Vente d'Énergie NB à Hydro-Québec

Vente d'Énergie NB à Hydro-Québec

La vente d'Énergie NB à Hydro-Québec est une transaction négociée entre les gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Québec en 2009 et 2010 en vue du transfert de certains actifs de l'entreprise publique néo-brunswickoise à la société d'État québécoise. Une entente de principe de 3,2 milliards de dollars avorte finalement en mars 2010.

Sommaire

Contexte

Première entente de principe

Le 29 octobre 2009, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham, signe un protocole d'entente avec son homologue québécois, Jean Charest, qui prévoit la vente de la plupart des actifs d'Énergie NB à Hydro-Québec pour la somme de 4,75 milliards de dollars[1]. En vertu de l'entente, Hydro-Québec obtient le monopole du transport et de la distribution d'électricité au Nouveau-Brunswick à l'exception de trois réseaux municipaux, situés à Edmundston, Saint-Jean et Perth-Andover[2]. L'entente est intervenue après des négociations qui ont duré 9 mois et qui ont été entreprises à la demande du Nouveau-Brunsiwck[3].

La transaction comprend aussi l'achat de la centrale nucléaire de Point Lepreau (635 MW), de 7 centrales hydroélectriques d'une puissance totale de 895 MW, dont la centrale de Mactaquac (672 MW), et des turbines à combustion utilisées en période de pointe, mais exclut spécifiquement les centrales thermiques de Dalhousie, Belledune et Coleson Cove, qui seront graduellement retirées du service. L'entente prévoit également une réduction des tarifs industriels d'électricité, afin de les ramener au même niveau que ceux du Québec, ainsi qu'un gel de cinq ans des tarifs d'électricité pour les clients résidentiels et commerciaux[2].

D'après une analyse économique[4] commandée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick à la firme NERA Economic Consulting de Washington, l'entente de principe permettrait aux consommateurs néo-brunswikois d'économiser 5,6 milliards de dollars entre 2011 et 2040, comparativement au statu quo. L'étude indique que les consommateurs résidentiels, commerciaux et de gros profiteront de plus de 60 % des économies, mais qu'elles se matérialiseront sur une période plus longue que les rabais accordés aux grands utilisateurs industriels[5].

Débat public sur la vente

Les usines de pâte à papier, comme celle de J.D. Irving à Saint-Jean comptent parmi les principaux clients d'Énergie NB.

L'entente de principe controversée, notamment en raison de la fermeture de la centrale au mazout lourd de Dalhousie[6] et de l'effet sur la concurrence d'un compétiteur de la taille d'Hydro-Québec dans le petit marché des provinces maritimes et du Maine[7], doit être entérinée par l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick avant d'entrer en vigueur[8]. Les chefs des deux partis d'opposition au Nouveau-Brunswick, David Alward du Parti progressiste-conservateur et Roger Duguay, du NPD ont annoncé qu'ils s'opposaient à l'entente, jugeant qu'il était préférable que le Nouveau-Brunswick conserve la propriété de l'entreprise[9].

Accueil dans la presse

La presse, tant au Nouveau-Brunswick qu'au Québec, a accueilli positivement l'entente de principe entre les deux gouvernements. Les trois quotidiens anglophones du groupe Brunswick News, propriété de la famille Irving, ont salué la vente, le quotidien provincial Telegraph-Journal la présentant comme « l'affaire du siècle »[10] et la comparant même à l'équivalent contemporain du rapport Byrne, qui est à l'origine du programme de Chances égales du gouvernement de Louis J. Robichaud[11] tandis que le Times & Transcript de Moncton estime qu'elle « élimine un lourd fardeau »[12]. Jean Saint-Cyr de L'Acadie nouvelle, appuie la transaction de manière plus nuancée, soulignant l'impasse financière à laquelle faisait face la société de la Couronne néo-brunswickoise[13].

À Montréal, Sophie Cousineau de La Presse estime que l'entente est audacieuse et qu'elle procurera des bénéfices aux deux provinces, mais prévient qu'elle fera face à une forte opposition au Nouveau-Brunswick[14] alors que son collègue Jean-Robert Sansfaçon du Devoir considère que la transaction proposée apporte un début de réponse au scepticisme de ceux qui, au Québec, craignent que la société d'État québécoise se retrouve en situation de surplus d'électricité[15].

Réactions négatives

La signature de l'entente de principe a donné lieu à un débat très vif dans l'opinion publique néo-brunswickoise au cours de l'automne 2009. Les milieux d'affaires se prononcent très largement en faveur de l'entente[16],[17],[18],[19],[20], mais les autres réactions à la signature ont été beaucoup plus négatives. En plus des partis d'opposition, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams[21], une association de producteurs d'électricité indépendants de la Nouvelle-Angleterre[22], la section locale 37 de la Fraternité internationale des travailleurs en électricité, qui représente 2 200 employés d'Énergie NB[23] ainsi que des partisans du développement de l'énergie éolienne[24] ont dénoncé l'entente, qu'ils jugent défavorable aux intérêts du Nouveau-Brunswick. Cependant, après avoir exprimé des réticences, le gouverneur du Maine, John Baldacci qualifie la vente d'Énergie NB de « pas positif vers l'avant » au début de 2010[25],[26].

Les opposants dans le grand public se sont organisés contre la vente en formant un groupe sur le réseau social Facebook, qui comptait 14 000 membres cinq jours après l'annonce du protocole d'entente[27]. À l'appel du groupe et d'organisations syndicales, environ 600 personnes ont participé à une manifestation devant l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick lors de la reprise des travaux parlementaires, le 17 novembre 2009[28]. Un sondage Léger Marketing mené pour les quotidiens du groupe Quebecor Media à la mi-novembre 2009 indique que 60% des Néo-Brunswickois interrogés s'opposent à la transaction proposée, contre seulement 22 % qui se déclarent en faveur. La situation est inversée au Québec, où 55 % des Québécois interrogés appuient l'achat d'Énergie NB par l'entreprise d'électricité québécoise, contre 14 % qui s'y opposent[29],[30].

Deuxième entente de principe

Après deux mois de controverses et des informations selon lesquelles cinq députés libéraux, dont trois ministres, étaient opposés à l'entente initiale ont amené le ministre des Finances, Greg Byrne, à annoncer le 18 janvier 2010, la conclusion d'une nouvelle ronde de négociations entre les représentants du Nouveau-Brunswick et du Québec[31].

Deux jours plus tard, le Nouveau-Brunswick annonce un nouvel accord qui réduit la portée de l'entente initiale. Hydro-Québec ferait l'acquisition des sept centrales hydroélectriques (895 MW), des centrales d'appoint au diesel de Millbank (400 MW) et de Sainte-Rose (100 MW) et de la centrale nucléaire de la Pointe Lepreau (635 MW), à la fin de sa réfection, pour la somme de 3,2 milliards de dollars[32].

L'entente prévoit que les divisions de transport et de distribution d'Énergie NB resteront la propriété du Nouveau-Brunswick, qui concluerait une entente d'approvisionnement à long terme. En vertu de ce contrat d'approvisionnement, la société d'État québécoise fournirait un volume maximal de 14 térawatts-heure d'électricité à 7,35 cents le kilowatt-heure, permettant de maintenir le gel des tarifs résidentiels et commerciaux pendant cinq ans. Les industries de taille moyenne verront leurs tarifs réduits de 15 % alors que les grandes entreprises consommatrices bénéficieraient d'une baisse de 23 %, plutôt que de 30 % en vertu de l'entente initiale. Le tarif de gros contenu dans le contrat serait maintenu pendant cinq ans puis indexé en fonction d'indice des prix à la consommation du Nouveau-Brunswick[32].

La deuxième entente de principe recueille un accueil plus positif de la part de certains intervenants qui avaient exprimé leurs réticences[33], dont le premier ministre de Terre-Neuve, Danny Williams[34]

Échec de la vente

Le 24 mars 2010, le bureau du premier ministre du Québec annonce le retrait de l'offre d'achat d'Énergie NB, à la suite de la découverte de surcoûts[35].

Notes et références

  1. Entente de principe entre le gouvernement du Nouveau-Brunswick et le gouvernement du Québec, Gouvernement du Nouveau-Brunswick, 29 octobre 2009. Consulté le 29 octobre 2009
  2. a et b Radio-Canada, « Un colosse débarque au Nouveau-Brunswick », 29 octobre 2009. Consulté le 29 octobre 2009
  3. (en) Quentin Casey, « How accord was reached », dans Telegraph-Journal, 30 octobre 2009 [texte intégral (page consultée le 6 décembre 2009)] 
  4. Eugene T. Meehan, « Assessment of the Rate Impacts of the Memorandum of Understanding Between New Brunswick and Quebec Regarding NB Power » sur CBC News, NERA Economic Consulting, Novembre 2009. Consulté le 18 novembre 2009
  5. (en) Brent Bundale, « Report shows power savings », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 19 novembre 2009, p. A1 [texte intégral (page consultée le 19 novembre 2009)] 
  6. Radio-Canada, « Énergie Nouveau-Brunswick: consternation à Dalhousie », 29 octobre 2009. Consulté le 29 octobre 2009
  7. (en) Peter Hadekel, « Hydro to N.L.: A deal's a deal », dans The Gazette, Montréal, 2 décembre 2009 [texte intégral (page consultée le 2 décembre 2009)] 
  8. (en) Quentin Casey, « How accord was reached », dans Telegraph-Journal, 30 octobre 2009, p. A1 [texte intégral (page consultée le 11 novembre 2009)] 
  9. Michel Corbeil, « Énergie Nouveau-Brunswick: le protocole d'entente signé », dans Le Soleil, 29 octobre 2009 [texte intégral (page consultée le 29 octobre 2009)] 
  10. (en) « The deal of the century », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 30 octobre 2009, p. A8 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2009)] 
  11. (en) « Shun politics of fear », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, 4 novembre 2009, p. A6 [texte intégral (page consultée le 4 novembre 2009)] 
  12. (en) « NB Power sale lifts big burden », dans Times & Transcript, Moncton, 30 octobre 2009, p. D10 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2009)] 
  13. Jean Saint-Cyr, « L'audace du changement », dans L'Acadie nouvelle, Caraquet, 29 octobre 2009 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2009)] 
  14. Sophie Cousineau, « Le mariage de l'audace », dans La Presse, Montréal, 30 octobre 2009 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2009)] 
  15. Jean-Robert Sansfaçon, « Hydro-Québec tout à l'exportation », dans Le Devoir, Montréal, 31 octobre 2009 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2009)] 
  16. (en) Canadian Press, « Irving offers backing to NB Power sale principals », dans Chronicle-Herald, Halifax, 14 novembre 2009 [texte intégral (page consultée le 15 novembre 2009)] 
  17. (en) Rebecca Penty, « 'Unequivocal' support », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 31 octobre 2009, p. C1 [texte intégral (page consultée le 13 novembre 2009)] 
  18. (en) Greg Weston, « NB Power deal boosts industry: Keir », dans Times & Transcript, Moncton, 10 novembre 2009, p. A3 [texte intégral (page consultée le 13 novembre 2009)] 
  19. (en) Brett Bundale, « Savings offer security: Savoie », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 12 novembre 2009, p. B1 [texte intégral (page consultée le 13 novembre 2009)] 
  20. Conseil du patronat du Québec, « Le conseil du patronat salue la transaction historique entre Hydro-Québec et Énergie NB Power », 29 octobre 2009. Consulté le 13 novembre 2009
  21. Canadian Broadcasting Corporation, « Williams lashes out at Quebec-N.B. power deal » sur CBC News, 29 octobre 2009. Consulté le 13 novembre 2009
  22. (en) Rebecca Penty, « New England's power utilities disconcerted », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 7 novembre 2009, p. C1 [texte intégral (page consultée le 13 novembre 2009)] 
  23. Canadian Broadcasting Corporation, « NB Power union slams Hydro-Quebec deal » sur CBC News, 13 novembre 2009. Consulté le 13 novembre 2009
  24. Hélène Baril, « Vente d'Énergie NB à Hydro: l'opposition s'accroît », dans La Presse, Montréal, 12 novembre 2009 [texte intégral (page consultée le 13 novembre 2009)] 
  25. (en) Rebecca Penty, « Power pact 'positive': Baldacci », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 5 janvier 2010, p. B1 [texte intégral (page consultée le 6 janvier 2010)] 
  26. Radio-Canada, « Énergie NB: John Baldacci appuie maintenant la vente » sur Radio-Canada Nouvelles, 5 janvier 2010. Consulté le 6 janvier 2010
  27. (en) David Shipley, « Anti-NB Power Sale Facebook Group Grows to over 14,000 members », dans Times & Transcript, Moncton, 3 novembre 2009 [texte intégral (page consultée le 3 novembre 2009)] 
  28. (en) John Pollack, « Hundreds of demonstrators protest NB Power sale agreement at Legislature », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean, N.-B., 18 novembre 2009, p. A3 [texte intégral (page consultée le 18 novembre 2009)] 
  29. Danny Doucet, « Énergie Nouveau-Brunswick :Hydro-Québec en train de perdre l'opinion publique », dans Le Journal de Montréal, Montréal, 23 novembre 2009 [texte intégral (page consultée le 23 novembre 2009)] 
  30. Léger Marketing, « Rapport d'étude: réaction des Néo-Brunswickois à la vente d’Énergie Nouveau- Brunswick à Hydro-Québec », 22 novembre 2009. Consulté le 6 décembre 2009
  31. CBC News, « 3 Liberal ministers won't vote for NB Power deal » sur CBC News, 18 janvier 2010. Consulté le 2010-01-19
  32. a et b Nouveau-Brunswick, « Entente en matière d'énergie : le Nouveau-Brunswick et le Québec concluent les négociations » sur Communications Nouveau-Brunswick, 20 janvier 2010. Consulté le 2010-01-20
  33. (en) Aloma Jardine, « Revised deal improved: UdeM prof », dans Times & Transcript, Moncton, 20 janvier 2010, p. A1 [texte intégral (page consultée le 2010-01-20)] 
  34. Brett Bundale, « Williams likes new deal », dans Telegraph-Journal, Saint-Jean (N.-B.), 20 janvier 2010, p. A1 [texte intégral (page consultée le 2010-01-20)] 
  35. Michel Corbeil, « La vente d'Énergie Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec avorte » sur Cyberpresse, Le Soleil, 24 mars 2010. Consulté le 11 avril 2010

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Vente d'Énergie NB à Hydro-Québec de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Hydro-Québec — Création 14 avril 1944 Dates clés 1963 : nationalisation de 11 compagnies d électricité ; …   Wikipédia en Français

  • Hydro-Quebec — Hydro Québec Logo de Hydro Québec Création 14 avril 1944 Dates clés …   Wikipédia en Français

  • Hydro-québec — Logo de Hydro Québec Création 14 avril 1944 Dates clés …   Wikipédia en Français

  • Hydro Québec — Logo de Hydro Québec Création 14 avril 1944 Dates clés …   Wikipédia en Français

  • Hydro-Québec — Type Government owned corporation Industry Electric Utilities Founded …   Wikipedia

  • Énergie NB — Création 1920 Personnages clés Gaëtan Thomas[1] : Président par intérim …   Wikipédia en Français

  • Histoire d'Hydro-Québec — Histoire de l électricité au Québec L histoire de l électricité au Québec a été marquée par trois grandes phases qui s étendent des années 1880 à nos jours. Les premiers tâtonnements de l industrie sont marqués par une course au développement à… …   Wikipédia en Français

  • Histoire de l'électricité au Québec — L histoire de l électricité au Québec a été marquée par trois grandes phases qui s étendent des années 1880 à nos jours. Les premiers tâtonnements de l industrie sont marqués par une course au développement à Montréal, suivie d une phase de… …   Wikipédia en Français

  • Énergie au Québec — La centrale LG 1 Bilan énergétique (2008) Offre d énergie primaire (TPES) 1 955,9 PJ (46,7 M t …   Wikipédia en Français

  • Énergie au Canada — L exploitation des sables bitumineux en Alberta Bilan énergétique (2007) Offre d énergie primair …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”