Biltzar

Biltzar

Le Biltzar (ou Bilçar) est une assemblée représentative du Labourd (Pays basque nord) qui a perduré jusqu'en 1789. Les deux autres provinces basques françaises, la Basse-Navarre et la Soule possédaient alors des organisations représentatives et législatives distinctes et différentes. On l'appelle Lapurtarren Biltzarra en basque.

Le château de la Motte à Ustaritz, actuelle mairie et ancienne demeure des vicomtes du Labourd et des ducs d'Aquitaine, accueillait les réunions du Biltzar

Sommaire

Étymologie

Biltzar est un mot basque qui signifie assemblée. Il provient de la racine Bil - Zahar, 'réunion des vieux'[1].

On retrouve les formes Bilsarre (1595, procès verbal de la séance du 24 janvier[2]) et Bilçar (1950, Étienne Dravasa[3]).

Le Biltzar du Labourd

Le Biltzar est la réunion des maires-abbés (baldarn-apheza) de chacune des paroisses labourdines de l'assemblée, désignés dans chacune d’elles parmi les maîtres de maisons franches (c'est-à-dire ne dépendant pas d'une autre maison), qui administraient les affaires communales (le plus souvent le dimanche après la messe en des lieux de nos jours encore nommés kapitaleku, dans des cimetières ou comme à Ustaritz autour du kapito-harri (pierre du conseil)). Le Biltzar se réunissait au château de la Motte à Ustaritz. La noblesse et le clergé en étaient exclus.

Constitution du Biltzar

Le nombre de communes participant au Biltzar a varié au cours du temps. Ainsi celui du 24 janvier 1567 réunissait 29 délégués.

En 1567 les communautés représentées au Biltzar étaient au nombre[4] de 31 :

Au début du XVIIe siècle, les paroisses de Ciboure et d'Hendaye se joignirent au Biltzar[5]. En 1789, les communautés représentées comprenaient en plus Hendaye, en moins Urcuray.

Guiche, Urt et Bardos, terres appartenant au seigneur de Gramont, n'y furent intégrées qu'en 1763. Selon l'Histoire, jusqu'à la Révolution, les habitans de Guiche réclamaient aux délégués du Biltzar que les comptes-rendus soient effectués en basque.[réf. nécessaire]

Fonctionnement

Le Biltzar prenait ses décisions en deux temps. Dans un premier temps le syndic (secrétaire et trésorier de l’assemblée, d’un mandat de deux ans) informait les maires-abbés de l’objet de la délibération. Puis ceux-ci, après consultation et discussion au sein des différentes paroisses, se réunissaient à nouveau 8 jours plus tard pour rapporter les réponses de leur « conseils municipaux », sans avoir le droit d’en déroger. C'est le système du mandat impératif : le député n'est que le porte-parole de ses élus. Chaque paroisse possédait une et une seule voix, quel que soit le nombre d’habitants ou de maisons représentés, lors du vote final, constituant ainsi un système de démocratie original.

Archives et histoire

Le plus ancien procès-verbal connu du biltzar d'Ustaritz date du 24 janvier 1567[6], et rend compte des délibérations de l'assemblée présidée par Micheau de Sossiondo, lieutenant général du bailliage de Labourd. Le second procès-verbal qui nous est parvenu date de 1593[7].

Le Biltzar tint sa dernière session le 18 novembre 1789. Les minutes font état de la demande à l'Assemblée nationale nouvellement constituée, issue des États généraux, du maintien de la constitution actuelle (...) ou au moins de la création d'un département réunissant les trois provinces basques françaises.

Prérogatives du Biltzar du Labourd

La principale prérogative du Biltzar, à l'instar des autres assemblées locales, la Cour d'Ordre souletine et des États de Basse-Navarre, était l'autonomie financière. Il levait non seulement de sa propre autorité les contributions nécessaires à son fonctionnement, mais il approuvait ou négociait le montant de l'impôt perçu au profit du trésor royal. Une fois fixé le montant final, l'assemblée en décidait à sa guise la répartition et le mode de recouvrement.

Le syndic général était chargé de l'exécution des décision prises par le Biltzar, devant en particulier faire valoir l'autonomie locale face aux appétits des fonctionnaires royaux. Leur responsabilité personnelle étant engagée lors de retards de paiements des impôts royaux, il arrivait que certains de ces agents se retrouvent en prison, pour ne pas compromettre ou oblitérer l'indépendance financière de la province.

Le biltzar avait également une fonction militaire: il gérait une milice de 1.000 hommes chargée de défendre la province.

Enfin, le Labourd, par son biltzar, avait une compétence diplomatique. Le biltzar pouvait en effet signer des traités internationaux, appelées "traités de Bonne Correspondance". Il le fit plusieurs fois avec le Parlement anglais ou avec les provinces basques du Sud, notamment lors des guerres engagées par le roi de France. Le biltzar du Labourd était un donc un Parlement doté de pouvoirs très étendus. Il avait en fait compétence globale sur tout ce qui touchait l'administration de la province du labourd. Cette situation exceptionnelle était accentuée par le fait qu'aucun représentant du roi n'assistait aux séances, et que c'était l'agent exécutif du biltzar, le syndic général, qui convoquait l'assemblée, et non un agent du roi.

Les officiers royaux chargés des principales fonctions juridiques en Basse-Navarre et en Labourd étaient désignés de préférence sur présentation des assemblées locales, dont le Biltzar. Ainsi en 1567, ce dernier proposa-t-il au roi trois candidats au poste de lieutenant général du bailliage à la Cour d'Ustaritz, en raison de leur connaissance de la langue basque, "chose fort requise et nécessaire pour le sollagement du peuple dudit pais quy n'entendoyt guières aultre langaige".

En 1660, suite à la signature le 7 novembre 1659 du traité des Pyrénées, et à l'occasion du mariage de Louis XIV et de l'infante d'Espagne[8], le Biltzar fit lever une contribution volontaire de 20 000 livres sur l'ensemble de la province pour aider Saint-Jean-de-Luz à accueillir l'événement.

L'importance prise par le syndic gênant le roi, celui-ci essaya de nommer son propre syndic, un dénommé Urtubie contre celui nommé par l'assemblée, qui s'appelait Xurio. Ce fut l'origine de la querelle entre les xabel xuri (partisans de Xurio) et les Xael gorri (partisans d'Urtubie). Xurio en sortit vainqueur, mais fut assassiné, et le roi nomma un bailli qui fixa désormais l'ordre du jour du Biltzar.

Le biltzar continua à gérer le Labourd jusqu'en 1789. Les intendants du roi essayèrent à plusieurs reprises, en vain, de réduire les larges compétences du biltzar, et donc l'indépendance du Labourd. Par exemple, un édit royal pris sous Louis XV, donna à l'administration royale des Ponts et Chaussées toute compétence sur l'entretien des routes. Mais tous ces efforts furent vains. Ecœuré, l'intendant de Bordeaux Neville écrivait au ministre de Louis XVI Necker à propos du Labourd "Je vous propose de ne rien changer sur l'administration de cette province. Ce petit peuple suit pour ainsi dire obstinément ses lois ancestrales. On publierait inutilement des règlement nouveaux qui contrarieraient les moeurs des Basques".

Ces libertés locales furent balayées lors de la nuit du 4 août 1789 qui abolit les privilèges des provinces.

Personnalités célèbres du Biltzar du Labourd

Les frères Garat (Dominique et son frère cadet Dominique-Joseph) furent choisis par le biltzar pour le représenter aux États généraux de 1789, en tant que délégués du tiers état, aux côtés du vicomte de Macaye et de Monsieur de Saint-Esteben, curé de Ciboure pour la noblesse et le clergé.

Dominique-Joseph Garat fut ministre de la justice de la Convention. En remplacement de Danton, il lut sa sentence de mort à Louis XVI.

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Liste des syndics du Labourd

Liste des syndics du Labourd[9]
Début Fin Nom Commune d'origine Qualité
1513 Dabarosne
1545 Martin de Mondutéguy
1551 Antoine Dithurbide
1557 Petry Duhalde Cambo
1558 1559 Miguel de Michau d'Echalarte Urrugne
1584 Petry Duhalde Cambo
1590 1593 Saubat Darmore Saint-Pée Notaire
1597 Jean de Latsague
1599 1603 Charles d'Etchegoyen Ustaritz Avocat
1624 1626 Guyon de Bidaray Ustaritz Notaire royal
1632 1634 Martin de Mondutéguy Ustaritz Notaire royal
1636 Pierre d'Urruty Ustaritz Avocat
1641 Pierre de Bidart Ustaritz
1653 Martin de Chourio Ascain Notaire
1657 Pierre d'Urruty Ustaritz Avocat
1659 Bernard de Latsague Ustaritz
1667 Pierre d'Harismendy-Lamothe Villefranque
1670 Pierre Duvergier Ustaritz Sieur d'Holaberriette
1671 1672 Pierre de Lamasse
1673 Martin de Molères Ustaritz Notaire
1674 Pierre Duvergier Ustaritz, Holaberriette
1675 Martin de Molères Ustaritz Notaire
1678 Martin de Mondutéguy Ustaritz Notaire royal
1679 Jean d'Urruty Ustaritz
1680 Dominique de Habans Ustaritz Avocat
1683 1684 Bernard de Hiriart Ustaritz Sieur d'Arona
1685 1686 Jean d'Artaguielle Mendionde Sieur d'Irona
1687 1688 Jean Duhulque Urrugne Notaire
1689 Louis Ducasalar Hasparren Notaire
1690 1691 Martin de Molerers
1692 1694 Bernard de Latiague
1694 1696 Jean d'Artaguielle Mendionde Sieur d'Irona
1696 1698 Jean de Hiriart
1698 1708 Duhalde d'Ibarren
1708 1714 Jean de Planthion[10] Biarritz Notaire
1714 1721 Martin Duhalde-Daguerre[11] Villefranque Notaire
1721 1725 Martin Dolhabide[12] Ainhoa
1725 1730 Salvet de Hiriart[13] Hasparren Notaire
1730 1734 Pierre de Segure[14] Larressore Notaire
1734 1740 Laurent Delissalde[15] Villefranque
1740 1743 Doyhenard[16]
1743 1751 Bertrand de Planthion Arcangues
1751 1758 Pierre Darancette[17] Cambo Notaire
1758 1770 P. L. Delissalde-Lahet[18] Espelette Notaire
1770 1777 Pierre Damestoy[19] Bardos Notaire

Sieur d'Etchebeheyty

1777 1781 Louis Dominique Harambillague[20] Hasparren Notaire
1781 1789 Pierre Haranboure[21] Sare Notaire
1789 1789 Pierre Eustache Dirihart[22] Saint-Jean-de-Luz Notaire

Bibliographie

  • Philippe Veyrin, Les Basques de Labourd, de Soule et de Basse-Navarre, leur histoire et leurs traditions, Arthaud, 1975 (ISBN 2-7003-0038-6) [23]
  • Léon Boussard, Jeiki, Jeiki, etxenkoak ou le défi des Basques, Albatros, 1975 
  • Étienne Dravasa[24], Les privilèges des Basques du Labourd sous l'Ancien Régime, San Sebastiàn - 1950 

Notes

  1. Étienne Dravasa, Les privilèges des Basques du Labourd sous l'Ancien Régime, San Sebastiàn - 1950 , page 124
  2. « aujourd'hui vingt quatrième jour du mois de Janvier mil cinq cens quatre vingt quinze ... estans illec assemblés en plain Bilsarre à la manière accoustumée, les abbés et députés du dit païs de Labourd, tractans et communiquans des affaires communes des paroisses du dict bailliage » - Archives communales de Bayonne, E.E. 17 F° 46
  3. Étienne Dravasa, Les privilèges des Basques du Labourd sous l'Ancien Régime, San Sebastiàn - 1950 
  4. Manex Goyhenetche, Histoire générale du Pays basque - tome 2, Elkarlanean 1999 (ISBN 2 9131 5624 X) , page 161.
  5. Manex Goyhenetche, Histoire générale du Pays basque - tome 2, Elkarlanean 1999 (ISBN 2 9131 5624 X) , page 160
  6. Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, C 1620 (années 1711-1737), C 1621 (années 1758-1792).
  7. Document d'archives privées publié par E. Goyheneche, Gure Herria, année 1955, n°4, pages 195-200.
  8. infante Marie-Thérèse d'Autriche (1638-1683), fille de Philippe IV, roi d'Espagne, et d'Élisabeth de France
  9. D'après Pierre Yturbide, cité par Étienne Dravasa, Les privilèges des Basques du Labourd sous l'Ancien Régime, San Sebastiàn - 1950 
  10. Un Planthion, peut-être le même, mais notaire royal à Arbonne, publia Inventaire et description des Privilèges et Franchises du Labourd (Bayonne, 1713)
  11. Élu le 14 juillet 1714
  12. Élu le 21 août 1721
  13. Élu le 10 octobre 1725
  14. Élu le 11 janvier 1730
  15. Élu le 10 décembre 1734
  16. Ajouté à la liste de Pierre Yturbide par Étienne Dravasa
  17. Élu le 10 mai 1751
  18. Élu le 17 novembre 1758
  19. Élu le 24 décembre 1770
  20. Élu le 5 février 1777
  21. Élu le 13 février 1781
  22. Élu le 28 septembre 1789
  23. La première édition de cet ouvrage date de 1947
  24. Docteur en droit

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Articles connexes

Liens externes


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