Zone de cisaillement

Zone de cisaillement

La zone de cisaillement est une surface de discontinuité tectonique très importante affectant l'écorce et le manteau supérieur. Elle résulte d'une déformation inhomogène concentrant des mouvements relatives dans les zones planaires ou curvilignes étroites (zones à déformation accrue). Les blocs rigides situés entre ces zones sont très peu déformés. Le mouvement cisaillant de ces blocs plus rigides peut induire une composante de rotation non-coaxiale dans la zone déformée. Normalement ces surfaces de discontinuité s'enfoncent à une profondeur assez importante et produisent ainsi une large gamme de roches déformées.

Sommaire

Introduction

Diagramme montrant le différents types de zones de cisaillement. Le déplacement, la composante cisaillante de la déformation et les profondeurs sont indiqués.

La zone de cisaillement est une zone à déformation intense (avec un taux de déformation élevé). Elle est entourée par des roches possédant une déformation finie très basse. La relation largeur/longueur dans la zone dépasse 5 : 1[1].

La zone de cisaillement fait partie d'un continuum de structures géologiques à partir de la zone de cisaillement cassante (en anglais brittle shear zone) jusqu'à la zone de cisaillement ductile (en anglais ductile shear zone) en passant par la zone de cisaillement cassante-ductile et par la zone de cisaillement ductile-cassante. Dans le cas de la zone de cisaillement cassante (ou faille) la déformation se concentre sur une surface de rupture étroite séparant l'encaissant; par contre dans le cas de la zone de cisaillement ductile la déformation s'étale sur une bande plus large, l'intensité de la déformation augmentant en continuité à partir des marges jusqu'au centre. Les types intermédiaires se situent quelque part entre ces deux cas extrêmes incorporant leur style de déformation en proportions différentes.

Ce continuum rencontré dans les structures géométriques reflète les différents styles de déformation présents dans l'écorce terrestre, spécialement le passage de la déformation cassante près de la surface à la déformation ductile en profondeur. À la transition cassante-ductile la réponse ductile aux contraintes se fait sentir. Cette transition ne se situe pas à une profondeur spécifique, mais est distribuée sur plusieurs kilomètres. C'est la zone d'alternance où la déformation cassante et la déformation ductile coexistent. Ce fait s'explique par la composition hétérominéralique de roches de l'écorce, chaque minéral se caractérisant par une réponse différente aux contraintes appliquées. Ainsi le quartz est beaucoup plus sensitif aux contraintes que les feldspaths et commence à réagir plastiquement à une température beaucoup plus basse. Les différences en lithologie, taille du grain et texture jouent donc sur la réponse rhéologique de roches.

Des paramètres purement physiques influencent aussi la profondeur de la zone d'alternance, à savoir :

– le gradient géothermique, c.-à-d. la température ambiante ;
– la pression de confinement et la pression de fluides ;
– le taux de déformation brute ;
– l'orientation de contraintes.

Pour une composition quartzo-feldspathique de l'écorce le modèle de Scholz (avec un gradient géothermique typique pour la Californie méridionale) situe la transition cassante-ductile à une profondeur de 11 kilomètres et à une température de 300° C. La zone d'alternance s'étend ensuite à une profondeur de 16 kilomètres avec la température augmentant à 360° C[2]. En dessous une profondeur de 16 kilomètres subsistent que des zones de cisaillement ductiles.

La zone sismogénique, dans laquelle naissent les tremblements de terre, s'attache au domaine cassant, appelé également schizosphère. En dessous la zone d'alternance suit la plastosphère. Dans la couche sismogénique, qui apparait en dessous une transition de stabilité (à une profondeur d'environ 4 - 5 kilomètres), des vraies cataclasites se forment (en dessus il y a très peu de sismicité). Cette couche sismogénique descend jusqu'à la zone d'alternance à 11 kilomètres de profondeur. La majorité de tremblements de terre déclenche donc entre 4 et 11 kilomètres de profondeur. Pourtant les très grands tremblements de terre rupturent une grande partie de l'écorce et arrivent jusqu'à la surface. Ils affectent aussi la zone d'alternance et même la plastosphère.

Roches produites dans les zones de cisaillement

Les déformations enregistrées dans les zones de cisaillement sont responsables pour le développement des textures et des assemblages minérales caractéristiques, qui reflètent à leur gré les conditions pT (pression-température) régnantes, le type de déformation, le sens de mouvement et le déroulement de la déformation. Les zones de cisaillement sont donc des structures très importantes pour déceler l'histoire d'un terrane.

Dans les zones de cisaillement on peut rencontrer les roches suivantes (en commençant à la surface) :

– roches de zones faillés non-cohésives, comme par exemple les argiles de faille, les brêches et les argiles de faille foliés ;
– roches de zones faillés cohésives. Surtout des cataclasites (les protocataclasites, les cataclasites et les ultracataclasites) ;
pseudotachylites vitreux.

La gangue et les cataclasites sont produits par abrasion sur des failles sismogéniques en régime cassant.

Les mylonites apparaissent dans la zone d'alternance en régime semiductile. Ils sont produits par usure adhésive. Les pseudotachylites peuvent perdurer dans la zone d'alternance, mais disparaissent dès le début du faciès schistes verts. Dans ce faciès seulement les mylonites persistent. Les gneiss rayés sont des mylonites d'un haut degré de métamorphisme et se rencontrent à la base de zones de cisaillement.

Sens du mouvement

Le sens du mouvement (dextre ou senestre) dans une zone de cisaillement peut être déduit soit par des structures macroscopiques soit par une multitude de structures microscopiques (indicateurs microtectoniques).

Les indicateurs

Les indicateurs macroscopiques sont les différents types de stries et les linéations (linéation d'étirement, linéation minérale). Ils donnent la direction du mouvement. Avec l'aide des marqueurs déplacés (litage, filons) et avec la déflection de la foliation ou du litage vers l'intérieur de la zone de cisaillement on peut en outre déterminer le sens du mouvement.

Autres indicateurs macroscopiques sont :

– les fentes de tension, arrangées en échelon et caractéristiques pour la zone de cisaillement ductile-cassante ;
– les plis en fourreau.

Les indicateurs microscopiques comprennent les structures suivantes :

  • les plis assymmétriques.
  • les foliations.
  • les imbrications.
  • l'orientation du réseau crystallographique.
  • les porphyroclastes.
  • les poissons de mica (poissons de foliation).
  • les ombres de pression.
  • les pull-aparts.
  • les structures de quartier.
  • la schistosité dans les bandes de cisaillement (en anglais shear band cleavage).
  • les sites de superposition (en anglais step-over sites).

Largeur de zones de cisaillement et déplacements résultants

La largeur de zones de cisaillement individuelles s'étend de la taille du grain jusqu'à l'échelle kilométrique. Quelques zones de cisaillement, qui traversent l'écorce entière (en anglais megashears), atteignent une largeur de 10 kilomètres. Les déplacements associés peuvent varier entre 10 et 100 kilomètres.

Les zones de cisaillement cassantes s'élargissent souvent avec la profondeur; le même effet se produit par une augmentation du déplacement.

Effets amollissants de la déformation et ductilité

Pour localiser la déformation dans une zone de cisaillement un processus d'amollissement (en anglais strain softening) doit affecter la roche pour la rendre plus ductile. Plusieurs possibilités sont envisagés :

  • la réduction de la taille du grain.
  • l'amollissement géométrique.
  • l'amollissement par réaction.
  • l'amollissement par fluides.

À l'échelle du grain on connaît les mécanismes de déformation suivants:

  • le fluage par diffusion (plusieurs types) (en anglais diffusion creep.
  • le fluage par dislocation (plusieurs types) (en anglais dislocation creep).
  • les recristallisations syntectoniques.
  • la solution sous pression.
  • les glissements de limites de grains (superplasticité) et la réduction de limites de grains (en anglais grain boundary sliding, grain boundary area reduction).

Tous ces mécanismes garantissent une déformation continuelle (fluage) sans rupture et rendent le matériel plus ductile (plastique).

Répartition géodynamique et quelques exemples

La faille de San Andreas en Californie, une zone de cisaillement transformante dextre

Les zones de cisaillement peuvent traverser l'écorce entière et se répartissent donc dans tous les faciès métamorphiques. Les zones de cisaillements cassantes (failles) se rencontrent partout dans l'écorce supérieure. Les zones de cisaillement ductiles commencent dès le début du faciès schistes verts, ils sont donc liées aux terranes métamorphiques (écorce moyenne et inférieure).

Les zones de cisaillement apparaissent dans les situations géodynamiques suivantes:

Les zones de cisaillement dépendent ni de la lithologie ni de l'âge géologique. On les trouve rarement isolées; ils forment plutôt des réseaux interconnectés et anastomosants à organisation fractale. L'agencement géométrique de ces réseaux reflète le sens du mouvement du terrane affecté .

Bons exemples pour le cas décrochant sont la Zone de cisaillement sud-armoricaine et la Zone de cisaillement nord-armoricaine en Bretagne, la faille nord-anatolienne en Turquie et la faille de la Mer Morte en Israel. La faille de San Andreas en Californie et la faille Alpine en Nouvelle-Zélande sont des failles transformantes. Le Moine Thrust est un chevauchement en Écosse. La Zone Médiane au Japon est une ancienne zone de subduction. Des bons détachements se trouvent au Sud-Est de la Californie, par exemple dans les Whipple Mountains. Le cas interconnecté et anastomosant est représenté par la gigantesque zone de cisaillement du plateau de la Borborema en Brésil.

Conclusion

Les zones de cisaillements sont des zones de faiblesse dans l'écorce terrestre. Elles descendent parfois même au manteau supérieur. Elles peuvent rester en activité très long temps et montrent souvent plusieurs phases de déformation superposées. Des matériaux diverses descendent et montent le long leur trajet, le plus important étant l'eau avec des ions dissouts. En conséquence les roches à l'intérieur de ces zones sont affectés par la rétromorphose et sont en plus métasomatisé. On pense même, que le dernier processus est responsable pour la refertilisation du manteau supérieur.

Économiquement les zones de cisaillement sont de très grande importance, car ils peuvent héberger des minéralisations majeures comme par exemple les gisements d'or appartenant aux terranes précambriens.

Littérature

  • C. W. Passchier & R. A. J. Trouw (1996). Microtectonics. Springer. ISBN 3-540-58713-6
  • John G. Ramsay & Martin I. Huber (1987). The Techniques of Modern Structural Geology. Volume 2: Folds and Fractures. Academic Press. ISBN 0-12-576902-4
  • Christopher H. Scholz (2002, 2e édition). The mechanics of earthquakes and faulting. Cambridge University Press. ISBN 0-521-65540-4

Notes et références

  1. John G. Ramsay & Martin I. Huber (1987). The Techniques of Modern Structural Geology. Volume 2: Folds and Fractures. Academic Press. ISBN 0-12-576902-4
  2. Christopher H. Scholz (2002, 2e édition). The mechanics of earthquakes and faulting. Cambridge University Press. ISBN 0-521-65540-4

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Zone de cisaillement de Wikipédia en français (auteurs)

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