Candide

Candide
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Candide ou l’Optimisme
Édition princeps − « M. le Docteur Ralph » est un des nombreux pseudonymes de Voltaire
Édition princeps − « M. le Docteur Ralph » est un des nombreux pseudonymes de Voltaire

Auteur Voltaire
Genre Conte philosophique
Pays d'origine France
Lieu de parution Genève
Éditeur J. Cramer
Date de parution 1759
ISBN 978-2-01-169169-9
Série Multiples

Candide est un conte philosophique de Voltaire paru à Genève en janvier 1759. Il a été réédité vingt fois du vivant de l’auteur (plus de cinquante aujourd’hui), ce qui en fait un des plus grands succès littéraires français.

Candide porte le titre complet de Candide ou l'Optimisme, soi-disant traduit des additions du Docteur Ralph qui, en réalité, n'est que le pseudonyme utilisé par Voltaire pour éviter la censure. Cette œuvre, ironique dès les premières lignes, ne laisse aucun doute sur l’origine de l’auteur, qui ne pouvait qu'être du parti des philosophes : « Les anciens domestiques soupçonnaient que [Candide] était fils de la sœur de Monsieur le Baron et d'un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l'injure du temps. »[1]

On perçoit immédiatement, dans la fin de ce premier paragraphe de l'œuvre, le sarcasme moquant le conservatisme social de la noblesse arrogante, certes tel que Molière un siècle plus tôt le pratiquait aux dépens de la petite aristocratie provinciale[2], mais surtout annonçant le Figaro de Beaumarchais : « Si le Ciel l'eût voulu, je serais fils d'un prince. »[3]. Candide est également un récit de formation, récit d'un voyage qui transformera son héros éponyme en philosophe, un Télémaque d'un genre nouveau.

L'onomastique[4], en matière d'interprétation des textes voltairiens, se révèle souvent féconde. Le mot « candide » vient du latin candidus qui signifie blanc. Le choix d'un tel nom indiquerait l’innocence du héros, voire sa naïveté. Cire vierge sur laquelle on marque en apparence tout, il s'étonnera de ce qu'il observera au fil de ses tribulations, à la façon apparemment enfantine de Socrate dans les dialogues platoniciens, personnifiant ainsi, selon l'étymologie du mot, l'ironieεἰρωνεία (eironeia) —, l'ignorance feinte.

Sommaire

Contexte politique

"après un excellent dîner, on entra dans la bibliothèque" ; chapitre XXV.

Lors de la parution, Voltaire vit dans la propriété des Délices à Genève, véritable « palais d’un philosophe avec les jardins d’Épicure »[5]. Deux événements l’ont récemment bouleversé : le tremblement de terre de Lisbonne du 1er novembre 1755 et le début de la guerre de Sept Ans (1756) qui lui inspirent cette réflexion : « Presque toute l’histoire est une suite d’atrocités inutiles » (Essai sur l’histoire générale, 1756).

Ayant envoyé son Poème sur le désastre de Lisbonne à Jean-Jacques Rousseau, celui-ci lui répond par une lettre dans laquelle il cherche à justifier la divine providence, dont Voltaire doute fortement après ces évènements. Il prétend, dans le neuvième livre de ses Confessions, que le roman philosophique Candide serait la réponse à cette lettre, réponse que Voltaire avait promise, tout en l’ajournant.

L’année précédant la publication de cet ouvrage, l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, à laquelle participait Voltaire, connaît un coup d’arrêt par le retrait du privilège royal et la condamnation prononcée par le Parlement de Paris. Voltaire aurait donc trouvé, avec Candide, un moyen de continuer à transmettre les idées des Lumières. But d’ailleurs amplement atteint, vu le succès de ce livre qui, au lieu de ne toucher qu’une élite fortunée et cultivée comme le faisait l’Encyclopédie, a touché presque tous les lettrés.

Depuis sa retraite suisse, Voltaire parcourt la planète en imagination. Peu à peu, il dessine certains axes dans un espace symbolique : Berlin et l’Allemagne au Nord ; le Pérou à l’Ouest, Venise au Sud, Constantinople à l’Est. Ce seront les lieux principaux du conte, les grandes étapes du voyage initiatique de Candide. Il reste à les relier. L’Allemagne, par exemple, évoque la Turquie par un même despotisme politique et elle entretient des liens avec l’Amérique du Sud par les jésuites allemands qui font la guerre au Paraguay. Les étapes majeures désormais fixées, les personnages peuvent prendre la route. Reste bien sûr à créer Candide…

"On jouait gros jeu. Candide était tout étonné que jamais les as ne lui vinssent" ; chapitre XXII.

Certains critiques[6] ont vu dans ce personnage l’incarnation de la naïveté de l’auteur lui-même. Le baron, au nom imprononçable, entiché de ses quartiers de noblesse, qui va exclure Candide du « jardin d’Eden » symboliserait la noblesse allemande tandis que le « roi des Bulgares » serait Frédéric II qui, en novembre 1757, s’est couvert de gloire dans la victoire de Rossbach. Voltaire, qui croyait à la défaite de son ancien protecteur, prend alors conscience de sa naïveté. Le conte serait donc une revanche sur l’humiliation infligée par Frédéric II, suite à la brouille qui a fâché le philosophe avec le roi de Prusse en 1753. Traiter Frédéric II de « roi des Bulgares » est une façon indirecte de rappeler son orientation sexuelle, le terme de « bougre » (lui-même dérivé de « bulgare ») signifiant « homosexuel » au XVIIIe siècle. Voici un extrait d’une lettre de Voltaire à Madame Denis où le philosophe, invité à Berlin, même s'il croyait à la possibilité de voir réalisé un despotisme éclairé, exprime déjà sa défiance à l'égard du pouvoir royal :

« Je vais me faire, pour mon instruction, un petit dictionnaire à l’usage des rois. Mon cher ami veut dire vous m’êtes plus qu’indifférent. Entendez par je vous rendrai heureux, je vous souffrirai tant que j’aurai besoin de vous. Soupez avec moi ce soir signifie je me moquerai de vous ce soir. Le dictionnaire peut être long ; c’est un article à mettre dans l’Encyclopédie. »

— Voltaire, Berlin, 18 décembre 1752

La mise en scène des ordres religieux dans Candide est fréquente. Cela est dû au fait que Voltaire avait été élevé par les jésuites, envers qui il a développé à la fois reconnaissance et hargne. C’est ainsi qu’on retrouve des épisodes tels que celui au cours duquel le héros transperce le frère de Cunégonde, devenu Jésuite.

Personnages

"il y avait deux grands moutons rouges sellés et bridés pour leur servir de monture quand ils auraient franchi les montagnes" ; chapitre XVIII.
  • Candide, le personnage principal, bâtard supposé de la sœur de monsieur le baron Thunder-ten-tronckh, « l’esprit le plus simple » dont la « physionomie annonçait son âme ». Il est le seul personnage à évoluer durant toute l'histoire.
  • Baron Thunder-ten-tronckh, un gentilhomme campagnard westphalien.
  • Baronne Thunder-ten-tronckh, sa femme, très considérée pour les « trois cent cinquante livres » qu’elle pèse.
  • Le fils du baron Thunder-ten-tronckh, jésuite entiché de sa noblesse.
  • Cunégonde, fille du baron Thunder-ten-tronckh, cousine et amoureuse de Candide. Peut-être imaginée à partir des deux maîtresses de Voltaire : sa nièce Marie Louise Mignot Denis et la scientifique, Émilie du Châtelet.
  • Pangloss, professeur de métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie, précepteur de Candide et de Cunégonde. Peut-être imaginé à partir de la duchesse de Saxe-Gotha, Louisa Dorothea von Meiningen, une leibnizienne avec qui Voltaire a beaucoup correspondu.
  • Paquette, femme de chambre de la baronne Thunder-ten-tronckh et bénéficiaire accessoire des « leçons de physique expérimentale » du savant Dr. Pangloss.
  • Cacambo, valet de Candide.
  • Martin, compagnon manichéen de voyage de Candide. Certaines critiques pensent que Martin est traité avec sympathie, ce qui signifierait que la philosophie idéale de Candide est pessimiste, ce que d’autres contredisent en citant la description négative de Voltaire des principes de Martin et la fin de l’histoire où Martin devient passif.
  • La vieille, bienfaitrice de Cunégonde, évocation des marraines des contes traditionnels. Fille d'un pape et d'une princesse.
  • Jacques l’anabaptiste, bienfaiteur hollandais de Candide au début du conte jusqu’à sa noyade après avoir sauvé un autre homme.
  • Vanderdendur, négociant escroc.
  • Pococurante, homme riche et cultivé, pourtant malheureux et blasé de la vie.

Résumé

"les diables de Pangloss portaient griffes et queues et les flammes étaient droites" ; chapitre VI (les flammes droites sur l'habit annonçaient la mort).

Candide est un jeune garçon vivant au château du baron de Thunder-ten-tronckh. Il a pour maître Pangloss, philosophe qui enseigne la « métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie », et qui professait, à l'instar de Leibniz, que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles. Cependant Candide est chassé de ce meilleur des mondes possibles à la suite d'une « Leçon de physique expérimentale » entreprise avec Cunégonde, la fille du Baron. Candide découvre alors le monde et passe de déconvenues en déconvenues.

Enrôlé de force dans les troupes bulgares, il assiste à la boucherie de la guerre. Il s'enfuit, est recueilli par Jacques l'anabaptiste. Il retrouve Pangloss réduit à l'état de vieillard, atteint de la vérole qui lui apprend la mort de Cunégonde, violée par des soldats bulgares. Ils embarquent avec Jacques pour Lisbonne. Après une tempête dans laquelle meurt noyé Jacques, ils arrivent à Lisbonne le jour du tremblement de terre et sont victimes d'un autodafé durant lequel Pangloss est pendu. Candide retrouve Cunégonde, maitresse d'un grand inquisiteur et d'un riche juif : don Issachar. Il est amené à tuer les deux hommes et s'enfuit avec Cunégonde et sa vieille servante vers Cadix en Espagne.

Il embarque avec son valet Cacambo, Cunégonde et sa vieille servante pour le Paraguay. Contraint d'abandonner Cunégonde à Buenos-Aires, il s'enfuit avec Cacambo au Paraguay. Ils y retrouvent le frère de Cunégonde que Candide transperce d'un coup d'épée, s'échappent, évitent de peu d'être mangés par les sauvages Oreillons et découvrent le pays d'Eldorado. Ils y sont heureux mais préfèrent le quitter avec toutes leurs richesses pour retrouver Cunégonde.

Envoyant Cacambo racheter Cunégonde, Candide se fait voler par un marchand et un juge, fait la connaissance de Martin, dégoûté de la vie et rejoint l'Europe avec lui. Ils passent par Paris où Candide manque mourir des soins prodigués par la médecine, se fait voler par un abbé et échappe de peu à la prison, puis rejoignent Venise où ils y cherchent en vain Cacambo et Cunégonde. Ils y rencontrent Paquette, la servante du Baron de Thunder-ter-tronckh, et son amant le moine Giroflée, découvrent un riche désabusé et font la connaissance de six rois détrônés.

Ils partent ensuite pour Constantinople délivrer Cunégonde, devenue laide, esclave du roi déchu Ragotski et racheter le valet Cacambo. Sur la galère, parmi les forçats, ils retrouvent Pangloss, ayant échappé à la pendaison, et le frère de Cunégonde, ayant échappé au coup d'épée, que Candide délivre contre rançon. À Constantinople, il rachète Cunégonde enlaidie et acariâtre, l'épouse contre l'avis de son frère qu'il est contraint de chasser, s'installe dans une métairie, se fait voler par des marchands, recueille Paquette et Giroflée et finit en cultivant son jardin sans plus se préoccuper du monde.

Le refrain résolument optimiste de Pangloss sur « le meilleur des mondes possibles », ainsi que le mot de la fin de Candide :

« Pangloss disait quelquefois à Candide : “Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches.
– Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.” »

Morales

  • « Le malheur n’est que l’apparence d’une cause qui est bonne ». La philosophie de Pangloss ne tient pas dans la vraie vie ; c'est une philosophie optimiste qui l'empêche de se rendre vraiment compte du mal qui l'entoure et qui l'amène à s'en remettre toujours à Dieu. Voltaire au contraire, avec Candide, veut faire triompher une philosophie très différente, montrant qu'on peut améliorer ici-bas la vie des hommes, qui sont la seule source du mal.
  • À la fin, Candide demande à sortir du paradis terrestre : l’utopie n’est pas faite pour l’homme.
  • « Il faut cultiver notre jardin. » cette citation de Candide montre qu'il a trouvé sa propre philosophie et qu'il a grandi intérieurement. Elle met le point final à l'histoire et ce n'est pas pour rien, car cultiver son jardin est une métaphore de la croissance personnelle. Il faut « se cultiver ».
  • Par le recours à la fiction et à l'ironie, Voltaire allie plaisir et enseignement. Cet enseignement laisse place à une morale : le bonheur est le fruit du travail et non du rêve. Voltaire dénonce donc l'utopie avec le passage de l'Eldorado (où tout est merveilleux). En effet la philosophie permet de comprendre le monde, mais elle ne pose pas d'action concrète comme le voudrait Voltaire, voilà pourquoi Candide va passer d'un être de réflexion à un être d'action.
  • L'excipit de Candide souligne le refus des discours métaphysiques et optimistes, ici caricaturés par Pangloss, et rappelle les bienfaits du travail : il permet à l'homme de donner un sens à sa vie, d'évoluer et de prendre en main son destin. Trois éléments qui permettent finalement à l'individu de construire son propre bonheur, en s'adaptant à la réalité de la vie.
  • Tout au long du conte, Candide fera un voyage physique et psychologique qui l'amènera à comprendre que malgré la philosophie de Pangloss, selon laquelle les malheurs individuels sont nécessaires à un bien collectif et qu'il n'y a pas de conséquences sans causes, l'être humain reste condamné à être soit malheureux (Paquette, Martin, la vieille, Cunégonde) soit ennuyé (Pococurante). Ainsi la seule façon d'y échapper est de passer de la réflexion philosophique (comme l'a fait Candide) à des actions concrètes respectant nos limites. Pour Candide, il s'agit de s'occuper de sa terre, ce qui l'empêche à la fois de s'ennuyer ou de philosopher sur le malheur des hommes.

Allusion

Dans son conte, Voltaire place nombre d’allusions à l’actualité parisienne. Par exemple, le texte suivant est une allusion très précise à des discussions au sein de l’Académie des Sciences :

« Ah ! voilà quatre-vingt volumes de recueils d’une académie des sciences, s’écria Martin ; il se peut qu’il y ait là du bon. – Il y en aurait, dit Pococuranté, si un seul des auteurs de ces fatras avait inventé seulement l’art de faire les épingles ; mais il y a dans tous ces livres que vains systèmes, et pas une seule chose utile. »

— Candide, chapitre vingt-cinquième

Sommés depuis 1675 d’éditer une description des Arts et Métiers, les Académiciens renâclaient. Ce débat est réapparu en 1758 à la mort de Réaumur qui avait été chargé de ce travail. Voltaire évoque donc l’incapacité des Académiciens à décrire le travail artisanal. Ceux-ci liront bien « Le candide » de 1759 et, dès 1761, ils publient l’« Art de l’épinglier », début d’une longue série de description de métiers de l’époque[7].

Adaptations

Liste de toutes les adaptations de Candide au théâtre et au cinéma[8]:

Adaptations théâtrales
  • À l’opéra par Leonard Bernstein, 1956
  • Candide, adaptation par Serge Ganzl, 1978.
  • Candide ou l’Optimisme, mise en scène de Vincent Colin, 1995.
  • Candide (spectacle de marionnettes), 1997.
Adaptations au cinéma et à la télévision

Notes

  1. La demoiselle lui a donc demandé de prouver son ascendance au moins au-delà de la septième génération d'aïeux (puissances successives de 2). On savourera la causticité de la situation, puisque le prétendant dédaigné a tout de même soixante et onze ancêtres nobles.
  2. cf. George Dandin ou le Mari confondu et la caricature du couple Sotenville.
  3. Le Mariage de Figaro, III, 15.
  4. Inutile de multiplier les exemples, qu'on se souvienne par exemple de Micromégas, conte philosophique dont le thème est la relativité de la vérité.
  5. Voltaire, Correspondance.
  6. Frédéric Deloffre dans la postface de Candide ou l'Optimisme[1], édition Collection Folio classique n° 3889 ou encore Roland Barthes dans la postface de Candide et autres contes édition Collection Folio classique n° 2358, pp 410, 411
  7. Jean-Louis Peaucelle, Adam Smith et la division du travail, la naissance d’une idée fausse, Paris, L’Harmattan, 2007. (ISBN 978-2296035492)
  8. D’après « Bibliographie, filmographie, adaptations théâtrales », Candide ou l’Optimisme, coll. Bibliolycée, Hachette, p. 254 (ISBN 978-2011685490)

Voir aussi

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