Canular

Canular

Un canular est une mystification perpétrée dans l'intention de tromper ou de faire réagir celui qui en est la cible. Sa forme peut être une fausse nouvelle, une farce, une blague (souvent de mauvais goût). Selon certaines sources, sa caractéristique première doit être humoristique. Il doit faire rire aux dépens de ceux qui y ont cru[1]. D'autres sources ne lient pas nécessairement la notion de canular à la notion de blague ou d'humour[2].

Certains artistes et publicitaires ont d'ailleurs utilisé le canular comme moyen de promotion ou d'expression, en exploitant la charge affective liée à la fausse nouvelle qui se répand alors comme une rumeur, attirant les crédules et les curieux et attisant leurs émotions.

La diffusion de fausses informations de nature à porter atteinte à l'honneur d'une personne désignée ou d'un groupe s'apparente à de la diffamation. Elle est sanctionnée pénalement.

Certaines escroqueries se rapprochent du canular par leur énormité. Ainsi un certain Victor Lustig ("amusant" en allemand) fit croire à la mise en vente de la tour Eiffel en 1925 pour toucher des commissions.

Sommaire

Étymologie

Le mot vient probablement du latin cannula, « petit roseau », qui a donné le terme médical canule, désignant un petit tuyau servant à introduire un liquide dans le corps, généralement par l'anus. Le mot a donné le verbe « canuler », signifiant « importuner, ennuyer ».

À la fin du XIXe siècle, les élèves de l'École normale supérieure forgent à partir de ce verbe le mot pseudo-latin canularium, désignant une farce jouée aux dépens de quelqu'un, une sorte de bizutage intellectuel. Au début du XXe siècle, le mot est attesté, dans le jargon normalien, sous la forme abrégée canular[3]. Il s'est depuis répandu dans la langue courante[4].

Exemples de canulars

Article détaillé : liste de canulars.
  • Les Cahiers de Le Golif, dit Borgnefesse, capitaine de la flibuste, publiés par Gustave Alaux, présentés par A. t'Serstevens[5] comme étant les authentiques mémoires d'un capitaine de la flibuste, découvertes dans une « vieille malle » suite aux bombardements de Saint Malo en 1944. En fait il s'agit d'une œuvre de fiction, la supercherie est si réussie que Patrick Poivre d'Arvor cite l'ouvrage dans la bibliographie de son livre Pirates et Corsaires.
  • Le dahu, un animal imaginaire, dont la chasse était organisée dans certaines communautés villageoises aux dépens des naïfs et aux visiteurs de passage (citadins ou étrangers d'autres régions).
  • Nessie, le monstre du Loch Ness.
  • En 1910, lors du canular du Dreadnought, la romancière Virginia Woolf et quelques amis se firent passer pour des princes d'Abyssinie afin de visiter le Dreadnought, navire amiral de la Royal Navy. Le scandale fut énorme.
  • Election de Jean-Pierre Brisset Princes des penseurs en 1913. Ce canular de Jules Romains opposait – dans une compétition imitée de celle qui élisait un Prince des poètes – Jean-Pierre Brisset à Henri Bergson.
  • Avant 1914 des députés furent priés de faire quelque chose pour qu'on célébrât le centenaire d'Hégésippe Simon, « éducateur de la démocratie », personnage respectable mais parfaitement imaginaire. Une cérémonie devait avoir lieu dans le village de Poil (Nièvre), certains s'excusèrent de ne pouvoir être « à Poil » ce jour-là.
  • Le canular du physicien Alan Sokal dans la revue Social Text : une mystification destinée à faire apparaître un manque de sérieux quant à la vérification des articles soumis[6].
  • Le canular de Taxil à propos de la Franc-Maçonnerie.
  • Le mathématicien Michel Chasles s'est fait vendre par le faussaire Vrain-Lucas des lettres de prétendues correspondances entre Pascal et Newton, Vercingétorix et Jules César, Jésus et Marie-Madeleine[7].
  • Le muséo-bus Raoul Michalon (canular fait au Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France en 2005. Ce canular, œuvre de Stéphan Meyer, grand-maître adjoint et d'Alain Vernet, conseiller de l'ordre, faisait état d'une demande de subvention au Grand Orient de France, émanant des filles du défunt Michalon, afin d'équiper un muséo-bus destiné à présenter une collection d'art tonkino-maçonnique, prétendument ramenée du Tonkin par ledit sieur Michalon, en même temps que, disait le dossier de demande, « des fièvres et des convictions ». Une réponse positive fut donnée à la demande.
  • L'affaire des « Poldèves », lancée par un sympathisant de l'Action française pendant l'entre-deux-guerres. En 1929, des députés de gauche reçurent un appel leur demandant d'intervenir en faveur des malheureux Poldèves opprimés. La lettre était signée : Lineczi, Stantoff, Lamidaëff. Derrière ces patronymes pseudo-slaves on pouvait lire « l'inexistant » et « l'ami d'A.F. (l'Action Française) ». La capitale du pays s'appelait bien sûr Cherchella. Ce canular avait pour but de ridiculiser la représentation républicaine (députés). Si les députés de la gauche anti-cléricale furent visés, Alain Mellet lui-même le reconnait : « La pêche eût été aussi poissoneuse dans les rang de la droite républicaine. » Le 21 avril 1929, la demande de renseignements d'un ou deux députés se faisant trop pressante, l'Action française dévoile finalement le canular.
  • Toujours entre les deux guerres, on aurait fait une quête à l'École Polytechnique au bénéfice de la famille du Soldat Inconnu. Beaucoup auraient donné.
  • L'exposition d'une toile du peintre Boronali, en réalité un pinceau attaché à la queue d'un âne, Boronali étant l'anagramme d'Aliboron, nom donné à l'âne dans les Fables de La Fontaine.
  • L'existence de l'écrivain belge Bob Marchand[réf. nécessaire].
  • Les blagues téléphoniques d'émissions de radio à des particuliers pour divertir les auditeurs (Francis Blanche et Jacques Legras y excellaient) et son équivalent à la télévision, par exemple la « caméra invisible ».
  • Le célèbre canular radiophonique involontaire d'Orson Welles, le 30 octobre 1938, à partir du roman d'Herbert George Wells qui fit croire à la population américaine d'une attaque d'extra-terrestres venant de la planète Mars.
  • Un étudiant, Didier Piganeau, se fit inviter au sacre de Bokassa Ier à Bangui, en Centrafrique, en décembre 1977. Didier 1er régnait sur le Royaume de Basoche à Poitiers. Avec ses camarades, joyeux lurons, l’étudiant en droit, à l’esprit frondeur, s’est inventé ce Royaume, constitué de quelques bistrots et de franches rigolades[8].
  • Dans le domaine journalistique, certains articles sont des canulars de la part des auteurs ou de leur source. Ainsi, un journal belge a titré que la fellation diminuait de manière significative les risques de cancer du sein chez la femme, preuves et chiffres à l'appui, avec citations de scientifiques américains d'un grand laboratoire. Le lendemain, l'« information » était dans toutes les revues de presse. Un francophone aurait pu repérer le canular car les noms des scientifiques étaient du style G. Melabèz ou Georges P. Rophonde.[réf. nécessaire]
  • L'écrivain de science-fiction Isaac Asimov (qui était également biochimiste) a un jour publié un article sur les « propriétés endochroniques de la thiotimoline resublimée », produit imaginaire aux propriétés loufoques.
  • En septembre 2005, l'imitateur Gérald Dahan se fit passer pour Jacques Chirac, alors Président de la République française, et demanda à Raymond Domenech et Zinedine Zidane de mettre la main sur le cœur lors de l'hymne national précédant le match FranceIrlande.
  • Le 19 mai 2006, le journaliste canadien Amir Taheri a publié dans le National Post un article où il prétendait que le parlement iranien avait voté une loi obligeant les juifs à porter une étoile jaune. Lorsque la vérité fut révélée il perdit toute crédibilité.
  • En octobre 2006, un documentaire sur le chanteur belge imaginaire Chris Conty est diffusé sur Canal+. Il est étayé par une biographie inventée de toutes pièces, des témoignages de personnes connues, des sites web (dont Wikipédia), des sites de ventes en ligne, et reprise par des médias complices du canular.
  • Le 13 décembre 2006, à une heure de grande écoute, la RTBF annonça, au cours d'une émission spéciale, que la Flandre avait fait sécession et que, par conséquent, la Belgique n'existait plus.
  • La prise de Köpenick : anecdote célèbre en Allemagne, la prise de Köpenick (expression imagée : il n'y eut aucune violence) eut lieu en 1908. Un tailleur de cette ville (aujourd'hui un quartier de Berlin) se revêtit de l'uniforme d'un officier, qu'il devait retoucher, et s'en servit pour subjuguer toute l'administration locale. Il fit même jeter en prison certaines personnes. Le canular dura une journée, jusqu'à ce que le commandant de la garnison découvre que le maire était aux arrêts. L'histoire est restée célèbre en Allemagne car on y voit une démonstration de la dangereuse fascination qu'exerçait alors l'uniforme sur bien des gens[9].
  • Les abris antiaériens de Berlin : en 1935, un autre Berlinois réédita l'exploit à sa façon : il fit le tour des arrondissements de sa ville en annonçant que le gouvernement allait lancer un programme d'abris anti-aériens. Plusieurs maires lancèrent les travaux sans se renseigner davantage et sans crédits. Un abri fut même inauguré et ce n'est qu'alors que le gouvernement découvrit l'imposture[10].
  • Une culture du canular étant traditionnellement entretenue par les élèves des grandes écoles françaises, cette habitude résista à la défaite de la France en juin 1940 et les officiers de réserve issus de ces écoles et faits prisonnier s'évertuèrent à faire « tourner en bourrique » les Allemands. Perturbant constamment les équipes auxquels ils étaient mêlés, les Allemands les regroupèrent et les déplacèrent au camp d'Eylau où ils se trouvèrent en particulier exposés à des hivers extrêmement rigoureux (– 35/40 degrés). Les prisonniers s'étaient regroupés par école d'origine ; une école occupant un demi-baraquement. Le voyage en train était déjà l'occasion de facéties susceptibles de permettre des évasions. On raconte même qu'un train de prisonniers arriva à Eylau composé seulement de la locomotive et de la voiture des sentinelles, les autres voitures ayant été détachés par les prisonniers. Une des plus belles évasions d'Eylau a reposé sur l'ingéniosité des prisonniers à déterminer le moment de l'éblouissement de la sentinelle du mirador par le soleil couchant, permettant la découpe des clôtures et finalement l'évasion d'une quarantaine de prisonniers[11].
  • Article détaillé : Faux Soir.
    Pendant la seconde guerre mondiale, le grand quotidien belge Le Soir avait été volé à ses propriétaires par l'Occupant nazi qui organisa une équipe rédactionnelle à sa solde. Un jour, des résistants préparèrent une édition pirate du quotidien. Cette édition rendait compte des retraites de l'armée allemande, magnifiait l'aviation alliée et faisait prononcer à Hitler la phrase désabusée attribuée à l'Empereur d'Allemagne « Je n'ai pas voulu cela ». Grâce à une organisation très soignée, les auteurs de ce « Soir de joie », qui s'étaient procuré le papier nécessaire, purent empêcher le véritable Soir d'être distribué aux kiosques à journaux bruxellois, où ils purent mettre en place le leur. C'est donc ce journal peu conforme à la propagande nazie que les lecteurs bruxellois tinrent en mains, interloqués puis hilares. Rapidement, l'occupant s'efforça de confisquer les exemplaires du faux Soir, mais le mal était fait. Les auteurs du canular héroïque finirent par être identifiés par la Gestapo. Ils furent condamnés à mort ou envoyés dans des camps dont ils ne revinrent pas.
  • Dead or Alive : pour commenter la sortie repoussée de ce jeu, le magazine internet Xbox-Mag a proposé une anecdote ironique. Selon eux, « des Japonais se seraient suicidés en gobant des poches de silicone » (en référence aux seins des héroïnes de ce jeu). L'information a été prise très au sérieux par un journaliste de Libération, qui a rédigé un article sur le sujet, en précisant que 147 jeunes Japonais se sont suicidés en février 2003 en gobant des poches de silicone. France 2 a repris le sujet et a réalisé pour son journal télévisé un reportage sur le mal-être de la jeunesse nippone, en racontant l'anecdote de la poche de silicone. Les deux médias se sont excusés après avoir eu vent de la vague de rigolade qui déferlait sur Internet.

D'autres canulars ne sont considérés comme tels que par ceux qui ne les prennent pas au sérieux :

Par téléphone

Article détaillé : Canular téléphonique.

Canulars dans la technique

Article détaillé : Canulars dans la technique.

Sur Internet

Article détaillé : Canular informatique.

Notes et références

  1. Selon Le trésor de la Langue Française
  2. Larousse de la langue française
  3. Trésor de la Langue française, s.v., qui cite Charles Péguy, L'Argent (1913) ; Alain Peyrefitte, Rue d'Ulm. Chroniques de la vie normalienne, 3e éd. revue et augmentée, Paris, Flammarion, 1977 (ISBN 2-08-060168-7).
  4. Alain Rey (dir.) Dictionnaire historique de la langue française, Paris 1992, entrée "canule".
  5. éditions Grasset, 1952, coll. Les Cahiers rouges
  6. Un canular désopilant du physicien Alan Sokal
  7. Jean-Paul Poirier, Mystification à l'Académie des sciences, Le Pommier, 2001 (ISBN 978-2746500945) , Newton a-t-il plagié Pascal sur Canal Académie
  8. Le Roi chez l'Empereur par Didier Piganeau
  9. Adolf Galland, Les premiers et les derniers.
  10. The Times of London, 3 mai 1935.
  11. Source: témoignage d'un prisonnier sur France Culture.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes



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  • Canular — Canula Can u*la, n., Canular Can u*lar, a., Canulated Can u*la ted, a. See {Cannula}, {Cannular}, and {Cannulated}. [1913 Webster] …   The Collaborative International Dictionary of English

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