Siège de Paris (885-887)

Siège de Paris (885-887)
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Siège de Paris
Informations générales
Date du 24 novembre 885 au mois de mai 887
Lieu Paris
Issue tribut payé par l'empereur carolingien aux Vikings, qui lèvent le siège
Belligérants
Vikings norvégiens et danois, des mercenaires anglo-saxons Francs
Commandants
Siegfried l'ambassadeur Eudes comte de Paris, fils de Robert le Fort
Forces en présence
30 000 à 40 000 guerriers vikings transportés sur 700 bateaux 200 hommes d'armes
Pertes
au moins 300 civils massacrés dans l'actuelle région Île-de-France
Invasion de la grande armée danoise

Le siège de Paris par les Vikings a lieu entre 885 et 887. C'est le quatrième siège de la future capitale. Commencé au lendemain du 25 novembre 885[1], il est interrompu début novembre 886 par l'arrivée de l'empereur Charles le Gros[2]. Ce dernier, après avoir promis aux Normands de leur verser un tribut de sept cent livres d'argent en mars de l'année suivante, les autorise à aller piller la Bourgogne[3]. Le siège de Paris se termine en mai 887 par le paiement de la somme promise. Cet acte contribua à discréditer la dynastie carolingienne et à l'éclosion de ce qui deviendra la dynastie capétienne.

Sommaire

Contexte historique

Paris au IXe siècle.

Depuis 799, date de leur première attaque sur l'empire carolingien, les Vikings essayent d'étendre leur emprise sur tout le continent, remontant les fleuves et établissant des bases à leur embouchure. Après une pause entre 870 et 880, la défaite des Danois en Angleterre à Ethandun et la paix avec Alfred le Grand, roi du Wessex, relance leurs raids contre les Carolingiens. Ils ravagent les rives de la Somme dès 879, mais sont rejetés à la bataille de Saucourt-en-Vimeu par Louis III en 881. L'année suivante ils attaquent la Lotharingie. L'empereur Charles le Gros les assiège dans leur camp fortifié d'Ascaloha (Elsloo ou Asselt, dans le Limbourg), mais, au moment d’attaquer, il préfère payer un tribut de 2 800 livres d’argent pour que les bandes de Godfred, Sigfred et Vurm quittent la région (juillet 882)[4]. Au printemps 883, ils pillent à nouveau la Flandre, puis après avoir battu le roi Carloman sur la Somme, ils s'établissent à Amiens. Le 2 février 884, Carloman leur propose 12 000 livres d'argent pour qu'ils quittent cette ville, ce qu'ils font en octobre. Ils s'embarquent à Boulogne ; certains passent en Angleterre, d'autres hivernent à Louvain. Charles le Gros est devenu roi de Francie occidentale à la mort de Carloman, réalisant une dernière fois l'unité de l'empire d'Occident. Il reçoit à Ponthion les serments de ses nouveaux sujets, et ordonne une expédition conjointe des Francs de Neustrie et de Lotharingie contre les Vikings de Louvain, qui échoue. Les Danois décident une grande expédition contre la Francie occidentale, et choisissent Rouen comme lieu de concentration. La ville est prise le 5 juillet[5]. Ceux de Louvain s'y rendent par voie terrestre ou par mer. Ils sont renforcés par une bande venue d'Angleterre, et forment une redoutable force, estimée par Abbon à 30 à 40 000 hommes montés sur 700 navires, chiffre très discutable[6].

Le siège

Les barques des Normands, gravure pour l'Histoire de France de François Guizot, par Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville, 1883.

De Rouen, la flotte remonte la Seine jusqu’à Pont-de-l'Arche où elle est arrêtée par le pont fortifié construit par Charles le Chauve. Les Normands (les hommes du Nord) s'installent à l’ouest du pont au lieu qui deviendra « Les Dans » puis Les Damps[7]. Là ils sont attaqués par les forces du duc du Maine, Ragenold, formées de soldats de Neustrie et de Bourgogne. Ragenold est tué dans le combat et ses hommes quittent les lieux, sans que l'on en sache plus sur le combat.
Après que le comte Aleran a évacué la forteresse de Pontoise à son avance, la Grande Armée se présente devant Paris le 24 novembre 885[6]. Le lendemain, le chef viking Siegfried (Sigfredhr) demande à parler à la plus haute autorité de la cité. Il est reçu par l’évêque Gozlin. Siegfried demande à ce que les Parisiens laissent passer la flotte plus en amont, en échange de quoi, la cité ne sera pas attaquée. Gozlin refuse la proposition de l'ambassadeur viking[4].

Les Vikings lancent leur premier assaut le 26 novembre 885 contre le Grand Châtelet[6], une tour de pierre inachevée, qui ferme l'entrée du Grand Pont[8] sur la rive droite. Eudes, comte de Paris et l’évêque Gozlin défendent fermement la ville. Les Francs peuvent compter sur un dispositif défensif efficace, à savoir de ponts munis d'échauguettes et le tout, couvert par une tour, dont le rayon d'action des archers et des jets de projectiles rend toute progression impossible. L'opération échoue. Les Francs renforcent la tour à la faveur de la nuit, puis les Vikings recommencent leur assaut les 27 et 28. Trois cents des leurs sont tués, ce qui les oblige à changer de tactique. Après deux jours de combats, ils décident de mettre le siège devant la ville, sans pouvoir établir un blocus complet[4].

Depuis la moitié du IXe siècle, les Parisiens ont dû faire face à plusieurs attaques des Vikings, en 845, 856, 857, 866, et 876. Ceux-ci n’hésitent pas à brûler la cité, comme en 856. Cette fois-ci, devant une ville fortifiée depuis 877[6] et la présence de deux ponts qui barrent le fleuve, les Normands doivent adopter une stratégie différente. Ils établissent un camp retranché autour de Saint-Germain-l'Auxerrois et ravagent le pays environnant pour assurer leur ravitaillement[4]. Durant deux mois, les Vikings construisent divers engins de siège. Abbon note la construction de trois béliers, de catapultes, ainsi que de chats et de mantelets. Les Francs, de leur côté, s'équipent d'un mangonneau ou d'un trébuchet[4].

L'assaut général

Eudes rejoignant Paris à travers les assiégeants, Histoire de France de François Guizot, gravure d'Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville, 1883.

Le 31 janvier 886, les Vikings divisés en trois groupes lancent un assaut général contre la tour et le pont rive droite, à la fois par la terre et par le fleuve, sans parvenir à briser la résistance des Francs. L'assaut est renouvelé le 1er février : les Vikings tentent de combler les fossés de la tour ; le lendemain ils avancent avec leurs trois béliers, mais le tir nourri des mangonneaux ou des trébuchets francs ne leur permet pas de faire approcher les béliers. Ils essaient alors d'incendier le pont en lançant des brûlots, mais ceux-ci s'arrêtent sur les piles en pierre, et la population parisienne, invoquant les reliques de saint Germain, parvient à éteindre le feu et à s'emparer des navires. Le 3 février, les Normands se retirent dans leurs camps avec leurs engins de siège, abandonnant les trois béliers aux Parisiens[4].

Siegfried se retire alors momentanément avec ses troupes pour aller dévaster l'est de la Francie, du côté de Reims, comme en témoignent les lettres contemporaines de l'archevêque Foulques[4].

Le 6 février 886, les Normands parviennent à s'emparer du petit châtelet, qui défend le Petit-Pont, sur la rive gauche de la Seine, à la faveur d'une crue de la Seine qui l'a isolé de l'Île de la Cité en emportant le Petit-Pont ; ils l'incendient, et ses défenseurs se rendent après avoir libéré leurs faucons, mais les douze hommes sont massacrés[4].

Après cet épisode le siège continue. Le 16 février suivant, une partie des Normands attaque Chartres sans succès ; ils sont aussi mis en échec devant Le Mans, mais prennent et pillent Évreux[4].

Au mois de mars 886, appelé par Gozlin par le truchement du comte de Boulogne, Erkenger, le comte Henri de Franconie échoue dans sa tentative pour secourir Paris ; après son départ, les Normands s'établissent sur la rive gauche de la Seine, autour de Saint-Germain-des-Prés. Eudes et Gozlin entament des négociations avec le chef Siegfried lui proposant 60 livres d'argent contre sa retraite. Payé, Siegfried entraîne sa troupe à la conquête facile de Bayeux mais nombre de soldats - dont il n'est par ailleurs pas le chef - n'ont pas profité de ce tribut et refusent de le suivre. Ils persistent dans leurs attaques mais sont repoussés[4].

L'évêque Gozlin meurt le 16 avril, victime de l'épidémie qui sévit dans la cité. Le 12 mai, après la mort de Hugues l’Abbé à Orléans les assiégés perdent l'espoir de son renfort. Après la saint Germain (28 mai), le comte Eudes quitte secrètement la ville pour chercher de l'aide auprès de l'empereur. L'abbé de Saint-Denis, Ebles, défend efficacement Paris contre les attaques normandes et assure son ravitaillement en son absence. Le retour d'Eudes ne se fait pas sans difficulté, et il doit forcer les lignes des assiégeants pour rentrer dans la ville[4].

L'arrivée de l'empereur

Le 30 juillet 886, l'empereur Charles le Gros, de retour d'Italie, est à Metz où il décide de marcher contre les Normands de Paris ; il avance lentement, ralenti par la pluie et les inondations. Il est à Attigny le 16 août, le 22 à Servais près de Laon ; arrivé à Quierzy, il envoie le comte Henri de Franconie en reconnaissance. Celui-ci est tué dans une embuscade devant Paris le 28 août ; plus tard, avant l'arrivée des troupes impériales, les Normands tentent une nouvelle offensive contre la ville qui est repoussée[4].

Le gros des troupes franques arrive devant Paris au mois de septembre[4]. L'empereur n’ose pas affronter les Vikings et négocie avec eux quand il apprend le retour de Siegfried et de sa bande. Début novembre 889, l'empereur traite avec les Normands assiégeant Paris et leur promet payer un tribut de 700 livres d’argent au mois de mars prochain comme prix de leur retraite définitive. Il les autorise à aller piller la Bourgogne en amont de Paris durant l'hiver, cette région étant peut-être en révolte contre lui. Le 6 ou le 7 novembre, Charles le Gros quitte Paris pour Soissons, où il distribue des bénéfices[4]. Il est suivi par Siegfried et ses hommes qui dévastent l'abbaye Saint-Médard de Soissons après le départ de l'empereur Charles vers l'Alsace. Siegfrid retourne sur la Seine au printemps 887, puis repart vers la Frise à l'automne où il meurt[4].

Les Normands de Paris doivent contourner Paris et ses ponts en tirant leurs bateaux sur la terre ferme jusqu'à la Marne, les Parisiens leur refusant le droit de passage, qui n'est pas prévu par le traité. Ils remontent la Seine, puis l'Yonne[4]. Le 30 novembre 886, ils mettent le siège devant Sens, qui résiste ; comme à Paris, ils ravagent le pays environnant. Ils pillent les abbayes de Saint-Germain d'Auxerre, Bèze et Flavigny où ils séjournent du 11 au 25 janvier 887[4]. Au mois de mai, comme convenu, ils retournent à Paris ; ils passent le pont sans opposition et s'installent dans leur ancien campement de Saint-Germain-des-Prés. Ils reçoivent leur tribut de 700 livres, somme que le nouvel évêque Anschéric est allé chercher auprès de l'empereur à Kirchen, en Alémanie ; mais au lieu de redescendre le fleuve, ils tentent de repartir en amont et de passer les ponts par surprise[4]. Après une altercation, ils obtiennent des Parisiens le droit de passage, à condition qu'ils ne s'aventurent pas sur la Marne. Ils avancent en direction de Sens, puis font demi-tour et à l'automne remontent la Marne jusqu'à Chessy, près de Lagny, où ils prennent leurs quartiers d'hiver ; à l'annonce de la rupture du traité et du massacre de vingt chrétiens par les Vikings, les Parisiens tuent tous les Normands qui se trouvent dans la ville, à l'exception de ceux protégés par l'évêque Anschéric, probablement des otages[4].

Les hommes

Le récit d'Abbon sert à grandir le personnage d'Eudes, mais il n'en oublie pas pour autant d'autres qui participent à l'affrontement.

Notons, du côté viking, le nom de Siegfried, qui ne devait pas être chef de cette armée, mais plutôt une sorte d'ambassadeur sachant maîtriser le latin afin de pouvoir parlementer avec les chrétiens.

Abbon est plus prolixe en ce qui concerne le camp chrétien. Nous avons donc le comte Eudes, fils de Robert le Fort, et futur roi de la Francie occidentale ; les comtes Régnier, Érilang et Utton ; Gauzlin, l'évêque de Paris ; l'abbé Ebles de Saint-Denis, neveu de Gauzlin, le fils de sa sœur Bilchilde. Abbon nous donne également le nom de ces « douze combattants héroïques de la tour » prise le 6 février : Ermenfrois, Hervé, Herland, Ouacre, Hervi, Arnoud, Seuil, Jobert, Gui, Hardre, Aimard et Gossouin[4].

Conséquences

La réputation de Charles le Gros est gravement mise à mal par son attitude envers les Vikings. Dès le mois de décembre 887, malade, il est déposé par les Grands et remplacé par Arnulf de Carinthie, élu le roi de Francie orientale. C'est la fin de l'empire carolingien. Eudes, révélé par sa résistance pendant le siège, est élu pour sa part roi de Francie occidentale en 888, au détriment du carolingien Charles le Simple, qui lui succède tout de même à sa mort en 898.

Paris, ville d'importance mineure sous les Carolingiens, affirme sa position stratégique au centre de la Francie occidentale.

Les raids danois en Francie occidentale se font moins fréquents après l'échec du siège. Battus près de Chartres en 911, les Normands s'installent sous leur chef Rollon dans la basse vallée de la Seine, qui devient le duché de Normandie ; convertis au christianisme, ils deviennent vassaux des Francs.

Sources primaires

  • Le Siège de Paris par les Normands, 885-892, du moine Abbon, Paris, Paléo Éditions, Collection Sources de l'histoire de France, 2002.
    • Le moine Abbon de Saint-Germain-des-Prés, relate dans ce poème en vers ce siège de Paris par les Vikings, qui permet plus tard au comte Eudes de Paris de prétendre à la couronne de Francie occidentale. Abbon est un jeune homme lorsqu'il assiste à cette confrontation. Il raconte ce qu'il a vu, et synthétise ce que les Parisiens ont ressenti lors de ce siège. Abbon n'achève son ouvrage que 11 ans après le siège, soit en 897.
  • Les annales de l'abbaye Saint-Vaast ou Annales Vedastini.

Liens externes

Notes et références

  1. Henri Martin, Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, Furne, volume 2, 1855 [lire en ligne], p. 39 
  2. Henri Martin, op. cit., p. 483
  3. Régis Boyer, Les Vikings: histoire, mythes, dictionnaire, R. Laffont, 2008, p. 664 
  4. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s et t Édouard Favré Eudes, comte de Paris et roi de France, (882-898)d'après les textes écrits par le moine Abbon de Saint-Germain-des-Prés, É. Bouillon, 1893
  5. Frédérick Gersal Des duchés au royaume Fernand Lanore, 1987 (ISBN 2851570293 et 9782851570291)
  6. a, b, c et d Ferdinand Lot, Naissance de la France, Librairie Arthème Fayard,, 1948, 864 p. [lire en ligne] 
  7. Élisabeth Lalou, Bruno Lepeuple, Jean-Louis Roch, Des châteaux et des sources: archéologie et histoire dans la Normandie..., publication Univ. Rouen Havre, 2008, p. 151
  8. Aujourd'hui Pont au Change

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