important du patrimoine bâti »[13],[14].

L’ordonnance de référé est aussitôt contestée devant le Conseil d'État par la ville et le bailleur OPH Plaine Commune Habitat tandis que la Ville lance également une campagne de pétition en faveur de la reprise immédiate du chantier sur son site internet et dans les quartiers. Dans un communiqué daté du 4 décembre 2009, le bailleur social déclare que « la démolition du programme immobilier Desnos a été décidée pour ouvrir le quartier sur la ville, mettre fin à des problèmes récurrents sur le bâti et elle a été engagée après le relogement, avec leur consentement, de toutes les familles. Elle est la résultante d’un programme immobilier mal conçu, mal construit et dont de nombreux logements se sont révélés inhabitables dès le début »[15].

Le jugement du 25 février 2010 du tribunal administratif de Montreuil déboute les requêtes en annulation du permis de démolir. Dans son communiqué, « Le tribunal estime que la réalisation de la cité Desnos, si ce n’est sa conception même, n’a pas atteint les objectifs poursuivis par son concepteur en matière d’écologie et de qualité de vie de ses habitants ». Ayant relevé les spécificités formelles de ces logements sous un aspect désavantageux, « le tribunal en déduit naturellement que la cité Desnos ne peut être regardée comme un symbole d’une période de l’histoire de l’architecture, qui ferait partie d’un patrimoine à protéger ou à mettre en valeur. »[16],[17],[18]

Références

  1. Notice no 059inv010 de l’atlas du patrimoine de la Seine-Saint-Denis, inventaire du 1er septembre 2005. Descriptif, localisation de la ZAC des Poètes, divers plans historiques, bibliographie.
  2. Cette tendance architecturale développée suite à la diffusion des idées du Team X, est caractéristique du travail des architectes français Jean Renaudie et Renée Gailhoustet.
  3. Certains des équipements mis au point par le compositeur Pierre Mariétan associé au bureau d’études acoustiques n’ont cependant pas été réalisés.
  4. Analyse de l’imposition de la population de Pierrefitte et du quartier des Poètes 1999–2006, SIG du secrétariat du comité interministériel des villes
  5. ANRU, « Convention de mise en œuvre du projet de rénovation urbaine » sur www.anru.fr, 3 juillet 2007. Consulté le 20 décembre 2009
  6. Présentation du PRU sur le site internet municipal. Ce projet a été présenté lors d'une réunion publique[Quand ?] aux résidents qui l’ont approuvé dans leur grande majorité.
  7. Les PRU de Seine-Saint-Denis
  8. Ils s’opposent au projet de démolition par le biais d’une pétition recueillant plus de 200 signatures[précision nécessaire]
  9. Art. 2, ZAC des poètes a Pierrefitte-sur-Seine – Approbation du bilan de la concertation – Approbation du dossier de création, Plaine-Commune, « Compte-rendu de la séance du conseil communautaire du mercredi 3 mars 2009 », p. 3. Consulté le 27 février 2010
  10. « Le quartier des Poètes — objet : patrimoine – habitat social – XXe siècle – en danger construit en 1981 à Pierrefite, Seine-Saint-Denis » sur le site de l’association de défense du patrimoine architectural moderne Docomomo France.
  11. Il faut sauver la cité des Poètes de Jeanne Broyon sur LaTeleLibre.fr. Dans ce reportage, un support de communication de l’ANRU, où on peut lire « L’appartement c’était très mal foutu. À quoi il pensait l’architecte ? », affiché sur le lieu de l’opération, est décrit comme un procédé de « dénigrement » de l’architecte (0'06).
  12. « En outre, la ville de Pierrefitte annonce un budget de démolition et reconstruction s’élevant à 190 millions d’euros avec moins de logements sociaux contre moins de 40 millions d’euros pour réhabiliter cet ensemble social remarquable, à cela s’ajoutent les investissements sur fonds publics de départ pour construire ces logements. » [PDF] Docomomo, communiqué de presse du 30 novembre 2009
  13. Ibidem. Cette décision provisoire, dans l’attente du jugement au fond du tribunal administratif sur la légalité de ce permis de démolir, constitue une première en France
  14. Élodie Soulié, « Le chantier de la cité des Poètes suspendu », dans Le Parisien, édition de la Seine-Saint-Denis, 1er décembre 2009, p. 1 
  15. Déclaration du président de l’OPH Plaine Commune Habitat [PDF] Stéphane Peu, « Coup d’arrêt brutal du projet de rénovation urbaine du quartier des poètes à Pierrefitte-sur-Seine », 4 décembre 2009. Consulté le 20 décembre 2009. Au moment de sa déclaration, Stéphane Peu est également vice-président de la Fédération des offices publics de l’habitat, maire adjoint de Saint-Denis chargé de l’environnement et de l’urbanisme et vice-président de Plaine-Commune.
    Marianne Payot, « Stéphane Peu, l’alter ego », L’Express.fr, 16 novembre 2006. Consulté le 26 février 2010
    Stéphane Peu vice-président des offices HLM, Le Parisien.fr, 10 décembre 2008
  16. [PDF] Communiqué du Tribunal administratif de Montreuil, « Cité des Poètes de Pierrefitte-sur-Seine : les permis de démolir sont légaux » sur http://montreuil.tribunal-administratif.fr/, 25 janvier 2010. Consulté le 28 février 2010
  17. Élodie Soulié, « La justice autorise la démolition des Poètes », dans Le Parisien, édition de Seine-Saint-Denis, 26 février 2010, p. 1 [texte intégral (page consultée le 27 février 2010)] 
  18. La justice autorise la démolition de la cité des Poètes sur http://www.lemoniteur.fr/, 25 février 2010. Consulté le 27 février 2010

Bibliographie

  • Jean-Pierre Lefèbvre, Faut-il brûler les HLM ? : De l’urbanisation libérale à la ville solidaire, Paris, [[1]], mars 2008, 392 p. (ISBN 978-2-296-04886-7) [lire en ligne (page consultée le 15 décembre 2009)] 
  • Nathalie Dollé, La Cité des poètes : Comment créer une dynamique de quartier face à la violence ?, Pantin, [Temps des Cerises], 1er janvier 1999, 220 p. (ISBN 2-84109-066-3) 

Filmographie

  • La Cité des Poètes. Une destruction planifiée. de Mathilde Chikitou
  • Il faut sauver les Poètes ! de Jean-Pierre Lefèbvre

Liens internes

Liens externes

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