Catastrophe de l'Erika

Catastrophe de l'Erika

Erika (pétrolier)

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Erika
Type : pétrolier
Histoire
Quille posée : 1975
Statut : Naufrage en décembre 1999
Caractéristiques techniques
Longueur : 184 m (hors-tout)
Tirant d'eau : 10,9 m
Port en lourd : 37 283 tpl
Propulsion : Diesel Sulzer
Puissance : 13 200 CV
Autres caractéristiques
Chantier : Kasado Dock, Japon
Armateur : Tevere Shipping
Affréteur : Total-Fina-Elf
Pavillon : Malte
Port d'attache : La Valette

L’Erika, un pétrolier battant pavillon maltais (pavillon de complaisance) construit en 1975 et affrété par la société Total-Fina-Elf, a fait naufrage le 12 décembre 1999 au large de la Bretagne, lors d'un transport de 37 000 tonnes de fuel lourd en provenance de Dunkerque et à destination de Livourne (Italie).
L'armateur était l'italien Giuseppe Savarese. La gestion technique était assurée par la société Panship. La société de classification (chargée des contrôles) était la société RINA (Italie).

Sommaire

Chronologie

  • Le samedi 11 décembre 1999, à 14 heures, l'Erika signale une avarie (gîte anormale) au Cross Étel (Morbihan). Les conditions météorologiques sont très mauvaises : vent d'ouest, force 8 à 9 avec des creux de 6 mètres. À 15 heures, il annonce que l'avarie est réglée. Le navire est au nord du Golfe de Gascogne, hors de portée des radars. Dans la soirée, il fait route vers Donges (port pétrolier, à 15 km de Saint-Nazaire). Le capitaine parle de fissures sur le pont.
  • Le lundi 13 décembre, la moitié avant qui flottait à la dérive, coule par 120 mètres de fond à 55 km au sud de Penmarc'h et à 90 km à l'ouest de Belle-Île-en-Mer, avant que le remorqueur Tenace ne puisse intervenir. À 16 heures, la partie arrière toujours en remorque, coule à 70 km de Penmarc'h. Les 2 parties du navire fuient légèrement.
  • Le 15 décembre, 3 nappes sont identifiées en surface. Le pompage est rendu difficile par les conditions météorologiques et de la température (obstruction fréquente des pompes).
  • Le 22 décembre, 900 tonnes ont été récupérées. Les nappes se morcellent.
  • Janvier 2000 : Le premier rapport sur le naufrage du pétrolier est remis au gouvernement. Rédigé sous l'autorité de Georges Touret, administrateur général des Affaires maritimes et Jean-Louis Guibert, secrétaire général de l'Institut français de navigation, ce document de soixante pages met en lumière certaines aberrations du transport maritime et les pratiques douteuses des pavillons de complaisance.
  • Le 1er avril 2000, les représentants de la région organisent une marche dans Paris afin de manifester leur volonté de préserver la mer[2]. Ils demandent que l'État prenne des mesures drastiques : nettoyage des côtes avant l'été et une indemnisation des professionnels dont l'activité est liée à la mer (pêcheurs, ostréiculteurs, hôteliers). Ils demandent aussi la mise en place d'une véritable cellule de crise, le début des opérations de pompage ainsi que des mesures contre les rejets illicites d'hydrocarbures en mer — passant par la création d'un organisme de contrôle indépendant, l'exigence de certificats de dégazage et la multiplication du nombre d'experts européens[3].
  • Durant l'été 2000, le pompage du pétrole restant dans les parties immergées du navire est entrepris. Il sera récupéré 11 245 tonnes de fioul lourd. L'opération a été prise en charge et payée par la société Total-Fina-Elf, affréteur du navire et qui s'était déclarée non responsable. Après un appel d'offres international, c'est la société Coflexip-Stena-Offshore qui a réalisé ce pompage.

Dégâts

Les côtes françaises, du Finistère à la Charente-Maritime, sont souillés sur 400 km. Le nombre d'oiseaux morts est estimé entre 150 000[4] et 300 000[réf. nécessaire] -- dix fois plus que pour le naufrage de l'Amoco Cadiz --, dont 80 % des guillemots de Troïl[réf. nécessaire].

Le poids des déchets est estimé à 250 000 tonnes[réf. nécessaire].

La cargaison officielle est du 2 dans lequel on retrouve des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), réputés cancérigènes. En estimant une teneur en HAP de 0,05 %[réf. nécessaire], sur 18 000 tonnes de fioul à la mer, ce sont 10 tonnes de produits cancérigènes qui se seraient retrouvés dans l'océan.

Suspicions sur la cargaison

Une analyse demandée par l'Association des Bénévoles d'Erika, au laboratoire Analytika d'un échantillon de rejets côtiers et de cuve résultant du pompage de l'Erika, révèle la présence de chlorure d'ammonium quaternaire. La cargaison ne serait pas, selon cette analyse, du fioul lourd mais soit des boues de forage, soit des déchets de raffinerie où l'on trouve normalement la molécule chlorée. La cargaison serait alors des déchets industriels spéciaux (DIS) dont l'exportation est interdite[réf. nécessaire].

Des journalistes d’investigation de la chaîne de télévision France 3[5], Willy Colin et Antoine Placier sont arrivés à la conclusion que Total a mis en fabrication et chargé sur le tanker maltais un second produit - une quantité de 4 000 tonnes -. L’ordre est venu d’un trader travaillant pour Total à Londres. Celui-ci aurait contourné les procédures habituelles. D’origine anglaise, il a refusé de répondre aux convocations des enquêteurs français.

Par ailleurs, toujours selon les journalistes, un des experts ayant participé à l’enquête judiciaire, affirme que l’analyse certifiant le produit de l’Erika se trouve être beaucoup trop sommaire. Elle ne permet pas d’affirmer à 100 % qu’il s’agissait bien d’un fioul lourd no 2. Une ou plusieurs substances (additifs), n’entrant pas dans la composition d’un fioul lourd classique, peuvent être présentes dans la cargaison. Elles suffiraient à faire de ce fioul lourd no 2, un déchet. Or, ces substances - hormis une seule, le chlorure - n’ont jamais été recherchées.

Coût

Le coût estimé du naufrage, par les parties civiles, avoisine le milliard d'euros, mais les demandes de nombreuses organisations et associations ont été déclarées irrecevables[6]. Cela comprend :

  • 230 millions d'euros réclamés par les victimes (montant revu à la hausse[réf. nécessaire] au début du procès le 12 février 2007). Auxquels s'ajoutent 400 millions[réf. nécessaire] concernant le dommage écologique[7].
  • 154 millions dépensés par l'État français[8] (qu'il réclamera quand les victimes auront été indemnisées[réf. nécessaire]).
  • 200 millions (pour le pompage des épaves de l'Erika, certains chantiers de dépollution et le traitement des déchets générés par la marée noire)[réf. nécessaire]. Le tout étant pris en charge par Total, qui a promis, s'il en demande le remboursement, de se placer en dernier de la liste[réf. nécessaire].

Le FIPOL, Fonds d'indemnisation des pollutions, et l'assureur du navire (Streamship Mutual) ont versé en décembre 2002, 53 millions d'euros. Le plafond des versements du FIPOL est de 182 millions. Ce dernier a engagé des poursuites contre tous les acteurs de l'accident : propriétaire, armateur, assureur, affréteur et société de classification.

Rapports

Rapport Touret et Guibert

Ce premier rapport[9] sur le naufrage du pétrolier a été rédigé sous l'autorité de Georges Touret, administrateur général des Affaires maritimes et Jean-Louis Guibert, secrétaire général de l'Institut français de navigation et remis au gouvernement de Lionel Jospin en janvier 2000. Ce document de soixante pages met en lumière certaines aberrations du transport maritime et sur les pratiques douteuses des pavillons de complaisance.

Selon ce rapport :

  • Il n'y a pas de faute de l'équipage. Les experts estiment que le « commandant disposant d'une solide formation maritime et d'une expérience de plus de quinze ans a rempli correctement ses fonctions »[réf. nécessaire].
  • L'état de la mer ne présentait pas de réel danger pour un navire de cette importance. La tempête a été un « facteur aggravant »[réf. nécessaire] mais seulement « conjoncturel »[réf. nécessaire] auquel le bateau « aurait dû pouvoir résister »[réf. nécessaire].
  • Le navire a coulé en raison d'une rupture d'une cloison interne entre deux citernes à cause de la « corrosion d'oxydation foisonnante et de plaques de rouille en cours de détachement »[réf. nécessaire]. Les fissures se sont alors propagées sur toute la coque entraînant la cassure du navire.
  • Le bateau a changé huit fois de nom depuis sa mise à l'eau en 1975.
  • Les rapporteurs ne sont pas parvenus à savoir qui était le véritable propriétaire de l'Erika. Il leur fut difficile de s'y retrouver entre le propriétaire apparent — Tevere Shipping, une simple coquille vide enregistrée à Malte — la société de gestion nautique basée à Ravenne en Italie, et l'affréteur — une société helvético-bahamienne — et le sous-affréteur, le groupe Total SA. Les rapporteurs soupçonnent que les véritables propriétaires pourraient être des armateurs grecs ou napolitains[10].
  • Malte, faute d'avoir un corps d'inspecteurs suffisant (douze inspecteurs pour mille trois cents navires) « s'en est remis à la société de classification »[11]
  • En novembre 1999, la société de classification italienne RINA avait ordonné différents travaux qui n'ont jamais été effectués[réf. nécessaire].
  • Depuis 1996, l'Erika a été contrôlé sept fois dans les ports d'escale, mais sans aucun contrôle des structures ; cependant lors de l'année 1999, la firme américaine Mac Kenzie, lui avait donné la note de un sur cinq, le considérant donc en piteux état[réf. nécessaire].

Mesures prises

Trois ensembles de mesures appelés Erika 1, 2 et 3 ont été mis en place[12]. À partir du mois de juillet 2003, les contrôles sont renforcés. Les navires vétustes doivent être contrôlés en profondeur au moins une fois par an.

Il doit être mis en place un seuil d'inspection de 25 % des navires accostant dans un port. La France réalise un taux de 9,6 % (fin 2002)[13], un des plus faibles de la Communauté européenne avec l'Irlande. Cela est principalement dû à un manque d'inspecteurs[14].

Les navires pétroliers à simple coque seront interdits en 2015 (cette dernière mesure est sujette à controverse[15]).

Un contrôle plus strict des sociétés de classification devrait être mis en place[16].

Suite à cette marée noire, un patron de pêche vendéen , M. Thomazeau, invente un chalut anti-pollution qui sera adopté par la Marine nationale, et qui sera utilisé lors de la marée noire du Prestige[17].

Procès

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Wikinews propose des actualités concernant « Erika  ».

Le début du procès a lieu le 12 février 2007 afin de tenter d'identifier les responsabilités. Parmi des accusés figurent notamment le propriétaire italien de l'Erika, Giuseppe Savarese, et son gestionnaire, Antonio Pollara, le commandant indien du navire Karun Mathur, la société de classification italienne Rina, quatre responsables des secours à terre accusés d'avoir multiplié les dysfonctionnements, la société Total, un de ses directeurs juridiques et deux de ses filiales.

Le procès est marqué par la présence de candidats à la présidentielle et de personnalités politiques, notamment de communes touchées par la catastrophe. Parmi ces personnalités, outre Dominique Voynet, Philippe De Villiers, président du Mouvement Pour la France et surtout ici président du Conseil général de Vendée et Corinne Lepage, avocate et présidente du mouvement Cap 21.

La Coordination marée noire[18] est également partie civile.

Le procès a duré quatre mois d’audience (pour sept ans d’enquête et quinze personnes poursuivies) ; il réunissait quarante-neuf témoins et experts et une cinquantaine d’avocats. C'est le premier procès de la sorte en France[19] ; il s'est terminé le 13 juin 2007.

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement le 16 janvier 2008. Le Groupe Total a été reconnu coupable de pollution maritime par les magistrats et condamné à verser 192 millions d'euros[20]. L'armateur, le gestionnaire ainsi que l'organisme de certification du navire ont été déclarés, quant à eux, coupables de faute caractérisée. Le jugement, long de près de 300 pages, détaille l'historique du navire, sa gestion, les circonstances ayant entraîné son naufrage, et les fautes que le tribunal considère comme ayant été commises par les différents intervenants [21]. Le 25 janvier 2008, Total a fait appel de cette condamnation, tout en versant les dommages-intérêts [réf. nécessaire].

Concernant l'affaire opposant la commune de Mesquer à Total, la Cour de cassation a cassé l'appel de Total en décembre 2008. Suite à une saisie de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) afin d'éclairer la notion de « déchet » dans les termes de l'article L. 541-2 du Code de l'environnement (qui transpose en droit français la directive européenne du 15 juillet 1975 relative aux déchets), la Cour a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 13 février 2002, qui déboutait Mesquer de sa requête à Total visant à faire rembourser les opérations de dépollution engagées par la commune [22]. L'affaire est donc renvoyée, sur le fond, devant la cour d'appel de Rennes.

Voir aussi

  • Maurice Rabache responsable de la sous-commission sur l'évaluation de la contamination de la chaîne alimentaire et risques pour la santé

Articles connexes

Documentation externe

Notes et références

  1. France : Marée noire, gestion de la crise Émission du 9 janvier 2000 de « France Europe Express » sur France 3 (Archives INA)
  2. Évocation de la manifestation sur le site d'une association de bénévoles
  3. Valeurs actuelles, 31 mars 2000
  4. Greenpeace
  5. présentation de cette enquête sur le site de France 3
  6. Maire info 17 janvier 2008
  7. Cette somme est demandée par les régions côtières (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-charente)
  8. Les Echos, 17 Janvier 2008
  9. Valeurs actuelles n° 3295 de janvier 2000
  10. Journal Chrétien, 16 janvier 2008
  11. Les États des pavillons de complaisance utilisent les services de société de classification pour effectuer les contrôles puis délivrer les certificats et titres nationaux et internationaux de sécurité.
  12. [pdf]Erika 3
  13. Dossier Ouest France
  14. Sénat
  15. Controverse sur la double coque
  16. [pdf]Paquet Erika 3
  17. Thomsea
  18. [1], le procès de l'Erika TGI Paris
  19. Dépêche AFP du 16 janvier 2008
  20. Marianne du 6 au 12 septembre 2008
  21. Arrêt du tribunal correctionnel de Paris, 16 janvier 2008[pdf]
  22. Arrêt n° 1317 du 17 décembre 2008, Cour de cassation - Troisième chambre civile
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