Bois rameal fragmente

Bois rameal fragmente

Bois raméal fragmenté

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Le bois raméal fragmenté, ou encore bois raméaux fragmentés (BRF) est le nom donné à un mélange de résidus de broyage (fragmentation) de rameaux de bois (branches).

Par extension, le terme BRF désigne aussi une technique culturale agricole innovante imaginée au Canada qui, par l'introduction du broyat dans la couche supérieure du sol ou en paillis, cherche à recréer un sol de type "forestier". Le BRF favorise en effet la pédogénèse nécessaire à la création de l'humus. Son utilisation est parfois considérée comme essentielle dans une agriculture de type "biologique".

Avec le BRF, on cherche à réinstaller l'activité biologique mise à mal par le travail du sol (labour) qui détruit le lieu de vie des "habitants" du sol (pédofaune) en le bouleversant et le mettant à nu. On incorpore pour cela le BRF en surface (0 à 4 cm) puis les vers de terre se nourrissent de la cellulose pendant que les champignons dégradent la lignine.

En France, Jean Pain a mis au point depuis la fin des années 60, une technique de compost de broussailles qui utilise également la fragmentation de rameaux, avec comme dérivés utilisables la production d'eau chaude et de méthane[1].

Sommaire

Types de bois utilisables

Le bois caulinaire n'est pas utilisable en BRF (généralement utilisé en bois énergie). Son rapport C/N très élevé (600) nécessite une très grande quantité d'azote lors de la dégradation. Seul l'aubier et les rameaux jeunes (diamètre < 7 cm) provenant d'un mélange d'arbres nobles (bois durs à forte teneur en tannins tels que le chêne, le châtaignier, l'érable, le hêtre, l'acacia) sont utilisables en BRF. En effet, les tannins se trouvent principalement dans le duramen.

Les résineux sont eux à éviter (10 à 20% sont toutefois tolérés en mélange). Ils sont moins acceptables pour les BRF que les feuillus compte tenu de leur lignine spécifique. De plus, la résine n'a pas de caractère aggradant car elle est constituée de dérivés de diterpènes (partie colophane) et de monoterpènes (partie térébenthine). Il faut noter que seuls les genres Pinus, Picea, Larix et Pseudotsuga ont des canaux résinifères. Les thuyas sont eux caractérisés par des constituants du duramen toxiques pour les microorganismes, dérivés de tropolones (thujaplicines) à caractère phénolique, et sont donc à proscrire dans le BRF.

Composition du bois raméal

Les branches (ou les très jeunes arbres) qui composent le BRF représentent la partie la plus riche de l’arbre. On y retrouve 75% des minéraux, des acides aminés, des protéines et des catalyseurs.

Ce bois raméal contient des celluloses, hémicelluloses et lignines, de très nombreuses protéines, tous les acides aminés, presque tous les types de sucres et amidons, en plus de polysaccharides intermédiaires. Il faut ajouter un nombre incalculable de systèmes enzymatiques, d'hormones, mais surtout de polyphénols, huiles essentielles, terpènes, tanins et autres..., associés à divers degrés à tous les nutriments nécessaires à la synthèse et à la régulation de la vie.

Parmi tous ces produits, un très grand nombre sont extrêmement fragiles comme les enzymes, les acides aminés, et plusieurs types de protéines. D'autres produits seront des sources énergétiques immédiates comme les sucres, suivis des celluloses et des hémicelluloses. Reste la lignine, molécule tridimensionnelle, l'une des plus compliquées que la nature a édifié qui sera une source d'énergie importante, mais d'accès difficile, puisque cette énergie est contenue dans des cycles aromatiques que peu d'êtres vivants sont aptes à dégrader pour en tirer bénéfice. Parmi ceux-là, on compte des protozoaires et des bactéries, mais les plus importants sont des champignons du groupe des basidiomycètes [2].

Rôle

Le BRF permet de régénérer le sol et de constituer des réseaux trophiques grâce au rôle prépondérant de la jeune lignine (présente sous forme d'oligomères ou de monomères) et à l'action fondamentale des basidiomycètes dans la dépolymérisation de la lignine conduisant à la production de glomalines favorables à la pédogenèse avec une influence majeure sur la conservation et la distribution de l'eau biologiquement active par symbiose entre les hyphes mycéliens et les racines.

Ajouter du BRF permet de reconstruire durablement un écosystème au niveau du sol.

Cette technique est utilisable par toutes les formes de culture, potagers privés, maraîchage, agriculture, nouvelles plantations et établissements de haies, sylviculture, arboriculture...

Processus

La dépolymérisation de la lignine produit des polyphénols qui sont des antioxydants. Cela empêche le lessivage de l'azote en automne et favorise sa réorganisation dans la fabrication de l'humus.

Le processus de décomposition d'éléments végétaux fait appel à l'activité microbienne et cryptogamique (champignons) du sol. C'est une lente mais inexorable transformation. Les filaments de mycélium produisent des glomalines qui sont des "colles" humiques d'où les phénomènes d'aggradation. Il y a cumul entre les réseaux mycéliens et la production de glomalines. Cela produit des sols structurés et enrichis en humus stable.

La présence de lignine jeune va favoriser le développement rapide des champignons (basidiomycètes) qui dégradent le bois. Associé à une présence élevée de carbone (c/n du BRF = 50), l'azote présent dans les rameaux est rapidement consommé. La prolifération des champignons va entrainer une réorganisation de l'azote vers l'humification.

Avec le BRF la question de l'énergie est d'importance. En effet, le BRF fournit de l'énergie chimique, du combustible à la vie du sol en quelque sorte, et ce grâce à la lignine, noyau d'hémicellulose, de cellulose et de sucres. La lignine est très longue à être digérée : seuls certains organismes sont capables de cet exploit. Ce sont pour l'essentiel des pourritures blanches en raison de leur aspect (champignons que vous avez certainement observé en déplaçant un vieux tas de bois). La digestion de la lignine par le sol produit une quantité importante d'énergie. Ce "carburant" accessible aux champignons qui le réintègre via la chaîne trophique du sol, leur donne un pouvoir structurant : ils sécrètent des antibiotiques limitant certaines bactéries ; leur action rend la cellulose du B.R.F. accessible aux micro-organismes ; ils alimentent une chaîne, des micro-arthropodes vivant du mycélium, leurs déjections servant de nourriture à d'autres organismes, etc...

Faim d'azote

Les apports de BRF "vampirisent" l'azote disponible (entre autres) car les champignons notamment en ont besoin pour s'installer. Cet azote est prélevé dans les réserves du sol provoquant une pénurie temporaire de cet élément. La dégradation de la lignine par les champignons produit des polyphénols qui sont des antioxydants. Les nitrates sont une forme oxydée de l'azote (NO3). Comme il y a beaucoup moins de nitrates, un apport de fertilisant peut s'avérer utile.

Les cultures en place ou celles à venir risquent de manquer d'azote" (plus ou moins importante selon la nature du sol). Ce déficit en azote est défavorable aux cultures pendant les deux à six premiers mois. Pour compenser ce manque, on peut installer la première année avant l'épandage du BRF, un engrais vert de la famille des légumineuses, trèfle ou luzerne par exemple. On pourrait également être tenté d'épandre simultanément au BRF une fumure (type lisier) riche en azote pour compenser la faim d'azote mais ce serait une erreur car, selon Gilles Lemieux, "l'application de BRF se fait sans apport d'azote ni d'utilisation d'insecticides ou d'herbicides. Un apport d'azote peut mettre en danger la durabilité du sol en accélérant indûment la dégradation des polyphénols hydrolysables et des celluloses. Cela peut aussi modifier la structure des agrégats, leurs propriétés physico-chimiques et plus important encore, compromettre la minéralisation de l'azote." En effet, selon JC Tissaux[3], "les champignons peuvent utiliser l'azote sous forme d'ammonium et d'acides aminés mais très rares sont ceux qui l'utilisent sous forme de nitrates[4]. La quantité optimale d'azote pour la croissance de plusieurs basidiomycètes en milieu synthétique a été évalué à 0,07-0,11% en poids pour 11-12% de carbone sous forme de glucose. Cela donne un rapport C/N de 100-170[5].

Les épandages de BRF réalisés en automne sont mieux intégrés du fait de la pluie ou de la neige. A ce moment là, il y a assez de nitrates dans le sol et les plantes en utilisent peu. On peut sans risque apporter le BRF qui en plus fera office de pompe à nitrate. Les épandages après le mois de janvier sont à proscrire car il s'installe alors une forte concurrence vis à vis de l'azote. Cette concurrence est d'autant plus forte que l'apport de BRF est élevé.

En pratique

Pré-requis

L'utilisation de BRF n'est possible que sur sol vivant, c'est à dire un sol où l'on cultive et protège la vie biologique qu'il héberge. Les outils de travail du sol sont les premiers destructeurs du sol vivant. Il faut 5 ans pour restaurer la vie d'un sol mort.

La première cause de la mort des sols est la compaction. Dans un sol compacté, rien ne pousse et le sol est dur comme du béton. L'apport de BRF n'est pas une solution dans ces cas là.

Pour "ressusciter" les sols morts, une solution consiste à semer des engrais verts et à pratiquer le paillage de façon à laisser un maximum de résidus frais de plantes en surface.

Les premiers apports de BRF se font toujours en petites quantités, à l'automne. Un sol mort ne peut digérer la lignine. L'aggradation est un processus assez lent. Il faut 3 à 4 ans pour mesurer une différence de porosité dans les sols. Plus les sols sont lourds et hydromorphes, plus il faut travailler avec des plantes à racines pivots qui constituent d'excellentes alliées pour drainer rapidement les sols. La restructuration par les adventices est souvent spectaculaire. Un rumex et un chardon récupèrent les sols rapidement (3 ans). Il y a cependant un compromis à trouver entre adventices et cultures.

Une fois le sol revenu à la vie, le seul travail possible est un binage sur 2 cm sans oublier, en toute circonstances, d'alimenter le sol vivant en réalisant des paillages et des apports organiques.

Production

Plus le diamètre de la branche est petit, meilleur sera l'effet sur le sol (tout diamètre supérieur à 7 cm est à proscrire). L'idéal est que ces rameaux ou branchages soient broyés pendant la période dormante donc sans leurs feuilles, en fin d'automne. On privilégie le bois jeune car il contient de la lignine en formation, plus attaquable par les champignons et les bactéries que la lignine adulte présente dans le tronc des arbres. Ces branches contiennent une matière azotée indispensable au développement de ces bactéries et champignons.

On préconise de ne pas mettre trop de feuilles dans le BRF car incorporer du feuillage en grande quantité favorise les bactéries au détriment des champignons et on se rapproche alors d'un processus de compostage classique.

Les branchages peuvent provenir de la taille et de l'élagage des arbres d'ornement, de la taille des arbres fruitiers et des haies (attention aux résineux dont la part ne doit pas exécéder 10 à 15%). On fragmente ce bois dans un broyeur afin de faciliter l'attaque de la lignine par les bactéries et les champignons. En effet, l'écorce de ces petites branches est protégée des insectes et des bactéries par une couche de cutine. La lacération met le bois à nu et le rend donc immédiatement attaquable par bactéries et champignons.

On évitera d'utiliser les branches mortes sèches qui risquent de pomper l'eau du sol plutôt que de maintenir ce dernier humide. De plus, les branches mortes sont appauvries en nutriments. Il ne vaut donc mieux pas les utiliser ou alors en très petites proportions et de préférence en mélange au reste du broyat.

En terme purement économique pour les sylviculteurs, la production de BRF peut être concurrencée par celle de bois énergie[6]. Il faut également se méfier de l'exportation intempestive des rameaux des forêts. Le prélèvement appauvrit le milieu et ne permet pas à l'écosystème de se régénérer correctement.

Utilisation

  1. Épandre une fois par an entre 150 à 200 mètres cubes de BRF frais par hectare sur une couche d'environ 1 à 2 cm. Le BRF de résineux est à éviter; il convient de ne pas en incorporer plus de 20%.
  2. Incorporer par griffage au sol, sur 5 à 10 cm (suivant la nature du sol), le processus devant rester aérobie. Au delà de 15cm de profondeur le processus de décomposition attendu ne fonctionnera pas.
  3. Si la première application de BRF est effectuée en fin d'hiver ou au printemps, effectuer un apport d'azote la première année seulement (compost ou fumier)
  4. Semer et ne plus perturber le sol.
  5. Si les sols sont humides et gorgés d'eau, retarder ou anticiper les incorporations et préférer des apports réguliers (1 fois l'an) en faible quantité : 20 t/ha maxi soit entre 40 et 50 m3.
  6. Les apports de fin d'été jusqu'au début de l'hiver sont les plus favorables. Ils peuvent se réaliser dans des cultures intermédiaires en place (épandage en petite dose en surface dans un couvert végétal ou culture principale)
  7. Pour accélérer le processus, on peut enclencher la chaîne trophique en "inoculant" les BRF avec des basidiomycètes en ajoutant de la litière forestière[7].

Voir aussi

Notes et références

  1. [1] Article de Jean Pain extrait de Encyclopédie d'Agriculture Biologique, publiée vers 1975 par les éditions Debard sous la direction d'Henri Messerchmit. Cité dans On Peut Le Faire, fiche technique.
  2. Lemieux, G. Département des sciences du bois et de la forêt Université Laval, Québec - Cet univers caché qui nous nourrit: le sol vivant.
  3. Tissaux, J.C. (1996) «Une revue bibliographique des principaux mécanismes pédogénétiques pour caractériser le rôle du bois raméal fragmenté (BRF) dans le processus d'humification». 34 pages, Université Laval, ISBN 2-921728-18-4
  4. Kirk et Fenn, [1982]; Rayner et Boddy, [1988]
  5. Cowling et Merrill, [1966]
  6. Forum BRF
  7. Larochelle, 1994, L'impact du BRF sur la dynamique de la mésofaune du sol

J.F. Barral & H. Sagnier, 1888. Dictionnaire d'Agriculture- Enyclopédie agricole complète"

Livres

  • "BRF vous connaissez ?" par Jacky Dupety avec Bernard Bertrand, 128p.2007 Éditions de Terran Web
  • "De l'arbre au sol, les BRF" par Eléa Asselineau et Gilles Domenech, 192p.2007 Éditions du Rouergue http://brfdelarbreausol.blogspot.com/

Liens externes

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