Blanquistes

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Louis Auguste Blanqui

Louis Auguste Blanqui

Louis Auguste Blanqui dit l’Enfermé, né le 8 février 1805 à Puget-Théniers (Alpes-Maritimes) et décédé le 1er janvier 1881 à Paris, inhumé au cimetière du Père-Lachaise (division 91), était un révolutionnaire républicain socialiste français, souvent associé à tort aux socialistes utopiques. Il s’est battu pour des idées neuves à son époque notamment pour le suffrage universel (Un homme, une voix), pour l'égalité homme/femme, la suppression du travail des enfants etc. Il doit son surnom l’Enfermé au fait qu'il passa la plus grande partie de son existence (près de 37 années !…) en prison. Il est à l'origine du blanquisme. Louis Auguste Blanqui, communiste, a un frère, Adolphe Blanqui, théoricien et économiste libéral, favorable au libre-échange et au désengagement de l'État de l'économie.

Sommaire

Biographie : l’insurgé permanent

« Oui, Messieurs, c’est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l’ont voulu ainsi ; ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers, en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu’il se défend quand il est attaqué.  »

Extrait de la défense d’Auguste Blanqui en Cour d’Assises, 1832.

Auguste Blanqui naquit à Puget-Théniers (Alpes-Maritimes) le 8 février 1805. D’origine italienne, sa famille avait été francisée par l’annexion du comté de Nice en 1792. Son père Jean Dominique Blanqui, élu conventionnel qui à ce titre vota la mort de Louis XVI, avait lui-même subi la prison en 1793 (expérience relatée dans son ouvrage L'agonie de dix mois), avant de se voir nommer sous-préfet sous le Premier Empire. À l’âge de treize ans, Auguste monte à Paris. Pensionnaire à l'institution Massin où enseignait son frère Adolphe (futur économiste libéral) de sept ans son aîné, il suit les cours du lycée Charlemagne. Il étudiera ensuite le droit et la médecine. Mais il se lancera très tôt dans la politique, se faisant le champion du républicanisme révolutionnaire sous le règne de Charles X, de Louis-Philippe Ier puis de Napoléon III. Tout juste âgé de dix-sept ans, il milite activement contre le procès des quatre sergents de la Rochelle, condamnés à mort pour avoir adhéré à la société secrète de la Charbonnerie et fomenté des troubles dans leur régiment.

Contre Charles X et Louis-Philippe

Carbonaro depuis 1824, au sein de cette organisation secrète en lutte contre la restauration monarchique, Auguste Blanqui est mêlé à toutes les conspirations républicaines de son époque. Dès lors se succédèrent pour lui complots, coups de force manqués et emprisonnements.

En 1827, il est blessé par trois fois lors des manifestations d'étudiants au Quartier Latin, dont une blessure au cou.

En 1828, il projette une expédition en Morée pour aller aider la Grèce insurgée. Il part avec son ami et camarade d'études Alexandre Plocque. Le voyage s'achève à Puget-Théniers, faute de passeport.[1]

Il entre au journal d’opposition libérale de Pierre Leroux, « Le Globe », fin 1829. En 1830, on le compte dans les rangs de l'association républicaine la plus séditieuse, connue sous le nom de Conspiration La Fayette, aux côtés de laquelle il participe à la Révolution de 1830. Après la révolution, il adhére à la société républicaine dite des « Amis du peuple », il se lie avec d’autres opposants au régime orléaniste : Buonarrotti (1761-1837), Raspail (1794-1878) et Barbès (1809-1870) entre autres.

En janvier 1831, au nom du « Comité des Écoles », il rédige une proclamation menaçante. À la suite de manifestations, il est emprisonné à la Grande Force, pendant trois semaines. Mais, récidiviste et prêchant toujours la violence, il est de nouveau arrêté et inculpé de complot contre la sûreté de l'État.

Après un nouveau séjour en prison, impénitent, il reprend ses activités révolutionnaires à la « Société des Familles », que continuera en 1837 la « Société des Saisons ».

Le 6 mars 1836, il est arrêté, fait huit mois de prison, puis est placé en liberté surveillée à Pontoise.

Le 12 mai 1839, de retour à Paris, avec Armand Barbès et Martin Bernard, il participe à l'insurrection qui s’empare du Palais de justice, échoue à prendre la Préfecture de police, et occupe un instant l'Hôtel de ville. On comptera 50 tués et 190 blessés. Après l’échec de l'émeute, il reste caché cinq mois, mais il est arrêté le 14 octobre.

Le 14 janvier 1840, il est condamné à mort. Sa peine étant commuée en prison perpétuelle, il est enfermé au Mont-Saint-Michel. En 1844, son état de santé lui vaut d’être transféré à la prison-hôpital de Tours, où il restera jusqu’en avril 1847.

Seconde République

Une fois libéré, il s'associe à toutes les manifestations parisiennes de mars à mai pendant la Révolution de 1848, qui donnent naissance à la Seconde République. Le recours à la violence de la Société républicaine centrale, qu'il a fondée pour exiger une modification du gouvernement, le met en conflit avec les républicains modérés. Arrêté après le 26 mai, il est enfermé à Vincennes. Le procès s'ouvre devant la Haute Cour de justice de Bourges le 7 mars 1849. Il est condamné à dix ans de prison et envoyé à Doullens. En octobre 1850, il est incarcéré à Belle-île-en-Mer ; en décembre 1857, à Corte ; puis, en 1859, « transporté » à Mascara en Algérie jusqu’au 16 août 1859, date de sa libération.

Second Empire

Révolutionnaire toujours, dès sa libération il reprend sa lutte contre l'Empire. Le 14 juin 1861, il est arrêté, condamné à quatre ans de prison, et enfermé à Sainte-Pélagie. Il s'évade en août 1865, et continue sa campagne de propagande contre le gouvernement depuis son exil, jusqu'à ce que l'amnistie générale de 1869 lui permette de revenir en France. C'est au cours de ces années qu'un parti blanquiste naît et s'organise en sections. Le penchant de Blanqui pour l'action violente s'illustre en 1870 avec deux tentatives d'insurrection échouées : la première le 12 janvier lors des funérailles de Victor Noir (journaliste assassiné par le prince Pierre Bonaparte, celui-ci n'est rien de moins que le fils de Lucien Bonaparte, donc neveu de Napoléon Ier et cousin de Napoléon III); la seconde le 14 août, lorsqu'il tente de s'emparer d'un dépôt d'armes. Son action se poursuivra jusqu'à la chute de l'Empire et au-delà de la proclamation de la Troisième République : 4 septembre 1870.

Blanqui crée alors un club et un journal La patrie en danger, qui soutient la résistance de Gambetta mais cesse de paraître le 8 décembre faute de crédits.

La Commune (18 mars-28 mai 1871)

Masque mortuaire (Eau-forte de Félix Bracquemond)

Il fait partie du groupe insurrectionnel qui occupe l'Hôtel de ville quelques heures le 31 octobre 1870. Le 9 mars, il est condamné à mort par contumace. Adolphe Thiers, chef du gouvernement, conscient de l'influence de Blanqui sur le mouvement social parisien, le fait arrêter le 17 mars 1871 alors que, malade, il se repose chez un ami médecin à Bretenoux (Lot). Il est conduit à l'hôpital de Figeac, et de là à Cahors. Emmené à Morlaix, le 24 mai il est emprisonné au château du Taureau. Le 18 mars Thiers tente de s'emparer des canons sur la butte Montmartre, mais la population s'y oppose : ce sont ces événements qui aboutiront à la proclamation de la Commune de Paris dont Blanqui sera élu comme tête de liste dans de nombreux quartiers alors qu'il demeure détenu hors de Paris. Conscient de l’importance de ce prisonnier, Thiers refusera de le libérer en échange de 74 otages de la Commune, dont l’archevêque Mgr Darboy. Une majorité de « Communards » se reconnaissaient en Blanqui. Celui-ci aurait-il modifié le cours de l'histoire s'il avait été à Paris ? Karl Marx est convaincu que Blanqui était le chef qui a fait défaut à la Commune.

Ramené à Paris, il est jugé le 15 février 1872 et condamné avec d'autres communards à la déportation, peine commuée en détention perpétuelle eu égard à son état de santé. Il est interné à Clairvaux. En 1877, il est transféré au château d'If.

Le 20 avril 1879 il est élu député de Bordeaux mais son élection sera invalidée le 1er juin. Bénéficiant d’une amnistie générale, Blanqui est libéré le 11 et gracié.

Il parcourt alors la France et diffuse ses idées dans son journal « Ni Dieu ni maître ». Après avoir prononcé un discours au cours d'un meeting révolutionnaire à Paris, fin 1880, il meurt d’une crise d'apoplexie le 1er janvier 1881. Ses obsèques sont suivies par cent mille personnes. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Tombe de Louis Auguste Blanqui,cimetière du Père-Lachaise (91e division) à Paris (gisant œuvre d'Aimé-Jules Dalou).

Idéologie

En tant que socialiste, Blanqui est favorable à une juste répartition des richesses au sein de la société. Mais le blanquisme se singularise à plusieurs égards des autres courants socialistes de son temps. D'une part, contrairement à Karl Marx, Blanqui ne croit pas au rôle prépondérant de la classe ouvrière, ni aux mouvements des masses : il pense, au contraire, que la révolution doit être le fait d'un petit nombre de personnes, établissant par la force une dictature temporaire. Cette période de tyrannie transitoire doit permettre de jeter les bases d'un nouvel ordre, puis remettre le pouvoir au peuple. D'autre part, Blanqui se soucie davantage de la révolution que du devenir de la société après elle : si sa pensée se base sur des principes socialistes précis, elle ne va que rarement jusqu'à imaginer une société purement et réellement socialiste. Il diffère en cela des utopiques. Pour les blanquistes, le renversement de l'ordre bourgeois et la révolution sont des fins qui se suffisent à elles-mêmes, du moins dans un premier temps. Il fut l'un des socialistes non marxistes de son temps.

Bibliographie

Blanqui s'apparente au socialisme dit « métaphysique ». Dans son ouvrage L'Éternité par les astres (1872), élaboré il est vrai sur la fin de sa vie alors qu’il subit une fois de plus la prison, il expose que la combinaison d'atomes dont nous résultons se reproduit un nombre infini de fois (dans l'infinité de l'espace et du temps) de sorte que chacun de nous a une infinité de sosies. On peut lier ces théories à la relativité d'Einstein qui prouva qu'il existait une infinité d'espaces-temps parallèles, toutefois les derniers écrits de Blanqui sont minimes en comparaison de ce qu'il fut avant tout : un stratège de l’insurrection n’hésitant pas à payer de sa personne.

Dans son recueil de textes intitulé La critique sociale paru en 1886, Blanqui expose trois thèses :

  1. la société civile dépend entièrement du mécanisme des échanges
  2. l'histoire se développe tout entière autour du combat économique destiné à accroître la richesse
  3. la société humaine évolue vers le communisme et sa marche est accélérée par les abus du capitalisme

Principales publications

  • Défense du citoyen Louis-Auguste Blanqui devant la cour d’assises, 1832.
  • Instruction pour une prise d'arme, 1866
  • La Patrie en danger, 1871.
  • L'Éternité par les astres (1872). Texte en ligne : Gallica.
  • La critique sociale (1886).

Document : “ Qui fait la soupe doit la manger ” (Blanqui, 1834)

La richesse naît de l'intelligence et du travail, l'âme et la vie de l'humanité. Mais ces deux forces ne peuvent agir qu'à l'aide d'un élément passif, le sol, qu'elles mettent en œuvre par leurs efforts combinés. Il semble donc que cet instrument indispensable devrait appartenir à tous les hommes. Il n'en est rien.

De la propriété du sol à l’esclavage

« Des individus se sont emparés par ruse ou par violence de la terre commune, et, s'en déclarant les possesseurs, ils ont établi par des lois qu'elle serait à jamais leur propriété, et que ce droit de propriété deviendrait la base de la constitution sociale, c'est-à-dire qu'il primerait et au besoin pourrait absorber tous les droits humains, même celui de vivre, s'il avait le malheur de se trouver en conflit avec le privilège du petit nombre.

Ce droit de propriété s'est étendu, par déduction logique, du sol à d'autres instruments, produits accumulés du travail, désignés par le nom générique de capitaux. Or, comme les capitaux, stériles d'eux-mêmes, ne fructifient que par la main-d’œuvre, et que, d'un autre côté, ils sont nécessairement la matière première ouvrée par les forces sociales, la majorité, exclue de leur possession, se trouve condamnée aux travaux forcés, au profit de la minorité possédante. Les instruments ni les fruits du travail n'appartiennent pas aux travailleurs, mais aux oisifs. Les branches gourmandes absorbent la sève de l'arbre, au détriment des rameaux fertiles. Les frelons dévorent le miel créé par les abeilles.

Tel est notre ordre social, fondé par la conquête, qui a divisé les populations en vainqueurs et en vaincus. La conséquence logique d'une telle organisation, c'est l'esclavage. Il ne s'est pas fait attendre. En effet, le sol ne tirant sa valeur que de la culture, les privilégiés ont conclu, du droit de posséder le sol, celui de posséder aussi le bétail humain qui le féconde. Ils l'ont considéré d'abord comme le complément de leur domaine, puis, en dernière analyse, comme une propriété personnelle, indépendante du sol.

Évolution de l’esclavage

Cependant le principe d'égalité, gravé au fond du cœur, et qui conspire, avec les siècles, à détruire, sous toutes ses formes, l'exploitation de l'homme par l'homme, porta le premier coup au droit sacrilège de propriété, en brisant l'esclavage domestique. Le privilège dut se réduire à posséder les hommes, non plus à titre de meuble, mais d'immeuble annexe et inséparable de l'immeuble territorial.

Au seizième siècle, une recrudescence meurtrière de l'oppression amène l'esclavage des noirs, et aujourd'hui encore les habitants d'une terre réputée française possèdent des hommes au même titre que des habits et des chevaux. Il y a du reste moins de différence qu'il ne paraît d'abord entre l'état social des colonies et le nôtre. Ce n'est pas après dix-huit siècles de guerre entre le privilège et égalité que le pays, théâtre et champion principal de cette lutte, pourrait supporter l'esclavage dans sa nudité brutale. Mais le fait existe sans le nom, et le droit de propriété, pour être plus hypocrite à Paris qu'à la Martinique, n'y est ni moins intraitable, ni moins oppresseur.

La servitude, en effet, ne consiste pas seulement à être la chose de l'homme ou le serf de la glèbe. Celui-là n'est pas libre qui, privé des instruments de travail, demeure à la merci des privilégiés qui en sont détenteurs. C'est cet état qui alimente la révolte. Pour conjurer le péril, on essaie de réconcilier Caïn avec Abel. De la nécessité du capital comme instrument de travail, on s'évertue à conclure la communauté d'intérêts, et par la suite la solidarité entre le capitaliste et le travailleur. Que de phrases artistement brodées sur ce canevas fraternel ! La brebis n'est tondue que pour le bien de sa santé. Elle redoit des remerciements. Nos Esculapes savent dorer la pilule.

Un duel à mort

Ces homélies trouvent encore des dupes, mais peu. Chaque jour fait plus vive la lumière sur cette prétendue association du parasite et de sa victime. Les faits ont leur éloquence; ils prouvent le duel, le duel à mort entre le revenu et le salaire. Qui succombera ? Question de justice et de bon sens. Examinons.

Point de société sans travail ! partant point d'oisifs qui n'aient besoin des travailleurs. Mais quel besoin les travailleurs ont-ils des oisifs ? Le capital n'est-il productif entre leurs mains, qu'à la condition de ne pas leur appartenir ? Je suppose que le prolétariat, désertant en masse, aille porter ses pénates et ses labeurs dans quelque lointain parage. Mourrait-il par hasard de l'absence de ses maîtres ? La société nouvelle ne pourrait-elle se constituer qu'en créant des seigneurs du sol et du capital, en livrant à une caste d'oisifs la possession de tous les instruments de travail ? N'y a-t-il de mécanisme social possible que cette division de propriétaires et de salariés ?

En revanche, combien serait curieuse à voir la mine de nos fiers suzerains, abandonnés par leurs esclaves ! Que faire de leurs palais, de leurs ateliers, de leurs champs déserts ? Mourir de faim au milieu de ces richesses, ou mettre habit bas, prendre la pioche et suer humblement à leur tour sur quelque lopin de terre. Combien en cultiveraient-ils à eux tous ? J'imagine que ces messieurs seraient au large dans une sous-préfecture.

Mais un peuple de trente-deux millions d'âmes ne se retire plus sur le Mont Aventin. Prenons donc l'hypothèse inverse, plus réalisable. Un beau matin, les oisifs, nouveaux Bias, évacuent le sol de France, qui reste aux mains laborieuses. Jour de bonheur et de triomphe ! Quel immense soulagement pour tant de millions de poitrines, débarrassées du poids qui les écrase ! Comme cette multitude respire à plein poumon ! Citoyens, entonnez en chœur le cantique de la délivrance !

Axiome : la nation s'appauvrit de la perte d'un travailleur ; elle s'enrichit de celle d'un oisif. La mort d'un riche est un bienfait.

La lutte finale

Oui ! Le droit de propriété décline. Les esprits généreux prophétisent et appellent sa chute. Le principe essénien de Réalité le mine lentement depuis dix-huit siècles par l'abolition successive des servitudes qui formaient les assises de sa puissance. Il disparaîtra un jour avec les derniers privilèges qui lui servent de refuge et de réduit. Le présent et le passé nous garantissent ce dénouement. Car l'humanité n'est jamais stationnaire. Elle avance ou recule. Sa marche progressive la conduit à l'égalité. Sa marche rétrograde remonte, par tous les degrés du privilège, jusqu'à l'esclavage personnel, dernier mot du droit de la propriété. Avant d'en retourner là, certes, la civilisation européenne aurait péri. Mais par quel cataclysme ? Une invasion russe ? C'est le Nord, au contraire, qui sera lui-même envahi par le principe d'égalité que les Français mènent à la conquête des nations. L'avenir n'est pas douteux.

Disons tout de suite que l'égalité n'est pas le partage agraire. Le morcellement infini du sol ne changerait rien, dans le fond, au droit de propriété. La richesse provenant de la possession des instruments de travail plutôt que du travail lui-même, le génie de l'exploitation, resté debout, saurait bientôt, par la reconstruction des grandes fortunes, restaurer l'inégalité sociale.

L'association, substituée à la propriété individuelle, fondera seule le règne de la justice par l'égalité. De là cette ardeur croissante des hommes d'avenir à dégager et mettre en lumière les éléments de l'association. Peut-être apporterons-nous aussi notre contingent à l’œuvre commune. »

Auguste Blanqui, 1834 cité par V.P. Volguine dans Auguste Blanqui, textes choisis (Éditions sociales)

Document : Le toast de Londres (Blanqui, 1851)

Quel écueil menace la révolution de demain ?

L'écueil où s'est brisée celle d'hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns. Ledru-Rollin, Louis Blanc, Crémieux[2], Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l'Eure, Flocon, Albert, Arago, Marrast ! Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en caractères sanglants sur tous les pavés de l'Europe démocratique. C'est le gouvernement provisoire qui a tué la Révolution. C'est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous les désastres, le sang de tant de milliers de victimes.

La réaction n'a fait que son métier en égorgeant la démocratie. Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui l'ont livré à la réaction. Misérable gouvernement ! Malgré les cris et les prières, il lance l'impôt des 45 centimes qui soulève les campagnes désespérées, il maintient les états-majors royalistes, la magistrature royaliste, les lois royalistes. Trahison !

Il court sus aux ouvriers de Paris ; le 15 avril, il emprisonne ceux de Limoges, il mitraille ceux de Rouen le 27 ; il déchaîne tous leurs bourreaux, il berne et traque tous les sincères républicains. Trahison ! Trahison !

A lui seul, le fardeau terrible de toutes les calamités qui ont presque anéanti la Révolution. Oh ! Ce sont là de grands coupables et entre tous les plus coupables, ceux en qui le peuple trompé par des phrases de tribun voyait son épée et son bouclier; ceux qu'il proclamait avec enthousiasme, arbitres de son avenir. Malheur à nous, si, au jour du prochain triomphe populaire, l'indulgence oublieuse des masses laissait monter au pouvoir un de ces hommes qui ont forfait à leur mandat ! Une seconde fois, c'en serait fait de la Révolution. Que les travailleurs aient sans cesse devant les yeux cette liste de noms maudits ! Et si un seul apparaissait jamais dans un gouvernement sorti de l'insurrection, qu'ils crient tous, d'une voix : trahison !

Discours, sermons, programmes ne seraient encore que piperies et mensonges ; les mêmes jongleurs ne reviendraient que pour exécuter le même tour, avec la même gibecière ; ils formeraient le premier anneau d'une chaîne nouvelle de réaction plus furieuse ! Sur eux, anathème, s'ils osaient jamais reparaître !

Honte et pitié sur la foule imbécile qui retomberait encore dans leurs filets !

Ce n'est pas assez que les escamoteurs de février soient à jamais repoussés de l'Hôtel de Ville, il faut se prémunir contre de nouveaux traîtres. Traîtres seraient les gouvernements qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne feraient pas opérer à l'instant même :

1° - Le désarmement des gardes bourgeoises.

2° - L'armement et l'organisation en milice nationale de tous les ouvriers.

Sans doute, il est bien d'autres mesures indispensables, mais elles sortiraient naturellement de ce premier acte qui est la garantie préalable, l'unique gage de sécurité pour le peuple. Il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie. Hors de là, point de salut.

Les doctrines diverses qui se disputent aujourd'hui les sympathies des masses, pourront un jour réaliser leurs promesses d'amélioration et de bien-être, mais à la condition de ne pas abandonner la proie pour l'ombre. Les armes et l'organisation, voilà l'élément décisif de progrès, le moyen sérieux d'en finir avec la misère.

Qui a du fer, a du pain.

On se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c'est l'avènement du socialisme. En présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra.

Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d'arbres de la liberté, par des phrases sonores d'avocat, il y aura de l'eau bénite d'abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours.

Que le peuple choisisse !

Pour en savoir plus

  1. J-C Caron, Générations romantiques. Les étudiants de Paris et le Quartier latin. (1814-1851)., A. Colin, 1991, p.278. (ISBN 2-200-37241-8)
  2. Adolphe Crémieux, à ne pas confondre avec le Blanquiste Gaston Crémieux

Noms de rues

De nombreuses communes, souvent à tradition ouvrière, ont honoré Auguste Blanqui d'un nom de rue. Il existe en particulier un boulevard Auguste-Blanqui dans le 13e arrondissement de Paris ; il y a des rues Auguste Blanqui à Brest, Marseille, Rennes, etc.

Il existe une rue à Quaregnon en Belgique qui porte ce nom (Rue Louis Blanqui).

Sur Auguste Blanqui

  • Auguste Blanqui : Maintenant, il faut des armes, Textes choisis et présentés par Dominique Le Nuz, Éditions La Fabrique, 432p, 2007.
  • Gustave Geffroy : L'Enfermé (Biographie), 1897.
  • Dictionnaire de biographie française, Librairie Letouzey et Ané, 1954.
  • V.P. Volguine : Blanqui, textes choisis (Éditions sociales, 1957)
  • Maurice Dommanget : Les idées politiques et sociales d’Auguste Blanqui, 1957.
  • Maurice Dommanget : Auguste Blanqui, Des origines à la Révolution de 1848 (Premiers combats et premières prisons), Mouton, Paris, 1969.
  • Maurice Paz : Un révolutionnaire professionnel, Auguste Blanqui, Paris, Fayard, 1984.

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Liens externes

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