Centrale nucléaire de Fessenheim

Centrale nucléaire de Fessenheim
Centrale nucléaire de Fessenheim
Image illustrative de l'article Centrale nucléaire de Fessenheim
Centrale nucléaire de Fessenheim
Administration
Pays Drapeau de France France
Région Alsace
Département Haut-Rhin
Commune Fessenheim
Coordonnées 47° 54′ 11″ N 7° 33′ 47″ E / 47.9031083, 7.563036147° 54′ 11″ Nord
       7° 33′ 47″ Est
/ 47.9031083, 7.5630361
  
Opérateur Électricité de France
Année de construction 1970
Date de mise en service 1er janvier 1978
Statut En fonction
Réacteurs
Fournisseurs Areva NP, Alstom
Type REP
Réacteurs actifs 2 x 900 MW
Puissance nominale 1 800 MW
Production d’électricité
Production totale 320 TWh (à début 2007)
Divers
Source froide Grand canal d'Alsace
Site web EDF : Fessenheim

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Centrale nucléaire de Fessenheim

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Centrale nucléaire de Fessenheim

La centrale nucléaire de Fessenheim est située sur le territoire de la commune de Fessenheim (Haut-Rhin) à 15 kilomètres au Nord-Est de l'unité urbaine de Mulhouse[1], en bordure du grand canal d'Alsace, entre Bâle (40 km en amont) et Strasbourg (100 km en aval)[2].

La centrale est située en Alsace, la 3e région la plus densément peuplée de France métropolitaine après l'Île-de-France et le Nord-Pas-de-Calais. L'Alsace est une région frontalière située en plein cœur de la mégalopole européenne (banane bleue), le cœur démographique de l'Europe.

Sommaire

Présentation

Fessenheim est la plus ancienne centrale française en exploitation. Après 30 ans d'exploitation, elle a produit plus de 320 milliards de kilowatt-heures d'électricité de 1977 à début 2007[2]. En 2010, la production électrique s'est établie à 11 754  GW(e).h[3],[4], soit 2,88 % de la production électrique d'origine nucléaire française cette année (407 900 GW(e).h[5]), et à 2,1 % de la production électrique toutes sources confondues (550 300 GW(e).h[5]).

Environ 700 agents travaillent sur le site de la centrale. À cela s'ajoutent de 600 à 2 000 (durant les arrêts de tranche) postes de travail indirects (intérim, sous-traitants…). L'importance de ce recours à la main d'œuvre indirecte, parfois sur 4 ou 5 niveaux de sous-traitants, conduit de nombreux experts à s'interroger sur la qualité et l'efficacité de la communication et du respect des procédures en interne, notamment pour ce qui est de la sécurité[6].

La centrale nucléaire verse chaque année quelque 16 millions d’euros de taxes aux collectivités locales. En 2006, la taxe professionnelle de la commune de Fessenheim (suréquipée en installations collectives pour une commune alsacienne de quelque 2 000 habitants (piscine, médiathèque, grande salle de spectacles, etc) et au budget très largement excédentaire) provenait à 70 % de la centrale nucléaire[7].

Description technique

Architecture de la centrale nucléaire de Fessenheim

La centrale possède deux réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP) d'une puissance nette de 890 mégawatts électriques chacun. Chaque « tranche nucléaire » de Fessenheim comporte un réacteur à eau pressurisée, trois générateurs de vapeur et trois pompes primaires.

L'architecture de cette centrale est du type "CP0 (contrat palier 0)", comme la centrale nucléaire du Bugey. Elle a une salle des machines commune alimentée par les deux bâtiments réacteur.

Les deux réacteurs de la centrale sont refroidis par le Grand Canal d'Alsace, dont le débit est suffisamment élevé pour éviter d'utiliser des tours de refroidissement. La chaleur est transmise du cœur du réacteur à deux circuits fermés, dont le circuit primaire à une température d'environ 300 °C pour une pression de 155 bars.

La cuve de chaque réacteur est en acier, elle pèse environ 260 tonnes. Dans chaque cuve se trouvent environ 60 tonnes de combustible nucléaire : de l'uranium enrichi à 3 %. Sous le cœur de chacun des deux réacteurs se trouve une dalle en béton d'une épaisseur d'un mètre - le radier - ce qui est particulièrement mince comparé aux autres réacteurs français[8].

Deux piscines de désactivation refroidissent le combustible nucléaire usé provenant des deux réacteurs. Chacune d'entre elles se trouve dans un bâtiment à combustible séparé des bâtiments réacteurs[9].

Caractéristiques des réacteurs

Les caractéristiques détaillées des deux réacteurs de Fessenheim sont regroupées dans le tableau suivant[10].

Nom du réacteur Modèle Capacité [MW] Exploitant Constructeur Début constr. Raccordement
au réseau
Mise en service
commerciale
Production 2010
en GWh(e)
Thermique Brute Nette
Fessenheim-1[11] CP0 2660 MWth[12] 920 MWe[13] 880 MWe[13] EDF Framatome 1e septembre 1971 6 avril 1977 1e janvier 1978 5 181[3]
Fessenheim-2[14] CP0 2660 MWth[12] 920 MWe[13] 880 MWe[13] EDF Framatome 1e février 1972 7 octobre 1977 1e avril 1978 6 573[4]

En 2002, l'exploitant a remplacé les trois générateurs de vapeur du réacteur no 1. Les travaux ont duré 210 jours et coûté environ 100 millions d'euros[15]. En 2011, l'exploitant a renouvelé les trois générateurs de vapeur de l’unité de production no 2[16].

Historique

Origines du projet

Le 7 novembre 1967, le conseil interministériel sous la présidence du Général De Gaulle a pris la décision de la mise en chantier de deux réacteurs UNGG à Fessenheim, malgré les conclusions du rapport de Pierre Cabanius et Jules Horowitz qui concluait à la supériorité économique des réacteurs à eau pressurisée (REP)[17].

Retournement de situation le 13 novembre 1969 : sous la présidence de Georges Pompidou, le Comité Interministeriel Restreint arbitre définitivement en faveur de la filière REP, et en 1970 EDF est autorisé à lancer la construction de deux réacteurs REP sous licence Westinghouse à Fessenheim, à la place des deux centrales UNGG initialement prévues.

Construction

Sociétés propriétaires de la centrale de Fessenheim

La construction de la centrale, autorisée en 1970, a coûté un peu plus d'un milliard d'euros[15].

La centrale a été construite avec la participation financière de trois sociétés : Électricité de France (67,5 %), la société allemande EnBW (17,5 %) et le consortium (CNP) de trois sociétés suisses (NOK, EOS et BKW) (15 %). Ces sociétés disposent d’un droit de prélèvement d'éléctricité proportionnel à leur participation financière[18].

La centrale a été mise en service en 1977[19]. Le calcul de l'amortissement prennait alors en compte une durée de vie de vingt ans[20].

Sûreté

Les réexamens de sûreté

Tous les dix ans, chaque centrale nucléaire fait l’objet d’un réexamen de sûreté. Si des améliorations potentielles ou des risques sont détectées, elles peuvent donner lieu à des interventions à l’occasion des arrêts des réacteurs pour visite décennale[21].

Concernant le vieillissement de la centrale, l'ASN a d'abord émis un avis générique en 1er juillet 2009 favorable à la poursuite de l’exploitation de l'ensemble des réacteurs de 900 MWe jusqu’à 40 ans après leur première divergence, sous réserve d’une conformité au nouveau référentiel de sûreté. Le bilan des actions de maintenance réalisées pendant la troisième visite décennale de Fessenheim estime que « l'usure et le vieillissement des composants du réacteur sont conformes aux prévisions et ne présentent pas de singularité particulière » ; de ce fait aucune réserve sur cet aspect n'a été émise[22].

Réacteur no 1

La troisième visite décennale du réacteur numéro 1 de la centrale de Fessenheim a duré cinq mois. Commencée le 17 octobre 2009, elle s'est achevée le 24 mars 2010[23]. La commission locale d'information et de surveillance (CLIS) de Fessenheim, une instance pilotée par le conseil général du Haut-Rhin pour informer les citoyens et permettre la concertation avec les dirigeants de la centrale et les autorités de contrôle, a par ailleurs confié à un groupe d'experts indépendants une évaluation de cette visite décennale[23]. Celui-ci a rendu son rapport (un document de 117 pages) en juin 2010. Celui-ci ne « met pas en évidence de facteurs alarmants même si des points concernant la maintenance, la réalisation de chantiers, la formation doivent être mieux pris en compte et fortement améliorés. Toutefois certaines questions restent en suspens :

  • Par exemple, la tenue du radier en séquence d'accident grave reste une question importante, et ce dans la mesure où la probabilité de ce type d'accident augmenterait en raison du vieillissement général de l'installation et de l'augmentation du taux de combustion des combustibles.
  • La problématique déchets, pour ceux sans filière d'élimination et dont l'entreposage sur site n'est pas forcément compatible avec la géographie de ce site (risques d'inondation, par exemple).
  • L'augmentation des rejets de tritium corrélés au passage au combustible Cyclade qui entraîne l'augmentation de l'utilisation du bore.
  • Les problèmes inhérents à une installation construite avec des équipements conçus il y a plus de 40 ans. Le rajeunissement de certains équipements risque de créer des conflits entre les technologies actuelles et celles des années 60-70 »[24].

L'ASN a rendu public son avis consécutif à la troisième visite du réacteur no 1 de la centrale de Fessenheim le 4 juillet 2011[22]. L'avis exprimé par l'ASN est favorable sous réserve des conclusions à venir des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) engagées à la suite de l'accident de Fukushima, mais surtout avec l'exigence absolue de respecter les « deux prescriptions majeures suivantes :

  • Renforcer le radier du réacteur avant le 30 juin 2013, afin d’augmenter sa résistance au corium en cas d’accident grave avec percement de la cuve ;
  • Installer avant le 31 décembre 2012 des dispositions techniques de secours permettant d’évacuer durablement la puissance résiduelle en cas de perte de la source froide. »

Parallèlement à cet avis, l'ASN émet le même jour une décision qui comprend 40 prescriptions spécifiques prenant effet immédiat à compter de la notification de la décision. 29 concernent directement le réacteur no 1, dans les domaines du management de la sûreté, de la maîtrise des risques d'accidents et de la gestion et de l'élimination des déchets et des combustibles usés. 11 autres concernent les deux réacteurs[25].

Suite à cet avis positif de l'ASN, le gouvernement est resté prudent, la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, soulignant que cet avis « ne valait pas prolongation ». Outre le fait que la visite décennale du réacteur no 2 doit encore être faite, le gouvernement avait indiqué fin-juin qu'il attendrait aussi les résultats mi-novembre 2011 des tests de sécurité décidés après l'accident de Fukushima (réserve qui figure également dans l'avis de l'ASN), pour se prononcer sur la prolongation de la durée de vie de la centrale[26].

Réacteur no 2

La troisième visite décennale du réacteur numéro 2 de la centrale de Fessenheim devrait durer près de sept mois. Commencée en avril 2011, elle devrait se terminer en novembre 2011[27]. L'avis de l'ASN sur la poursuite d'exploitation de ce réacteur sera émis en 2012.

Anomalies, incidents et accidents

Nombre d'incidents de 1990 à 2008

La liste des incidents nucléaires qu'a connu la centrale de Fessenheim avant l'an 2000, avec leur niveau de gravité, leur origine et les mesures prises pour éviter leur reproduction n'a à ce jour jamais été rendue publique[28].

2000

Une anomalie de conception affectant la tenue à un séisme de forte intensité des réservoirs d'eau des centrales de Fessenheim et de Bugey a été détectée en 2000. Après une étude plus générale, EDF a informé l'ASN le 14 octobre 2002 que ce défaut affectait également les centrales du Blayais, de Chinon, de Dampierre, de Saint-Laurent et du Tricastin[29].

Le réservoir PTR contient de l'eau fortement borée destinée à alimenter la piscine de désactivation. Il sert aussi au refroidissement du cœur du réacteur dans certaines situations accidentelles en alimentant le système d'injection de sécurité ou le système d'aspersion de l'enceinte. Le réservoir ASG alimente en eau les générateurs de vapeur[29]. Ainsi l'indisponibilité de ces réservoirs pourrait affecter sévèrement le système de refroidissement de la centrale en cas d'accident.

Les réservoirs ASG et PTR des réacteurs de Fessenheim ont été réparés en 2002. Ceux des autres centrales ont été terminés en 2005[30].

2004

Le samedi 24 janvier 2004, une vanne a été fermée par erreur, ce qui a entrainé l'intervention de sept agents ­qui ont accidentellement inhalé des particules radioactives. L'anomalie a été classée au niveau 1 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INES) qui compte huit niveaux de gravité, classés de 0 à 7[31],[32].

2005

Le 29 septembre 2005, lors du déchargement du réacteur no 1, un essai mal conçu de décharge de batterie électrique a induit une coupure de courant sur un tableau électrique, causant conjointement un arrêt des pompes du système de refroidissement de la piscine de stockage du combustible, la perte du moyen de mesure de la réactivité, et la perte du moyen de mesurer le taux de bore dans le réacteur. Cette anomalie a été classée au niveau 1 de l'échelle INES[33].

2009

Le 27 décembre 2009, des débris végétaux ont bloqué le système d’alimentation en eau de la centrale, ce qui a entraîné une réduction des débits dans les circuits de refroidissement. C'est pourquoi l'arrêt pour travaux de maintenance du réacteur no 2 a dû être prolongé d'urgence. Cette anomalie est classée au niveau 1 de l'échelle INES[34].

2010

En 2010, Fessenheim a enregistré trois anomalies de niveau 1 sur l'échelle INES[35].

Débat sur la fermeture de la centrale

centrale de Fessenheim

La centrale de Fessenheim est la plus ancienne centrale en activité sur le territoire français. L'étude initiale a permis de déterminer une durée d'exploitation en sûreté de 40 ans[36] (rapport initial de sûreté de 1971, confirmé par le rapport définitif de sureté de 1979).

Position des autorités de sûreté du nucléaire

L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) donne son accord tous les dix ans à la poursuite de l'exploitation à la suite d'inspection approfondies réalisées durant les visites décennales.

À l’occasion des trente ans de la centrale nucléaire de Fessenheim, le Réseau Sortir du nucléaire a demandé sa fermeture immédiate. Mais l'exploitant EDF et ses tutelles, l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la DRIRE, représentant régional du ministère de l'Industrie ont répondu que « la centrale fonctionne en toute sécurité et son état est actuellement globalement satisfaisant »

EDF va devoir renforcer le radier, la dalle de béton sur laquelle est construit le réacteur numéro 1, d'autres travaux sont exigés par l'ASN[37].

Votes des collectivités

  • Le 29 mars 2011, le conseil régional de Franche-Comté a adopté par neuf voix contre quatre une motion demandant la fermeture de la centrale de Fessenheim[38].
  • Le 11 avril 2011, le conseil municipal de Strasbourg s'est prononcé à l'unanimité moins une voix en faveur de la fermeture de la centrale[39].
  • Le 15 avril 2011, le conseil de la Communauté urbaine de Strasbourg a demandé l'arrêt de la doyenne des centrales françaises et sa reconversion en site pilote de recherche-développement, suite à une motion adoptée par 56 voix pour et 6 contre (12 absentions)[40].

Actions juridiques

L'Association trinationale de protection de la population des alentours de Fessenheim (ATPN), qui regroupe des villes comme Fribourg (Allemagne), Bâle (Suisse), des communes allemandes, suisses et françaises, des associations et des particuliers, a déposé un recours devant le tribunal administratif de Strasbourg en juillet 2008. Le 17 octobre 2008, le Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire a rejeté — sans explication ni proposition de concertation — le recours déposé par l'ATPN[41].

Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le 9 mars 2011[42] la demande de fermeture immédiate de l’association transfrontalière antinucléaire ATPN[43]. Suite à cette décision de justice, l'ATPN a décidé à l'unanimité de saisir le Conseil d'État et « s'apprête en outre à saisir la Commission européenne d'une plainte contre la France[44]. »

Manifestations

Le 12 avril 1971 se déroule la première manifestation du mouvement contre le nucléaire civil français. 1 500 personnes participent à la première marche sur Fessenheim organisée par le Comité pour la Sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin.

Une manifestation a eu lieu le 3 octobre 2009 à Colmar en faveur de la sortie du nucléaire et pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. 3 500 (selon la préfecture) à 10 000 personnes (selon les organisateurs) ont participé à ce rassemblement qui s'est déroulé sans incident.

Le 20 mars 2011, 10 000 personnes dont une majorité d'Allemands ont manifesté à Chalampé pour demander la fermeture de la centrale (située à 1,5 km de la frontière allemande). Le 10 avril 2011, environ 3 800 personnes, selon les gendarmes, se sont réunies l'après-midi sur l'île au milieu du Rhin, en face de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Le 25 avril 2011, entre 6 000 et 9 000 personnes, venus de France, d’Allemagne et de Suisse, ont manifesté sur six ponts entre la France et l'Allemagne. Le but affiché de ces manifestations était de commémorer la catastrophe de Tchernobyl, survenue 25 ans auparavant, dénoncer la catastrophe de Fukushima et réclamer la sortie du nucléaire[45].

Partie de la chaîne humaine de juin 2011

Le 26 juin 2011, 5 000 à 10 000 manifestants ont formé une chaîne humaine autour de la centrale pour réclamer sa fermeture immédiate[46].

Pétition

Une pétition réclamant l'arrêt de Fessenheim, lancée à l'instigation de Pierre Larrouturou et de Michèle Rivasi, a été signée par plus de 85 000 personnes, dont environ 400 élus[47]

Risques

Risque sismique

Emplacement de la centrale dans le fossé rhénan

Prise en compte du risque à la conception

La centrale a été conçue pour résister à un tremblement de terre de magnitude de 6,7[48]. Mais les études d'EDF n'ont pas inclus les conséquences d'une éventuelle rupture des digues du grand canal d'Alsace (débit de 1 000 à 4 000 m3/s) avec inondation de la centrale, située à huit mètres en contrebas du niveau du canal, et des systèmes de refroidissement d'urgence. Le vieillissement naturel et par irradiation des matériaux a pu entrainer un abaissement du niveau de résistance.

Le dernier gros séisme de référence dans la région est le Tremblement de terre de Bâle de 1356 dont la magnitude estimée, sur la base de l'étude de chroniques religieuses de l'époque, est de 6,2 (estimation française) ou de 6,9 (estimations suisses et allemandes) sur l'échelle de Richter. La différence entre les deux valeur correspond à un tremblement de terre libérant 15 fois plus d'énergie. Cette différence peut s'expliquer par l'imprécision de l'estimation des dommages, et aussi par l'inconnue sur la profondeur du foyer.

Sous-estimation du risque

En 2007, les cantons suisses de Bâle et du Jura ont mandaté le bureau d’études suisse « Résonance » pour évaluer la pertinence de la prise en compte du risque sismique de la centrale nucléaire de Fessenheim par l’opérateur et les autorités de contrôle françaises[49]. Celui-ci aboutit à la conclusion d’une forte sous-estimation du niveau d’évaluation de la magnitude du séisme de référence tant par EDF que, dans une moindre mesure, par l’IRSN. Il critique par ailleurs l’utilisation d’une méthode déterministe préconisée par la méthodologie française alors qu’au niveau international ce sont souvent des méthodes probabilistes qui sont employées.

La magnitude évaluée par l'IRSN en 2002 est de 6,0. Le bureau d’études suisse fait valoir que le catalogue allemand en vigueur en 2007 attribue à ce séisme une magnitude de 6,6 et le catalogue suisse une magnitude de 6,9. Il fait en particulier référence à l’étude Pegasos, menée en Suisse de 2002 à 2004 et ayant pour objectif la détermination probabiliste de l'aléa sismique des quatre sites nucléaires en Suisse, qui aboutit à cette évaluation de 6,9[50].

En réponse l’IRSN affirme que l’estimation d’une magnitude de 6,0 est conforme aux connaissances de l’époque (2001)[49]. Dans son « avis sur le rapport Résonance » publié en 2008, l’IRSN mentionne différentes études et colloques qui ont été faits depuis, en particulier l’évaluation publiée par Bakun & Scotti en 2006. Sur ces nouvelles bases, l’IRSN a été conduit à revoir l’évaluation de cette magnitude à la hausse en mars 2008, désormais fixée à 6,8. EDF reste toujours fixé sur une évaluation à 6,1[51].

Concernant la critique de la méthode française d’évaluation de l’aléa sismique, l’IRSN répond que les deux approches sont complémentaires et pas contradictoires. Dans une approche déterministe, « on s’intéresse principalement aux séismes connus les plus importants et aux mouvements du sol qu’ils génèreraient sur le site étudié, si ces séismes se produisaient à proximité du site. Dans l’approche probabiliste, on tient compte de la fréquence des séismes en fonction de leur magnitude, ce qui permet de définir l’aléa sous la forme d’une probabilité de dépasser un niveau donné de mouvement du sol (par exemple l’accélération du sol). Les deux approches nécessitent les mêmes données de base, à savoir un catalogue de sismicité qui recense les séismes (magnitude et localisation) passés dans la région étudiée[49]. »

Dimensionnement des structures

Dans la conclusion de son étude, le bureau d’études suisse reconnaît toutefois qu’il est « impossible de conclure que la sous-évaluation de la magnitude représente un risque sismique inacceptable pour la centrale[52]. »

Concernant le dimensionnement des ouvrages, il existerait en effet une marge de sécurité importante, de l’ordre d’un facteur 2 voire plus, par rapport au séisme de dimensionnement, du fait de la méthode de dimensionnement « élastique » employée à l’époque. Il fait, sur cet aspect, en particulier référence au séisme Chuetsu-oki du 16 juillet 2007 qui a affecté la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, dimensionnée selon la même méthode, et qui a subi sans dommages une sollicitation sismique environ deux fois plus forte que celle prise en compte lors de son dimensionnement[52].

À l’instar du bureau d’études, l’IRSN confirme dans son étude de 2008 qu’« une évaluation sérieuse de la capacité résistante des structures aux mouvements sismiques réévalués nécessiterait de comparer le ferraillage en place (résultant des calculs de dimensionnement) au ferraillage requis (résultant d’un calcul de vérification prenant en compte l’aléa sismique réévalué). Ce diagnostic, qui impliquerait de mobiliser des moyens d’études conséquents, ne peut être envisagé que dans le cadre d’un réexamen de sûreté.[53]. » Il n’existe a priori en 2011 pas de document public qui permette de savoir si l’évaluation du ferraillage en place a bien été faite.

Par ailleurs le groupe d'experts indépendants mandaté par la CLIS a rappelé que « la tenue au séisme des bâtiments annexes et des installations qualifiées de « mineures » est aussi importante que celle du bâtiment réacteur. C’est l’effet « domino », bien connu des sapeurs-pompiers. EDF a confirmé à la CLIS que ce type d’équipement est dimensionné pour résister au séisme. » Les auteurs mentionnent en particulier qu'il est nécessaire que les études en cours sur les effets « séisme » soient menées à bien[24].

Nouveau zonage sismique en France

Depuis l'entrée en vigueur le 1er mai 2011 de la nouvelle réglementation parasismique[54], la majorité du département (dont le site de Fessenheim) est passée d'une zone de sismicité faible à modérée mais le tiers méridional est resté en zone de sismicité moyenne. C'est dans cette zone du fossé rhénan qu'a été enregistré en juillet 1980 à Sierentz le séisme le plus récent du département, d'une magnitude de 4,7[55]. Ce changement ne concerne toutefois pas l'installation nucléaire qui est soumise à la réglementation RFS 2001-01 ("Règle Fondamentale de Sûreté"), plus contraignante.

Risque d'inondation

Suite à l'accident nucléaire de Fukushima au Japon, une étude du service Environnement du Haut-Rhin estime que la centrale pourrait être inondée en cas d'un séisme majeur provoquant la rupture de la digue du Grand Canal d'Alsace et que le niveau de l'eau pourrait atteindre un mètre à l'intérieur du site, ce qui conduirait à la mise hors service des systèmes de refroidissement de secours, comme à Fukushima. C'est pourquoi le Conseil général du Haut-Rhin a estimé le 29 juin 2011 que le risque d'une inondation devait être envisagé, mais EDF présente officiellement ce scenario comme improbable et refuse pour l'heure d'en tenir compte[56].

Risque de contamination de la nappe phréatique

La centrale de Fessenheim est construite directement sur la nappe rhénane, dont dépend de Bâle à Francfort l'alimentation en eau de quelque six millions de personnes (Rhin Supérieur). De ce fait, si un accident nucléaire conduit à une contamination de cette nappe phréatique, cela conduirait à une interdiction de tous prélèvements dans cette nappe.

Selon Eva Joly, la centrale est située « sur la plus grande nappe phréatique du monde occidental, entre 4 et 8 mètres de profondeur. S’il y a un accident à Fessenheim, la nappe phréatique est touchée »[57].

En cas de fusion du cœur d'un réacteur nucléaire, le radier - la dalle en béton située sous le réacteur, d'une épaisseur d'un mètre seulement (pour comparaison, celle de Fukushima est épaisse de 3 mètres) - pourrait être percé et alors « le Rhin serait contaminé, jusqu'à Rotterdam » selon une source gouvernementale[58].

En effet, comme tous les réacteurs en exploitation en France, les réacteurs de Fessenheim ne disposent pas d'une cuve de récupération du corium, un dispositif pouvant limiter les conséquences ultimes d’un accident grave en cas de fusion de son cœur[59]. C'est pourquoi l'ASN a prescrit dans son avis du 4 juillet 2011 que le radier du réacteur soit renforcé avant le 30 juin 2013[25].

Risque terroriste

Selon un collectif d'associations écologistes, une attaque terroriste à l'aide d'armes perforant le béton du côté est de la centrale permettrait d'atteindre le cœur radioactif des réacteurs ainsi que de la piscine de désactivation[60]. D'autre part, selon la Société (allemande) pour la Sécurité des Installations et Réacteurs Nucléaires, des terroristes sont en mesure de déclencher un accident nucléaire majeur à Fessenheim avec n’importe quel type d’avion de ligne[61]. La largeur des murs de confinement est de 90 cm de béton[62] ce qui est suffisant pour résister à la chute accidentelle simple (sans explosion de munitions, ni accélération volontaire avant le crash) d'un avion de chasse, mais pas à celle d'un avion de ligne[6].

La centrale au cinéma

Dans L'inspecteur ne renonce jamais (The Enforcer), film américain de James Fargo sorti en 1976 avec Clint Eastwood, il est fait référence au Centre de Fessenheim. Un dialogue du film évoque un attentat à la bombe qui aurait visé le Centre[63].

Notes et références

  1. Vol d'oiseau, distance Ruelisheim-Fessenheim - Distance entre Fessenheim et Ruelisheim, plus proche commune de la banlieue de Mulhouse
  2. a et b EDF, « Fessenheim ». Consulté le 17 mai 2009.
  3. a et b Fessenheim-2 - Historique de la production 1977-2010. Consulté le 1er octobre 2011
  4. a et b Fessenheim-1 - Historique de la production 1977-2010. Consulté le 1er octobre 2011
  5. a et b France - Statut des réacteurs nucléaires au 1er janvier 2011. Consulté le 1er octobre 2011
  6. a et b Vers un Tchernobyl français par Eric Ouzounian, éditions Nouveau Monde, 2008
  7. Faut-il fermer Fessenheim - Blogs.Alsapresse.com, 31 mars 2006.
  8. Dix ans de plus pour la centrale de Fessenheim - Article du Figaro publié le 23 juin 2011
  9. Quel avenir pour la centrale nucléaire française de Fessenheim ? - Article de RFI publié le 18 avril 2011
  10. (en) Reactors in operations, 31 dec 2009 sur www-pub.iaea.org/. Consulté le 28 avril 2011
  11. (en)Nuclear Power Reactor Details - FESSENHEIM-1 sur www.iaea.org. Consulté le 28 avril 2011
  12. a et b MWth : Mégawatt thermique
  13. a, b, c et d MWe : Mégawatt électrique
  14. (en)Nuclear Power Reactor Details - FESSENHEIM-2 sur www.iaea.org. Consulté le 28 avril 2011
  15. a et b Journal "Dernières nouvelles de Fessenheim" publié par le réseau sortir du nucléaire
  16. Fessenheim-sur-Saône, là où naissent les générateurs de vapeur - article sur un blog
  17. Paul Reuss, « L'épopée de l'énergie nucléaire: une histoire scientifique et industrielle », EDP Sciences, 2007. Consulté le 15 avril 2011
  18. Ségolène Royal pour l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim - Article du blog finance publié le 26 avril 2007
  19. Autorité de sûreté nucléaire, « La centrale de Fessenheim ». Consulté le 17 mai 2009.
  20. Plaquette EDF de 1976
  21. ASN, « Rapport annuel 2005 – Chap 12 – Les centrales nucléaires d’EDF » sur www.asn.fr. Consulté le 4 juillet 2011 p.  7
  22. a et b [PDF] ASN, « Avis no 2011-AV-0120 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 4 juillet 2011 sur la poursuite d’exploitation du réacteur no 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim après 30 années de fonctionnement » sur www.asn.fr. Consulté le 4 juillet 2011
  23. a et b IRSN, « Les travaux à Fessenheim ont duré cinq mois » sur www.irsn.fr. Consulté le 5 juillet 2011
  24. a et b Jean-Marie BROM, Gérard GARY, Monique SENÉ, Raymond SENÉ, Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Énergie Nucléaire, « Rapport sur la visite décennale n°3 du réacteur 1 de CNPE de Fessenheim (expertise à la demande de la CLIS de Fessenheim) » sur www.anccli.fr. Consulté le 5 juillet 2011 p.  10-11
  25. a et b ASN, « Décision n° 2011-DC-0231 de l’ASN du 4 juillet 2011 » sur http://asn.fr/. Consulté le 5 juillet 2011
  26. Fessenheim : le gouvernement prudent après l'avis positif de l'ASN sur http://www.lemonde.fr/, 4 juillet 2011. Consulté le 5 juillet 2011
  27. Début lundi de la visite décennale du réacteur N°2 sur http://www.dna.fr/, 13 avril 2011. Consulté le 5 juillet 2011
  28. Une liste valable à partir de l'an 2000 se trouve sur le site de l'ASN
  29. a et b ASN, « Erreur de conception affectant la résistance au séisme de réservoirs d'eau de plusieurs réacteurs de 900 MWe » sur http://asn.fr/, 14 octobre 2002. Consulté le 9 juillet 2011
  30. ASN, « Suite de l'anomalie générique de conformité relative à la résistance au séisme de réservoirs d'eau de plusieurs réacteurs de 900 MWe d'EDF » sur http://asn.fr/, 22 décembre 2005. Consulté le 9 juillet 2011
  31. EDF embarrassé par l'incident à la centrale nucléaire de Fessenheim - Article de Libération du 7 février 2004
  32. Réacteur 1 - Contamination de 8 salariés d'EDF publié sur le site de l'ASN le 10 février 2004
  33. ASN, Réacteur n° 1 Perte de la mesure de la réactivité ; Avis d’incident, 2005-10-13
  34. http://www.asn.fr/index.php/content/view/full/113435
  35. Incident à la centrale nucléaire de Fessenheim - Article publié par Reuters le 8 avril 2011
  36. http://energie.edf.com/nucleaire/carte-des-centrales-nucleaires/centrale-nucleaire-de-fessenheim-80680.html
  37. « EDF prévoit une enveloppe de travaux de 100 millions d'euros », les Echos, le 5 juillet 2011.
  38. Une motion adoptée en Franche-Comté pour fermer Fessenheim sur La Tribune, 11 avril 2011
  39. Pour la fermeture de Fessenheim sur Dernières Nouvelles d'Alsace, 11 avril 2011
  40. Fessenheim : la CUS demande (aussi) l'arrêt de la centrale sur L'Alsace, 15 avril 2011
  41. Rejet du recours demandant la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim Actu-environnement, 29/10/2008.
  42. L’ATPN fait appel pour obtenir la fermeture de Fessenheim - Article de L'Alsace publié le 24 mars 2011
  43. Fessenheim sur une faille sismique.
  44. AFP, 30/10/2008.
  45. http://www.rfi.fr/europe/20110425-manifestation-antinucleaires-6-ponts-entre-france-allemagne
  46. Fessenheim : Une chaîne de milliers d'antinucléaires autour de la centrale - France Soir, publié le 27 juin 2011
  47. http://www.stopfessenheim.net
  48. Nathalie Kosciusko-Morizet au Journal télévisé de 20 h de France 2, le 13 mars 2011
  49. a, b et c IRSN, « Appréciation du risque sismique pour la centrale nucléaire de Fessenheim : l'IRSN rend publique son analyse du rapport du bureau d'études RESONANCE » sur http://www.irsn.fr/, 5 novembre 2008. Consulté le 6 juillet 2011 p. 11
  50. RÉSONANCE Ingénieurs-Conseils SA, « Centrale Nucléaire de Fessenheim : appréciation du risque sismique » sur http://www.kantonslabor-bs.ch/, 5 septembre 2007. Consulté le 6 juillet 2011 p.  13-14
  51. [PDF]IRSN, « Avis sur le rapport RESONANCE relatif au risque sismique sur le site de Fessenheim - ISRN/IRSN 2008-93 » sur http://www.irsn.fr/, 2008. Consulté le 6 juillet 2011 p.  5
  52. a et b RÉSONANCE Ingénieurs-Conseils SA, « Centrale Nucléaire de Fessenheim : appréciation du risque sismique » sur http://www.kantonslabor-bs.ch/, 5 septembre 2007. Consulté le 6 juillet 2011 p. 29-30
  53. [PDF] IRSN, « Avis sur le rapport RESONANCE relatif au risque sismique sur le site de Fessenheim - ISRN/IRSN 2008-93 » sur http://www.irsn.fr/, 2008. Consulté le 6 juillet 2011 p. 8
  54. http://www.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=article&id_article=22504
  55. www.haut-rhin.pref.gouv.fr [PDF]
  56. Désaccord sur le risque d'inondation à la centrale de Fessenheim - Article de 20 Minutes publié le 29 juin 2011
  57. Eva Joly va relayer au Parlement européen l'appel à la fermeture - Article du Parisien publié le 21 avril 2011
  58. Dix ans de plus pour la centrale de Fessenheim - Le Figaro, 23 juin 2011
  59. Expertise pour l'ATPN réalisée par Monique Sené
  60. http://vorort.bund.net/suedlicher-oberrhein/fessenheim-risques-terroristes.html
  61. Article du Comité pour la Sauvegarde de Fessenheim et de la Plaine du Rhin (CSFR) et du BUND Regionalverband Südlicher Oberrhein
  62. Das Kernkraftwerk Fessenheim spricht technisch an, brochure d'EDF en allemand
  63. Script de The Enforcer sur script-o-rama.com[lire en ligne]

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