Calculateur quantique

Calculateur quantique
La Sphère de Bloch est une représentation d’un qubit

Un calculateur quantique ou ordinateur[1] quantique, repose sur des propriétés quantiques de la matière : superposition et intrication d'états quantiques. De petits calculateurs quantiques ont déjà été construits dès les années 1990 et des progrès sont en cours. Ce domaine en essor est soutenu financièrement par plusieurs organisations, entreprises ou gouvernements, du fait de l'importance de l'enjeu : au moins un algorithme conçu pour utiliser un circuit quantique, l'algorithme de Shor, rendrait possible de nombreux calculs combinatoires[2] hors de portée d'un ordinateur classique en l'état actuel des connaissances. La possibilité de casser les méthodes cryptographiques classiques est souvent mise en avant. La difficulté actuelle majeure (depuis 2008) concerne la réalisation physique de l'élément de base de l'ordinateur quantique : le qubit. Le phénomène de décohérence, c’est-à-dire de perte des effets quantiques en passant à l'échelle macroscopique, est le principal frein au développement de l’ordinateur quantique.

Sommaire

Intérêt des calculateurs quantiques

Selon l'empirique loi de Moore, la taille des transistors approchera celle de l'atome à l'horizon 2020. A cette échelle, les effets quantiques perturbent le fonctionnement des composants électroniques[3]. Si de grands (plus de 300 qubits) calculateurs quantiques pouvaient être construits — ce qui n'est pas assuré — ils seraient capables d'après David Deutsch[4] de simuler le comportement de l’univers lui-même. Ils pourraient également résoudre des problèmes de cryptanalyse en un temps polynomial et non exponentiel comme un ordinateur classique. Les ordinateurs quantiques font appel à des techniques de calcul totalement différentes de celles habituellement connues. Ils se basent sur des propriétés quantiques de la matière. De nombreux systèmes (transistors des ordinateurs classiques, afficheurs LCD, imprimantes à laser…) exploitent certes des effets quantiques dans leur fonctionnement, mais représentent l’information sous forme de bits classiques. Un calculateur quantique utilise au contraire des qubits (bits quantiques) contenant plusieurs informations intriquées. Un algorithme dû à Peter Shor permet d’utiliser un calculateur quantique pour « casser » le code RSA. Cette découverte a stimulé la recherche sur le sujet.

Des moyens de chiffrement quantique existent également dans le commerce. Ils ne demandent pas de calculateur quantique, mais demandent une mise en place plus complexe qu’un cryptage standard.

Que des calculateurs quantiques de taille intéressante soient possibles ou non à terme, leur premier avenir commercial ne sera probablement pas dans le grand public : le calcul quantique exige peu d’entrées et peu de sorties. Il ne se prête donc a priori qu'aux calculs dont la complexité réside dans la combinatoire. On trouve ces problèmes dans l’ordonnancement et autres calculs de recherche opérationnelle, en bio-informatique, et bien entendu en cryptographie.

Confidentialité des requêtes

Si l'Internet quantique peut être mis en place dans l’avenir, les requêtes des utilisateurs seront totalement confidentielles[5]. Comme un qubit peut avoir deux états en même temps, on ne peut pas réaliser une copie exacte de ce qubit, cette règle est connue sous le nom de théorème de non-clonage[5]. Lorsqu’un serveur essaye de faire une copie d’une requête quantique, il la changera forcément[5]. Alors celui qui a envoyé la requête pourra détecter si sa requête a subi une perturbation ou non[5].

Algorithmes utilisant des circuits quantiques

Comme vu plus haut, c’est la combinatoire qui constitue le champ de travail privilégié des futures cartes de calcul quantique, si elles existent un jour.

Ainsi il peut être très difficile de trouver tous les facteurs premiers d’un grand nombre (par exemple de 1000 chiffres). Ce problème de factorisation est difficile pour un ordinateur ordinaire à cause de l’explosion combinatoire. Un circuit de calcul quantique pourrait résoudre ce problème en un temps polynomial, c’est-à-dire que pour l’ordinateur quantique, la difficulté augmenterait polynomialement au lieu d’augmenter exponentiellement.

Une analogie possible est de se représenter un calculateur quantique comme un processeur SIMD (carte graphique, par exemple) dont le nombre de pipelines serait 2N fois le nombre N de qubits. L’analogie s’arrête là, un calculateur quantique ne pouvant fournir qu’un bit de résultat à la fois (l’état quantique étant détruit par l’observation), après quoi le calcul doit être recommencé pour demander le suivant.

Cette capacité permettrait à un ordinateur quantique de casser une bonne partie des systèmes cryptographiques actuellement utilisés, en particulier la plupart des méthodes de chiffrement asymétriques : RSA, ElGamal ou Diffie-Hellman. Ces algorithmes sont utilisés pour protéger des pages Web, des messages électroniques, et beaucoup d’autres types de données. Parvenir à passer ces protections serait un avantage majeur pour l’organisation ou le pays qui y parviendrait, et une réédition de l’exploit réalisé pour Enigma.

La seule façon de rendre sûr un algorithme tel que RSA est d’augmenter la taille de la clé en fonction de l'évolution des technologies qui permettent de casser des clés toujours de plus en plus longues, ralentissant en même temps le codage des messages sur les réseaux utilisateurs. Cette clé doit être plus grande que le plus grand des circuits de calcul quantique existants. Or la taille des moyens de calcul dont dispose par exemple la National Security Agency ne sera évidemment jamais rendue publique. La conséquence en est que les pays ou organismes voulant se protéger verront augmenter de plusieurs ordres de grandeur le coût et le délai de leurs communications, sans même jamais savoir si cela sert à quelque chose. Si le RSA peut donc être rendu sûr, c'est donc au prix d’une lourde réorganisation des communications, de leur coût, et de leur commodité.

Des circuits quantiques sont déjà utilisés pour des simulations de mécanique quantique. C’est la raison pour laquelle Richard Feynman les avait imaginés au départ. Ils sont également très utiles, car les calculs quantiques deviennent complexes dès qu’on sort de quelques cas triviaux.

Un autre algorithme, bien que de gain moins spectaculaire, a été découvert par la suite : la recherche quantique rapide dans une base de données (en anglais : quantum database search) par l’algorithme de Grover[6]. Au lieu de parcourir tous les éléments d’une liste pour trouver celui qui répond le mieux à un critère (par exemple : recherche d’une personne dans l’annuaire pour trouver son numéro de téléphone), cet algorithme utilise des propriétés de superposition pour que la recherche se fasse de façon globale. Les résultats devraient être en O(\sqrt{N}), N étant le nombre de fiches (et O représentant la comparaison asymptotique), soit mieux qu’une base de données classique bien optimisée, sous réserve de disposer d’un registre quantique de taille suffisante pour les calculs.

Des circuits de calcul quantique apportent donc un plus aux ordinateurs classiques dans quatre types d’applications :

Historique

Dans les années 1970 et 80, les premiers ordinateurs quantiques naissent par retournement dans l’esprit de physiciens tels que Richard Feynman, Paul Benioff, David Deutsch ou Charles H. Bennett. L’idée de Feynman était : « Au lieu de nous plaindre que la simulation des phénomènes quantiques demande des puissances énormes à nos ordinateurs actuels, utilisons la puissance de calcul des phénomènes quantiques pour faire plus puissant que nos ordinateurs actuels ».

Longtemps les physiciens ont douté que les calculateurs quantiques utilisables puissent exister, et même qu’on puisse en faire quelque chose de viable s’ils existaient. Mais :

  • en 1994, Peter Shor, chercheur chez AT&T, montre qu’il est possible de factoriser des grands nombres dans un temps raisonnable à l’aide d’un calculateur quantique. Cette découverte débloque brusquement des crédits ;
  • en 1996, Lov Grover[7], invente un algorithme utilisant un circuit (théorique) de calcul quantique qui permet de trouver une entrée dans une base de données non triée en O(\sqrt{N}) (voir : complexité algorithmique) ;
  • en 1998, IBM est le premier à présenter un calculateur quantique de 2 qubits ;
  • en 1999, l’équipe d’IBM utilise l’algorithme de Grover sur un calculateur de 3 qubits et battent leur record l’année suivante avec un calculateur de 5 qubits ;
  • le 19 décembre 2001, IBM crée un calculateur quantique de 7 qubits et factorise le nombre 15[8] grâce à l’algorithme de Shor. Ces calculateurs à 7 qubits sont bâtis autour de molécules de chloroforme et leur durée de vie utile ne dépasse pas quelques minutes. On parle par dérision de wetware.
  • en 2006, Seth Lloyd, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), pionnier du calcul quantique et auteur du livre Hacking the universe, mentionne dans le numéro d’août 2006 de la revue Technology Review (page 24) l’existence de calculateurs quantiques à 12 qubits.

L’institut de traitement de l’information quantique de l’université d’Ulm en Allemagne présente en avril 2006 la première micropuce européenne linéaire tridimensionnelle qui piège plusieurs atomes ionisés Ca+ de manière isolée.

La controverse D-Wave

La société D-Wave a annoncé officiellement le 13 février 2007[11] avoir réalisé un ordinateur quantique à base solide de 16 qubits[12]. Ce calculateur serait cependant limité à certaines opérations quantiques d'optimisation, comme celui du "voyageur de commerce"[13]. Aucun prototype n’a été dûment testé par des spécialistes reconnus des ordinateurs quantiques, pour des raisons alléguées de secret industriel (le prototype n’était pas présent durant la conférence). Ces machines utiliseraient une puce nommée Europa qui fonctionne uniquement en milieu cryogénique. Reflétant le sentiment d’une partie de la communauté scientifique, Scientific American reste réservé[14]. Les problèmes combinatoires résolus (sudoku) le sont moins vite qu’avec un simple ordinateur. Il n’y a là rien de surprenant au vu des caractéristiques de l’appareil, mais par conséquent on ne peut exclure totalement une opération du type Turc mécanique ayant simplement pour objectif de lever des fonds, d’autant que D-Wave promettait un ordinateur quantique à 32 qubits pour la fin de l’année 2007, et un ordinateur à 512 puis à 1024 qubits d’ici l’année suivante[15].

En décembre 2007 et d’après le site même du constructeur, les seules nouvelles concernant D-wave depuis février auront été sa participation à une conférence sur le calcul massif[16] et la démonstration alléguée d’une machine à 28 qubits[17] en novembre, commentée en détail par Tom's Hardware[18] en juillet 2008. La compagnie affirme alors maintenir ses objectifs de 512 qubits au second trimestre 2008 et 1024 qubits fin 2008, et assuré que la commercialisation des calculateurs quantiques était bien "une question d'années et non de décennies"; elle a mentionné aussi son intention de rendre son calculateur et les capacités de corrélation très rapides de celui-ci accessibles à des chercheurs via l’Internet (Tom’s Hardware). Début décembre 2008, le site de la compagnie n’avait plus donné d’autres nouvelles depuis la fin de sa levée de fonds.

Le 14 avril 2009, elle annonce en fin de compte une puce de 128 qubits[19]. En décembre 2009, un accord annoncé entre cette société et Google la remet sous les feux de l'actualité[20]. En octobre 2010, elle présente dans le cadre des Google Techtalks le principe d'un classifieur quantique à grande échelle effectuant son apprentissage par une méthode de recuit[21]

En mai 2011, D-Wave vend à la société américaine de l’armement Lockheed Martin, pour 10 millions de dollars, un calculateur annoncé de 128 qubits, sur la nature quantique duquel planent cependant des doutes[22].

Les "qubits solides" de Saclay et de Yale

  • En 2001, le CEA a mis au point une puce en silicium utilisant trois nanojonctions Josephson appelée le quantronium : deux jonctions servent de qubit, la troisième sert d'instrument de mesure. Pour les qubits, ces circuits électroniques contiennent des états de spin dans des boites quantiques semi-conductrices. A long terme, ces systèmes "solides" offrent des perspectives intéressantes d'intégration à grande échelle[23].
  • Le 28 juin 2009, la revue Nature rend compte de la réalisation par une équipe de l’université Yale d’un circuit de calcul quantique solide pouvant être utilisé à terme dans un calculateur quantique[24]. Chacun des deux atomes artificiels (ou qubit) sont construits de plus d’un milliard d’atomes d’aluminium mais agissent comme un seul qui pourrait occuper deux différents états d’énergie[25]

Réalisations physiques

Un ordinateur quantique pourrait être implémenté à partir de toute particule pouvant avoir deux états à la fois excités et non excités au même moment. Ils peuvent être construits à partir de photons présents à deux endroits au même moment, ou à partir de protons et de neutrons ayant un spin positif, négatif ou les deux en même temps tant qu’ils ne sont pas observés.

Contraintes physiques

On pourrait imaginer utiliser une molécule microscopique, pouvant contenir plusieurs millions de protons et de neutrons, comme ordinateur quantique. Celui-ci contenant plusieurs millions de qubits. Mais le calcul quantique exige du système qui le porte deux contraintes fortes pour être utilisable :

  • il doit être totalement isolé du monde extérieur pendant la phase calcul (on parle alors de calcul adiabatique), toute observation ou tout effacement de données perturbant le processus[26]. On ne le laisse communiquer à l’extérieur qu’avant (introduction des données) et après (lecture des résultats, ou plus exactement du résultat) ; l’isolement thermique total ne peut exister, mais si l’on arrive à le maintenir le temps du calcul, celui-ci peut avoir lieu sans interférence. Ce phénomène d’interférence est appelé décohérence, c’est le principal obstacle à la réalisation d’un calculateur quantique. Le temps de décohérence correspond pour un système quantique au temps pendant lequel ses propriétés quantiques ne sont pas corrompues par l’environnement.
  • il doit se faire sans la moindre perte d’information. En particulier tout circuit de calcul quantique doit être réversible. Dans les circuits logiques "classiques" certaines portes ne vérifient pas cette propriété (porte NAND par exemple). Cependant des astuces de construction permettent de contourner cette difficulté en conservant des informations supplémentaires non directement utiles. Toutes les portes classiques ont un équivalent quantique.

Il existe des systèmes quantiques isolés naturellement comme les noyaux de certains atomes. Certains, comme le carbone 13, possèdent un moment cinétique, un spin, et peuvent donner lieu à différents états quantiques. Les cristaux de diamant qui contiennent des isotopes du carbone 12 (les noyaux du diamant sont composés jusqu’à 1 % de noyaux de carbone 13) permettraient théoriquement à température ambiante de stocker et de manipuler de l’information quantique. Une première technique consiste à manipuler par laser le spin des électrons d’un atome d’azote constituant les impuretés du diamant, et ainsi agir sur le couplage entre le spin de ces électrons et celui des noyaux du carbone 13[27].

Projets en cours

De nombreux projets sont en cours à travers le monde pour construire concrètement des qubits viables et les réunir dans un circuit. Ces recherches mettent en œuvre de la physique théorique pointue. Les projets suivants semblent avancer à un rythme intéressant :

  • les circuits supraconducteurs avec jonction Josephson. Cette technique est très malléable : il s’agit de dessiner des circuits suffisamment résistants à la décohérence. Pour l’instant elle ne permet de coupler qu’au plus deux qubits, mais des recherches sont en cours pour en coupler davantage à l’aide d’un résonateur et d’un SQUID.
  • Les ions piégés. Cette technique a donné le système possédant le plus de qubits intriqués.[réf. nécessaire]
  • la Résonance magnétique nucléaire.
  • les atomes provenant d’un condensat de Bose-Einstein piégés dans un réseau optique.
  • les cavités optiques ou micro-ondes résonantes.
  • les boîtes quantiques (quantum dots en anglais) : ce sont des systèmes macroscopiques qui possèdent malgré tout les caractéristiques quantiques nécessaires pour l’élaboration d’un ordinateur quantique. On appelle parfois de tels systèmes des atomes artificiels. Cette technique utilise des matériaux courants dans l’industrie des semi-conducteurs : silicium ou arséniure de gallium. Elle se subdivise en deux branches : l’une exploitant la charge électrique des qubits, l’autre leur spin (voir l’article spintronique).
  • beaucoup d’autres projets plus ou moins avancés.

Certains projets semblent très en phase avec une exploitation industrielle, mais les problèmes de base restent les mêmes. Des recherches sont ainsi entreprises pour réaliser un ordinateur quantique à base solide, comme le sont nos microprocesseurs actuels. Ces recherches ont entre autres mené l’université du Michigan à une puce de calcul quantique capable d’être fabriquée en série, sur les lignes de productions existant actuellement. Cette puce permet en effet d’isoler un ion et de le faire « léviter » dans un espace confiné, à l’intérieur de la puce.

Principe de fonctionnement des ordinateurs quantiques

Le fonctionnement des ordinateurs quantiques peut paraître mystérieux au premier abord : la théorie quantique est une théorie décrivant des probabilités de présence. Comment dès lors concilier ce concept d’aléa avec un calcul qui se veut déterministe ?

Idées de la mécanique quantique

En fait, les fonctions d’onde, sont issues de calculs tout ce qu’il y a de plus déterministes. La source d’aléa est dans l’acte d’observation lui-même, c’est-à-dire la mesure. En effet, suite à une mesure, le système quantique se fixe dans un état avec une certaine probabilité. On peut contourner cette incertitude en la rendant la plus faible possible par un jeu d’opérations quantiques successives. Pour certains algorithmes, il peut être nécessaire d’effectuer les calculs plusieurs fois jusqu’à ce que la réponse vérifie une certaine propriété.

En mécanique quantique, il est possible pour une particule d’être dans de multiples états simultanément. Cette possibilité est appelée superposition. Pour décrire ce phénomène, on parle parfois du paradoxe du chat de Schrödinger qui est, pour l’observateur, à la fois mort et/ou vivant. Lorsque le chat dort, il est immobile, et l’on ne peut pas dire en le regardant s’il dort ou s’il est mort. Le chat peut donc être dans deux états différents que l’on ne peut différencier uniquement par l’observation.

  • L’observateur qui veut étudier avec une certitude absolue l’état de mort du chat ne pourra s’assurer qu’il est bien mort qu’en essayant de le réveiller. Si le chat est bien mort, le chat ne se réveille pas, donc ne change pas de position, donc l’état n’est pas perturbé, et l’on peut étudier cet état de mort du chat en étant certain que le chat que l’on observe est bel et bien mort.
  • Mais l’observateur qui veut étudier avec une certitude absolue l’état de sommeil du chat ne pourra s’assurer de cet état qu’en réveillant le chat. C’est ici qu’est le paradoxe : en réveillant le chat, l’observateur altère l’état qu’il voulait étudier, et il ne peut donc plus l’étudier. L’astuce consiste donc à supposer que le chat est endormi (probabilité = 50% = 1 chance sur 2), à l’observer d’abord, puis à vérifier ensuite en essayant de le réveiller. On ne conserve les résultats de l’observation que si le chat se réveille.
  • Avec seulement deux états possibles, le raisonnement est simple. Tout se complique si l’on considère qu’il y a plusieurs chats à étudier en même temps et qu’il y a trois états possibles, c’est-à-dire que chaque chat peut être soit mort, soit endormi, ou bien les deux états à la fois en superposition (ce qui est possible pour une particule isolée).

Cependant au niveau quantique, il ne s’agit pas seulement d’un modèle permettant de rendre compte de notre ignorance du système. Les particules sont véritablement dans cet état superposé, et il en découle un certain nombre de propriétés inédites à notre échelle. Une mesure sur un système quantique va le forcer à choisir un des états. On parle de projection.

Le qubit

Article détaillé : Qubit.

La mémoire d’un ordinateur classique est faite de bits. Chaque bit porte soit un 1 soit un 0. La machine calcule en manipulant ces bits. Un ordinateur quantique travaille sur un jeu de qubits. Un qubit peut porter soit un un, soit un zéro, soit une superposition d’un un et d’un zéro (ou, plus exactement, il porte une distribution de phase, angle qui pour 0° lui fait prendre la valeur 1, pour 90° la valeur 0, et entre les deux la superposition d’états dans les proportions du sin² et du cos² de la phase). L’ordinateur quantique calcule en manipulant ces distributions. On n’a donc pas trois états en tout mais une infinité.

De plus, l’état de plusieurs qubits réunis n’est pas seulement une combinaison des états respectifs des qubits. En effet, si un qubit est dans une quelconque superposition d’états \alpha \cdot \left| 0 \right\rangle + \beta \cdot \left| 1 \right\rangle, deux qubits réunis sont quant à eux dans une superposition d’états \alpha \cdot \left| 00 \right\rangle + \beta \cdot \left| 01 \right\rangle + \gamma \cdot \left| 10 \right\rangle + \delta \cdot \left| 11 \right\rangle, avec | α | 2 + | β | 2 + | γ | 2 + | δ | 2 = 1. Il s’agit cette fois d’employer la superposition des quatre états pour le calcul. C’est pourquoi la puissance de calcul théorique d’un ordinateur quantique double à chaque fois qu’on lui adjoint un qubit. Avec 10 qubits, on a 1024 états superposables, et avec n qubits, 2n.

Un ordinateur classique ayant trois bits de mémoire peut stocker uniquement trois nombres binaires. À un moment donné, il pourrait contenir les bits « 101 » ou une autre combinaison des 8 possibles (23). Un ordinateur quantique ayant trois qubits peut en fait stocker 16 valeurs, assemblées deux par deux pour former 8 nombres complexes (il est donc dans une superposition de ces 8 états). Il pourrait contenir ceci :

État Amplitude Probabilité
(a+\boldsymbol{i}b) (a2 + b2)
000 0,37 + \boldsymbol{i} 0,04 0,14
001 0,11 + \boldsymbol{i} 0,18 0,04
010 0,09 + \boldsymbol{i} 0,31 0,10
011 0,30 + \boldsymbol{i} 0,30 0,18
100 0,35 + \boldsymbol{i} 0,43 0,31
101 0,40 + \boldsymbol{i} 0,01 0,16
110 0,09 + \boldsymbol{i} 0,12 0,02
111 0,15 + \boldsymbol{i} 0,16 0,05

Noter que la somme des probabilités fait bien 1. S’il y avait eu n qubits, cette table aurait eu 2n lignes. Pour un n aux alentours de 300, il y aurait eu plus de lignes que d’atomes dans l’univers observable.

La première colonne montre tous les états possibles pour trois bits. Un ordinateur classique peut seulement porter un de ces états à la fois. Un ordinateur quantique, lui, peut être dans une superposition de ces 8 états à la fois. La deuxième colonne montre l’amplitude pour chacun des 8 états. Ces 8 nombres complexes sont un instantané du contenu d’un ordinateur quantique à un moment donné. Durant le calcul, ces trois nombres changeront et interagiront les uns avec les autres. En ce sens, un ordinateur quantique à trois qubits a bien plus de mémoire qu’un ordinateur classique à trois bits.

Cependant, il n’est pas possible de voir directement ces trois nombres. Quand l’algorithme est fini, une seule mesure est accomplie. La mesure retourne une simple chaîne de 3 bits classiques et efface les 8 nombres quantiques. La chaîne de retour est générée aléatoirement. La troisième colonne donne la probabilité pour chacune des chaînes possibles. Dans cet exemple, il y a 14% de chance que la chaîne retournée soit « 000 », 4% que ce soit « 001 », ainsi de suite. Chaque nombre complexe est nommé « ampere » et chaque probabilité une « amplitude carrée », parce qu’elle est égale à a2 + b2. La somme des huit probabilités est égale à un.

Typiquement, un algorithme d’un ordinateur quantique initialisera tous les nombres complexes à des valeurs égales, donc tous les états auront les mêmes probabilités. La liste des nombres complexes peut être imaginée comme un vecteur à 8 éléments. À chaque étape de l’algorithme, le vecteur est modifié par son produit avec une matrice qui correspond à une opération quantique.

Technologies

Un article publié en avril 2008 par Scientific American fait état d’une avancée[28] vers le calculateur quantique utilisant l’effet Hall quantique fractionnaire.

Simulation d’un calculateur quantique

Perl

Damian Conway a créé pour le langage Perl un module nommé Quantum::Superpositions[29] qui permet de simuler (en faisant de l’algorithmique ordinaire en coulisses, bien sûr) le fonctionnement d’un périphérique de calcul quantique. Ce module est utilisable pour écrire et tester, en version maquette à quelques qubits simulés, des programmes écrits pour la logique quantique. Les programmes réalisés seront intégralement utilisables sur un périphérique de calcul quantique (s’il en existe un jour) en remplaçant les appels au module par les appels correspondant à ce périphérique, sans toucher en rien au programme Perl lui-même excepté en ce qui concerne le nombre de qubits spécifié. On pourra alors tirer parti des capacités d’un calculateur quantique et effectuer ainsi des calculs plus complexes à temps égal.

Le module munit Perl de deux fonctions testant globalement les tableaux : any() et all(). Dans la simulation, ces fonctions travaillent par itération sur les éléments et donc en un temps O(N). Dans un calcul quantique, leur temps d’exécution serait indépendant de N.

L’expression d’un calcul de primalité :

sub is_prime {
          my ($n) = @_;
          return $n % all(2..sqrt($n)+1) != 0
        }

n’est pas sans rappeler l’écriture en langage APL, qui lui aussi traite globalement les tableaux, ou d’un langage fonctionnel comme Haskell. Une extension de ce dernier nommé QHaskell (quantum Haskell) existe depuis 2006[30]

Le MIT, pour sa part, a placé en Open source un outil d’aide à l’architecture de circuits quantiques (théoriques) simples[31].

C

Les dépôts Debian et Ubuntu (Linux) proposent également via le gestionnaire de paquets APT la bibliothèque de sous-programmes C libquantum, qui implémente la simulation d'un registre quantique. Une interface permet de lui appliquer des opérations simples comme la porte de Hadamard. Les mesures se font soit (comme sur un véritable calculateur quantique) qubit par qubit, soit pour plus de simplicité sur le registre entier.

Les implémentations des algorithmes de Shor et de Grover sont fournies à titre d'exemple, ainsi qu'une interface pour la correction d'erreur quantique (QEC) et le support de la décohérence. Les auteurs en sont Bjorn Butscher & Hendrik Weimer.

Budgets

Selon un rapport de l'Union européenne[32], les états-Unis consacrent 75 millions d'euros à ces recherches contre 8 millions pour l'Europe. Le Canada dépenserait 12 millions d'euros par an, le Japon 25 et l'Australie 6[33].

Avenir commercial ?

Même si les problèmes techniques posés par la réalisation de calculateurs quantiques étaient résolus à terme, leur avenir commercial immédiat ne se situe pas nécessairement dans le grand public, tout dépendant évidemment du coût auquel on arrive à les fabriquer.

En dehors des algorithmes de Shor pour le cassage de code et de Grover pour la recherche efficace dans des bases de données, ainsi qu’une classe de calculs en physique théorique, quelques applications seraient peut-être envisageables pour des simulations numériques qui butent aujourd’hui sur l’explosion combinatoire.

En novembre 2008, Aram W. Harrow, Avinatan Hassidim et Seth Lloyd ont publié[34] une méthode quantique permettant de résoudre des systèmes d’équations linéaires à matrices creuses en un temps O(log(n)) au lieu de O(n).

En réseaux de neurones, la méthode dite du greedy learning[35] consomme également beaucoup de combinatoire et est donc signalée par D-Wave en 2009 comme une application possible[36].

Quelques autres pistes envisageables :

  • Les traders, voire de simples particuliers porteurs d’actions pourraient-ils envisager un nombre considérablement plus grand de simulations ?

De manière générale tous les domaines qui peuvent profiter d’une simulation d’un univers riche peuvent théoriquement bénéficier de processeurs quantiques. Un problème se prêtera d'autant plus au calcul quantique qu'il a peu d'entrées[réf. nécessaire][38], peu de sorties, et demande une importante puissance combinatoire entre les deux (ce qui est exactement le cas du cassage de clé). Cette taille modeste des entrées et des sorties se prêterait à l'usage à distance par Internet. En un tel cas, les prérequis d'encombrement et éventuellement de cryogénie ne seront plus aussi aigus.

Des questions envisagées dans la littérature sont les suivantes : faut-il construire le modèle sur l’ordinateur « classique » puis le faire évaluer par le calculateur quantique, ou bien faut-il laisser tout le travail au calculateur quantique (qui risque d’être moins rapide pour les tâches traditionnelles)[39]. Des émulateurs de modèles quantiques ont été construits pour enrichir le débat (cf section sur l’exemple en Perl.).

En évitant de rééditer quelques erreurs historiques célèbres, bornons-nous à constater que l’avenir reste ouvert en ce qui concerne le calcul quantique chez les particuliers.

Bibliographie

  • (en) M.A. Nielsen et Isaac Chuang, Quantum Computation and Quantum Information, Cambridge University Press, 2000, ISBN 0-521-63503-9
  • (fr) Michel Le Bellac, Introduction à l'information quantique, Éditions Belin, 2005, ISBN 2-7011-4032-3
  • (fr) Jean-Baptiste Waldner, Nano-informatique et intelligence quantique - Inventer l'ordinateur du XXIe siècle, Hermes Science, Londres, 2006, ISBN 2-7462-1516-0

Voir aussi

Références

  1. Dénomination moins appropriée, puisqu'il s'agit d'un procédé de calcul sans aucun rapport avec une machine de Von Neumann
  2. c'est-à-dire en particulier comportant peu d'entrées-sorties par rapport au traitement
  3. L'ordinateur quantique, La recherche n°398, juin 2006, page 32.
  4. The Fabric of Reality, p.194 et suivantes
  5. a, b, c et d Seth Lloyd, « Confidentialité et Internet quantique », dans Pour la Science, no 391, mai 2010, p. 60-65 
  6. P. Arrighi - Homepage
  7. Lov K. Grover, « Quantum Computing — How the weird logic of the subatomic world could make it possible for machines to calculate millions of times faster than they do today ». Consulté le 25 décembre 2008
  8. Experimental realization of Shor’s quantum factoring algorithm using nuclear magnetic resonance. Consulté le 25 décembre 2008
  9. (en) Scientists Create First Electronic Quantum Processor
  10. (en) Code-breaking quantum algorithm runs on a silicon chip
  11. D-Wave Systems News
  12. TechWorld News
  13. L'ordinateur quantique, La recherche n°398, juin 2006, page 43.
  14. Article du Scientific American
  15. Voir article paru dans Automates intelligents
  16. D-Wave Systems: News
  17. D-Wave Systems: News
  18. http://www.tomshardware.com/reviews/super-cooled-quantum-computing,1976.html
  19. http://dwave.wordpress.com/2009/04/14/128-qubit-chip-mounted-on-io-system/
  20. http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39711614,00.htm?xtor=EPR-100
  21. http://www.youtube.com/watch?NR=1&v=HKUZ6IuJyHw
  22. http://pro.01net.com/editorial/533761/larmement-us-se-dote-du-premier-ordinateur-quantique/
  23. (fr) L'ordinateur quantique, La recherche n°398, juin 2006, page 41.
  24. (en) Katharine Sanderson, « Spooky computers closer to reality », Nature, juin 2009
  25. (en) Demonstration of two-qubit algorithms with a superconducting quantum processor
  26. Quantum Adiabatic Algorithms, Small Gaps, and Di�erent Paths, Peter Shor et al., MIT-CTP 4076, CERN-PH-TH-2009/175
  27. La mémoire quantique du diamant
  28. Scientific American, 21 avril 2008 : Quarter Electrons May Enable Exotic Quantum Computer
  29. Le module écrit originellement par Damian Conway
  30. Quantum Haskell : quantum data and control
  31. http://www.media.mit.edu/quanta/qasm2circ/
  32. Peter Zoller, Quantum Information Processing and Communication : Fet Proactive Initiative in the 6th Framework Programme, juin 2005.
  33. L'ordinateur quantique, La recherche n°398, juin 2006, page 45.
  34. http://arxiv.org/abs/0811.3171
  35. http://www.youtube.com/watch?v=AyzOUbkUf3M (Google Techtalks, 2007)
  36. http://dwave.wordpress.com/2009/04/16/deep-belief-networks/
  37. Phd-thesis, Quantum Computation and Natural Language Processing (2002), Joseph C.H. Chen
  38. http://www.cs.virginia.edu/~robins/The_Limits_of_Quantum_Computers.pdf (Scientific American)
  39. http://www.mathstat.dal.ca/~selinger/qpl2006/ 4th International Workshop on Quantum Programming Languages(Regardez à 'Quantum arrows in Haskell' de J. K. Vizzotto, A. C. da Rocha Costa, A. Sabry; pour une mise en évidence d’équivalences)

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